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Godefroy Kouassi

"Totem des déracinés "
G. KOUASSI
© Maurice Metzs

L'Afrique usée, les yeux crevés, hagarde
percée de part en part, battue et disloquée, rebut universel qu'on s'acharne à oublier,
empires délabrés, figés, désespérés,
L'Afrique mendie, obscène,
de tous ses trous tendus à qui veut voir et prendre
sans une seule larme pour l'humanité.
Mais le Totem des Déracinés ouvre ses plaies aux chants des Ancêtres.
Il a rompu ses chaînes qui la liaient aux conquêtes inutiles.
Il n'attend que ton geste :
visiteur, redonne-lui la vie !
Et tu verras le vide de l'Afrique se peupler de masques d'archétypes.
Travailleur de la Terre, amant de la Terre,
d'une main ferme et caressante, bouscule sa vieille carcasse :
la voici métamorphosée...elle titube...
d'un petit balancement dont le métal sourd résonne,
elle esquisse des pas, ses pieds se font chair,
la feraille grisâtre se teinte de mille nuances,
l'Afrique retrouve son soleil, elle retrouve son regard,
la caisse lourde et veule ranime ses béances
et chaque ouverture se fait porte-voix,
elle te parle en secret le code de ta vie,
elle oriente chacun sur la voie de sa mère,
t'invite à remonter la route des origines
pour suivre ton chemin à avoir foi en Toi.

(Texte de Jacques POPIER)

 

"Variations sur "IFA", ou "Fa", art divinatoire majeur

Afa

G. Kouassi
© Maurice Metzs

Akla-Meji

G. Kouassi
© Maurice Metzs

Quand tout semble opposé, tout est complémentaire. Le carré dans le cercle, c'est le connu dans l'inconnu, c'est la découverte en moi-même que les réponses sont en moi, ni blanches, ni noires, ni stables, ni instables, mais que ma quête inassouvie d'Absolu me permet de construire.

Homme ou Femme
retrouve-toi en l'Autre.

Tu n'es pas créé seul,
tu es ta propre image
que l'autre te renvoie.

Après avoir taillé dans des lambeaux de jute l'histoire négrière du café, le sculpteur Godefroy Kouassi abandonne la blessure africaine de la "Misère entourée d'or", et nous propose cette année des figures de la géomancie dans ses formes traditionnelles "Ifa" ou "Fa" qu'il orne selon son imagination de variations géométriques, autant illustratives qu'énigmatiques.

Il retrouve ses toiles de sacs de café. Mails il intervient différemment : enduites d'argile et trempées dans le marc de café, les toiles expriment la terre nourricières, la matière primordiale dont l'artiste retrouve le sens et l'importance grâce à son triple travail de teinture, de pétrissage et de figuration. Le Français, Godefroy Kouassi, retourne à son Togo originel, bien sûr pour composer du neuf avec du treès ancien selon ses habitudes artistiques, mais surtout parce que tout remonte à la Terre-Mère et que les questions d'avenir, posées depuis toujours, ont leurs réponses inscrites dans notre Afrique mentale, réponses sibyllines, sans doute, pour le profane qui croit devoir interroger des fomes extérieures variables, mais réponses claires our tout initié qui sait recomposer les donnes de son problème en lisant des images mentales éternelles dans les figures d'un tarot africain.

Sa-Meji

G. Kouassi
© Maurice Metzs

Fuis les démons, le ventre du monde, la femme génitrice, la mère qui retient. Mais sache que les limbes que tu dois quitter, la femme génitrice, la mère que tu aimes, c'est la source inépuisable de tes aspirations d'où prendra son envol ta légitimité

Inspirée quelque peu par la géomancie arabe, la divination africaine dispose des points sur le sol à l'aide de cauris, et, à partir des figures ainsi tracées, interprète les formes géométriques comme symboles de la cosmogonie et représentations des comportements humains. Véritables cartes du monde, ces figures s'offrent à la méditation intérieure comme autant de mandalas où formes et couleurs prennent sens pour ouvrir le consultant à sa propre exploration.

Pas de hasard pour l'Africain, si le cauri, monnaie de pacottille de la traite des esclaves, est ce petit coquillable blanc, poli par le Temps, qui prit un jour la forme du grain de café ! Comme le dit Godefroy Kouassi, "L'or n'est-il pas derrière le misérable "? Pour qui sait lire l'oeuvre du Temps, les dualités tombent... Pour qui sait se questionner, les réponses importent peu... Mise en abyme de son oeuvre, ou simple mélange des genres ? Godefroy Kouassi nous laisse, non sans malice, devant l'inutilité des grandes questions difficiles sont l'unique réponse est déjà acquise, cachée au tréfonds de nous-mêmes, mais si claire, si limpide que quelques points suffisent à la décoder quand on a compris que l'on en était maître.

Installations

G. Kouassi
© Maurice Metzs

Auteur de sculptures monumentales, comme à Ville-La-Grand, ou réalisateur de totems particuliers, Godefroy Kouassi laisse aujourd'hui le travail des métaux pour réactualiser avec humour le ready made de Duchamp.
Il change le regard que nous pourtons sur de vulgaires objets; mais ne nous interroge-t-il pas aussi, une nouvelle fois, sur les rapports entre l'Afrique de la Tradition et l'Europe des techniques?
Ses "installations" nous amusent et nous questionnent ; ses "Toiles" nous divertissent et nous accusent...
Par définition fragmentaires et ephémères, les "Installations" sont drôles ! Le regard analytique porté sur un objet fabriqué et le désir ludique de transformer sa structure décomposent de simples produits industriels pour les reconstruire selon un autre ordre. S'agit-il de totems tournés en dérision par un surréaliste, ou d'un détournement spirituel d'objets usuels ? Le masque le plus grotesque revèlerait-il le souffle vital ?
La carcasse la plus triviale d'un appareil électroménager, abandonnée à une nouvelle apparence quand la technique ne le justifie plus en domestiquant une énergie, ne réveille-t-elle pas, ô surprise, l'âme de la Terre ?
C e que le sage sent et prolonge, n'est-il pas au delà de la frome ou s'arrête le technicien ?
(Texte de Jacques POPIER)

Emblème protecteur de toute la descendance,
immuable, hiératique,
Arbre de vie énigmatique,
le totem dresse la sagesse
face au monde alentour de ceux qui savent leur ignorance.
T out en rond rassemblés quand la tièdeur du soir repose les consciences,
dans nos difficultés,
de notre tabouret bas, de notre ingénuité,
retrouvons-nous au Centre
pour puiser à la Source et comprendre que nos richesses sont nos insuffisances.
Comme la connaissance du coeur essaime jusqu'aux confins du corps de l'homme
que Léonard inscrit
dans l'étoile à cinq branches,
la Vérité ne se révèle
qu'à celui qui descend en lui-même sa Terre ancestrale pour retrouver l'Homme.
On s'assied, on se lie, on écoute : les entraillses du monde résonnent en échos
de la transe des Ancêtres,
du tam-tam obsédant
du sacré du vivant.
On palabre, on construit : le Totem répond et relance d'un tabouret à l'autre la Parole et les Mots.
B ois, métaux et plexiglas, en quête de transparence l'homme questionne les objets :
L'oeil du Totem unit
la puissance du caïman
à la sagesse du serpent.
L'étoile a pris corps et j'incarne l'Etoile, le Totem me regarde et je suis regardé.
(Texte de Jacques POPIER)

"Totem sur tabouret ancestral entouré de cinq tabourets bas "

G. Kouassi
© Maurice Metzs

LEGBA
VILLE LA GRAND CARREFOUR DU FELDER. 1991
Lettre de l'artiste adressée à

Monsieur le Maire,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Chargé des Affaires du Togo,
Mesdames, Messieurs.

G. Kouassi
© Maurice Metzs

Là où la campagne ouvre la ville, où le centre rencontre la banlieue, pour échanger les activités entre bureaux, entreprises et sociétés de transports, j'ai voulu que le rond-point Felder ivite tout automobiliste moins pressé à tourner autour d'une pyramide de terre et d'eau dans le sens nomal du giratoire, de telle manière que les trois obélisques d'inox, sur trois de ses angles, semblent faire tourner la pyramide sur elle-même dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Pyramide tronquée en terre recouverte de gazon, c'est la massive, riche et verte Haute-Savoie, dons les quatre arêtes inclinées à 45°, dans leur achèvement, nous invitent à comprendre que le développement économique d'une région est en perpétuel devenir, comme toute oeuvre humaine.

Or la stèle centrale en granit de Combloux représente bien, de ses 52 tonnes, la force tellurique de toute créativité, qui a toujours donné raison à l'homme d'avoir confiance en lui. Du haut de ses 7 mètres, taillée et polie selon le rapport harmonique du nombre d'or, elle s'impose à nous dans l'évidence impossible mais nécessaire !
C'est justement ce qu'exprime l'eau, sagesse absolue qui nourrit notre certitude en poussées vers le haut dans des jets d'eau verticaux, mais sagesse très difficile à maîtriser comme chacun sait, chaque gouttelette retombant inéluctablement à la source même des jets d'eau.
Seule l'eau révèle le sommet idéal de la pyramide, l'eau traduit notre volonté incoercible de tendre vers la perfection ; la pyramide reste à construire ; aux manifestations changeantes, belle mais fragile, l'eau qu'on éprouve de toutes les manières, ne se laisse jamais prendre. Elle lèche sur 3m 80 les 7 mètres absolus de la pierre immuable... Elle est le temps dans son apparente inconstance des aléas des entreprises humaines, devant la permanence de la pierre, devant l'infini !

Or le paradoxe est vécu physiquement par l'homme dans un espace où le réel est toujours appréhendé dans des cycles : tournez autour du giratoire, et celui-ci prend tout son sens !

Les obélisques tournent ; ils sont 3 : en effet, nous ne pouvons qu'idéaliser la construction du quatrième : l'achèvement de l'oeuvre humaine n'est pas de ce monde. Mais ils sont les composantes des activités humaines : la force, d'abord, utile si la raison, ensuite, la dirige; enfin la beauté, car on doit essayer de résoudre la dualité dans la beauté du projet. Or est beau ce qui s'inscrit dans l'harmonie universelle, qui n'est qu'une correspondance... Mais l'homme ne peut que pressentir le beau ! En effet, si on le regarde en face, comme le soleil il nous aveugle de son évidence et nous ne le voyons pas; mais si l'on capte ses reflets mutliples, on bénéficie de son énergie.

Telle est la fonction de l'inox. Partout, nous vivons dans les reflets, au milieu d'images ; et tout objet présente plusieurs facettes... Alliage savant, l'inox est d'une élaboration d'autant plus complexe que sa propriété ultime est de disparaître pour mieux refléter tout ce qui l'entoure et même lui conférer un éclat particulier.

Supercheries ? Non, nécessaires métamorphoses ! catr tout objet, toute personne, n'est-il pas exclusivement dans le reflet ou le regard d'un autre ? Ne somme-nous pas interdépendants comme l'Univers entier ?

La stèle de pierre, sombre de jour, donne son image à la transparence lumineuse de l'inox; mais la nuit, c'est l'inverse : l'inox qui reflète l'obscurité céleste découpe 3 silhouettes noires qutour d'une stèle illuminée. La force primordiale de l'Afrique n'est créative que si elle est transformée et guidée par son reflet dans le constructivisme occidental.

Le nord brille de sa richesse parce que le sud est pauvre ; mais le sud est riche de l'énergie qu'il fournit au nord. Dans leur opposition, le blanc et le noir se confrontent pour fondamentalement toujours retourver eleur nature indentique, révélateurs l'un de l'autre.

Ainsi, l'échiquier du monde, au fond du bassin, où les vagues semblent mélanger les carrés noirs et les carrés blancs, où l'eau brouille l'apparence manichéenne du monde, cet échiquier réconcilie toutes les individualités que l'on croit contraires, blanches ou noires, dans l'Unité du désir universel de tendre vers l'harmonie.

C'est là mon optimisme, que je me plais à voir vivant incarné dans le rosier que j'ai voulu, placé au nombre d'or de la pierre, tout près du 4ème obélisque mythique... De ce monument, que je dédie à la mémoire de ma mère et de ma femme, et à la vie de mes enfants, la rose subtile tire son énergie pour la donner au passant attentif, comme vous-même, Monsieur le Maire, recevez, j'en suis sûr, cette énergie pour la distribuer, avec le soutien de votre conseil, aux habitants de Ville-La-grand comme aux voyageur anonymes... à des pragmatiques soucieux de leurs affaires, comme à des rêveurs qui prennent le temps de penser...

Les Nouvelles oeuvres de Godefroy Kouassi :
LA MISÈRE ENTOURÉE D'OR

Les "Toiles", fragments déchirés de sacs de jute somptueusement encadrés, il y en a autant que de pays exportateurs de café et de cacao !
Le sculpteur Godefroy KOUASSI taille dans ces toiles toute l'histoire d'un commerce entre les hommes, entre exploitants et producteurs engraissés de lettres et de chiffres sur des charges cotées en bourse, et exploités et portefaix qui de leur sueur ont imprimé l'emblème de leurs racines comme le sceau de leur tribut. Extraites de leur banal contexte, ces indications deviennent analogiques.

Que rapportent le café et le cacao à leurs producteurs pauvres ? Presque rien, alors qu'ils coûtent si cher au riche consommateur... Inconsommable brute, la fève torréfiée, travaillée, se pare de l'éclat, de l'arôme et de la valeur d'un pur produit de luxe, serti dans son cadre doré.

Ce lambeau de chiffon ne dénonce-til pas alors la pauvreté des uns qui se vident de leur seule richesse pour nourrir le superflu des autres ? Mais savamment récupéré, tout chiffon devient oeuvre d'art ! Et un sac de jute, si vil pour les uns, matière méprisable tant la misère du quotidien y est inscrite, ne contient-il pas l'essence même de ce qui fera les délices et les joies des autres ?

"C'est la misère entourée d'or", comme le dit lui-même Godefroy Kouassi, et il faut apprendre à voir l'or derrière le misérable...

En se jouant de nos habitudes et de nos certitudes, une fois de plus, Godefroy Kouassi nous montre que l'avant-garde n'est authentique que si elle nous ramène à la Tradition. L'Afrique n'est jamais si loin!

G. Kouassi
© Maurice Metzs

G. Kouassi
© Maurice Metzs

G. Kouassi
© Maurice Metzs

Biographie de l'artiste

 

 

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