Le statut esthétique de l'art technologique
Colloque des Treilles
In March 1997, during one week, a colloquium took place at the Les
Treilles Foundation in the South of France on the theme of "The
Aesthetic Status of Technological Art".
This colloquium gathered artists who work with visual and sound
technological media along with persons who have an outside view of such
art : artists who use more traditional media, aestheticians, physicists,
mathematicians and sociologists.
This monograph documents this colloquium, the list of participants and
their functions or occupations at the time of the workshop and abstracts
or full text of their communication.
Texts from this meeting have been published in two issues of Leonardo :
Leonardo Vol.32, n°3 and Leonardo Vol.32, n°4, 1999.
The Les Treilles meeting has been bilingual English and French,
therefore some of the texts presented here can be in English or in
French or in both languages depending of what the participants have provided.
"L'art technologique : erreurs de jeunesse, enthousiasmes d'adolescence"
Après 30 ou 40 années de pratique de l'art
technologique, il nous semble utile de tenter de clarifier le statut
esthétique de cet art. Existe-t-il des "chefs d'oeuvres" d'art
technologique ?
Peut-on dégager des "critères" permettant de distinguer
des oeuvres accomplies ou porteuses d'avenir du simple bruit ?
Nous proposons d'orienter le débat autour de quelques
thèmes directeurs; ces thèmes étant, bien
entendu, susceptibles d'être affinés voire
modifiés en fonction des suggestions des participants.
L'espace : |
Cohérence entre l'espace de l'oeuvre et l"espace de sa diffusion. L'espace virtuel supprime-t-il l'existence-même de l'oeuvre. |
Le temps : |
Les technologies nouvelles font se mouvoir les images, les impliquant dans une temporalité que leurs créateurs n'étaient pas accoutumés à affronter. Où se situent les priorités dans un art multimédia. |
Le geste : |
L'oeuvre technologique garde-t-elle la trace de l'artiste
? |
Hasard et volonté : |
L'artiste a-t-il une maîtrise suffisante de
l'oeuvre qu'il réalise, ou doit-on considérer
une oeuvre où intervient notament un système
informatique comme un "objet trouvé", bien qu'il ait
été programmé par l'artiste ou le
technicien ? |
Signal et bruit : |
Comment distinguer le signal du bruit ? |
LUNDI SOIR | |
18h : | M.Frémiot, R.Malina, J.Mandelbrojt : Bonjour. Merci. Ce que l'on espère.Organisation. Autoprésentation des participants. |
19h30 : | dîner |
MATIN | |
9h : | A.Bureaud et L.Poissant : Tour guidé et pierres angulaires de l'art technologique (1)
J.P.Allouche: à chaque époque sa modernité M.Frémiot : Le multimédia est multiple : les arts n'ont pas les mêmes problèmes à la même époque E.Kac : l'art de téléprésence sur internet |
12h : | déjeuner |
APRES-MIDI | |
14h : | Le temps: Les technologies nouvelles font se mouvoir les images, les impliquant dans une temporalité que leurs créaterus n'étaient pas accoutumés à affronter. Où se situent les priorités dans un art multimédia ? |
18h : | M.Frémiot et L.Rondeleux : étapes de la musique contemporaine |
19h30 : | dîner |
MATIN | |
9h : | A.Bureaud et L.Poissant : Tour guidé et pierres angulaires de l'art technologique (2)
K.Dubois : Geste-Espace (?) P.Gobin : le matériau, réception nouvelle J.Mandelbrojt : le crayon et la souris |
12h : | déjeuner |
APRES-MIDI | |
14h : | Le geste: L'oeuvre technologique garde-t-elle la trace du geste de l'artiste ? Ce geste est-il un élément essentiel de communication entre le public et l'artiste ? Le geste est-il maîtrisé comme une chorégraphie ? L'art technologique réintroduit-il un art "clean" ? |
18h : | M.Frémiot et L.Rondeleux : étapes de la musique contemporaine |
19h30 : | dîner |
MATIN | |
9h : | A.Bureaud et L.Poissant : Tour guidé et pierres angulaires de l'art technologique (3)
L Rondeleux : Qu'est-ce que l'ordinateur P.Gobin : les règles et le hasard Ph Bootz : la démarche en quelques directions |
12h : | déjeuner |
APRES-MIDI | |
14h : | Hasard et volonté : L'artiste a-t-il une maîtrise suffisante de l'oeuvre qu'il réalise, ou doit-on considérer une oeuvre où intervient notament un système informatique comme un "objet trouvé", bien qu'il ait été programmé par l'artiste ou le technicien ? Selon quels critères l'adopte-t-il ? A quels stades de la réalisation l'artiste intervient-il ? |
18h : | M.Frémiot et L.Rondeleux : étapes de la musique contemporaine |
19h30 : | dîner |
MATIN | |
9h : | M.Emmer : visualisation des concepts mathématique
M.Mendès-France : l'espace R.Ascott : ? |
12h : | déjeuner |
APRES-MIDI | |
14h : | L'espace : Cohérence entre l'espace de l'oeuvre et l'espace de sa diffusion. L'espace virtuel supprime-t-il l'existence même de l'oeuvre ? |
19h30 : | dîner |
MATIN | |
9h : | M.Frémiot : "aux contraires", traits possibles d'une esthétique
L.Poissant : identité-virtualité E.Pedler : comment se manifeste aujourd'hui le refus par chaque époque de sa modernité? R.Malina : arts technologiques: structuration du jugement |
12h : | déjeuner |
APRES-MIDI | |
14h : | Signal et bruit : Comment distinguer le signal du bruit ? L'art technologique véhicule-t-il une intention, consciente ou inconsciente, de l'artiste ? Qu'en est-il des oeuvres collectives ? des oeuvres réalisées par des techniciens ? L'amateur impulsif exite-t-il encore ? |
19h30 : | dîner |
|
Roy Ascott, pionnier de l'art télématique,
a presenté ses projets "globals- intéractifs"
: Musée d'Art Moderne, Paris, la Biennale de Venise ,
Ars Electronica, Linz, etc, et a exposé ses oeuvres
partout en Europe et en Amérique du Nord dès
les années soixantes.
Théoricien bien edité et distribué, ses
textes sont traduit en plusieurs langues.
Autrefois doyen du San Francisco Art Institute, directeur de
l'Ontario College of Art, Toronto, et Professuer de
Kommunikations theorie au Hochschule fur angewandte Kunst in
Wien, il est maintenant directeur du centre de recherche des
arts intéractifs à l'University of Wales
College, Newport.
Voir Commentaires critiques sur Roy Ascott:
Art of the Electronic Age, Popper, F., London: Thames and Hudson, 1994
Bibliographie
Expositions -
projets télématiques
Solo
Exhibitions of Paintings and Constructions by Roy ASCOTT:
BOOTZ Philippe, né pour se reposer le 10 mai 1957, agrégé de physique, docteur en physique de l'université de LILLE I, président de l'association MOTS-VOIR depuis 1984, éditeur de la revue alire (écrits de source électronique) depuis 1989, chercheur en communication au GERICO-CIRCAV de l'université de Lille 3 depuis 1994.
Professeur d'optique par ailleurs.
Pour le repos c'est raté.
Ecrit entre 1978 et 1990 des poèmes visuels
présentés au public sous formes d'expositions,
de spectacles ou d'installations (poèmes-lieux) qui
mélangent l'espace du texte à l'espace
physique du lecteur, les liaisons logiques du texte à
celles créées par la l'acte de lecture.
Réalise depuis 1979, mais surtout à partir de
1986, des poèmes télématiques,
animés sur ordinateurs, intéractifs et
à lecture unique, vidéo.
Cocréateur en 1988 de l'équipe L.A.I.R.E et de
la première revue d'écrits informatiques
diffusés sur support informatique, alire.
Publie régulièrement poèmes sur
ordinateurs et articles théoriques, essentiellement
dans la revue alire et des revues universitaires.
1ére direction : la lecture interdit la lecture
:
* par la gestion particulière (en temps différée
ou partielle) de l'interactivité
* par l'utilisation des images mentales des lectures
précédentes (poème-à-lecture-unique, voir
ci-dessous)
* par la polysémie créée par l'apparition de
l'oralité dans l'écrit (poème animé qui
ne peut être lu que s'il est relu)
2éme direction : gestion des processus de lecture
un " poème-à-lecture-unique " tel passage s'organise
en 3 phases qui se déroulent sur plusieurs lectures
irréversibles :
- une 1ère phase constituée de textes
multimédias qui mettent en place l'aspect narratif du texte et
miment notamment le comportement de la phase suivante. Au cours de
cette phase le lecteur a le choix entre la relecture du texte en
cours, la lecture du prologue ou la lecture suivante.
- une 2ème phase interactive dans laquelle le lecteur n'a le
choix qu'entre lecture suivante et lecture du prologue (la relecture
d'un texte interactif n'a pas de sens). Cette phase est
constituée d'un hypertexte dans lequel chaque noeud peut
n'être activé qu'une seule fois. Elle correspond
à une entrée d'information par le lecteur en vue de
l'élaboration de la phase suivante. Remarquons que le lecteur
" ne peut pas ne pas lire " car toute inactivité est
interprétée par le programme comme une volonté
de non intervention. La liberté d'action du lecteur
conférée par l'interactivité devient une
contrainte.
- une troisième phase constituée d'un
générateur automatique de texte animé qui ne
génère qu'un seul texte : la réponse à
l'état de demande qui ressort de l'interactivité de la
phase précédente. Le projet global apparaît comme
une " plante " qui s'est peu à peu adaptée au lecteur
dans un dialogue. Le texte animé final possède une
histoire pour qui l'a généré à
l'exclusion de tout autre lecteur.
3ème direction : l'écriture comme gestion des brisures d'une oeuvre
cause : - l'exécution d'un texte dépend fortement de
la machine (hard et soft)
conséquence : concevoir un générateur adaptatif
: On considère le texte-à-voir animé comme un
ensemble de processus virtuels et le générateur comme
l'ordonnanceur de ces processus, chargé notamment de
gérer les incompatibilités en attribuant des
priorités et des états à ces processus. Les
textes réalisés avec ce générateur
n'auront pas de comportement prévisible ; le
texte-à-voir généré ne sera pas connu de
l'auteur, même pour un texte non interactif.
nouvelle possibilité qui en découle : écrire des
textes qui généreront des textes-à-voir
différents sur des générations de machines
inconnues. La brisure constituée par l'écriture est le
pendant de celle réalisée lors de la lecture et, comme
elle, est essentiellement constructive. L'auteur se voit contraint de
calculer les réalisations du générateur en
fonction du contexte de lecture, il ne peut donc prévoir le
détail des synchronisations, effets et polysémies qui
se manifesteront lors de la lecture, mais cela lui assure une
lisibilité et une cohérence certaine sur toute machine
compatible. Le texte gagne en lisibilité ce qu'il perd en
fidélité et cet état est susceptible de
permettre la réalisation de textes " qui ne vieillissent pas
techniquement " mais se métamorphosent constamment, dont le
statut même est susceptible d'évoluer avec les
performances de la machine, des textes donc " que nul ne peut
affirmer avoir lu ".
Principales
expositions de poésie visuelle
Principales manifestation de poésie animée sur ordinateur
Conferences,
congrès et interventions en séminaires
Annick Bureaud, vit et travaille à Paris.
Spécialiste d'art électronique Editrice de l'IDEA/Guide International des Arts Electroniques et d'IDEA online (avec l'association CHAOS).
Organisatrice d'expositions (avec ART-EL). Enseignante à l'Ecole d'Art d'Aix-en-Provence. Critique d'art indépendante, membre du comité éditorial de Leonardo.
Présidente de l'ASTN (Art, Science, Technology
Network).
Chef de projet et co-auteur d'une étude pour la
Délégation aux Arts Plastiques,
Ministère de la Culture sur le thème "Art et
technologie : la monstration", novembre 1996
Ma réflexion est toujours centrée autour, ou
à partir, de la création artistique. Actuellement, il
s'agit de pistes de recherche, le travail ne fait que commencer.
Thème : La "vie interstitielle" : Espace, cyberespace et le
post-biologique
* Espace/cyberespace
* Post-biologique
1965 Ingénieur ESIEA (Ecole sup. d'Informatique,
Electronique, Automatique, Paris)
1965-71 Service militaire, stage d'ingénieur au
Laboratoire de Recherches et Etudes Générales
de la Radiotechnique, professeur de mathématiques et
études musicales (orgue, flûte,
écriture)
1970 Entre au Groupe de Recherches Musicales (GRM) du
Service de la Recherche de l'ORTF comme Chef de Travaux de
recherche
Actuellement responsable des recherches théoriques
(en "sciences de la musique") au GRM, comme chercheur
statutaire de l'INA (au niveau "chercheur IV", cadre de
direction).
Par ailleurs :
enseignements à Paris V (centre de Formation continue) et Paris-Sud Orsay (CFMI)
Dans ce domaine on peut citer notamment :
B - Etude des conduites pré-musicales de l'enfant et application à la pédagogie
Invitations à l'étranger non seulement pour des conférences, communications, stages , mais aussi pour des encadrements de recherche : 1988 à Reggio-Emilia ; 1991 et 1992 à Florence pour un cycle de formation continue/recherche dans deux crèches pilotes de la ville.
Publications :
Direction d'ouvrages
collectifs
Articles
Domaine
I : analyse, sémiologie, musique électroacoustique
Domaine II : psycho-pédagogie, pédagogie, génétique des conduites musicales
Traductions (et publications originales en
langues étrangères dans le cas où il existe une
version française)
Livre
Michele Emmer is full professor of mathematics at the
University of Rome "La Sapienza", Dipartimento di
Matematica, Piazzale A.Moro, 00185 Rome, Italy.He was
previously professor at the University of Ferrara, Trento,
Viterbo, L'Aquila, Sassari, Venice and visiting professor,
among others, at Princeton, Paris Orasy, Campinas,
Barcellona and in several Japanese Universities
He is president of the Italian associations for scientific
media, part of the European association "Media in Science".
Member of the editorial board of Leonardo, of the American
Mathematical Society, of the American Ass. for Aesthetics,
of the European Math ass., etc. Reviewer for jourlas of
matheamtics and journals of art. president of the scientific
journal "Galileo";
colaborator in the last ten years of the cultural and
scientific pages of the newspaper "L'Unità" .
Filmaker, almost all his movies have been broadcasted by the
State Italian television and other television; all the
videos are distributed in many countries including USA and
Canada, France, Spain, Italy in the various version
(english, french, spanish, italian).
2) Conferences and exhibitions organized:
3) A selection of books and publications:
Né le 29 février 1920 à Paris
VIIe.
Etudes musicales : piano et orgue; classes d'harmonie et de
contrepoint au Conservatoire de Paris (Olivier Messiaen et
Noël-Gallon). Hors Conservatoire : cours de René
Leibowitz. Introduction à la musicologie (Vladimir
Fedoroff).
1946-1950, Direction de chorales populaires.
1949, Responsable de la section musique au service de la
Récupération Artistique et Culturelle (Office
des biens et intérêts privés).
1950-1962, Direction artistique (folklore, musique classique
et musique moderne) aux Editions Le Chant du Monde.
1962-1963, Direction artistique et prise de son aux Editions
Harmonia Mundi. Lancement de la collection "Orgues
historiques".
1963-1965, Adjoint au Directeur des disques Jéricho
(prise de son et réalisation).
Depuis 1966, Professeur d'Histoire de la Musique au
Conservatoire de Musique de Marseille.
1968, A l'initiative de Pierre Barbizet : création au
Conservatoire de Marseille de la première classe de
musique électro-acoustique dans un Conservatoire de
France.
1969-1983, Chargé de cours à
l'Université d'Aix-Marseille .
1970, Création du groupe de Musique
Expérimentale de Marseille (G.M.E.M.).
1983, Grâce à l'acquisition du système
SYTER le C.N.R. de Marseille est le premier de France
à pouvoir dispenser un enseignement en Musique et
Informatique , en collaboration avec le département
Musique et Science de l'Université de Provence.
1984, Création du Laboratoire Musique et Informatique
de Marseille (M.I.M.).
1985-1986, Chargé de cours au département de
Musique de l'Université d'Aix en Provence
(filière B, Sciences de la Musique).
1989, Professeur honoraire du CNR de Marseille.
1990, Directeur du M.I.M.
De l'oeuvre de Marcel FREMIOT "Une disparate" se dégage,
que seul le petit Larousse qualifierait d'étrange. Elle est le
reflet de tiraillements, d'illusions et de déceptions, de
retours aussi. La confrontation des souhaits intimes de
création aux réalités de la vie l'ordonne.
Tout ce qui est à destination directement "populaire"
maintient une référence à des structures
communément maîtrisées. Ainsi, par exemple :
système tonal s'il s'agit de chants profanes ; système
"grégorien" s'il s'agit de chants destinés à une
liturgie catholique ; réalisme du phénomène
sonore si le moyen d'expression est la manipulation de studio
"analogique" ou "numérique".
Les autres oeuvres sont atonales, si leur exécution est
confiée à des instruments traditionnels ; elles sont
libres si leur matérialisation est de nature
électro-acoustique. Mais leur virtuosité, comme leur
structuration, est tempérée par les effets pervers de
la régionalisation.
Un fil conducteur chemine, cependant, au travers de cette production.
Il est à la fois recherche du dialogue avec l'auditeur et
volontariste confiance en la non irréductibilité des
rugosités du comportement humain.
Analyses
Recherche
Les Unités Sémiotiques Temporelles, en collaboration.
(ed. MIM, Marseille 1996)
Diffusion ESKA, collection Documents Musurgia Paris.
Pascal Gobin,
musicien , français
né en 1952.
Etudes musicales au Conservatoire National de Région
de Marseille ( musique électroacoustique, histoire de
la musique et écriture) et à
l'Université de Provence (musicologie), après
plusieurs années d'exercice professionnel comme
guitariste dans divers orchestres de
variété.
Particulièrement intéressé par les
rapports de la musique électroacoustique et du
domaine instrumental, je mène parallèlement un
travail d'instrumentiste de compositeur et de
pédagogue.
Activités pédagogiques
En tant qu'instrumentiste (guitare et synthétiseurs)
j'ai participé à des concerts de musique
improvisée, des créations seul ou avec divers
ensemble instrumentaux.
Je suis co-fondateur des ensembles "Ricercar" (devenu
"Studio Instrumental", CIRM, Nice) et "Les Condensés"
deux ensembles qui présentent la particularité
de jouer d'instruments électronique en "live".
En tant que membre du M.I.M (Laboratoire Musique et
Informatique de Marseille ), je collabore à des
travaux de recherche sur la Musique que j'ai eu l'occasion
de présenter (en compagnie d'autres membres du
Laboratoire) dans plusieurs colloques.
Oeuvres musicales
Ce sont des oeuvres destinées au concert (oeuvres
instrumentales oeuvres sur support et oeuvres mixtes), ou au
spectacle (bandes sonores pour divers spectacles de danse,
compositions collectives pour spectacles de
théâtre musical).
Assistant Professor of Art and Technology
Art and Technology Department
The School of the Art Institute of Chicago
Eduardo Kac is an artist and writer who works with electronic and photonic media. His work has been exhibited widely in the United States, Europe, and South America.
Kac's works belong to the permanent collections of the Museum of Modern Art in New York, the Museum of Holography in Chicago, and the Museum of Modern Art in Rio de Janeiro, Brazil, among others. He is a member of the editorial board of the journal Leonardo.
His anthology "New Media Poetry: Poetic Innovation and New Technologies" was published in 1996 as a special issue of the journal Visible Language, of which he was a guest editor.
His writings have appeared in several books and journals in many languages, including French, German, English, Portuguese, Spanish, Hungarian, Finnish and Russian.
He holds an MFA from the School of the Art Institute of Chicago and has received numerous grants and awards for his work.
Roger Malina (Ph.D.) est directeur de Leonardo, revue internationale spécialisée dans le domaine des arts et des sciences.
Il est aussi directeur de la revue Leonardo Electronic Almanac sur Internet.
Astrophysicien, il est directeur du
Center for EUV
Astrophysics à l'University of California
(Berkeley).
Né en 1929 à Asnières. Peintre et
physicien théoricien. professeur
émérite à l'Université de
Provence. Il a crée le département d'Arts
Plastiques de l'U.E.R. de Luminy qui sera plus tard
transféré à Aix-en-Provence.
Peint depuis 1943 et expose depuis 1954. Expositions
personnelles à Paris: Marcelle Berr de Turique,
Galerie La Roue. Expose régulièrement à
la Galerie Jaquester à Paris et à la Galerie
Horizon à Marseille. Membre du comité de
rédaction de la revue internationale "Leonardo"
(M.I.T.Press). Membre du M.I.M.(Laboratoire musique et
informatique de Marseille).
Sa double expérience de peintre et de physicien
théoricien l'a amené à publier, outre
des articles de physique, une vingtaines d'articles sur
l'art et la science (notamment dans "Leonardo") et deux
livres , "La genèse d'une peinture" J.P.Collot,1977)
et "Les cheveux de la réalité" Editions ANAIS
,Nice 1991 supplément au n.10 d'Alliage, ISSN
1144-5645.
Il a également participé à plusieurs
ouvrages collectifs dont "La Création Vagabonde"
textes réunis par J.L. Binet ,Editions Hermann,1986,
et "L'Art est-il une connaissance" textes réunis et
présentés par Roger-Pol Droit , Le Monde
Editions, Paris1993, et a dirigé avec L. Alcopley et
G. Careri le numéro spécial de "Leonardo"
27,3,1994 "Art and science; similarities, differences and
interactions".
- Peinture abstraite, mais après de nombreuses
années de peinture figurative, notamment de paysages de la
campagne aixoise.
Deux tendances essentielles: les signes épurés ou au
contraire l'agitation extrême, dont on peut retrouver l'origine
respectivement dans mes peintures d'arbres (pour les signes) ou de
broussailles (pour les peintures échevelées).
Ces formes sont donc des arbres ou des broussailles
intériorisés, ou exprimé d'une autre
façon, ce sont des structures qui se sont incarnées
dans mes représentations d'arbre ou de broussailles, ou
parfois également de personnages ou de combats.
Va-et-vient entre l'abstraction et la figuration, non pas figuration
de la réalité en soi mais de la "réalité
en moi".
- Peinture décantée: chaque peinture exprime une
idée ou un acte pictural isolé au maximum de sa
pureté et de son intensité. Ce peut être
l'intensité du noir dans lequel l'oeil plonge et se perd, la
densité du rouge qui envahit l'esprit, la vitesse ou
l'affolement du geste, le geste qui construit ou qui creuse.
Si chaque peinture est décantée, elle n'en est pas
moins le carrefour de plusieurs voies que j'ai explorées,
l'incarnation d'une structure que j'ai incarnée aussi d'autres
façons.
- Peintures que je réalise par séries. Une série
représente diverses facettes cohérentes ou
contradictoires d'une même idée picturale (le mot
"idée" convient mal, disons d'une même image mentale,
d'un même élan).
Série où l'ordre des peintures est important: il y a
une progression à l'intérieur de la série,
progression par approfondissement ou opposition. J'aboutis parfois
à un signe qui résume la série et qui serait
dénué de sens et d'intensité s'il n'était
l'aboutissement de la série.
- Peintures où souvent intervient le temps, peintures pour
ainsi dire d'espace-temps: Dire qu'il y a un ordre dans les peintures
d'une série c'est faire intervenir le temps, mais le temps
intervient aussi dans des rouleaux qui se "lisent" de gauche à
droite, livres ou paravents qui se déplient,
peintures-promenades, rouleaux verticaux qui se lisent de haut en
bas.
- Couleurs généralement très pures. Touches de
couleurs qui s'enchaînent (encore le temps), sonorité du
milieu mental, couleur subjective que j'entends plus encore que je ne
la voie. Le noir et le gris peuvent aussi être allusion
à la couleur, couleur transposée.
- Peinture longuement préparée dans l'esprit sous forme
d'image mentale et dans les muscles (le geste qui réalisera la
peinture) mais réalisée d'un coup et sans repentir. Je
juge donc chaque peinture par l'impression de justesse et
d'évidence que me donne sa conformité à l'image
mentale et musculaire qui lui a donné naissance.
- Peinture qui n'est pas basée sur une théorie mais au
contraire à partir de laquelle j'ai mené une
réflexion qui est prise de conscience de la
réalité de l'acte pictural. A partir de là,
réflexion sur l'art et sur les rapports entre l'art et la
science (similarités ou différences entre la
création artistique et scientifique, entre les concepts
scientifiques et les idées artistiques).
Finalement va-et-vient entre ma peinture et cette réflexion.
Articles
sur l'Art, ou sur l'art et la science
Livres-objets
ou peintures accompagnant un texte
Groupe de recherche en arts mediatiques (GRAM)
Département d'arts plastiques
Université du Québec à
Montréal
Professeur en esthétique au Département d'arts plastiques de l'Université du Québec à Montréal.
Elle dirige le GRAM qui termine la rédation d'un dictionnaire sur les arts médiatiques.
Elle a coscénarisé une série télévisée sur les arts et les technologies, Ne Art, et elle est l'auteur de plusieurs articles dans le domaine des arts dont Pragmatique esthétique (1994).
La traduction anglaise de ces textes est parue sous le titre Thinking Art, Montréal, Musée des beaux-arts, avril 1986
Série
documentaire pour la télévision
Conception générale, coscénarisation avec
Derrick de Kerckhove et coproduction d'une série de 13
émissions de 30 minutes sur les arts et les technologies : Ne
Art. La série a été coproduite avec TV Ontario
et TÉLUQ. 1995
Les émissions que j'ai scénarisées sont
marquées d'un *
Titres des 13 émissions :
*Matière et lumière
*Tailler dans la lumière
*Le spectre dans la machine (sur le copy-art)
Les holotechnologies
*La vidéo : une nouvelle écriture d'histoire
*Les muses acoustiques et numériques
Les arts interactifs
L'art branché (sur les arts réseaux)
La robosculpture
* Le multimedia
* La simulation : rêve ou réalité
* Les machines à peindre
La réalité virtuelle
Série
de documentaires sur des artistes
Coproduction avec le Musée d'art contemporain d'une
série de vidéos documentaires portant sur des artistes
exposés au Musée. Coscénarisé avec
Chantal Charbonneau du Musée. J'ai mené toutes les
entrevues.
Molinari (27 minutes) mars 1995
Char Davies : Osmose (26 minutes) sept 95
Gilles Mihalcean (10 minutes) oct 95
Kim Adams (10 minutes) avril 96
Luc Courchesne (10 minutes) avril 96
Jean-Paul Mousseau (27 minutes) oct 96
Diplômes
1995 Doctorat nouveau régime de l' école des
Hautes études en Sciences
Sociales,spécialité musique et musicologie du
XXème siècle : Incidence des
représentations numériques sur
l'évolution du langage musical en France et aux
Etats-Unis.
1957 - 1982, de la première synthèse
numérique au protocole MIDI, vingt-cinq années
de bouleversements dans l'expérimentation
musicale
Soutenue le 23 octobre 1995, Mention très
honorable.
1990 Dea de musique et musicologie du XXe siècle,
Ehess, Ircam.
1988 Maîtrise de musicologie, Paris-Sorbonne.
1981 Diplôme de technicien audio-visuel,
spécialité son (Ceris).
Pratique musicale
Orgue Titulaire à Notre-Dame du Perpétuel
Secours, Paris XXe.
Piano Classique et jazz.
Chant choral Ensembles vocaux et choeurs amateurs et
professionnels.
Postes occupés
Ingénieur d'études à
l'Université Paris-Sud.
Emploi Direction technique et administrative du studio du
Centre audiovisuel des universités de Paris.
Travaux
Article De la CAO à la CMAO l'évolution
historique d'un concept de modélisations
musicales.
Journées d'informatique musicale (J .I. M. 95) Paris,
7-8 avril 1995.
Traduction La synthèse des spectres audio complexes
par modulation de fréquence (John M.Chowning)
L'ART TECHNOLOGIQUE EST-IL NOUVEAU ?
L'art technologique est-il une invention récente ? Il semble que, depuis "l'invention de l'art", les découvertes technologiques, même rudimentaires, aient été assez systématiquement récupérées par les artistes, soucieux à la fois de développer leur recherche artistique, d'explorer de nouveaux domaines, de manifester leur modernité, ou, dans le cas d'équipements lourds, de prouver la qualité de leur travail ... par le coût des infrastructures nécessaires.
Les fournisseurs de technologie ont évidemment suivi le mouvement, trop heureux de prouver ainsi que leurs productions, à la fois et paradoxalement, peuvent être utilisées dans les arts, et ne sont pas purement utilitaires. Ne négligeons pas naturellement l'intérêt de trouver des débouchés commerciaux.
L'alliance entre art et technologie est perceptible à différents niveaux. Si le graveur rupestre a probablement profité par hasard de la découverte de tel nouveau pigment (ou peut-être du feu ?), les compositeurs qui ont écrit spécifiquement pour le saxophone ont choisi de développer l'utilisation de cet instrument (dont il n'est pas inintéressant de rappeler qu'il a éliminé les instruments voisins inventés en même temps, uniquement pour des raisons de force de production). Si la musique pour piano s'est imposée, ce n'est peut-être pas dû à l'achat massif de cet instrument à ses débuts par les musiciens amateurs, mais peut-on en dire autant de la vidéo ou de l'art "multimédia" ?
Cette double démarche entre art et technologie correspond d'ailleurs à une démarche analogue dans les rapports qu'entretiennent artistes et scientifiques, mais de façon moins immédiate. Il faut plus de temps à une découverte scientifique qu'à une découverte technologique pour être utilisée : les décimales de pi ou les permutations d'un ensemble fini ont pu inspirer tel ou tel compositeur, mais la théorie des cordes ou les modules de Drinfeld n'ont pas, à ma connaissance, inspiré les artistes. Est-ce dû au splendide isolement des chercheurs scientifiques, ou à l'absence d'intermédiaires à la recherche ... d'enjeux commerciaux ?
L'ESTHETIQUE DE LA CYBERCULTURE
traduit de l'anglais par Suzanne Leblanc
Il est temps de remettre la Realité Virtuelle à sa
place. La surenchère commerciale s'avère d'une telle
ampleur et d'une portée si universelle qu'il faut remettre
tout le phenomène en perspective. Dans le jeu de pouvoir de la
culture, aussi bien que dans le monde en général, la
Realité Virtuelle corrompt tout comme la Realité
Absolue corrompt absolument, chaque fois que ses contraintes et ses
limitations de construction sont prédeterminées,
prédéfinies et préréglées.
J'entends par "Realité Absolue" une description de l'univers
à laquelle on ne peut échapper, dont les
coordonnées sont insinuées dans la conscience des
l'enfance puis constamment renforcées par les dogmes,
répetées par l'idéologie des médias,
l'orthodoxie scientifique ou quelque prescription religieuse. Les
industries intéressées par l'informatisation de la
société sont également impliquées dans la
duperie. Un logiciel n'est jamais innocent, les programmes sont
toujours porteurs de valeurs. Dans le cas de la technologie RV, notre
fascination enfantine pour le théatre du virtuel a obscurci sa
veritable destinée, son rôle potentiel comme espace
d'une transition culturelle et comme banc d'essai pour toutes les
idées, les structures et les comportements qui pourraient
émerger d'une nouvelle relation au monde post-biologique. Au
contraire, trop fréquemment, la RV nous enferme dans l'espace
mis en place à la Renaissance en nous exposant à des
simulations appartenant à une vision du monde
dépassée depuis longtemps. On retrouve le
monde-tel-qu'il-fût dans un emballage tape-à-l'oeil de
monde-tel-qu'il-sera. Plutôt que de nous offrir un espace
intéractif ouvrant sur des mondes véritablement
nouveaux, elle nous ensevelit dans une architecture de la
banalité. Tout se passe comme si les écrans des casques
de visualisation n'étaient jamais que des retroviseurs et
comme si les gants de données devaient nécessairement
être rattachés à l'histoire plutôt que de
pointer vers le futur.
On a trop souvent assisté, en art, à cette perpetuation
du passe sous les déguisements de la nouveauté, et
l'art de la cyberculture s'avère à cet égard
particulièrement complaisant. Cet état de chose
dépend partiellement de la confusion qui a entouré
l'ordinateur : son rôle d'instrument a occulté son
identité d'environnement. En tant qu'outil, il a trop
facilement entretenu les préoccupations et les
préjugés esthétiques de l'ancienne culture,
alors que comme environnement, il provoque une rupture profonde et
une discontinuité radicale avec le passé historique et
il ouvre sur la possibilité de constituer un champ
d'opportunités significatif quant à la creation d'un
futur veritablement humain, c'est-à-dire post-biologique.
Le paradoxe, c'est que plus nous essaierons de mettre l'"art" dans le
cyberespace, moins ce dernier presentera de qualites
esthétiques. Je veux dire par là que toute tentative
d'imposer sur le Net des attitudes, des valeurs et une
esthétique comportementale privilegiées dans l'art de
l'ère prétélématique s'avérera
contre-productive. Ce n'est que par une
interpénétration des plus ouvertes, voire meme
chaotique des esprits, et par une connectivite vibrante et une
interaction globale intense que l'art pénétrera la
cyberculture. Toute tentative en vue de raccorder l'art est
vouée à l'echec. La planification de haut en bas se
révèle redondante dans la culture emergente. Nous
devons apprendre a travailler de bas en haut: planter des
idées, semer des developpements, faire pousser des structures,
recolter des systèmes émergents. Ce comportement n'a
pas de precedent dans l'histoire, de sorte que le passé n'a
rien à nous apprendre. La rupture est radicale. Nous sommes
livrés à nous-memes dans le cyberespace. Nous avons
à nous réinventer et à refaire le monde, de bas
en haut.
L'emergence, cette caracteristique qui sert actuellement de
métaphore dominante de la creativite dans le cyberespace, nous
fait passer d'une Réalité Virtuelle sèche et
aride sous tous les rapports, à une Réalité
émergente qui deviendra de plus en plus humide et productive.
Il s'agit ici d'une transition de ce qui est non-biologique,
simulé et artificiellement numérique à ce qui
est post-biologique et bourgeonnant. Dans ce contexte,
l'interactivité est symbiotique et l'environnement se
transforme lui-même en fonction des transformations
logées dans ses éléments constitutifs.
On doit développer une nouvelle politique adaptée au
Net. Sans dimensions et sans polarités. Tout comme dans le
domaine de l'esthétique, la veracité de l'ordre de
l'émergence et de l'apparition remplacera la sophistique de
l'ordre de la surface et de l'apparence. Il ne faut pas perdre de vue
qu'avec la globalisation des finances, environ mille milliards de
dollars transitent quotidiennement à la bourse. Actuellement,
les dix plus grosses corporations transnationales produisent chacune
plus que quatre-vingt-sept pays dans le monde. On construit des
usines là ou la main d'oeuvre est bon marché. En
réalité, l'état-nation et son insignifiante
politicaillerie comptent désormais pour peu. Sur le plan
culturel, un univers de valeurs à plusieurs couches est en
train d'emerger. Les pyramides du pouvoir s'inversent, non pas sous
le coup d'invocations idéologiquement ou politiquement
correctes, mais parce que le consommateur autrefois passif est
maintenant, de plus en plus, un utilisateur du cyberespace, qui
interagit à dessein avec le Net. La "valeur net" prend
dorenavant un sens complètement nouveau. De nouvelles
structures économiques vont nécessairement se
développer tout comme de nouvelles communautes seront requises
pour accomoder les nouvelles technologies transhumaines. Dans tout ce
changement en fermentation, la question n'est pas de savoir si l'art
a une place dans le monde télématisé, mais
plutôt s'il peut véhiculer de nouvelles conceptions de
l'identité individuelle, de nouveaux paliers de conscience et
de nouvelles notions de communaute.
Plusieurs agendas technologiques, scientifiques et artistiques
commencent à fusionner dans des environnements de
creativité et de recherche transdisciplinaires. La convergence
des disciplines que l'on retrouve au Santa Fe Institute au Nouveau
Mexique s'avère l'une des plus productives ces dernieres
années, en particulier quant à la facon dont nous
voyons le monde et pensons que nous pouvons le reconstruire. Ce sont
les recits de la biologie, des sciences et de la nouvelle physique
qui captent notre attention. Il y a un sens dans lequel nos
métaphores définitionnelles et nos modèles de
créativité, de reconstruction et de poésie
proviennent de plus en plus des nouveaux développements dans
ces domaines. Et moins ces récits sont linéaires, plus
nous avons d'attentes en les traversant. Depuis sa perspective
scientifique, le Santa Fe Institute lance un défi aux
institutions artistiques et médiatiques qui commencent
à émerger dans diverses parties du monde. Quelles
nouvelles structures de perception et de cognition, quels instruments
de conscience un art intéractif et informatise peut-il
produire ? Et quels organismes créatifs, situés dans
l'Interland entre le virtuel et le réel, peuvent soutenir de
telles productions?
L'interface informatique est en train de se transformer en un mode
multi-sensoriel de sensibilité. Elle se transportera
éventuellement à l'interieur du corps proprement dit
comme une partie plus ou moins integrante du systeme sensoriel et
cognitif humain, constituant la "cyberception" - une partie
intégrante de notre condition post-biologique. L'architecture
ne peut pas échapper aux revendications de cette
faculté émergente de cyberception. Dans l'espace se
situant entre le virtuel et le réel, nous nous comportons
différemment, nous communiquons différemment, nous
avons des rapports différents. Nous avons de nouveaux besoins
et de nouvelles ambitions. Il faut par conséquent
redéfinir la ville, redessiner les structures et les
systèmes urbains. La famille humaine, non-linéaire est
en train de se réalignée et doit se
réadapter.
Le plus gros probleme que la societé doit résoudre est
celui de la dés-intégration de ses citoyens alors
qu'ils se mettent à habiter l'Internet, à
pénetrer par ses interfaces dans l'espace de données.
Dés-intégration du moi aliéné et
isolé (un trépas que personne ne pleure), et
dés-intégration du corps, à la fois dans le sens
de la rupture du corps social, qui passe de l'état de masse
à celui de masse critique, et dans le sens de
l'éclatement bionique du corps historique au profit d'un
état de dispersion télématique post-biologique.
Nos impératifs artistiques passent de l'iconicité
à la bionicité. Le processus et le comportement
remplacent l'image et la forme. L'unité personnelle est en
multiples couches et se disperse. Nous passons beaucoup de temps en
dehors de notre corps. Et nous sommes en dehors du temps dans la
plupart de nos incarnations dans l'asynchronicite
télématique. Nous sommes nos propres doubles et nos
propres copies. La télépresence change tout et
particulièrement le sens de soi. Plus nous fusionnons avec
l'environnement, plus ce dernier devient à son tour
intelligent et nous pénetre. Avec l'accroissement de cette
intelligence, la réalité que nous construisons devient
plus permeable et familière ("naturelle").
Nous pouvons également constater l'émergence d'une
esthétique de l'apparition. La propriété de
venir-au-monde, d'apparaître, remplace celle de la
représentation et de l'apparence qui a caracterisé
pendant si longtemps l'art occidental. "Caracterisé" est
peut-etre trop faible. Nous étions poussés.
Poussés à représenter; poussés à
extraire de la signification de l'univers même si nous sentions
qu'il n'y avait pas de signification à en tirer. Le monde
était un livre rempli de significations, un texte. Mais s'il
devait en effet y avoir une histoire vraie à propos du monde,
un vrai récit, j'imagine que nous serions incapables de le
lire et de le comprendre. Ses mots n'appartiendraient pas au
vocabulaire de nos sens, la connectivité de nos membres serait
absente de sa syntaxe.
Dans cette esthétique de l'émergence, l'image de
surface ne fournit rien de plus qu'un lieu de pénetration dans
des couches plus profondes de signification ou d'être. Au lieu
de simplement réflechir la lumiere, elle absorbe une
conscience qui traverse sa membrane en direction de multiples
potentialités. L'apparence et la duperie vont de pair, alors
que ce qui apparait, ce qui est une phase entre différents
états et qui se trouve constamment en processus de
transformation, resume avec plus d'exactitude le monde en devenir qui
constitue notre état humain.
Diagramme:
de: |
à: |
réception |
négociation |
représentation |
construction |
herméneutique |
heuristique |
vision en tunnel |
vue à vol d'oiseau |
contenu |
contexte |
objet |
processus |
perspective |
immersion |
figure/fond |
pattern |
iconicité |
bionicité |
nature |
vie artificielle |
certitude |
contingence |
résolution |
évolution |
outillage informatique |
environnement numérique |
réalité observée |
réalité construite |
paranoia |
télénoia |
cerveau autonome |
esprit distribué |
comportement de formes |
formes de comportement |
Vers une conscience télématique globale:de l'art de
l'apparence à la culture de l'apparition
Mais attention. Si l'art est en train d'émerger dans le net
comme je le crois, rappelons-nous que, comme à toutes les
époques, il peut tout aussi bien tuer que créer. Il tue
par l'acquiescement et l'indifférence. Tout comme la somme des
attitudes culturelles et des valeurs sociales
représentées par les galeries et les musées
soutient le monde réel et ajoute, par son indifférence
morale, à sa pauvreté et à son
aliènation, de meme l'activité sur le net aura, en bien
ou en mal, un effet sur la responsabilité sociale et le
comportement interpersonnel. Historiquement, l'art institutionnel (le
seul que nous connaissions) a toujours plus ou moins soutenu la
vision du monde prédominante, et ses provocateurs et
dissidents les plus puissants ont généralement
été payés, ou salues (marginalisés) comme
une fougueuse "avant-garde".
Les universités et les académies (la source, si ce
n'est le foyer de presque tous nos artistes) ont à repondre de
beaucoup dans la création d'une telle culture. Même leur
indifférence de tour d'ivoire est politique. Elles ont, de
facon conséquente, valorisé, soutenu et
promulgué le culte de l'expression de soi plutôt que de
la construction collaborative, de l'analyse plutôt que de la
synthese, de la spécialisation plutôt que de
l'intégration. Nous en payons maintenant le prix. Nous vivons
dans une société profondement divisée et qui
manque complétement de cohérence; dans une culture
solipsiste, complaisante et tout à fait insensible à la
violence et aux conflits dans le monde. Ce serait un crime contre
l'humanité que d'amplifier l'efficacité de leur
position par l'adjonction de nouvelles technologies, et
d'étendre leur portée dans le cyberespace. Le temps est
maintenant venu de réevaluer radicalement ces institutions et
de repenser intégralement ce que sont l'apprentissage et la
pensée, la connaissance objective et l'expérience
subjective.
Dans le cyberespace l'art n'est certainement pas exempt de ces
accusations. Mais il serait tragique qu'il y reponde de la facon dont
l'art de notre siècle y a toujours répondu: avec
l'amoralité spécieuse et effrontée de la
rhétorique postmoderniste ou le manierisme éthique des
"causes justes" que motivent les médias, par les blessures et
les gémissements sociaux ou les postures post-philosophiques.
Dans la mesure ou la politique institutionnalisée est
intrinséquement corrompue et ou les corporations
multinationales peuvent résister à toute espèce
de jugement et de critique, et ou elles sont certainement
etanchés à la contrainte et à l'agitation
sociale, la critique du présent se resume à une
stérile théatralité. Ce qu'il faut, c'est un
engagement vis-à-vis le futur au niveau de la conscience, un
acte de construction (spirituelle) plutôt qu'une lamentation
sur le présent. Le rôle de l'art est de fournir les
métaphores et les modèles d'un constructivisme radical.
Cette approche instrumentaliste et behaviorale est la seule valable
en cette période de grande transformation culturelle. C'est
dans le cyberespace, dans l'environnement du net que nous allons
construire les nouvelles réalités sociales. Mais ce
sera par la ruse plutôt que par la force. Nous devons
développer une attention de type Zen: guetter, puis nourrir et
soutenir de nouvelles formes de relations humaines, d'apprentissage
et de communication, telles qu'elles émergent dans notre
connectivité télématique globale.
Les sciences, qu'elles soient quantiques, cognitives ou
génétiques, développent de plus en plus la
vision d'une réalité qui n'est plus don née,
pré-définie ou pré-ordonnée mais
plutôt construite de bas en haut, de façon telle que la
définition et l'évolution de la nature ainsi que de
notre propre identité humaine constituent progressivement
l'objet de notre propre intervention technologique. En même
temps que l'Art s'intéresse de moins en moins à
simplement représenter ou exprimer, une volonté de
repenser, de reconstruire et de bâtir de nouvelles
réalités emerge. Il est classique que l'art des
académies échoue à promulguer les trois axes de
notre humanité: la connectivité, la construction et
l'amour. Et c'est pourtant exactement à la convergence de ces
désirs, dans les nouvelles sciences, les technologies et l'art
émergent de l'interactivité qui exploite le potentiel
de transformation des nouvelles technologies et des systèmes
post-biologiques, que nous devons rechercher du sens. Contrer
l'instabilité et l'incertitude qui semblent menacer notre
futur n'est pas une simple affaire de création de nouveaux
emplois, de nouveaux instruments ou de nouveaux investissements. Le
rafistolage politique de la gauche ou de la droite ne peuvent freiner
notre sclérose sociale. Il faut créer de nouvelles
interfaces avec le monde, de nouveaux organismes d'apprentissage et
de production, une nouvelle conscience télématique qui
nous permettent de prendre part activement à notre propre
évolution. Les arts de l'interactivité et de la
transformation basés sur les systèmes numériques
peuvent fournir des modèles d'existence, de collaboration et
de production susceptibles d'insuffler une pensée et une
vision nouvelles à notre présente stagnation
spirituelle et à notre déclin economique.
(c) Roy Ascott
Le point de vue fonctionnel : point de vue tragique et programme pilote
Ph. BOOTZ, pour alire10 / DOC(K)S, janvier 1997
Ainsi va mais pourquoi ?
Ne lire qu'une fois le poème. Voila qui date de l'invention du générateur automatique. N'est-ce pas affirmer par la pratique que ce dernier n'est pas fondamentalement destiné à être lu ? En tout cas pas de la façon dont notre culture livresque nous a asséné la lecture. Ne lire qu'une fois. Ou métamorphoser la relecture en une quête peut-être permanente. À réinventer la lecture le poète s'est, une fois de plus, libéré de tout possible pour se lancer coeur à corps dans un inattendu impardonnable pour notre société. Inattendu décliné par chacun selon ses coups de souris. C'est le texte-prétexte-au-texte du sintext d'A. Cavalheiro et P. Barbosa ou du Prolix de C. Petchanatz, le texte perpétuel du Tag Surfusion de J. Donguy, inachevable et moulable à volonté dans tout media : alire, livre, expo-performance d'imprimante, CD-ROM, moulable parce que tout support n'en devient plus que l'empreinte, aussi vaine et impalpable que l'incapable photo inapte à contenir autre chose qu'une image : le media y rend le texte simulacre de lui-même. Ce sont également les textes connectés de J.P. Balpe où la lecture ici permet la lecture là-bas, où ce qui est lu ne l'est, pour chacun, que parce qu'existe une communauté des lecteurs qui, lisant ce que vous ne lisez pas, rend possible votre lecture par les échanges entre les programmes. Puis aussi l'Oeuvre verrouillée et le poème-à-lecture unique où la lecture construit son propre possible dans le temps comme l'homme construit l'Histoire, sur le mode du dialogue entre un espoir et une contrainte.
À décliner ainsi les modalités de
poèmes qu'on ne saurait lire entièrement, la
poésie est passée dans une nouvelle phase : faire lire,
non l'inlisible, mais les significations de cette
inlisibilité. Le reflet lame aiguisée renvoie la
poésie à notre société. Le texte ne dit
pas, ou si peu, ou tellement particulièrement, ou pour toi et
pour nul autre. Le texte, avant tout n'est pas le dit mais la
manière de dire. À énoncer une parole qui n'a
plus rien d'évangile, pas même d'un moi qui serait
autre, c'est l'homme contemporain-de-nos-sociétés que
rejoint le poète et, dans ce rapprochement, le lecteur devient
le performer du texte. Le relais est passé mais ce passage,
pour fondamental qu'il soit, n'en est pas moins symbolique. Alors
chacun sachant que toute entreprise artistique ...
dépêchons-nous de la lire dans toute son inacceptable
écorchure, lame aiguisée, avant que la
société ne l'ait comprise et ap/prise au filet des
« mouvements » admis, voire adulés, car
caduc(ques)s, lames brisées ... étant vouée
à l'échec,
Comment ? Et dans quel but ? C'est à cette prospective que
je convie les lecteurs de cet article qui se limitera à la
présentation d'une démarche. Et si le feu du langage
enflamme les prises de position, la rigueur scolastique du
schéma explicite les fonctionnements. Pourquoi se priverait-on
de l'un ou de l'autre ? C'est en partant de la perception et de la
description du fonctionnement d'un texte programmé qu'on
explicitera les divers aspects de la démarche.
Le modèle fonctionnel
le schéma général
L'analyse fonctionnelle consiste à décrire un système en termes de fonctionnalités plutôt que d'objets. Elle met en évidence les fonctions actives dans le système ainsi que les entités sur lesquelles ces fonctions agissent et celles qu'elles fabriquent. Les éléments physiques réalisant ces fonctions ne sont pas appréhendés par le modèle, ce qui nécessite une description structurelle du système, complémentaire de la description fonctionnelle. Nous n'irons pas jusqu'à celle-ci, inefficace pour aborder les aspects qui nous intéressent. Il est néanmoins clair que le pauvre auteur-programmeur que je suis est bien obligé d'en passer par là pour mener à bien ses réalisations !
L'analyse fonctionnelle est un outil descriptif, à ne pas confondre avec le « point de vue fonctionnel » qui sera adopté dans la démarche et dont nous parlerons plus loin.
Le modèle se propose de représenter la chaîne
complète de la communication (dénommée oeuvre
par la suite) entre un auteur défini comme le sujet
initiateur du processus de communication et un lecteur
défini comme le sujet destinataire de ce processus. Il
peut s'appliquer à un ensemble assez vaste de productions,
notamment aux poèmes-lieux ou à d'autres formes de
poésie visuelle, en fait à toute production
possédant un « processus textuel » aux
propriétés voisines de celles qui seront
décrites pour les textes programmés, les seuls dont
nous parlerons.
Nous ne donnerons de ce modèle qu'un aperçu des propriétés utiles à notre propos . Le schéma général proposé est le suivant :
Dans ce modèle « l'écriture » et la « lecture » ne coïncident pas totalement avec les opérations que l'on entend par ces termes dans le langage courant. Par exemple la fonction écriture peut être réalisée en partie par une autre personne que l'auteur (dénommé réalisateur dans le modèle). Mais la principale différence vient de l'existence d'une fonction nouvelle, la « génération », qui s'intercale entre la lecture et l'écriture et qui, dans la littérature informatique, est en grande partie réalisée par l'ordinateur. Cette fonction ne se réduit pas à ce qu'on a l'habitude d'appeler en littérature informatique la « génération automatique de texte ». Les noms donnés à ces fonctions n'ont été choisis que pour rendre plus « imagé » et donc plus simple d'accès le modèle, mais les fonctions ne doivent être définies que de manière interne au modèle, par les actions qu'elles exercent sur les matières d'oeuvre qui circulent entre elles (indiquées au dessus des flèches) et par aucune subjectivité extérieure.
le processus textuel
On a l'habitude de parler du texte comme d'un objet, quelque chose qui existerait par lui-même, éventuellement même de manière indépendante du support. Un tel texte est alors « exportable » sur plusieurs media : livre, vidéo, disquette ... Cela est vrai certainement d'un grand nombre de textes, même proposés sur ordinateur, mais pas de ceux dont nous parlons. Ce qui est repéré comme le « domaine du texte » dans le modèle n'est pas un objet mais un sous-système complet décrit par une fonction et des matières d'oeuvres associées. Il est plus juste de parler de « processus textuel » plutôt que « d'objet texte » pour décrire rapidement ce sous-système (isolé sur la figure 2). Or un processus n'existe pas de façon statique et ne s'inscrit dans aucun médium. On ne peut que le décrire et ne le rendre tangible qu'en l'activant. C'est très exactement là que réside « l'immatérialité » de la littérature informatique, et non dans le fait que l'objet accessible au lecteur n'est qu'un transitoire lumineux ou un ensemble de bits dans une mémoire. Au regard de l'immatérialité du processus textuel, une sculpture lumineuse est totalement matérielle. L'holopoésie seule atteint également cette immatérialité.
Le fait qu'un tel modèle diffère notablement d'un modèle de littérature classique incite à penser qu'il existe une infinité de littératures possibles qui diffèrent par leurs schémas fonctionnels. On pourrait tout à fait concevoir des modèles de littérature donnés puis déterminer quelles mondes littéraires réaliseraient ces modèles. Un méta oulipo au niveau de la littérature et non plus du texte en quelque sorte. Mais que le lecteur se rassure, je n'aborderai ici que le fonctionnement actuel des textes programmés et lus sur ordinateur.
les caractéristiques de l'oeuvre dans le modèle fonctionnel
La simple existence d'une fonction nouvelle intercalée entre lecture et écriture, fonctions réalisées par les sujets auteur (même s'il peut s'agir d'une équipe) et lecteur (individu ou collectivité là aussi), crée une distanciation entre le lecteur et l'auteur, distanciation mise à profit par l'auteur dans les productions interactives actuelles. Cette distanciation a comme conséquence principale de rendre inconnaissable au lecteur le travail réel de l'auteur et donc la totalité de l'oeuvre (considérée ici comme la production particulière qu'il réceptionne et non comme l'ensemble des productions d'un auteur) qu'il « lit ». Nul ne peut affirmer « avoir lu » le texte. Cette distanciation fait éclater ce qui, classiquement, constituait l'objet « texte » en un certain nombre « d'objets textuels » dont l'accès physique par le lecteur n'est plus une condition suffisante pour la lecture. Ceux-ci apparaissent en différents endroits du modèle en tant que matières d'oeuvres de fonctions et ne conservent chacune que certaines caractéristiques de l'objet texte classique. Or ces objets ne sont pas tous présents au même endroit ni au même instant dans le processus de communication décrit par le modèle et leur collection ne reproduit donc pas cette notion classique d'objet texte. Les principaux objets textuels du modèle sont les suivants :
- le texte-écrit : non présent dans le schéma de niveau 1 mais dans un schéma de niveau 2, plus détaillé, de la fonction écriture, il correspond au projet de l'auteur avant toute description de celui-ci. C'est l'objet textuel le plus abstrait, qui n'est communiqué qu'au travers des descriptions multiples que l'auteur peut en faire : discursives, symboliques, graphiques ou autres, destinées ou non à la machine. C'est lui qui constitue le résultat primaire du travail de création par l'auteur et pour lequel personne d'autre n'intervient, d'où sa dénomination.
- le textes-auteur : réalisé par la fonction écriture, il décrit les éléments du texte-écrit nécessaires à la génération en termes compréhensibles à la fois par l'auteur et par l'agent de la fonction génération (l'ordinateur du lecteur pour les textes qui nous occupent). Ce textes-auteur est formé de deux grandes classes d'objets dénommés par leur terminologie informatique : le source qui est une structure ordonnée de commandes, (c'est l'élément principal du textes-auteur), et les données qui est un ensemble de matériaux dont les structures sont des formes fixes mais pas le contenu. Source et données n'apparaissent que dans une description plus poussée de la fonction écriture. L'ensemble du textes-auteur est inaccessible au lecteur. Remarquons que dans le modèle, le fichier exécutable, livré au lecteur, ne fait pas partie du textes-auteur mais n'apparaît que dans une description de niveau 2 de la fonction génération donnée plus loin en figure 3.
- le texte-à-voir : c'est l'objet accessible au lecteur. Il est spatio-temporel, attaché aux médiums écran et bande son par exemple pour les textes animés. Le texte-à-voir est, dans le point de vue du lecteur, celui qui ressemble le plus à « l'objet texte » traditionnel. C'est d'ailleurs le seul objet qui, pour lui, peut jouer ce rôle. Il peut présenter toute l'apparence trompeuse de n'importe quelle forme de littérature non procédurale (c'est à dire dont la description fonctionnelle ne comporte pas la fonction génération). Ce texte-à-voir est en revanche inaccessible à l'auteur. On peut repérer dans ce texte-à-voir, et quelque soit celui-ci, des textes-phrases définis comme les objets textes que le lecteur obtiendrait en recopiant l'ensemble des phrases qui s'offrent à lui dans le texte-à-voir. En aucun cas les caractéristiques d'un « texte sur ordinateur » ne se réduisent à celles de ces textes-phrases, que ce soit au niveau du sens, du style ou de la littérarité de l'oeuvre. Si l'existence de ces textes-phrases différencie la littérature informatique des autres arts informatiques (le modèle fonctionnel proposé permet en effet très certainement de décrire une large gamme des arts informatiques, moyennant peut-être quelques aménagements), l'oeuvre qui les génère n'est pas réductrice à ces textes-phrases. Un auteur qui porte un objet texte conçu pour le papier à l'écran sans le métamorphoser ne fait que de du texte « sur » ordinateur. On peut d'ailleurs noter que les mots présents dans le texte-à-voir peuvent en général s'agencer en plusieurs textes-phrases différents, spécialement dans les textes-à-voir animés, ce qui participe à la forte polysémie de ces textes-à-voir.
- le texte-lu : c'est la représentation mentale de l'oeuvre
(le processus de communication complet, et non le seul
texte-à-voir) que s'est faite le lecteur. Les modalités
de réalisation, par la fonction lecture, de ce texte-lu
à partir du texte-à-voir sont certainement les
mêmes que pour un texte non procédural. Nous n'y
insisterons pas.
Cette distanciation s'accompagne d'une relative autonomie du processus textuel. Celui-ci, réalisé par la machine, échappe en effet dans une large mesure au contrôle de l'auteur comme à celui du lecteur sans pour autant être l'oeuvre d'un deus ex machina électronique. Nous détaillerons ci-après les éléments du modèle qui décrivent cette autonomie. Elle est une des raisons pour lesquelles, dans l'état actuel de la démarche, « ce qui est écrit n'est pas destiné à être lu ». Cette position (un des fondements du point de vue fonctionnel), énoncée ici sous forme paradoxale, n'est pas une négation du texte ou le dernier refuge de la pudeur, mais l'acceptation du fonctionnement de ces oeuvres avec lequel auteur et lecteur sont bien obligés de composer : il vaut mieux concevoir l'oeuvre sans prétendre dominer toutes les caractéristiques du texte-à-voir puisque certaines pourraient bien, de toute façon, ne pas se réaliser ou être modifiées par la génération.
La dernière caractéristique que nous mentionnerons à propos de la fonction génération est son interaction avec la lecture. Le lecteur ne peut réaliser l'opération de lecture sans mettre en oeuvre la fonction génération. Ne serait-ce que parce que les oeuvres lues le sont, dans le cadre de la revue, sur la machine du lecteur et que le fonctionnement de celle-ci diffère de celui de la machine de l'auteur. Cette situation peut avoir une incidence notable sur le texte-à-voir. Cette interaction est fonctionnelle et fondamentalement non liée au caractère interactif ou non de l'oeuvre. Elle nous a obligé en 1994 à réécrire la totalité des premiers numéros d'alire. Elle va permettre à l'auteur de « guider » la modalité de la lecture, de tenter de gérer l'activation du processus textuel par le lecteur.
Ainsi, le travail de l'auteur pour gérer le processus textuel doit lui permettre de créer dans le textes-auteur, seul matériau qui lui est accessible, les composantes logicielles et les données aptes, d'une part à guider la mise en oeuvre du processus textuel par le lecteur (non à la manière d'un fichier d'aide qui vous guide dans un logiciel, mais bien à la manière du berger qui guide le troupeau où il l'entend), et d'autre part à dompter (dans la mesure du possible!) l'autonomie du processus textuel.
Le point de vue fonctionnel
Le premier objectif (guider le processus textuel) m'a conduit à la conception du poème-à-lecture unique dont on trouvera la première réalisation dans le CD-ROM, et à l'oeuvre verrouillée qui reste à construire. Les options prises dans ces projets sont, dans une large mesure, perceptibles par le lecteur. Le second objectif, dompter l'autonomie du processus textuel, conduit à l'idée du générateur adaptatif dont les caractéristiques n'apparaîtront que très progressivement au lecteur à l'occasion de la montée en puissance de sa configuration matérielle. La présentation dans le cadre du modèle fonctionnel de l'action de ces diverses « écritures » sur les oeuvres créées (et non les seuls textes-à-voir générés) nécessite de présenter le point de vue fonctionnel, position idéologique d'auteur sur la finalité de l'oeuvre, extérieure au modèle fonctionnel. Ce point de vue correspond à un engagement.
la nécessité d'un engagement de l'auteur
Nous n'avons pas pu nous empêcher de dégager très tôt dans cet article un des choix fondamentaux sur le caractère mimétique ou non voulu par l'auteur pour les textes-à-voir générés. La distanciation est en effet la première caractéristique du texte procédural sur ordinateur auquel il est confronté lorsqu'il met l'oeuvre à disposition d'un lecteur. Il est bien tenu de prendre position sur la gestion de cet aspect, ne serait-ce qu'à travers le choix des outils de création qu'il adopte. C'est donc bien à un engagement de l'auteur, purement interne à la littérature, que nous assistons. Si engagement de l'auteur il y a, celui-ci est légitimement en droit d'attendre en retour un engagement du lecteur dans sa lecture. C'est une position constante dans alire, depuis sa création.
Mais pour comprendre la nature de l'engagement que doit réaliser l'auteur, il nous faut détailler quelque peu les éléments qui limitent la fidélité du texte procédural et les indices qui permettent de qualifier, à défaut de mesurer, la lisibilité d'un texte procédural. Nous pourrons alors énoncer les implications de cet engagement dans le travail de l'auteur tel que nous venons de le décrire.
lisibilité du texte-à-voir et processus de lecture
La lisibilité est une caractéristique des textes-à-voir. Elle n'est déterminable que du point de vue du lecteur. La fidélité est une estimation de l'adéquation entre un texte-à-voir réalisé dans une lecture particulière et celui qui serait obtenu sur la machine de l'auteur dans des circonstances textuelles similaires. Ce n'est donc pas une caractéristique du texte-à-voir accessible au lecteur, mais au « critique » (ou observateur) , personnage que nous avons juste mentionné et qui réalise, non une opération de lecture, mais l'observation d'un acte de lecture. Dans l'état actuel de développement de la littérature informatique, c'est l'auteur qui, le plus fréquemment, peut jouer ce rôle de critique, lors de salons, soirées ou expositions par exemple.
L'observation des lecteurs lisant tend à montrer qu'un petit nombre de caractéristiques du processus textuel assurent la lisibilité. Il suffit que le texte-à-voir « ressemble » à un texte non procédural, c'est à dire qu'il s'obtient par une procédure d'appel simple (par un sommaire par exemple), fonction similaire à l'ouverture d'un livre (mise en condition ; connexion), qu'il se termine par un retour sans erreur à l'interface d'appel (opération de déconnexion) et qu'entre ces deux protocoles deux conditions soient réalisées : que des textes-phrases puissent être construits à partir des éléments présents dans le texte-à-voir, (même si un grand nombre d'informations échappe à la sagacité du lecteur), et qu'aucun message d'erreur ne soit généré. Autrement dit il suffit d'assurer une compatibilité matérielle minimum entre les ordres du textes-auteur (notamment sur le système d'exploitation, la vitesse d'exécution et les données matérielles comme la résolution de l'écran et le nombre de couleurs) ainsi qu'un débogage du programme garantissant l'absence de bugs bloquants pour assurer la lisibilité d'un texte-à-voir. Celle-ci est une condition préliminaire à la lecture, mais sa ressemblance avec les opérations préliminaires à la lecture d'un texte non procédural peut constituer un leurre pour le lecteur en lui laissant extrapoler d'autres caractéristiques du texte non procédural qui ne s'appliquent plus nécessairement dans une oeuvre informatique. Notamment en le laissant supposer que les premiers éléments du texte-à-voir correspondent à un incipit de l'oeuvre et que les derniers en sont une clôture. Il peut n'en être rien. D'ailleurs la génération a en général déjà traité une certaine partie du source (les phases d'initialisation du processus de génération) avant que n'apparaissent les premiers éléments du texte-à-voir. De même le générateur réalise en général un certain nombre d'opérations extérieures au texte-à-voir après l'achèvement de celui-ci. Le texte-à-voir ne constitue pas l'ensemble du résultat de génération mais seulement la partie accessible au lecteur (d'où sa dénomination, non liée à son appartenance ou non à la poésie visuelle, mais à son caractère de visibilité par le lecteur). La génération produit également les données induites sur lesquelles nous reviendrons plus loin et qui permettent, par exemple, d'empêcher la lecture des séquences multimédia de passage dans un ordre quelconque, même par appel direct hors sommaire, alors que l'ensemble des éléments nécessaires à leur activation est physiquement présent sur le CD-ROM. Cette position non centrale du texte-à-voir dans le processus textuel se répercute jusque dans les textes-phrases qui en sont issus. La cohérence du texte-à-voir, nécessaire à sa lecture, est liée à la nécessité d'une cohérence, mais non forcément de cette cohérence. C'est notamment le cas dans les générateurs automatiques. Or si le générateur, comme dans le poème-à-lecture unique, ne génère qu'un unique texte-à-voir, sans possibilité de réinitialisation, le lecteur n'a aucun moyen de déceler dans ce qu'il lit les éléments constants de ceux qui sont calculés. Ces éléments qui orientent la lecture sont donc maîtrisables par l'auteur et font partie du premier axe dégagé dans le travail de l'écriture : celui de la gestion de la mise en oeuvre par le lecteur du processus textuel.
La lisibilité n'est pas non plus la garantie que le lecteur lise ce que l'auteur avait prévu qu'il lise. On a ainsi eu quelques expériences significatives de processus textuels prématurément avortés, sans doute suite à une « fausse manoeuvre » du lecteur, non repérée par celui-ci et qui, n'ayant généré aucun message particulier, n'a pas été perçue comme une troncature du texte-à-voir. Le lecteur n'a lu qu'un extrait du texte-à-voir en croyant le lire entièrement. Le texte-lu qu'il s'est forgé en a, naturellement, fortement été marqué comme le montrent les réflexions qu'il a émises sur cette oeuvre. Un autre exemple, encore plus extrême, a correspondu à l'activation par le lecteur, lors d'une exposition, d'une commutation de tâches vers un autre produit culturel sans qu'il s'en rende compte. Il s'est donc retrouvé à l'extérieur de l'oeuvre en croyant la parcourir de façon hypertextuelle ! Mais les « infidélités » liées à l'autonomie du processus textuel ont souvent, Dieu merci !, des effets plus limités que ceux-ci comme par exemple la perte de synchronisme entre deux événements ou une inversion à l'exécution des ordres du source : leur séquentialité n'est pas respectée par leur chronologie.
gestion du contexte de lecture : le générateur adaptatif
Les premiers exemples d'infidélité du texte-à-voir illustrent l'influence sur la génération du contexte dans lequel se trouve plongé le lecteur. Ils risquent moins d'advenir dans le cadre d'une lecture intimiste et particulière sur la machine du lecteur que dans le cadre déstabilisant et moins maîtrisé d'un lieu public. Le dernier exemple illustre l'influence des caractéristiques techniques des machines, notamment leur vitesse. Sa probabilité est aussi grande chez le lecteur que dans un lieu public. Ces deux données, environnement de la lecture et constantes physiques de la machine, sont regroupées dans le modèle sous le terme générique de contexte de lecture et constituent la composante des données de lecture indépendante du lecteur. Ce contexte de lecture n'existe que lors de la lecture et influe sur la manière dont le processus textuel génère le texte-à-voir. Il n'est maîtrisé ni par l'auteur, ni par le lecteur. C'est lui le responsable de l'autonomie du processus textuel.
Il n'y a pas lieu de modéliser ce contexte de lecture par quelque chose comme une source de bruit. La notion de source ( de bruit ou de signal) est étrangère au modèle car de nature structurelle. De plus, même dans un point de vue structurel, cette notion est inapplicable au contexte de lecture. Il ne s'agit pas en effet d'une perturbation qui serait réalisée par une source externe à la machine et se superposant au signal traité par cette dernière, mais d'une gestion ordonnée et cohérente permise par le source et ne correspondant pas à l'attente de l'auteur. En clair d'une faiblesse de description du texte-écrit par le textes-auteur. Ce problème est bien connu des informaticiens industriels, au moins en ce qui concerne la gestion des caractéristiques des machines. Il oblige à prendre en compte le fait que l'exécution d'un programme dépend fortement de la machine qui l'exécute, même si la réalisation de ce dernier ne dépend pas de la machine sur laquelle se fait l'écriture du source. Il serait donc plus judicieux de parler de ce comportement en terme d'influence du non-dit dans le textes-auteur. C'est en effet parce que le programme ne précise pas, en général, les conditions et paramètres à respecter pour l'exécution des ordres, et ne prévoit donc pas de comportement de substitution en cas de violation de ces conditions ou de non respect de ces valeurs, que la génération dévie du comportement attendu.
L'influence de ce contexte de lecture peut être perçue de deux façons opposées. On peut considérer qu'une infidélité correspond à une violation du texte-écrit, et que la lecture est mauvaise, voire illégale. C'est le point de vue adopté dans la position mimétique. Pour éviter ce porte-à-faux, on mentionne alors les principales caractéristiques des machines sur lesquelles ont été écrits les textes-auteurs. Le point de vue fonctionnel, privilégiant la lisibilité sur la fidélité, part du principe que « quoi qu'il puisse lire, le lecteur lit » et que cette lecture est parfaitement licite. Dans cette optique les échecs de lecture et les risques de contresens sont très nettement minimisés. Les textes-à-voir supportent ainsi des lectures contradictoires sans contresens, comportement également mis en évidence dans des productions visuelles procédurales non informatiques.
Acceptant, dans le point de vue fonctionnel, l'autonomie du processus textuel, l'auteur peut alors modifier son texte-écrit de façon à concilier au mieux lisibilité et fidélité. Plus exactement, il est amené à se demander quelles sont les caractéristiques réelles de son projet qu'il veut garder dans toute lecture, quelles sont celles qu'il accepte de moduler, et dans quelle mesure. Le respect des autres n'est plus alors qu'un « fortuit agréable ». Il y a bien là engagement, implication totale de l'auteur dans son oeuvre, mais cette implication est épurée, a quitté les détails concrets du texte-à-voir pour se déplacer vers la gestion abstraite des conditions de sa genèse. L'auteur est, dans le point de vue fonctionnel, tenu d'adapter ses exigences aux performances de la machine du lecteur. Les modalités que j'ai retenues pour cette adaptation forment le générateur adaptatif, actuellement en cours d'élaboration. C'est un protocole (et non une oeuvre) dérivé des techniques de gestion temps réelle des processus industriels car il semble que ce soit la méthode la plus efficace pour gérer le comportement d'un système multitâches comme windows. En tant que protocole, le générateur adaptatif est une construction structurelle et non fonctionnelle, liée aux outils utilisés. Pour mettre au point ce protocole, le point de vue fonctionnel ne considère plus le texte-à-voir comme un objet, mais comme un ensemble de processus en oeuvre simultanément. C'est à dire, par exemple, qu'un texte-à-voir animé ne sera pas travaillé comme un film comportant 15 ou 25 images par seconde, mais que chaque action, chaque mouvement, chaque changement de couleur ..., sera décrit et géré comme un processus indépendant devant se dérouler en temps réel. Le textes-auteur devra alors établir un protocole de gestion automatique des processus (comment les créer, les activer, les stopper, en consigner l'état et les résultats, déterminer leur durée, leur temps de cycle ...) et, surtout contenir un ordonnanceur, programme qui, en informatique industrielle, gère les synchronismes et conflits des processus temps réel. Cet ordonnanceur doit être notamment capable de : définir une priorité des processus, initialiser ceux-ci, en gérer le synchronisme, les détruire. Ce travail de l'ordonnanceur ne peut être mené à bien que si l'auteur établit une structure de requête de gestion des processus (en définissant des ordres de priorité, des intervalles pour les durées de cycle ou totale, des règles de dépendance des processus) et si le générateur détermine, par une batterie de tests, les possibilités de la machine du lecteur relatives à chaque processus élémentaire. Une telle entreprise augmente considérablement le travail de programmation mais n'est à faire qu'une fois par processus imaginé. En contre partie il garantit une lisibilité certaine sur toutes les machines compatibles avec le langage dans lequel l'ordonnanceur est écrit, et avec l'arrivée de java la quasi totalité des plates-formes pourrait bientôt être concernée. Il garantit également une fidélité à un « projet d'auteur qui n'est plus la genèse d'une oeuvre mais la gestion de ses brisures ». Cette gestion ne concerne plus seulement l'objet accessible au lecteur (le texte-à-voir) mais bien l'ensemble du processus textuel : l'écriture informatique n'est pas réductrice à l'objectivation d'un projet, à moins que ce projet ne soit lui-même le projet d'un fonctionnement (objectiver le projet d'un fonctionnement c'est justement mettre en oeuvre ce fonctionnement). Une autre formulation fera davantage ressortir la chute tragique de l'auteur : pour écrire il ne peut plus penser l'écrit mais l'écriture. Le voila astreint à mettre en place les chemins qui lui permettront de ne pas trop perdre le paradis. On le croyait dieu tout puissant de son oeuvre et il se retrouve à grillager le piédestal vide.
Mais cette perte de pouvoir auquel il consent lui découvre des royaumes à explorer ; le point de vue fonctionnel, plein de doute et de pièges, est également le chemin de l'aventure qui assemble et construit. Car si le générateur adaptatif permet de gérer les brisures d'un projet qui ne saurait être activé dans toutes ses richesses sur la machine du lecteur, il permet également de mettre en oeuvre des projets parfaitement irréalistes même sur les machines les plus puissantes, et pourtant parfaitement lisibles sur toutes les machines, même les moins puissantes. Or l'exemple de l'évolution sur une longue période (6 ans environ) d'un texte comme Le mange-textes de Jean-Marie DUTEY (alire1) montre qu'on peut concevoir des oeuvres au comportement aussi riche bien que différent sur des machines lentes et des machines rapides. La performance des machines n'est pas liée à la simplicité, l'intérêt ou le finition d'un texte-à-voir, ne crée donc pas forcément un « plus » ou un « mieux » dans le texte-lu. Elle peut en revanche induire des effets secondaires comme un changement de statut de l'oeuvre, voire une métamorphose complète de celle-ci. On peut donc concevoir et réaliser une oeuvre, même purement animée et non interactive au sens actuel du terme (l'interactivité n'est conçue que comme une action consciente du lecteur), qui évolue lentement dans le temps en fonction de l'évolution du matériel du lecteur. Le texte-à-voir peut être la réalisation d'un projet sans cesse tronqué, et sa lecture celle d'un « texte » sans cesse différé. Troncature et brisure : le temps est fuite de la vie vers la vie.
première gestion du processus de lecture : le dialogue du poème-à-lecture unique.
Si le travail de l'auteur consiste à gérer l'ensemble du processus textuel, il lui faut, outre la lisibilité, guider la mise en oeuvre du processus textuel par le lecteur. D'autres options du point de vue fonctionnel se dégagent à cette occasion.
La principale est de privilégier dans la lecture la manifestation d'une « expérience » [erfahrung] du lecteur sur sa quête, légitime, d'information et d'acquisition d'un « savoir » sur le texte (texte-à-voir ou texte-écrit). Cette position est à l'opposée du réflexe de Pavlov de nos sociétés de l'information. La littérature procédurale est pour moi, et c'est en cela qu'elle a commencé à m'intéresser, bien avant de la porter sur ordinateur, une guerre ouverte à la lecture journalistique. Elle redonne une place au lecteur comme sujet libre et acteur, vivant, et non comme un gamin à guider ou un récipient à abreuver, fût-ce de beauté, ce qui ne signifie pas que je ne m'emploie pas également à mettre du beau dans les poèmes informatiques. S'il doit y avoir un conflit entre le plaisir esthétique et l'expérience de la lecture, nécessairement irréversible et ininterrompue, le texte fonctionnera toujours de façon à privilégier l'expérience, c'est à dire notamment la prise de conscience du lecteur qu'il lit et que « ce qu'il lit est en train de passer, qu'il l'attrape ou non ». Le poème-à-lecture unique porte ce fonctionnement très loin en incluant l'irréversibilité et la non relecture. Il présente de ce fait de grandes similitudes avec les générateurs automatiques mais « guide » différemment le lecteur de façon à optimiser (ou tenter de le faire) cette prépondérance de ce qu'on pourrait appeler la « démarche de lecture » du lecteur sur sa « maîtrise » du texte. Le point de vue fonctionnel est aussi exigeant pour le lecteur que pour l'auteur. Il impose ainsi au lecteur d'être « acteur » de sa propre lecture et non « spectateur dans ses mains et sa tête ». La liberté, formidable, redonnée au lecteur, s'accompagne d'une contrainte tout aussi importance : l'impossibilité pour le lecteur de ne pas user de cette liberté (sous peine, dans le poème-à-lecture unique de la perdre). Mais n'est-ce pas là une représentation symbolique des conditions de la démocratie elle-même ?
Cette prépondérance de l'erfahrung sur le décryptage amène, suivant le degré de gestion atteint par l'auteur, un certain nombre de conséquences sur la lecture. La première est un sentiment quasi-général de frustration chez les lecteurs qui abordent ce genre de production pour la première fois. Le malheureux défenseur des mots veufs et orphelins avait la possibilité de se rabattre sur le rôle de la relecture qui, sauf dans les générateurs automatiques, permet de réinvestir selon les jeux de l'intellect connus les rapports polysémiques (oh combien nombreux) des textes-à-voir. Sauf que l'intégralité de ces rapports apparaît rarement dans des opérations de lecture et relectures car ceux-ci se font toujours avec un passif culturel qui inhibe certains fonctionnements polysémiques et en amplifie d'autres. C'est, par exemple, devenu un jeu que de découvrir assez rapidement à la façon dont le lecteur lit ou relit un texte animé (ou visuel) s'il est de formation plutôt littéraire ou plutôt plastique. Et je me trompe rarement. La relecture réalise en fait une autre opération : elle augmente la cohérence et la richesses du texte-lu en réintroduisant des « souvenirs» du texte-à-voir [qui sont en réalité des fragments du texte-lu] dans le texte-à-voir en cours afin de mieux « le lire ». La relecture est une tentative, constructive, de négation de la temporalité fondamentale du texte-à-voir.
Mais le poème-à-lecture unique va plus loin. Sa structure en est donnée dans les commentaires accessibles par le sommaire de passage sur le CD-ROM. Notons ici simplement que sa seconde phase est animée, interactive et irréversible, aucune action du lecteur ne pouvant être corrigée ou annulée. Cette phase s'organise au fil des lectures successives (3 au maximum) de façon parfaitement organisée, comme s'il n'existait aucune interruption de la lecture entre les diverses activations du poème, à la manière d'un parcourt hypertextuel, alors qu'elle a tout l'apparence d'un générateur automatique dans lequel le lecteur exprimerait un certain nombre de choix textuels. La relecture, comprise comme la réactivation du même processus textuel et non la réalisation du même texte-à-voir, participe ainsi à l'élaboration de la phase finale du poème. La participation du lecteur est la condition nécessaire à la réalisation complète du projet qui aboutit à l'annulation du caractère « à lecture unique » de la dernière phase. La maîtrise du sens par le lecteur et l'adéquation de ses choix à sa volonté ne jouent que sur le degré de vérité du dialogue entre l'auteur et lui, dialogue dans lequel la parole du lecteur investit cette phase interactive et la réponse de l'auteur la dernière phase. La phase interactive est une phase d'apprentissage du programme est la dernière est la réponse de l'auteur à l'idée qu'il se fait (ou plutôt que le programme s'est fait en son nom, quasiment par procuration) du lecteur. Ce dialogue est personnalisé et c'est pourquoi le poème-à-lecture unique établit une discrimination entre les lecteurs : l'établissement du dialogue suppose que l'ensemble des lectures soit réalisé par le même lecteur. Le texte-à-voir final possède alors une histoire, celle de sa « fabrication », pour le lecteur qui l'a peu à peu façonné et à qui il est destiné, et pas d'histoire pour les autres lecteurs, même si ces lecteurs ont eux-mêmes « lu » passage. remarquons également et incidemment que passage utilise à contre-emploi des structures classiques en littérature sur ordinateur et déjoue les habitudes. Ainsi la seconde phase, interactive, ressemble à s'y méprendre à un générateur automatique « contrôlé » par le lecteur alors que sa structure est un hypertexte avec la particularité qu'il n'autorise qu'un seul parcours par lecteur et que ce parcours ne peut repasser par les mêmes noeuds. De plus les noeuds de cet hypertexte (qui sont constitués de séquences animées) ne sont pas « explorables », c'est à dire que le lecteur ne peut y arrêter son action pour se donner les moyens de choisir le prochain lien. Il ne peut qu'y passer. La troisième phase, elle, ressemble à un poème « simplement » animé alors qu'elle est en réalité un générateur automatique qui utilise comme descripteur les données induites de l'hypertexte précédent, élément du modèle fonctionnel dont nous reparlerons ci-dessous, pour ne générer, ici aussi, qu'un seul texte-à-voir par lecteur, identique à chaque relecture. Globalement le comportement du texte-à-voir ne reproduit pas la structure du textes-auteur, ce qui correspond à une nouvelle manifestation de l'indépendance des points de vue de l'auteur et du lecteur.
les données induites et l'oeuvre verrouillée.
Les données induites forment la partie des matériaux générés invisible au lecteur lors de sa lecture. Ces matériaux correspondent pour le processus textuel à des données et viennent s'ajouter à celles de l'auteur. Les deux caractéristiques précédentes placent les données induites dans le domaine de l'auteur, même si la lecture n'est pas étrangère à leur élaboration. On peut alors considérer que la machine joue une partie du rôle de scripteur traditionnellement dévolue à l'auteur en littérature non procédurale. Serait-elle à considérer comme un nègre artificiel ? Cette idée pourrait venir encore plus vite à l'esprit à propos de générateurs pour lesquels le lecteur identifie clairement, parce que convié à y participer, un scriptage non réalisé par l'auteur. Pour moi la réponse à cette question est un non catégorique. Les données induites ont toutes les caractéristiques des données, c'est à dire que seul leur contenu est généré mais ni la définition de leur structure, ni des ordres qui pourraient s'ajouter au corpus du source et étendraient ainsi ses possibilités. Un générateur ne peut pas, à ma connaissance, engendrer lui-même de générateur plus puissant. A fortiori comment pourrait-il créer un texte-écrit, projet abstrait de l'auteur ?
Le fait que données induites, données de lecture et
texte-à-voir soient matières d'oeuvres de la même
fonction ne signifie nullement que le comportement temporel du
processus les rende simultanés. De même l'intervention
du personnage qui lit dans l'éventuelle élaboration de
ces données ne signifie pas que les actions qu'il
réalise alors correspondent à une lecture au sens du
modèle car ce personnage ne joue pas alors le rôle de
destinataire du processus (définition du lecteur), il
n'en est qu'un instrument. L'examen du comportement de la
fonction génération dans Prolix de Christophe
Petchanatz mettra en exergue cette caractéristique
Prolix donne à voir de façon automatique un texte-phrase ininterrompu obtenu par une opération de cut up entre deux textes-phrases. Ces cut-up sont « préparés » par une phase qui se déroule elle-même en deux temps. Dans un premier temps le programme « vous » invite à créer des textes-phrases. Le « vous » à qui s'adresse cette phase n'est pas le lecteur mais un auteur de textes-phrases quelconque puisque le programme ne les différencie pas ensuite en fonction de leur origine. Cette phase n'a pas le même destinataire que le programme Prolix. Le « vous » agit ici en tant qu'instrument. Mais cet instrument n'est qu'un auxiliaire dans la phase de génération des données induites, celle-ci étant en réalité confiée au programme Prepare dont Christophe Petchanatz explique le travail en ces termes (c'est moi qui en souligne les mots les plus pertinents pour notre propos) : « Prepare enregistre sa version de votre texte dans un fichier .P_P. Prepare modifie le fichier de manière qu'il soit débarrassé d'éléments qui pourraient gâcher le travail de Prolix ». Les caractéristiques des données induites y sont presque toutes énumérées : nécessité d'un instrument, modification du résultat de son action (aspect génératif), mise en forme de celles-ci en vue d'une autre étape (sous-fonction) de la génération, réalisée ici par un autre programme (prolix). Mais ce texte ne nous informe pas sur la manière dont les textes ASCII entrés par l'instrument sont modifiés. On se rend compte à l'usage que la ponctuation du texte-phrase est interprétée : les points et sauts de lignes sont interprétés comme des séparateurs d'unités syntaxiques minimales alors que les autres signes de ponctuation sont traités en tant que caractères non particuliers internes à ces unités minimales. Ces textes-phrases ne sont utilisés qu'en tant que contenu, mais la structure de donnée qui les décrit dans le générateur est bien imposée par ce générateur. Elles ne peuvent pas non plus modifier le fonctionnement du générateur. Dans un troisième temps un second programme, Prolix, utilise ces fichiers pour mélanger, certainement de façon aléatoire, de façon ininterrompue deux textes-phrases créés dans la première phase. Dans cette phase le lecteur est invité à mettre l'ordinateur en pause pour interrompre momentanément le processus de « cut-up » et prendre connaissance du résultat. Cette action est tout à fait différente de celle du lecteur invité à relancer le processus de génération d'un générateur automatique balpien (bouton : autre lecture).
Dans Prolix le processus textuel se présente clairement comme un automate à produire des textes-phrases multiples et incohérents dans un même texte-à-voir selon le procédé mécanique du cut-up. Le contexte de lecture se manifeste par l'impossibilité de lire les textes-phrases réalisés par l'automate au fur et à mesure de leur production et la part des données de lecture en provenance des actions conscientes du lecteur (les données-lecteur du modèle) se limitent, au moins pour leur partie matérielle, à l'activation de la touche pause. Mais d'autres données de lecture peuvent compléter celle-ci. Ayant compris le mécanisme de production du texte-à-voir, le lecteur peut, par exemple, orienter dans une certaine mesure le comportement rythmique ou sémantique des textes-phrases générés. Il le fait en gérant la structure des fichiers ASCII qu'il entre, notamment par la position des points, des sauts de ligne et des majuscules. Il lit alors le résultat obtenu en complétant le texte-à-voir généré par les souvenirs des textes qu'il a entrés et de la structure visée. Ceux-ci agissent en tant que contraintes qu'il impose à l'instrument (lui-même) pour la génération des données induites (les fichiers ASCII). Ces souvenirs sont bien des données de lecture, à usage du générateur, et non des données pour la fonction lecture malgré leur intériorité au sujet lisant.
Remarquons que le processus textuel nécessite pour
fonctionner des fichiers .p_p mais que le textes-auteur n'en contient
aucun. C'est à dire que Prolix ne nécessite pas
de fichiers .p_p créés par l'auteur (en fait le
réalisateur). Ce dernier a livré avec le programme des
fichiers « exemples » afin de permettre un
apprentissage du fonctionnement du générateur par le
lecteur ou afin de lui montrer « ce que cela peut
donner », mais ces fichiers ne peuvent être
considérés comme parties du textes-auteur. Le sujet
auteur s'est ici placé en situation « d'instrument
initial » pour assurer la lisibilité du processus
textuel..
Dans les générateurs délocalisés de
Jean-Pierre Balpe, ces données induites vont intervenir de
façon spatio-temporelle et non plus seulement temporelle, les
personnages et bribes de romans générés à
un endroit de la planète pouvant être utilisés
par d'autres lecteurs, lisant d'autres romans. Chaque lecteur est
également un instrument pour la collectivité des
lecteurs.
Dans ma démarche de dialogue personnalisé, seul le lecteur joue, à certains moments, et tout en restant lecteur, un rôle d'instrument, mais pour lui seul. Et il ne peut pas ne pas jouer ce rôle. Par exemple dans la phase interactive du poème-à-lecture unique, les données induites étant le contenu du descripteur utilisé dans la phase générée. Cet ordre temporel des états du sujet lisant crée un axe des temps spécifique à la lecture qui s'apparente à l'axe de la narration de la littérature orale. Dans la tradition orale africaine, une histoire n'existe pas, elle est réinventée à chaque narration et la chronologie de cette histoire n'est pas celle qu'y a mis un auteur d'ailleurs multiple et anonyme, c'est le temps de la narration en cours, inventé par le narrateur. C'est ce que va produire l'« Oeuvre verrouillée » : une chronologie des générateurs liée à la lecture et non à celle de la création, une chronologie à l'usage exclusif du lecteur. Le mot Oeuvre n'est pas ici à comprendre au sens où nous l'avons défini, mais comme la collection de ces oeuvres (si possible l'ensemble de celles qui suivront passage). Cette chronologie fonctionnera de la façon suivante : qu'un texte 1 écrit avant un texte 2 par l'auteur mais lu après celui-ci, connaîtra les résultats de lecture du texte 2 lors de sa génération et pourra se présenter au lecteur comme ayant été écrit après le texte 1. C'est à dire que « toute action du lecteur dans un texte quelconque orientera l'ensemble des textes-à-voir qu'il lira ensuite, que ces textes-à-voir soient fabriqués par des oeuvres écrites avant ou après celle dans laquelle il est en train d'intervenir, que ces oeuvres connaissent ou non le concept sur lequel le lecteur est en train d 'intervenir ». Cela n'a de sens que pour un même lecteur lisant l'intégralité de l'Oeuvre : le dialogue de l'oeuvre se perpétue cheminement, un cheminement aux temporalités disjointes pour l'auteur et le lecteur mais qui, pour chacun, correspond à un axe temporel orienté, sans marche arrière possible. C'est une manifestation supplémentaire du caractère intemporel (et d'ailleurs non spatial non plus) du fonctionnement du modèle fonctionnel ainsi que de l'indépendance des domaines de l'auteur et de celui du lecteur.
Le mot « verrouillée » n'est pas
à opposer à « ouverte », l'Oeuvre
verrouillée est une oeuvre éminemment ouverte au sens
où le définit Umberto Eco. Il s'agit plutôt de
l'équivalent d'un « verrouillage de
phase », du blocage d'un processus sur un fonctionnement
particulier, imposé. En effet les données induites par
le lecteur dans une lecture vont orienter les possibilités de
génération des textes-à-voir dans les mises en
oeuvre d'un processus textuel quelconque. Ce verrouillage est
indépendant d'un comportement temporel chaotique ou non de
l'Oeuvre au cours des lectures du lecteur destinataire, comportement
que l'avenir nous dévoilera.
l'Oeuvre verrouillée combinera et portera au niveau de l'Oeuvre les caractéristiques du poème-à-lecture unique et du générateur adaptatif.
En elle chacun des sujets, auteur et lecteur, s'engagera pour un aller sans retour : l'auteur, devant déjà gérer dans chaque oeuvre ce qu'il n'a pas encore conçu, ne peut effacer ce qu'il a déjà conçu. De même le lecteur ne peut effacer les traces de ses lectures antérieures, traces qui lui permettent de lire plus avant dans l'Oeuvre mais lui interdisent d'y lire ce que pourrait y lire un hypothétique voisin.
En elle l'oeuvre subit une dilatation dans le point de vue de l'auteur : une « oeuvre particulière » ne porte plus aucune valeur, elle n'existe qu'en relation avec l'ensemble des autres oeuvres, elle ne prend son sens que dans l'Oeuvre.
Mais en elle l'Oeuvre subit une contraction dans le point de vue
du lecteur. En abolissant les barrières entre ses parties,
elle se comporte globalement comme un immense hypertexte que le
lecteur se voit parcourir. C'est toute l'Oeuvre qui, pour lui, se
réduit à une oeuvre unique, aux facettes
éventuellement multiples. Une oeuvre de plus en plus
incommunicable au cours du temps car liée à trop de
particularités de lecture : une oeuvre qui, un peu plus
à chaque lecture, croît en enfonçant ses racines
dans l'intimité, éloignant d'elle les autres
lecteurs.
Au terme de ce parcours, ami lecteur, tu sera convaincu, j'espère, que les démarches de ces drôles d'auteurs sur leurs drôles de machines supportent déjà des descriptions détaillées, cohérentes et pas toujours si triviales que le revers de la main qu'elles suscitent parfois le laisserait supposer. Que ces démarches divergent maintenant en des productions, réalisées, en cours ou à venir, qui correspondent à des propositions littéraires nouvelles, non à une abolition des formes, us et costumes de la littérature antérieure, mais à un enrichissement de la littérature : que la littérature procédurale sur ordinateur n'en est plus à ses prémices mais à l'âge adulte.
Et qu'elle est toute entière ancrée en l'Homme et non en la machine !
TECHNOLOGIES ELECTROACOUSTIQUES ET PRATIQUES
MUSICALES
1 - Les techniques électroacoustiques ont fini par modifier
radicalement, vers 1950, la manière de faire et de penser la
musique. A côté de pratiques sociales traditionnelles en
musique, centrées sur la tradition orale ou sur
l'écriture, il existe, dorénavant une troisème
grande technologie de production-conservation-diffusion en musique,
qu'on nomme électroacoustique.
2 - On peut en citer quelques conséquences esthétiques
et sociales : émergence du "son" comme valeur
esthétique, nouvelles conditions de transmission
pédagogique, retour d'un amateurisme de la création
dans le champ savant.
3 - La musique considérée comme "fait social total" se
subdivise en sous-ensembles qu'on peut appeler des "pratiques
musicales", elles-mêmes faits sociaux totaux où
s'articulent un genre musical, un groupe social, une lutherie, des
salles, des réseaux de diffusion, des comportements, etc. (par
exemple, en restant dans une techno-logique électroacoustique,
les variétés, le rock, la techno,
l'électroacoustique savante). Les conduites qu'impliquent ces
différentes pratiques musicales n'ont pas grand-chose à
voir, et en particulier les critères d'évaluation.
I. LES MATHEMATIQUES ET L'ART.
C'est une ancienne tradition que les mathématiciens se soient intéressés aux possibles rapports entre leur discipline et l'art soit du point de vue de la beauté des mathématiques soit du point de vue de la théorisation d'une mathématiques de la beauté. G.H. Hardy a écrit:
"The mathematician's patterns, like the painter's or the poet's must be beautiful; the ideas, like the colours or the words, must fit together in a harmonious way. Beauty is the first test: there is no permanent place in the world for ugly mathematics"(1).
Dans le chapitre "La Beauté en Mathématiques" le mathématicien Le Lionnais a remarqué:
"C'est ainsi que la beauté se deploie en mathématiques comme dans les autres sciences, comme dans les arts, comme dans la vie et comme dans la nature. Parfois comparable à celle de la musique pure, de la grande peinture ou de la poésie, les émotions qu'elle éveille sont le plus souvent d'une nature différente, qui ne peut guère se comprendre losqu'on n'en a pas ressenti en soi-mëme l'illumination"(2).
Les mathématiciens se sont intéressés pas seulement à la beauté de leur discipline mais ils ont essayé à maintes reprises de s'occuper de la beauté tout-court, de formuler des théories mathématiques de la beauté. Dans l'espoir, comme a souligné René Thom, "de retrouver par-délà les activités 'a priori' si différentes du savant et de l'artiste, une origine commune"(3).
Morris Kline fait remarquer que celui-ci est le problème délicat quand il affirme que:
"la vérification définitive d'une oeuvre d'art consiste en sa contribution au plaisir esthétique ou à la beauté. Heureusement, ou malheureusement, il s'agit d'une vérification subjective, qui dépend du degré culturel dans un secteur déterminé. A' la question si les mathématiques aient ou non une beauté à soi, seulement ceux qui ont une culture dans cette discipline peuvent donner une réponse"(4)
Le mathématicien George Francis fait observer qu'il existe un implicitly mathematical art et un explicitly mathematical art:
"Quant au premier, le contenu ou le sens mathématique se trouve surtout dans l'oeil de l'observateur. L'artiste n'a pas exprimé avec intention des idées mathématiques d'une façon esthétiquement informée. Le pur emploi de sphères, de polyèdres réguliers ou de symétrie spatiale n'a pas 'per sé' la signification que l'artiste voulût donner un sens mathématique à son oeuvre" (5).
Francis précise que la question à poser est si l'artiste veut tout simplement évoquer des images mathématiques en ceux qui observent ou si c'est le sujet même de l'oeuvre qui est mathématique. Un artiste aurait pu être vraiement inspiré par un profond résultat mathématique. Dans ce cas l'artiste évoque le théorème qui l'a inspiré seulement dans l'esprit du mathématicien initié, pas dans celui de l'observateur occasionnel. Francis cite comme exemple l'oeuvre du mathématicien Anatoly T. Fomenko (6).
Il faut immédiatement libérer l'esprit de deux genres de considérations: la première c'est que grâce à l'étude mathématique des structures esthétiques, comme l'a remarqué Ugo Volli dans son essai "Matematica e valori estetici"(7),on puisse fournir une sorte de recette pour obtenir des objets esthétiques, ou un instrument quasi exclusif, en plus exact (mathématique!), pour comprendre l'oeuvre d'art, pour établir jusque un critère de valeur de l'oeuvre d'art. L'autre considération consiste à reduire toute la question à un simple problème de mésurages afin de trouver dans les oeuvres d'art de rapports plus ou moins harmoniques. C'est cette dernière question l'une des idées généralement considérées fondamentales par les historiciens de l'art quant aux rapports entre les mathématiques et l'art: la théorie des proportions.
C'est le mathématicien George David Birkhoff qui essaye de donner une formule explicite de la sensation du plaisir esthétique
dans son long traité "A Mathematical Approach to Aesthetics". La légitimité d'une esthétique mathématique se fonde sur le fait que tous les phénomènes psychologiques et sociaux semblent révéler à l'homo mathematicus des structures logiques, et "il est mené à croire qu'un ultérieur progrès dans ces difficiles directions pourra être accompli seulement lorsque ils se seront developpés des concepts et des méthodes mathématiques plus adéquats. Plus loin encore le vaste domaine de la pensée mathématique témoigne d'une manière irréfutable que le monde objectif comme celui subjectif ont une nature mathématique."(8).
D'içi il descend que dans le domaine de l'esthétique on peut reconnaître et quantifier un ordre de genre mathématique déterminé par des facteurs comme la symétrie, la rotation, l'équilibre, la simplicité. En réalité les idées de Birkhoff laissent ouverte la question centrale: ce que nous voyons et nous ressentons devant une configuration visuelle ou un morceau de musique, et s'il soit convenable une méthode mathématique pour mesurer ce voir et ce ressentir.
Ce n'est certainement pas un cas que la plus lucide exposition sur la possibilité d'une approche mathématique aux arts fût formulée par un artiste, Max Bill. En 1949 l'artiste suisse écrivait que:
"On ne doit comprendre comme approche mathématique ce que généralement l'on appelle art calculé. Jusqu'à présent toutes manifestations artistiques étaient fondées, plus ou moins, sur de divisions et de structures géométriques... Les mathématiques n'est pas seulement un des moyens essentiels de la pensée primaire, et pourtant, l'un des recours nécessaires à la connaissance de la réalité qui nous entoure, mais, dans ses éléments fondamentales, une science des proportions, du comportement d'objet à objet, de groupe à groupe, de mouvement à mouvement. Et comme cette science a en soi- même ces éléments fondamentaux et les met en rélation significative, c'est naturel que des faits pareils puissent etre représentés, transformés en images"(9).
L'attention que les mathématiciens prêtent aux qualités esthétiques de leur discipline, comme l'on a déjà souligné, est remarquable; de là vient l'idée de plusieurs mathématiciens, contemporaines aussi, que l'activité mathématique et celle artistique soient en quelque façon très semblables, comparables. La créativité serait un des facteurs qui rapprochent mathématiques et art, plus en générale art et science. Paul Feyerabend dans son essai "Creatività: fondamento delle scienze e delle arti o vacua diceria?" a écrit:
"La créativité est de nos jours très populaire: on la cherche partout et naturellement on la retrouve partout. Aussi dans le domaine de la science sont toujours plus fréquentes les voix de ces qui attribuent les connaissances scientifiques plus significatives non pas à la graduelle application d'une méthode rigoureuse, mais plutôt à des audaces intuitions. Nous n'avons pas peur de la science, ainsi crient à un vaste public les apôtres de la profession créatrice, il ne s'ensuit pas que maintenant tout sera tari et réduit à formules par la diffusion de la science, puisque la grande science n'est pas très différente du grand art"(10).
La créativité qui devrait tout expliquer, risque de rien expliquer. Une des questions centrales est si la créativité du mathématicien puisse le mener à inventer un monde nouveau ou s'il s'agit seulement de la découverte d'un monde qui existe déjà par lui-même. Roger Penrose a dédié à ce sujet une partie de son livre The Emperor's New Mind(11). "Est-ce-qu'en mathématiques faut-il parler d'invention ou de découverte?" s'interroge Penrose. Les réponses possibles sont deux: lorsque le mathématicien obtient des nouveax résultats, il réalise seulement des constructions mentales élaborées, qui, même si elles n'ont aucun lien avec la réalité physique, possèdent pourtant une telle élégance et une telle puissance par elles-même à faire croire au chercheur que les pures
constructions mentales aient une leur réalité. Ou les mathématiciens découvrent-ils que ces pures constructions mentales
sont déjà là ("already there"), vérités dont l'existence est complètement indépendante de leurs élaborations? L'opinion de Penrose est qu'en mathématiques se produisent des situations pour lesquelles le terme découverte est certainement plus approprié que le terme invention. Dans certains cas les résultats dérivent d'une façon essentielle de la structure même plus que des contributions des mathématiciens (12).
On peut formuler des distinctions analogues pour les arts et pour les technologies. Plusieurs artistes sont convaincus que dans leurs oeuvres les plus importantes se manifestent des verités éternelles qui ont une existence à priori, pendant que les oeuvres moins importantes ont un caractère plus personnel, elles sont arbitraires, elles sont des constructions mortelles. Une oeuvre d'art peut être appreciée ou mise en discussion pendant différentes époques, mais personne peut mettre en doute une correcte démonstration d'un résultat mathématique.
Penrose precise d'une façon très explicite que les mathématiciens pensent à leur discipline comme à une activité très
créative, qui n'a rien à envier à la créativité des artistes et qu'il faut considérer, pour l'unicité et l'universalité de la création mathématique, supérieure même à celle artistique. Un art difficile, fatigant, avec son langage et son symbolisme, qui produit des résultats universellement acceptés (13).
II. LE ROLE DE L'ORDINATEUR.
Pendant les dernières années l'usage d'ordinateurs toujours plus sophistiqués et munis d'outils graphiques a changé la manière de travailler des mathématiciens, au moins d'un nombre significatif entre eux. En particulier les techniques de computer graphics ont
été utilisées pas seulement afin de visualiser des phénomènes déjà connus mais d'une manière plus intéressante pour comprendre comment résoudre des problèmes pas encore complètement connus. Pour de cas spéciphiques ces techniques ont fourni à la récherche mathématique une "new way" de prouver les résultats.
Gabriele Lolli a souligné que, à partir du 1979, nous avons la nécessité d'approcher les mathématiques aux autres sciences naturelles plus qu'avant en reconnaissant une familiarité de méthode et de comportement. Un des aspects importants que nous pouvons souligner pour cette réinterpretation c'est:
"le procés de conjecture et d'expérimentation qui produit des résultats mathématiques..Large confirmation de l'importance de ces aspects est fournie par celle qui est justement connue comme 'The Mathematical Experience'. Un personnage important pour cette réévaluation de l'aspect expérimental de la réchèrche, de l'exploration sans garanties, libre des lourdes contraintes d'une rigide trame de règles, est paradoxalement l'ordinateur. Paradoxalement parce que le rôle joué par les ordinateurs dans cette nouvelle phase est très contradictoire. Des contradictions sans fin naissent bientôt quand on commence à penser aux conséquences que l'impact des ordinateurs a sur les mathématiques, et sur les rélations entre les mathématiques et les autres disciplines, et sur la position générale des mathématiques dans le monde moderne.. L'ordinateur est dévenu un instrument qui permet de faire en mathématiques des expériments d'une manière et d'une dimension complètement nouvelles"(14).
Pourquoi pour Lolli c'est l'année 1979 le point de départ pour cette nouvelle discussion sur les fondaments philosophiques des mathématiques? Parce que le 1979 c'est l'année de publication de l'article de R.Hersh "Some Proposals for Reviving the Philosophy of Mathematics"(15), et après, deux années plus tard, du volume de P.J.Davis et R.Hersh The Mathematical Experience(16). Un des chapitres du volume est intitulé: "Why Should I Believe a Computer?"
Les deux auteurs évoquent le 'rare' évènement du 1976: l'annonce de la preuve d'un nouveau théorème de mathématiques pures fit son apparition des colonnes du journal The New York Times. L'occasion était la preuve fournie par Appel et Haken (17) de la 'Four-Color Conjecture'. L'occasion était importante pour deux raisons.
"Avant tout le problème était très fameux....Mais la méthode de la preuve était intéressante en soi même. Pour une grande partie la preuve consistait de calculs faits par l'ordinateur. Les passages intermédiaires des programmes n'étaient pas publiés; en ce sense les preuves publiées étaient 'permanently and in principle incomplete'"(18).
Davis et Hersh ont souligné "qu'en mathématiques appliqués l'ordinateur sert pour calculer une réponse approximée, lorsque la théorie est incapable de donner une réponse exacte...Mais sûrement la théorie depends de l'ordinateur pour ses conclusions; alors, les deux méthodes, théorétique et mécanique, sont comme deux vues indépendantes du même objet, le problème consiste à les coordiner...La rigueur mathématique de la preuve ne vient pas contaminée par la machine. Quant au théorème des quatre couleurs de Haken-Appel, la situation est complètement différente. Il presentent leur travail comme une preuve complète, définitive, rigoureuse...Du point de vue du philosophe, l'usage d'un ordinateur comme une partie essentielle de la preuve implique un affaiblissement du rigueur des démonstrations mathématiques. Il introduit du scepticisme, et ainsi il change d'une manière essentielle la situation, qui précédemment on supposé impliquer des conclusions indoubitables, sans place pour du scepticisme, jamais..."
Davis et Hersh pensaient aux ordinateurs très rapides, à la capacité de la machine de faire milliers de calculs en bref temps. Un chapitre de leur volume est dédié à l'intuition de la quatrième dimension. Un premier tentatif d'étudier des objets à quatre dimensions au moyen de la computer graphics fut fait par Michael Noll en 1967 et fut décrit dans une breve publication intitulée
"Displaying n-Dimensional Hyperobjects by Computers". Il parlait des mathématiques pour deux types de projections d'hyperobjets tridimensionnels et pour des rotations n-dimensionnelles. Il écrivait:
"Au début on pensait que le film généré par l'ordinateur pouvait permettre l'observation pour la visualisation des quatre dimensions spatiales..Malheureusement ça ne fut pas possible et nous sommes encore embarassés comme les abitants de Flatland(19) dans l'attente de visualiser une dimension spatiale plus haute(20)".
Ce qui ne fut techniquement pas possible à Noll, fut possible à T.Banchoff et C.Strauss de la Brown University à la fin des années '70. Ils eurent l'idée de se servir de l'animation donnée par la computer graphics, pour étudier les propriétés géométriques et topologiques des surfaces tridimensionnelles. Ensuite ils ont voulu regarder des objets à quatre dimensions qui bougeaient dans l'espace tridimensionnel. Dans une publication de ces années, ils ont écrit que la computer graphics interactive en temps réel donne l'opportunuté à un mathématique chercheur, d'étudier directément les propriétés géométriques de courbes et surfaces pendant qu'elles sont soumies à des transformations dans l'espace à trois et à quatre dimensions.
Banchoff et Strauss ont été capables de produire au moyen de l'animation à l'ordinateur un film en 16 mm intitulé The Hypercube: Projections and Slicing (21). Même si toutes les idées qu'on utilise pour étudier la troisième dimension peuvent être généralisées pour des dimensions quelqonques:
"pour la quatrième dimension c'est possible gagner visuellement une quantité considerable d'intuition géométrique, on interprétant les projections des sommets et des arêtes du 4-cube dans l'espace tridimensionnel" (22).
Cette approche à l'usage des ordinateurs était nouvelle pour la recherche mathématique. Il fut possible construire une surface sur le vidéo terminale et la deplacer et la transformer pour mieux connaitre ses proprietés. Elle est devenue une nouvelle façon de construire des modèles et un bon aide pour l'intuition aussi.
La computer graphics travaille pas seulement comme une simple visualisation de phénomènes bien connus mais aussi comme une nouvelle façon d'étudier des problèmes mathématiques, en particulier les problèmes de géométrie. On peut bien dire que pendant ces dernières années vient de se développer une nouvelle branche des mathématiques qu'on peut appeler Visual Mathematics (23). En 1987 un groupe de mathématiciens, toujours à la Brown University, y compris Thomas Banchoff, a réalisé par l'ordinateur un nouveau film en animation sur l'hypersphère. Deux d'entre eux ont écrit:
"Le fort potentiel de la computer graphics comme nouveau moyen d'exploration a été reconnu par les mathématiciens dès que cette importante technologie est devenue disponible. Dès que les méthodes de programmation et les moyens de visualisation sont devenus plus sophistiqués, la profondeur aussi que le grand nombre des applications de la computer graphics aux problèmes mathématiques sont augmentées"(24).
III. COMPUTER GRAPHICS: ART ET MATHEMATIQUES.
Herbert W. Franke croit que les critiques d'art des siècles à venir auront des opinions très différentes de celles des experts contemporaines étant donné probablement que
"les peintres et les sculpteurs aujourd'hui très appréciés seront jétés aux oubliettes et on parlera de l'avènement des moyens électroniques de communication comme d'un tournant décisif pour les destins de l'art. Et ainsi les premières timides tentatives de représentation pictural effectuées avec les nouveaux outils auront leur juste reconnaissance. Le moment historique actuel sera alors mentionné comme ce-là où furent réalisées, avec une précision photographique, des images tridimensionnelles de paysages imaginaires et de décors qui pour la première fois permettaient de capturer la réalité du mouvement et du changement"(25).
Franke parle de la computer art, ayant en tête les images fractales obtenues par les mathématiciens Peitgen e Richter (26). Penrose considère l'ensemble de Mandelbrot un exemple stupéfiant de la manière dont la pensée humaine soit guidée vers une vérité eternelle qui a sa réalité et qui se revèle seulement en part à quelqu'un d'entre nous. L'ensemble de Mandelbrot a une structure tellement élaborée qui n'a pas pu être inventée par une seule personne, ni par un groupe de mathématiciens.
La géométrie des fractales veut se présenter comme la géométrie la plus approprieé pour étudier la complexité des formes de la nature et leur évolution. Dans un récent article (27) quelques-uns des auteurs des images fractales les plus suggestives ont insisté que la géométrie fractale semble décrire les formes et
les configurations de la nature d'une façon pas seulement plus succinte mais esthétiquement plus valide par rapport aussi à la géométrie euclidienne traditionnelle. En outre, dans l'article on souligne que la correspondance entre les fractales et la moderne théorie du chaos est le signe d'une relation profonde: "la géométrie fractale est la géométrie du chaos". Enfin les fractales sont le langage même de la géométrie.
Il semble que sur la possibilité et l'utilité d'utiliser outils fractals pour mieux comprendre quelques-uns des phénomènes naturels il n'y ait pas de doutes. Mais pas tous les mathématiciens sont concordes sur les recherches qui privilègent l'aspect visuel de la géométrie fractale. Dans son article "Fractal Geometry"(28), S. G. Krantz écrit entre autres qu'une différence importante entre la géométrie fractale et le calcul différentiel est que "la géométrie fractale n'a résolu aucun type de problème". Krantz rappelle que nulle discussion sur les fractales serait complète sans le du hommage aux images:
"Elles sont superbes et apparemment elles sont la raison d'être de tout ce qu'on a dit sur les fractales. Les images des ensembles de Julia et des ensembles de Mandelbrot sont stupéfiantes pour leur complexité et diversité. Mais quand même je n'accepte pas l'assertion que l'ensemble de Mandelbrot soit à considérer l'objet mathématique le plus complexe jamais vu! Ce genre d'exagérations peut fasciner les lecteurs de magazines mais il sonne faux pour le mathématicien expert".
La question vraiement importante que Krantz pose est alors la suivante:
"Je voudrais faire une distinction entre la computer graphics des fractales et autres récentes applications de la computer graphics qui ont contribué d'une façon essentielle à la résolution de problèmes encore ouverts."
Etant donné qu'il s'agit d'une géométrie qui a produit beaucoup de nouvelles images, ceux qui les ont creé ne pouvaient pas envahir aussi le domaine de l'art. En réalisant un volume comme The Beauty of Fractals, Peitgen et Richter ont voulu présenter pas seulement la théorie mathématique mais ils ont utilisé des idées mathématiques comme illustrations, si non juste comme pretexte de leur activité créatrice, plus comme artistes que comme mathématiciens. C'est le mathématicien même qui se propose comme artiste, sans médiations.
"Science et art: deux façons complémentaires de se mettre en rélation avec la réalité naturelle, analytique la première, intuitive la seconde. Considérées diamétralement opposées, parfois inconciliables, elles sont intimement liées; dans son effort de résoudre toute la complexité des phénomènes en peu de lois fondamentales, l'homme d'étude est lui-même un visionnaire, et pas moins de ce qui, en aimant la beauté, se plonge dans la richesse des formes en se sentant partie de l'eternel devenir"(29).
Ajoute Mandelbrot dans son article contenu dans le volume:
"Je crois de pouvoir affirmer que la contribution de la géométrie fractale à la science et à l'art est absolument originale"(30).
Les fractales donc pas seulement comme langage de la nature mais aussi de l'art, ou mieux d'une nouvelle forme d'expression automatique de l'art. Les fractales comme résultat d'une complexe manipulation qui n'est pas seulement mathématique mais esthétique aussi.
Cependant sont beaucoup plus intéressantes à mon avis les images liées à la résolution d'importants problèmes mathématiques, images qui ont contribué à ouvrir nouveaux domaines de recherche et qui en même temps ont contribué aussi à la naissance de nouvelles formes de l'imaginaire mathématique-artistique.
IV. COMPUTER GRAPHICS: RECHERCHE MATHEMATIQUE ET ARTISTIQUE
Un exemple intéressant de l'emploi de la computer graphics, pas seulement du point de vue de la recherche mathématique, c'est la découverte par William Meeks et David Hoffman de nouveaux types de surfaces minimales. En ce cas l'emploi de la computer graphics a été essentielle pour obtenir une preuve formelle de l'existence des nouvelles surfaces. David Hoffamn et ses collègues ont décrit leur decouverte dans un article récent:
"En 1984 Bill Meeks et D.Hoffman ont prouvé qu'il existait un quatrième exemple qui satisfaisait tous les critères: minimalité, complété, immersion et simplicité topologique. Le nouveau exemple avait été décrit par Costa(31). Cependant, il n'existait pas une manière apparente de comprendre par les équations si la surface satisfaisait ou non les critères. Nous avons résolu immédiatement les équations. Ensuite par des programmes graphiques élaborés de J. Hoffman, nous avons pu voir la surface de différents angles et on a pu voir immédiatement que cette surface été très symetrique..
Ceci nous a permis une analyse des formules qui définissaient la surface et alors nous fûmes capables de prouver que la surface était vraiement symetryque. En utilisant cette symetrie qu'on venait de trouver nous avons prouver que la surface pouvait être décomposée en huit parties congrues, une par chaque octant. Ceci nous a permis de nous concentré sur des parties plus petites et de démontrer que chacune de ces parties, et pourtant la surface toute entière, satisfaisait les critères. La computer graphics nous a donc permis de vérifier l'existence d'un nouveau exemple qui satisfaisait tous les critères requis. L'ordinateur nous a guidé pendant la construction d'une démonstration formelle, il a fourni un instrument qui nous a permis une compréhension tellement profonde des caractéristiques de l'exemple à pouvoir construire une infinité de nouveaux exemples"(32).
Dans le cas du nouveau type de surface minimale les mathématiciens ont pu donner une épreuve formelle. Je me souviens très bien lorsqu'en Mai 1988 au MSRI à Berkeley, le fameux mathématicien J.C.C. Nitsche, après avoir vu les merveilleuses images produites par Hoffman et ses collègues, demanda: "Mais êtes-vous capables de démontrer tout cela?"(33). Ils ont été capables de donner l'épreuve formelle,mais qu'est-ce-que serait-il arrivé s'ils ne le fûrent pas?
Récemment j'ai écrit:
" On dit souvent que l'art du future depends des nouvelles technologies, en particulier la computer graphics. Depuis quelques années, grâce aux sophistications, de plus en plus nombreuses, de la computer graphics, c'est developpé un nouveau secteur des mathématiques. En considérant les problèmes où la visualisation joue un rôle important, les mathématiciens ont obténu des images dont le charme esthétique a concerné aussi des gens qui ne sont pas strictement intéressés aux questions scientifiques qui ont originés ces images"(34).
Une exposition sur les fractales intitulée "Frontiers of Chaos" est en train de voyager à travers des institutions scientifiques et artistiques du monde entier; un autre exemple d'exposition d'art et de mathématiques c'est "Getting to the Surface", une collection d'images générées par ordinateur obténues de Hoffman, Meeks et Hoffman. Abstraction faite de l'intérêt mathématique les images des nouvelles surfaces minimales sont tellement 'belles" que David Hoffman pendant une interview a dit:
"Cette collaboration entre art et science a produit des choses significatives pour les deux domaines".
C'est intéressant aussi, que le titre de l'interview était "Math-Art"(35). Plusieurs artistes, comme Stewart Dickson, ont utilisé la surface de Costa-Hoffman-Meeks comme modèle pour leurs oeuvres (36).
Un autre exemple est le "Renaissance Team", un groupe interdisciplinaire d'artistes et des mathématiciens qui travaillent au National Center for Supercomputing Applications (NCSA) à Urbana, USA. Le leader du groupe, une artiste, Donna Cox, a récemment décrit l'activité du groupe. Un projet intéressant a été la recherche de la Romboy Homotopy, la deformation de la Surface Romaine de Steiner dans la surface de Verner Boy, decouverte par le mathématicien F. Apery en 1984. George Francis, le topologiste, Donna Cox et Ray Idaszak ont réalisé un film en animation par ordinateur de la Romboy Homotopy. La première image de l'animation a été appelée Etruscan Venus, Etrusque parce que la surface romaine dérive d'elle; pour comprendre le nom Venus il est suffisant régarder à son image. En concluant son article Donna Cox a écrit:
"La visualisation en plusieurs dimensions est bien documentée soit dans l'art soit dans la science...Les ordinateurs sont un aide pour mettre en rapport les talents des artistes et des savants"(37),(38).
VI. CONCLUSIONS.
J'aimerais conclure en citant de l'article de Hoffman et ses collègues:
"Pourquoi alors les mathématiciens sont intéressés à les images? Nous avons souligné les raisons que nous supposons: - Les images générées par l'ordinateur nous permettent d'observer des nouveaux, souvent inattendus, phénomènes mathématiques.- On peut explorer des exemples plus riches, plus complèxes des phénomènes connus.- Sur la base de l'exploration des exemples et des phénomènes, on peut observer des nouveaux 'patterns'.- On peut faire de connexions plus faciles et plus avantageuses avec les autres disciplines"(32).
Aussi avec l'art, je peux ajouter.
Deux autres mathématiciens, F. Almgren and J. Sullivan qui travaillent à la visualisation des "Soap Bubbles Geometries" pour le "Geometry Supercomputing Project" à l'Université du Minnesota, ont écrit que:
"Le rapide devéloppement de la computer graphics est particulièrement excitante pour les mathématiciens. Elle nous permet de visualiser d'une façon nouvelle des objets mathématiques connus depuis longtemps. Les outils de calcul peuvent porter aussi à des nouvelles découvertes mathématiques, dont la réalisation exigera une compréhension plus profonde que la façon de visualiser les structures géométriques. Le calcul et la graphique par ordinateur viennent de changer la façon de faire mathématiques. Les capacités d'un ordinateur d'engendrer des images et la recherche de méthodes artistiques d'exprimer une vision mathématique sont très importantes au moment où nous venons de construire les nouveaux mathématiques sur les bases des connaissances de plusieurs millénaires"(39),(40).
Les ordinateurs ont fait naître des nouveaux problèmes pour les mathématiciens, on a peut-être bésoin d'une nouvelle philosophie; la computer graphics pourrait être ou non le future langage unifiant l'art et la science; en tous cas les artistes aussi devront aborder l'impact des nouvelles technologies sur leur oeuvre. Et peut-être qu'ils auront bésoin de comprendre plus de mathématiques. Autrement les mathématiciens seront-ils les artistes de l'avenir?
NOTES:
(1) G.H. Hardy, A Mathematician's Apology, Cambridge University Press, New York, 1940, p.85.
(2) François Le Lionnais (ed.) Les grands Courants de la pensée mathématique, Librairie Scientifique et Technique A. Blanchard, Paris, 1962, pp.457-458.
(3) René Thom, Local et global dans l'oeuvre d'art, dans "De la Catastrophe", Centre d' Art Contemporain, Genêve,1982, p.42..
(4) Morris Kline, Mathematics in Western Culture, Oxford University Press, New York, 1953, p. 523.
(5) George K. Francis,"On Knot-spanning Surfaces" dans M. Emmer (ed.), Visual Mathematics, numéro special, Leonardo, Pergamon Press, Oxford,â paraitre 1992.
M.Emmer La perfezione visibile, Theoria, Rome, 1991.
M.Emmer, ed The Visual Mind: Art and Mathematics, The Mit Press, 1993.
(6) Anatoly T. Fomenko, Mathematical Impressions, American Mathematical Society (AMS), Providence, 1990.
(7) Ugo Volli,"Matematica e valori estetici", dans U. Volli (ed.), La scienza e l'arte: nuove metodologie di ricerca scientifica sui fenomeni artistici, Mazzotta Ed., Milano, 1972, pp.179-199.
(8) George D. Birkhoff, "A Mathematical Approach to Aesthetics" , Scientia, 1931; "Mathematics: Quantity and Order", Science Today, 1934. Réédité dans Collected Mathematical Papers, New York, 1950.
(9) Max Bill, "Die mathematische denkweise in der kunst unserer zeit", Werk, n.3 , 1949.
(10) Paul Feyerabend, "Creatività: fondamento delle scienze e delle arti o vacua diceria?" dans P. Feyerabend et C.Thomas (eds.) Arte e Scienza, Armando editore, Roma, 1989, pp.132-133.
(11) Roger Penrose,The Emperor's New Mind , Oxford University Press, New York, 1989.
(12) Jean-Pierre Changeux, Alain Connes, Matière à Penser, Jacob, Paris, 1989.
(13) Voir aussi M. Emmer, La perfezione visibile: arte e matematica, Ediz. Theoria, Roma, 1991.
(14) Gabriele Lolli,"Una filosofia per la matematica d'oggi",Quaderni P.RI.ST.EM. n.1 (Novembre 1990) , Università Bocconi, Milano, pp.131-157.
(15) P. Hersh, "Some Proposals for reviving the Philosophy of Mathematics", Advances in Mathematics, vol. 31, 1979, pp. 31-50.
(16) P.J. Davis et R. Hersh, The Mathematical Experience, Birkhäuser, Boston, 1981.
(17) K. Appel et W. Haken,"The Four-Color problem", dans L. A. Steen (ed.), Mathematics Today, Springer-verlag, New York, 1978, pp. 153-190.
(19) Edwin A. Abbott, Flatland: a Romance of Many Dimensions, Seeley and Co., London, 1884. Voir aussi Linda D. Henderson, The Fourth Dimension and non-Euclidean Geometry in Modern Art, Princeton University Press, Princeton, 1983.
(20) M. Noll, "A Computer technique for Displaying n-Dimensional Hyperobjects", Ass. for Computing Machinery (ACM), n. 10, 1967, p.469.
(21) C. Strauss et T. Banchoff, Hypercube, film, 16 mm., computer animation, Brown University, Providence,USA, 1978. Voir M. Emmer, "Lo spazio tra matematica ed arte", in G. Macchi (ed.), Spazio, Catalogo della sezione, ediz. La Biennale Venezia, 1986, pp.37-39.
(22) C. Strauss et T. Banchoff,"Real-time Computer Graphics Analysis of Figures in Four-Space", dans D.W. Brisson (ed.) Hypergraphics: Visualizing Complex Relationships in Art, Science and Technology, Amer. Ass. for the Advancement of Science,n.24,Washington (1978),pp.159-167.T.F.Banchoff,Beyond the Third Dimension. Geometry,Computer Graphics and Higher Dimensions, Scientific American Library, New York, 1990.
(23) M. Emmer (ed.), Visual Mathematics, numéro special, Leonardo, Pergamon Press, vol. 25 n. 3/4, 1992.
(24) H. Koçak et D. Laidlaw,"Computer Graphics and the Geometry of S3", The Mathematical intelligencer, vol.9 n.1, 1987, pp.8-11.
(25) Herbert W. Franke,"Refractions of Science into Art", in H.-O. Peitgen, & P.H. Richter,(eds.) The Beauty of Fractals, Springer-Verlag, Berlino, 1986, pp. 181-187.
(26) H.-O. Peitgen, & P.H. Richter,(eds.) The Beauty of Fractals, Springer-Verlag, Berlino, 1986.
(27) H. Jürgens, H.-O; Peitgen & D. Saupe, "Il linguaggio dei frattali", Le Scienze, n. 266 (ottobre 1990), pp. 42-49.
(28) S.G. Krantz, "Fractal Geometry", The Mathematical Intelligencer, vol. 11, n.4 (automne 1989), pp. 12-16.
(30) B.B. Mandelbrot, "Fractals and the Rebirth of Iteration theory", dans (26), pp.151-160. .
(31) C. Costa," Example of a Complete Minimal Immersion in R3 of Genus One and Three Embedded Ends", Bull. Soc. Bras. Mat., 15 (1984), pp. 47-54.
(32) M.J. Callahan, D.Hoffman and J.T. Hoffman, "Computer Graphics Tools for the Study of Minimal Surfaces", Comm. ACM, vol. 31 n. 6 (1988), pp. 648-661.
(33) Workshop on Differential Geometry, Calculus of Variations and Computer Graphics, MSRI, Berkeley, May 23-25, 1988.
(34) M. Emmer," Soap Bubbles in Art and Sciences: from the Past to the Future of Math Art", Leonardo, vol. 20 n.4 (1987), pp. 327-334.
(35) J. Hooper,"Math-Art", Omni Magazine, (April 1986), pp.88-91.
(36) S. Dickson,"True 3D Computer Modeling: Sculpture of Numerical Abstractions", dans (23).
(37) D.J.Cox," Using the Supercomputer to Visualize Higher Dimensions: an Artist's Contribution to Scientific Visualization" Leonardo,vol. 21 n.3 (1988), pp. 233-242.. Voir aussi G. Francis, A Topological Picturebook, Springer-Verlag, Berlin, 1987.
(38) Voir M.Emmer (ed.), L'occhio di Horus (Rome: IstitutoEnciclopedia Italiana, 1989), catalogue de l'exposition L'occhio di Horus: Itinerari nell'im-maginario matematico Italie, Janvier-Juillet 1989.
(39) F. Almgren et J. Sullivan, "Visualization of Soap Bubble Geometry", dans (23).
(40) Sur les bulles de savon dans l'art et la science voir: M. Emmer, Bolle di sapone: un viaggio tra arte, scienza e fantasia, La Nuova Italia ed., Firenze, 1991.
REFERENCES
MATHEMATICIANS: THE NEW ARTISTS?
No doubt that in the last years a revival of interest for creativity in mathematics has taken place; mainly for the possible connections with the artistic creativity. The principal motivation for this new interest is the large diffusion of computers with high graphics facilities. This very large diffusion has strongly raised intuition and creativity in that part of mathematical research connected to the possibility of visua-lizing not only known phenomena but to make visible the insivible (1).
Mathematical ideas are not subjects to fashions, they do not vary in centuries; a theorem proved by Euclid is valid today and it will be valid for centuries; it will never be over. How many other human activities have this caracteristic of universility, of immortality? Mathematics as the true art? «Of course the creative process must produce a work that has design, harmony and beauty. These qualities too are present in mathematical creations» wrote Morris Kline in his essay Mathematics in Western Culture (2).
There is no doubt that there are some peculiarities in considering the question of creativity in mathematics and in trying to compare it with the artistic one. Mathematicians state on the one hand that the real universal art is mathematics, on the other hand that they are the only ones able to understand this truth; so only the participants to the scientific community can take part in this « banquet of gods» (3). It seems that the only conclusion is that trying to analyze relationships between mathematical and artistic creativity is a loss of time.
In any case it is possible to discuss the new possibilities opened for the relationships betweent art and mathematics by the new technologies. It is possible to focus on the main directions along which to obtain results of interest for each fields. On the one hand the mathematicians have obtained in the visual investigation of scientific problems images that have arose the interest not only of the scientific community but of a large audience, artists in particular; on the other hand artists, feeling themselves excluded from the possibility of using in full the new visual tools, have asked for cooperation mathematicians and experts in computer graphics.
The great possibility opened with the use of computer graphics
of seing mathematical objects of which it was not even possible to
imagine the enormous graphic complexity, has opened wide spaces to
artistic creativity. Mathematicians very soon became aware of this
not secondary aspect of their researches. To give an idea of the
growing importance of the visual aspects, to point out the possible
connections between some of the most recent mathematical research and
the work of artists using visual techniques influenced by
mathematical ideas see the volume The Visual Mind: Art and
Mathematics (4) .
Impossible to imagine, untill a few years ago, a book like Symmetry in Chaos: a Search for Pattern in Mathematics, Art and Nature. The authors, the mathematicians Michael Field e Martin Golubitsky, wrote in the introduction (5):
«In our mathematics research, we study how symmetry and dynamics coexist. This study has led to the pictures of symmetric chaos that we present throughout this book. Indeed, we have two purposes in writing this book: to present these pictures and to present the ideas of symmetry and chaos - as they are used by mathematicians - that are needed to understand how these pictures are formed.... One of our goals for this book is to present the pictures of symmetric chaos because we find them beautiful, but we also want to present the ideas that are needed to produce these computer generated pictures.» The authors recall the volume of Peitgen and Richter The Beauty of Fractals (6) and add: «It is worth noting that the images we present have a different character from those found in fractal art. While fractal pictures have the sense of avant garde abstract modernism or surrealism, our typically have the feel of classical design.»
Who could have imagined a few years ago that such declarations could have been found in the introduction of a volume written by two mathematicians?
We are probably facing a possible revolution in the .
relationships between mathematics and art, in which the creativity of
artists and mathematicians will have the possibility of a very
profound cooperation; perhaps a new Renaissance? (7)
by Michele Emmer
Dipartimento di Matematica, Università di Roma "La
sapienza"
Piazzale A. Moro, 00185 Roma, Italia
References:
(1) These words are said by David Brisson in: M.
Emmer, Dimensions, video, series "Art and Mathematics", (Roma: FILM 7
INT., 1984). The film is dedicated to him.
(2) M. Kline, Mathematics in Western Culture (Harlondsworth, UK:
Penguin, 1953).
(3) F. Le Lionnais, Les grands courants del la pensès
mathèmatique, (Paris: A. Blanchard,1962)
(4) M. Emmer, ed., Visual Mathematics, special issue, Leonardo, 25
No. 3/4 (1992). __________, The Visual Mind: Art and Mathematics,
(Boston: The MIT Press, 1993).
(5) M. Field & M. Golubitsky,Symmetry in Chaos: a Search for
Pattern in Mathematics, Art and Nature. (Oxford: Oxford University
Press, 1992).
(6) O. Peitgen & H. Richter The Beauty of Fractals , (Berlin:
Springer 1986).
(7) M. Emmer , Le mathèmaticien artiste, preprint presented to
the Colloqium at Les Treilles.
ARTS médiatiques / technologiques et
MUSIQUE et esthétique
Marcel Frémiot
Les documents publiés font apparaître que " art" et
"musique" ne sont pas traités également : " art" , pour
leur plus grande part recouvre en fait "arts plastiques". Pour lever
toute ambiguité dans les débats : * oubien l'on
déclare que la musique n'est pas un art mais une science
( position que tenait Michel Philippot, par exemple) et le
débat devient d'une autre nature;
* oubien, si l'on perçoit la musique comme un art, on ne tente
pas , en fin de discours, de transposer à la musiqe ce que
l'on a proposé en ce qui concerne les arts plastique.
Il me semble, en effet, que la translation ne soit pas toujours
possible.
* Ainsi , par exemple, cette notion de l'objet à notice qui ne
pourrait être considéré comme " d'art" . Un
tableau ,- objet sans notice -, est " d'art".
Mais je ne vois guère d'oeuvre musicale qui ne soit sans
notice, même dans les époques baroques et classiques,
pour ne pas remonter plus haut. Objectez-vous que la partition n' est
pas la musique, dites-moi alors si, quelle que soit l'oeuvre lyrique,
le texte chanté ne fait office de notice. Et si vous me dites
qu'il s'agit là de création hybride, je vous demande de
ne me plus parler , vous, de multimedia .
En retour , je suis tenté de dire : mais... combien peu
d'oeuvres plastiques sont sans notice ? Les mots dans la peinture, de
Michel Butor, celà ne vous dit rien? Et même les vitraux
sans mot des cathédrales ? leur notice est dans la bible.
Voici que le champ de l' "art" plastique se restreint
considérablement !
Ceci n'est pas une pipe, - pardon: ceci n'est pas un départ en
guerre: musicien, j'aimerais que les théoriciens de " l'art"
me disent où ils situent ma production; afin que nos
échanges soient fructueux, si possible. Et si ce n'est la
totalité de la production, quel secteur de cette production
peut être pris en compte dans notre dialogue.
ART / MUSIQUE technologiques et CONCEPTS nouveaux
Ce qui me laisse perplexe , à la lecture des auteurs
médiatisés de textes sur la musique technologique c'est
une fixation sur les technologies seules, sans prospective sur les
concepts nouveaux , quant à la création, que ces
technologies pourraient induire. Je dis bien : concepts, et non pas
attitudes.
Il semblerait que la nouveauté ou la perfection ( perfection
adéquate à quoi? ) du " dispositif" d' émission
sonore tienne lieu d'objet d'art.
Si je me réfère à ce qui s'est passé vers
la fin du XVIe siècle occidental ce ne sont pas des nouvelles
technologies ( c'étaient alors les nouveaux instruments
à cordes frottées et à cordes pincées
à relativement grand ambitus et propices à des effets
sonores et virtuoses nouveaux par rapport aux " traditionnels"
ensembles vocaux ) que se sont vantés les compositeurs mais de
la mise en valeur de concepts musicaux . Ils n'ont pas dit tel
instrument ou tel dispositif d'instruments, ou tel espace, ils ont
dit : " pian' e forte " , par exemple et , plus à la mode
encore : " rappresentativo" .
Que disons-nous, nous ?
Nous décrivons " Entre l'idée et l'oeuvre" le "
parcours de l'informatique musicale". D'idée et d'oeuvre il
n'est nullement question. Peut-être parce que celà est
impossible: * comment avoir l'idée d'une oeuvre lorsque l'on
n'en possède pas le moyen matériel? On n'en peut que
rèver.
* peut-être simplement parce que l' informatique, fut-elle dite
musicale, n'est, tout compte fait, que le moyen de réaliser
des concepts antérieurs. Parce que la technologie vraiement
novatrice c'était l'enregistrement et ses manipulations dans
le studio de Pierre Schaeffer. " Musique concrète " fut le
vrai concept nouveau; et non pas, par exemple la " Tape music " des
Américains, terme qui d'ailleurs ne s'appuyait que sur un
support.
Le multiple est-il un concept nouveau, comme celà est souvent
dit ? En arts plastiques peut-être; en musique , non. ( Et je
reviens ici au problème soulevé des non translations/
transpositions des arts plastiques à la musique). En musique,
toute exécution d'une partition ( et l'on ne fait que
celà ) est la réalisation d'un multiple de l'original.
Pas strictement , scientifiquement identique, certes; identique tout
de même: l'on ne s'y trompe pas.
La notion d'auteur unique est défaite, grâce au
réseau interactif, dites-vous. Mais dites vous que les
musiciens n'ont pas attendu internet pour " défaire " la
notion d'auteur unique: ils le font depuis qu'il y a des groupes
d'improvisation. On en a même des traces visuelles datant du
XIVe siècle. Vous serez plus à l'aise si je vous remets
en mémoire les groupes de jazz, depuis la fin du XIXe
siècle. Pour un musicien cette notion n'est donc pas un
concept nouveau.
Par Internet l'oeuvre n'est plus fixée mais virtuelle. En art
plastique peut-être mais en musique ? N'est-elle pas virtuelle
et non fixée l'improvisation d'un instrumentiste ( d'un
instrumentiste et non comme ci-dessus d'un groupe ) ? Celle d'un
organiste par exemple.Et je prends cet exemple car il est
traditionnel depuis des siècles. Répondez-vous que
toute musique jouée, entendue, est virtuelle; et que l'on ne
peut proposer mon exemple face à un tableau " virtuel " car
réduit à un ensemble de codes numérisés,
je réponds encore : considérez les musiciens baroques
et leur basse chiffrée et dites- moi si la musique, en ce cas
n'était pas virtuelle. Qui plus est , elle était de
virtualités multiples. Et si cette technique vous
échappe, allez trouver les musiciens de jazz et leurs "
grilles ".
Le continuum, voilà enfin du nouveau. Croyez-vous? Je le
concède pourtant: c'est un phénomène à
propos duquel " artistes" et musiciens sommes en pratiques inverses.
Si j'ai bien compris l'ordinateur, le numérique contraint les
plasticiens à quitter le trait continu pour le trait discret,
alors que les musiciens, par cette même technologie, peuvent
quitter la technique par points ( les échelles musicales sont
discrètes) au profit d'une technique de continuum. C'est que
les points du numériques sont si rapprochés qu'ils
donnent l'impression du continu. Encore faut-il remarquer que cette
recherche du continuum préoccupe les compositeurs depuis
longtemps. Preuve les tentatives de musiques en tiers, quart,
sixième, douzième de ton par exemple, grâce
à des lutheries nouvelles ou l'adaptation de lutheries
traditionnelles. Nous en avons des exemples depuis le XVIe
siècle. Ce fut chaque fois sans lendemain tant parce que les
moyens technologiques de ces lutheries n'étaient pas à
la hauteur des ambitions compositionnelles et
d'interprétation, que parce que la tradition de la musique
occidentale était ailleurs. Dans ce domaine au moins les
nouvelles technologies peuvent apporter une ouverture aux
musiciens.
Et alors ? Refusant d'admirer une réalisation du fait d' une
mise en oeuvre d'une nouvelle technologie je
préfèrerais que l'on se préoccupât de
dégager les nouveaux concepts engendrés par cette
technologie. Manquons-nous, pour ce faire, de recul? voyons alors
déjà à quels concepts cette technologie est la
mieux adaptée. Creusons alors ce sillon. Si de nouveaux
concepts existent, sans doute émergeront-ils de ce
travail.
Le multimedia est multiple. Les arts n'ont pas les mêmes problèmes à la même époque.
Les propos tenus sur l'art "technologique" , l'art
"médiatique" ( se renvoyant l'un à l'autre ) ou encore
l'art "multimedia" semblent faire l'impasse sur des ambiguités
auxquelles il serait possible d'achopper. D'une part le " media"
d'art médiatique et le "média" d'art multimedia ne
renvoient pas aux mêmes réalités.
D'autre part le "multi" d'art multimedia est traité comme
étant une seule réalité alors qu'il est, dans la
pratique, la juxtaposition ou la superposition de plusieurs
disciplines artistiques qui ne fonctionnent pas sur les mêmes
concepts aux mêmes moments; que ces moments soient occasionnels
ou historiques.
Il est donc nécessaire de ne pas se laisser aller à
glisser, sans précautions, de l'une à l'autre de ces
disciplines, d' appliquer à l'autre ce que l'on dit de
l'une.
" Aux contraires" ; traits possibles d'une
esthétique
Le(s) statut(s) esthétique(s) conféré(s)
à l'art technologique par le créateur et la
société est , ou sont, une chose que disent
esthètes, philosophes et/ou sociologues.
Par contre, les traits possibles de l'esthétique-même
des oeuvres, si tant est que l'on puisse déjà en
dégager une, voici ce que je tente ici de dire.
Et ceci en me référant, en grande partie, aux couples
explicités par Jean-Marc Lévy-Leblond dans son ouvrage
" Aux contraires"; couples tels que, par exemple, Absolu/Relatif,
Global/Local, Formel/Intuitif ....
Bien évidemment je parle en tant que musicien.
" Qui est, selon vous, le compositeur le plus important du
demi-siècle, voire du siècle " m'interrogea-t- on, il y
a peu. Et moi de lancer: " Pierre Schaeffer". Réponse
désastreuse. Aurais-je proposé Arnold Schoenberg, c'eut
été pardonnable ... à mon âge. "
Varèse" eut été plus rassurant. Mais mon
interrogateur était né trop tard pour percevoir
qu'hormis quelques familiers d'André Jolivet , aux lendemains
de la seconde guerre mondiale, la musique d'Edgar Varèse
était , en nos pays, terra incognita . Certes Octandre
était apparu en 1924 , mais au milieu des Biches de Poulenc,
des Matelots d' Auric, et du Train bleu de Milhaud; ce n'était
pas l'heure.Et lorsque vinrent les discours et les analyses en
référence, et en appropriation, l'essentiel de la
mutation était réalisé. Alors ? ... Il eut fallu
répondre : " Cage".
Et pourtant: au piano préparé de Cage on peut objecter
les tuyaux préparés des organistes baroques; auxquels
on peut objecter les violons préparés des violonistes
du premier quart du XVIIe siècle; auxquels.... A
l'appropriation du bruit par Schaeffer on peut objecter celle des
futuristes italiens du début du siècle; auxquels on
peut objecter celle des organistes du XVe siècle;
auxquels....
Or, ni les uns ni les autres n'ont entraîné des
comportements de création musicale fondamentalement nouveaux.
Les explorations de Pierre Schaeffer, elles, oui. Et nous en vivons
quotidiennement les conséquences; souvent d'ailleurs sans nous
en rendre compte. Quelques exemples, dans le désordre.
Elever le bruit au niveau de porteur d'abstraction et de
générateur d'idée musicale. Faire chanter la
matière sonore et non plus seulement la note. Et c'est tout le
courant des créateurs de musiques piètrement
dénommées " électroacoustiques" dans le domaine
de la musique savante. Voici cinquante années qu'il
perdure..... Et quelle victoire de ce mouvement,- a contrario -,
à travers l'utilisation commerciale des actuelles musiques "
aplaties" ! Ce que nombre de compositeurs et arrangeurs font des "
samplers" , ce sont les " sillons fermés" du Studio d'Essai
puis les " boucles" de bandes magnétiques des studios
"concrets" qui en sont l'origine conceptuelle.
Les micros contact et les instruments traditionnels
électrifiés ont pour idée originelle les grandes
plaques métalliques des beaux jours au Groupe de musique
concrète ainsi que les procédés de fabrication
de matériaux sonores de l' Etude aux chemins de fer de
Schaeffer.
Tous les travaux sur le timbre qui serviront aux compositeurs,
jusqu'aux " spectraux", ainsi qu'à certains fabriquants de
synthétiseurs ont pour origine les premières
expérimentations sur les "coupures d'attaque" du groupe de
Schaeffer.
Les accélérations et ralentis sur magnétophones
et le " phonogène universel" ont eu bien d'autres
conséquences que le dépassement de la virtuosité
manuelle instrumentale. Ils ont permis d'intégrer aux moyens
d'expression des transmutations de la matière sonore, et
celà dans le domaine du continu comme du discontinu et de l'un
à l'autre progressivement. Par les glissés rendus
possibles ils ont ouvert l'accès à un continuum sonore
où la note et les échelles traditionnelles
n'étaient plus imposées. Ils ont permis la
création de trajectoires sonores nouvelles tant dans leur
étendue que dans leur comportement dynamique.
Ici, comme avec le travail sur le timbre déjà, l'on se
rend compte à quel point les moyens technologiques, les
concepts et l'expression musicaux furent, sont, d'un monde inoui. Et
que dire des conséquences de la mise à l'envers du
défilement des évenements sonores enregistrés
sur bande magnétique! C'est l'appréhension-même
du temps qui était remise en cause. Et voici que Guy Reibel,
un temps coéquipier de Pierre Scaeffer, prend la tête
d'un renouvellement de la pédagogie de la musique
elle-même, et non plus de l'instrument ou du solfège;
grâce à ses " jeux musicaux".
J'arrète là mes exemples. L'art sonore technologique,
c'est Pierre Scaeffer qui en a ouvert la voie. Certes grâce
à une technologie nouvelle; mais, bien plus essentiellement en
introduisant , parallèlement et conséquemment, une
attitude d'écoute nouvelle, et un renouvellement des figures
sonores de création.
Objection: " votre Schaeffer n'était qu'un ingénieur.
En musique, ce n'était qu'un amateur". Oui, et alors?
Peut-être heureusement. Jacques Mandelbrojt ne cesse de nous
faire remarquer, à nous autres compositeurs du MIM, que les
chercheurs scientifiques sont des ludiques; que , devant une
découverte, dans un laboratoire, on ne dit pas: c'est
intéressant; ondit : c'est amusant. C'est sans doute
grâce à cette nature ludique et à ce
côté " amateur" que Schaeffer a, - plus ou moins
innocemment -, pris du recul par rapport aux usages musicaux et
persévéré dans son exploration. Arthur Honegger
qui, quelques années avant guerre, avait touché
à ce domaine, lui, n'avait pas poursuivi. Faut-il , par
principe, poursuivre les amateurs ? Qu'étaient-ils d'autre,
les musiciens de la Camerata Bardi? Ce sont pourtant bien eux qui ont
instauré la révolution musicale de la fin du XVIe
siècle.
Assimilez la matière grise offerte au long des " Etapes du
Service de la Recherche" , publication de l'ex ORTF, du "
Traité des Objets musicaux" , des " Cahiers du GRM", des
gloses de Guy Reibel, François Delalande,Michel
Chion,François Bayle ( ordre alphabétique inverse ! ) ;
ou prenez en simplement connaissance. Alors vous saisirez à
quel point la musique actuelle est redevable à Pierre
Schaeffer et son Groupe de Recherche Musicale. Au regard de tout ce
qui est là, offert, mes quelques exemples, ci-dessus
proposés, sont peu de chose.
Que des industriels se soient emparés de ces
découvertes, les aient dénaturées pour en faire
des produits marchands,- instruments " technologiques" et "produits
culturels" -, est un autre problème.Il ne peut pas ne pas
rapparaître au cours du colloque des Treilles.
Technological art, whether the basis for consideration is traditional--painting and sculpture, music, literature--or more recent,--multimedia, network or interactive media--is characterized by the juxtaposition, or the superposition, of several artistic disciplines. These various disciplines have undoubtedly developed in various ways throughout the course of their history; they have not necessarily been faced with the same problems at the same period, even if they may have been interrelated in the same aesthetic current.
It is therefore wise not to yield to the temptation of applying to one of the disciplines what can be said about another one. Here are some of the problems involved:
Painters and musicians: are we, as painters and musicians, different from each other?
What differs, states Jacques Mandelbrojt, are the constraints imposed by the matter we use, as well as the constraints of one or several sensory receptions.
Thus in music, a composer obeys rules or creates them for himself. In painting, certain painters do the same; others do not.
The single creator: Networks and interactivity innovate by getting rid of the single creator. Some musicians would disagree with this postulate, notably those who have created collective works, within more or less formal improvisation groups, a process which dates back several centuries.
The virtual, "non-fixed" created on a network.
Example of a virtual "non-fixed" work:
the improvised work necessarily created by an organist playing Christian liturgical works. An even more striking example is to be found since the very last years of the 16th century, using "figured bass," that is to say, harmonic shorthand. Jazz musicians use the same element which they call "chord symbols." Furthermore, both the figured bass and the chord symbols have multiple virtual possibilities.
Continuum: if the new technologies do not seem to have unsettled the painter's brush stroke, the musician, on the contrary, no longer has to apply the technique of "punctum" ( musical "scales" are "discreet") and can at last freely use the technique of the continuum which has not been used since the 12th century at the least.
Computer: Anyone who knows how to use a computer and its software may allow himself to be persuaded that he can be a painter, musican, choreographer, sculptor or poet and do a fine job of it. Whether he can actually do so with equal success is rare. More often than not, his texts, to be heard or read, seem rather more like instruction sheets than literature. As, more often than not, moving images around in space is more akin to the exacerbated movements of ordinary manipulation than to cinematic skill. "Figures" are more often reutilized in the form of repetition or automatization than in the form of startling elaboration. And finally, for a composer's ears, there is no feeling of mastery in the handling of time. This is not to say that there is no solution to all of this: what is needed are teams with competence in diverse fields, including disciplines classified as non-artistic.
Message : The preceding remarks show that the idea of McLuhan that the media are the work must be reexamined, even in the cases in which the traditional notion of a work tends to be indistinct.
Interactivity : Optimistic invention leads us to think that interactivity, whether part of a network or not, will metamorphose art and artistic methods to come. That may well be, provided that industrialists decide that it is financially advantageous for them, and that they produce instruments that can lend themselves to standard and widespread use, instead of the current supply for the opulent few.
For instance: Thirty years ago we hoped that people would be enabled to return to "amateur" creativity thanks to tape-recorders. But industrialists transformed them into machines that are programmed, sterile, throttled, barely good enough for the consumption of so-called "mass-distributed products."
Elements for an aesthetics of technological art
I am putting a message into a bottle and throwing it into the sea . I would like to go more deeply into the aesthetic status of technological art: try and define the current aesthetic characteristics of the genre itself. The artisans of mechanisms and of interactivity may be caught unawares by this move. For them, what counts is to act and to cause to act, not to put into perspective. I express myself here as an European music composer , that is to say, of a race among whom "revolutions" have always been carried out not in the name of technology but of aesthetics. Whence these suggestions found in the message in the bottle:
The listener will notice that the characteristics of aesthetics are often diametrically opposed to the characteristics of technological structures.
Straight/curved: Replacing the traditional position of the audience opposite the musicians by positioning sound sources around, or even in the midst of, the audience, and orienting sound projections between these sources, has given priority to the aesthetics of the curve. The curve is reinforced by the non-linearity of accelerations and slowing of tempi and of trajectories in the field of pitch.
Continued/discontinued: Discontinuity prevails in collages, rupture, scratch, channel-surfing, spattering, a refusal of discursiveness, contradictory materials, impulsions superimposed on the flow, and spatial destructions,--contiguous or discreet.
Absolute/relative: The relative predominates over the absolute, whatever the nature of the "relative," whether it be of "scientific" nature as in interpolations, whether it be found in "approximation" since musical interplay is composed of relationships between registers and masses, and no longer the pitch of notes and specified chords, or, finally, whether it be "relational" as in the multimedia.
Certain/uncertain: The uncertain dominates musical attitudes: taste is oriented towards "performance," the "open" work (both, in their essence, impossible to reproduce identically), the "happening", and performance in places formerly considered as "incongruous" . In the work itself, technical elements bearing the aesthetics of the curve engender perspectives and different perceptions from one listener to another.
Finite/infinite: The aesthetics of the infinite and of the "non-finite" reign here: the "set groove", the "repetitivity," the "open" composition, the short pieces whose energy surges without predetermined origin or end, the inexorable electronic flows without any apparent direction, the search for hypnosis produced by the intensity of sound and the concerts whose limits are stretched in a lasting manner.
Specified/random: When the "register" and the evolution of a trajectory are more important than the precise pitch, when the idea of a "wrong note" gives way to that of a "cloud," when the composition is consigned to a module of "random production," filtered or not, the specified has given way to the random.
Formal/Intuitive. The present trend is to the "logical matrix ": ordinateur oblige! However, when considering the results, some composers intituively add or cut elements - as in the old way; others, more rational, modify the original matrix.
Real/fictive The reader will have noticed that I have tried to transpose into the field of aesthetics the scientific and philosophical pairs that Jean-Marc LEVY-LEBLOND has written about in his recent study "Aux contraires." I have not used True/False, since in music everything is both true and false. Nor can I apply Global/Local or Elementary/Complex, since in music these concepts are laden with technical rather than aesthetic meaning. I can see my way through Real/fictive from comic strips to cyberfilms. But in music everything is real and everything is also fictive.
Everything considered, what is the case in other technological artistic fields?
Will you answer my message?
The exercise of thought and the practice of science. With original plates by Jacques Mandelbrojt. Gallimard, "nrf essais," 1996.
Je suis musicien et je travaille dans le domaine que, par
convention on nomme "musique contemporaine". Bien sûr, les
sensibilités qui s'expriment dans ce domaine de la musique
contemporaine sont très diverses, mais, en première
approche celà permet de se situer, en signifiant qu'on ne fait
pas du jazz, de la musique de variété, du rock ou du
rap (liste non exhaustive).
C'est le domaine du son qui m'interesse le plus. J'ai commencé
à composer de la musique électroacoustique, puis les
progrès technologiques le permettant, j'ai tenté de
déplacer cette expérience du travail sur le son
lui-même, dans le domaine de l'instrument en composant et
jouant de la musique électroacoustique "live".
Je crois que le travail de composition musicale à partir de
sons enregistrés permet et doit amener à une
réflexion sur le materiau musical, sur les modes
d'organisation de ce matériau et plus
généralement sur le sens de l'oeuvre musicale (plus
particulièrement les rapports oeuvre/structure, notamment dans
les systèmes de "règles" mis en oeuvre).
1- Le matériau: réception nouvelle
Brève introduction
J'aimerais essayer de montrer à travers ces exposés comment l'évolution technologique et surtout les outils technologiques disponibles pour les musiciens peuvent être plus qu'un simple ensemble de moyens destiné à rendre plus efficace l'aspect pratique du travail de composition, voire de réalisation ( je pense par exemple à l'informatique , aux techniques de communication) mais peut engendrer une perception, une approche nouvelles du matériau sonore « utilisable » à des fins musicales &emdash; c'est l'objet de ce premier exposé &emdash; et comment à son tour cette nouvelle approche du matériau musical peut engendrer de nouvelles manières de penser la musique &emdash; ce sera le cas du deuxième exposé &emdash;.
Je crois que les apports technologiques importants, pour les musiciens, ont été:
1/ les techniques d'enregistrement sonore sur support magnétique tel que nous les connaissons actuellement: la bande magnétique permettant le « montage » avec une paire de ciseaux et du collant du type « scotch ».
2/ les techniques de restitution sonores notamment les systèmes de contrôle dit « en temps réel » liées dans un premier temps aux techniques de synthèse analogique et qui se sont développées grâce aux systèmes de numérisation de l'information et du son.
Ces deux évolutions technologiques ont, à mon sens, permis de libérer une pensée musicale s'exerçant, à partir de celles-ci, dans un domaine plus qualitatif que quantitatif.
Bref historique: le son le signe
Sans vouloir empiéter sur l'exposé de M. Frémiot et L. Rondeleux, on peut essayer de tracer un très bref panorama historique.
Dans la tradition musicale occidentale nous avons l'habitude de séparer le travail d'écriture du travail d'interprétation, le travail de conceptualisation et d'organisation de la musique de sa réalisation sonore. On a donc imaginé et perfectionné au cours des siècles le système de signes permettant, avec l'appui d'une solide tradition d'interprétation, de passer de l'écrit au sonore.
Il est intéressant de noter que tout n'a pas a été fixé par la notation &emdash; un phénomène sonore étant un phénomène beaucoup trop complexe pour (ne serait ce qu'imaginer) en noter les détails &emdash; mais seulement certains « paramètres » sonores particulièrement pertinents pour des systèmes de construction musicale reposant essentiellement sur une organisation des hauteurs et du rythme (à savoir principalement les notes et les durées relatives).
Nous reviendrons sur le terme « d'organisation » qui n'est pas innocent, en effet, parallèlement à çà, cette tradition d'écriture musicale occidentale repose pour une large part sur une mise en oeuvre de calculs dans la structuration de l'oeuvre musicale (ne dit-on pas que la musique était enseignée avec les mathématiques au Moyen Age). Cet ensemble de calculs repose sur une définition, une structuration, une hiérarchisation du matériau « hors temps », c'est-à-dire indépendamment de l'oeuvre elle-même.
Je passe un peu vite sur les détails pour en arriver au constat que la pensée musicale s'est petit à petit centrée sur ces notions de hauteur (en termes de notes) et de durée. Bien évidemment on a conscience que Mozart (ou Bach ou BeethovenÉ) ne composaient pas en « enfilant » des notes les unes à la suite des autres, mais on a pris l'habitude, dans les explications (et aussi dans la pédagogie de la l'écriture musicale), sans doute par manque d'outils d'analyse, de réduire le matériau sur lequel s'exerce la pensée musicale .
Même remarque pour le timbre : si ,bien évidemment et mises à part quelques oeuvres (on cite généralement à ce moment là « L'Art de la Fugue » qui est une série de compositions pour lesquels J.S. Bach n'a pas pris soin d'indiquer l'effectif instrumental) , le timbre est un élément important, on peut dire que
- traditionnellement le timbre signifie « le timbre instrumental » c'est-à-dire quelque chose qu'on a beaucoup de mal à définir positivement dans les traités de technique musicale et qu'on exprime sous la forme (en substance) « ce qui varie lorsque deux notes de hauteur et de durée égales sont jouées par deux instruments différents ». En fait ça correspond à un son « type » pour une certaine classe d'instrument et qui, ce qui est sûr, ne tient pas compte d'une certaine réalité sonore (parler d'une note de trompette ou de piano ne dit rien de particulier sur ces sons qu'on entend et, d'une certaine façon, masque une partie de la réalité sonore).
- on peut dire également que cette notion de timbre n'intervient pas comme élément fondateur de l'oeuvre musicale (pour preuve la possibilité de réaliser des transcriptions et des réductions).
Voici quelques exemples de ce que peuvent être ces approches nouvelles du matériau musical liées à la possibilité d'enregistrer le son (et de pouvoir écouter, re-écouter le son lui-même) de prendre conscience de la perception qu'on en a (de le connaître), de le transformer, c'est-à-dire de commencer l'activité de création musicale par un travail d'écoute, d'imagination et de création des sons
Schaeffer, le solfège de l'objet sonore
notion d'écoute réduite l'indice fourni par le son renvoie à une anecdote qu'il raconte
intention d'entendre
notion d'objet sonore
typologie le tableau à 9 entrées. Ce représente un exemple de typologie du matériau sonore tel que présenté par P. Schaeffer. Il s'agit en fait d'un tableau extrait d'un autre plus vaste qui tente un classement exhaustif des sons. Celui-ci est dit « tableau des objets équilibrés ».
Ce tableau s'articule autour de deux concepts : celui de facture qui correspond à la manière dont l'entretien (l'énergie) est communiquée au son; celui de masse est une sorte d'extension de la notion de hauteur (qui est liée à celle de « fondamental » &emdash;la composant la plus grave du spectre sonore&emdash;)à une notion tenant compte de la globalité du son (à savoir de l'organisation de ses composantes spectrales.
Les UST
le problème dans l'approche de P. Schaeffer c'est qu'on est encore confronté à la notion d'objet extrait d'un continuum sonore (règle dite « articulation-appui ») avec peu de critères permettant décrire le déroulement temporel de l'objet lui-même (mises à part les notions de « profil » et « d'allure ») et pratiquement rien pour décrire le déroulement du flux sonore dans lequel est repéré « l'objet » (ou si on veut les modes d'articulation des objets composant le « tout ».musical) sinon des systèmes de comparaisons hors temps reposant entre autres sur les critères dont nous avons parlé plus haut.
Ceci bien sûr permet d'expliquer certains « fonctionnements » (par exemple de repérer des variations, des modifications des déformations), mais il semble que si l'on prend totalement en compte la « réalité sonore » on doit pouvoir rendre compte, (y compris à un niveau plus intuitif) de ce qui est le propre du son c'est-à-dire de la manière dont s'organise le temps (j'aurais envie de dire dont il organise le temps). On devrait pouvoir tenir compte de la manière particulière avec laquelle s'opèrent transformations, déformationsÉ
C'est précisément ce que nous avons voulu faire au M.I.M. (saisir cette particularité du déroulement sonore), en étudiant des fragments musicaux assez courts (de quelques secondes à une vingtaine de secondes environ).
Nous avons choisi d'aborder le problème sur le plan de la signification temporelle, c'est à dire de la faculté pour ces fragments musicaux d'évoquer des images (extra musicales) liées à une expérience du temps vécu.
La première étape de ce travail s'est déroulée en deux temps
- isoler ces fragments de leur contexte, regrouper ceux qui nous ont semblé proche du point de la signification temporelle et réaliser une première description morphologique.
- Affiner cette description, par la réalisation d'exemples (à partir de cette première description morphologique) et étudier plus précisément le rapport entre l'aspect morphologique et l'aspect sémantique (d'où le nom de sémiotique).
Actuellement le corpus d'UST est constitué de 19 catégories.
Ecoute des catégories « Chute » et « Stationnaire ».
Matière et temps
Autre piste de réflexion: habituellement, en musique on distingue ce qui est du domaine de la matière (timbre, couleur) de ce qui est du domaine de la forme (temps).
Dans les exemples suivants &emdash; qui sont tous constitués de sons uniques, tenus (absence de caractère rythmique), non-évoluants (sans forme), des sons « homogènes » &emdash; on peut, me semble-t-il, percevoir certaines différences différence de modalités temporelles, sans aucun doute liée aussi à une sémantique (ici les adjectifs qui s'appliqueraient aux sons seraient peut être, entre autres possibilités, hésitant, timide, majestueuxÉ).
Le « toucher » du son
ou le geste qui imprime une forme au son
Il s'agit de la démonstration faite avec les synthés et la guitare, qui est assez simple à faire oralement mais qui demande plus de temps pour être réalisée sur le papier.
Petite bibliographie
2- Les règles et le hasard
En guise d'introduction on peut dire que généralement dans notre culture occidentale ce qui est (était) de l'ordre de la composition de l'ordre du calcul de la hiérarchisation et de l'organisation du matériau décomposé en « paramètres » est (était) considéré comme étant de l'ordre des règles alors que ce qui est (était) de l'ordre de la réalisation était lié à des contingences (hasard) n'affectant pas le sens profond de l'oeuvre.
J'aimerai montrer qu'il y a ( à travers quelques exemples de musique électroacoustique et de jazz) modification de paradigme (de manière de penser la musique aujourd'hui) et que réalisation sonore (forcément « en temps ») et pensée musicale, pour certains musiciens (plus que ça pour certaines écoles) sont devenues indissociables.
Une première séparation sur laquelle on s'est opposé au lendemain de la seconde guerre mondiale était celle du déterminisme et du non « non vouloir » a travers des compositeurs comme P. Boulez tenant du sérialisme dit intégral et John Cage partisan d'une philosophie d'une intervention minimale de la subjectivité du compositeur dans la réalisation de l'oeuvre.
Ce sont ici non seulement deux conceptions de l'oeuvre mais deux conceptions du processus même d'invention qui s'opposent: d'une part la mise en place d'un système de relations extrêmement serré entre les « objets » structurels de l'autre la mise en place de processus desquels le compositeurs se retire pourrait-on dire.
On voit aussi apparaître des idées comme celle de l'oeuvre ouverte, où la notion de règles ne circonscrit pas l'oeuvre, où « on laisse du champ » à la réalisation pour modifier l'oeuvre elle-même.
Je pense que nous aurons l'occasion de reparler de ceci dans les présentations des « étapes de la musique contemporaine ».
En fait je voudrais aborder le thème d'une autre manière, qui me semble plus dans les préoccupations actuelles des compositeurs: le fait d'aborder la composition musicale à partir du son, de matière sonore elle-même, le terme de composition englobe comme on le verra certaines formes d'improvisation.
On pourrait même dire que la prise en compte d'une « expérience » du sonore, du concret (on parle souvent de musique expérimentale, de musique concrète), comme un des fondements de la composition musicale rend beaucoup plus floue la frontière entre composition et improvisation..
Je vais donc vous faire entendre, et commenter quelques exemples sonores, qui ont pour objectif (j'espère qu'il l'atteindront) de montrer que la problématique de la composition s'est déplacé et que la conception même de ce qu'est une « règle » de composition (je n'ose pas dire d'organisation) musicale doit être repensée .
En d'autres termes les « outils » permettant de penser la musique (de l'expliquer de la comprendre, d'y être sensible) doivent également être repensés si on veut saisir ces modes nouveaux de faire la musique qui ont en commun l'attention portée aux formes sonores dans leurs particularités (leur vie temporelle leur matérialité propre). Pour résumer en une proposition: l'idée de fonctionnalité des événements musicaux s'oppose à celle « d'instant intensif »
Je me permets de citer le critique musical Jacques Lonchampt
à propos des « Variations pour une Porte et un Soupir » de Pierre Henry : « Cette oeuvre élaborée son par son, montée centimètre par centimètre, semble au contraire d'un jaillissement continu et sans contrainte. »
à propos du « Voile d'Orphée », toujours de Pierre Henry : « L'étonnant est que, dès le début de la musique concrète, il [le compositeur] ait ainsi tout réinventé: le mystère de la trame orchestrale, la rythmique large et complexe, la polyphonie des rythmes et des plans sonores n'obéissent à aucune règle connue et atteignent cependant à une unité, à une logique interne incontestable. »
Voici donc (bien évidemment non pas des réponses à ces questions) des pistes susceptibles de nous éclairer.
L'interprétation comme re-écriture
Exemples:
Deux « versions » de My Favourite Things de Rogers et Hammerstein
- version originale de Julie Andrews dans la comédie musicale « Sound of Music »
- version de John Coltrane.
Il me semble clair que le sens musical est très différent dans ces deux exemples, et que la notion d'interprétation n'est pas suffisante pour les différencier. A l'inverse des notions « objectives » comme celles de mélodie ou d'harmonie ne sont, elles aussi, pas suffisantes pour fonder une identité forte de la composition, qui serait alors déclinée sous deux formes différents (un peu comme une sonate de Mozart existe au delà de toutes les interprétations faites, et même à venir). Il s'agit, dans l'exemple de John Coltrane, d'une véritable réécriture du morceau qui s'opère dans le domaine du sonore, dans la manière particulière de faire exister les sons dans le temps.
Elaborer la durée par des processus où le développement de la matière elle-même (qui renvoie aussi à un certain type d'écoute « empathique ») prend une importance déterminante dans le développement musical.
Exemples:
La modèle naturel ; l'évolution naturelle des sons prise comme référence dans la constitution des formes musicales (matière et temps);
Exemple:
En fait plus que le modèle lui-même c'est ce qui en est compris « musicalement » qui importe ici, et le fait que l'événement sonore est liée à une évolution de type mouvement ou énergie
La forme comme déformation ou temps vécu:
Exemple:
La composition comme intention, état (permettant d'engendrer certain type de matière et d'articulation
Exemple:
L'invention de « l'instrument » ou des possibilités instrumentales comme élément de la composition (ouvrir un espace de jeu)
Exemple:
Exemple:
démonstration « in situ » de ce qu'est un instrument électronique tel que je (et d'autres avec moi) l'imagine
ORNITORRINCO AND RARA AVIS : TELEPRESENCE ART ON
THE INTERNET TELEMATIC AND TELEPRESENCE INSTALLATIONS
This paper is a discussion of aesthetic implications and practical
implementations of the author's telepresence art. Ornitorrinco in
Eden and Rara Avis, two recent examples of worldwide networked
telepresence installations presented publicly over the Internet, are
discussed in the paper. A framework is presented to introduce
theoretical and cultural aspects of this work. It is proposed that
the use of electronic media in art to physically act on remote spaces
constitutes a new aesthetic element, compared to the more traditional
representational use of such media. It is also proposed that a new
aesthetic is emerging out of artistic experimentation with operation
of telerobots, co-existence in virtual and real spaces, synchronicity
of actions, real-time remote control, man-animal-plant-robot
interfaces, and collaboration through networks. My work with
telecommunications started in 1985, when I created a virtual gallery
that could be accessed via the videotext system, forerunner of the
Internet. In 1986 I created a robotic performance, and in the next
few years a series of works with fax machines, slow-scan televison,
and live broadcasts. Since 1989, I have been working with Ed Bennett
on the Ornitorrinco project of telepresence installations. The basic
structure of these installations is comprised of a wireless
telerobot, regular phone lines (both for vision and remote control),
and remote spaces. Viewers become participants as they transport
themselves to the remote body and navigate the remote space freely by
press-ing the keys on a familiar telephone.
Ornitorrinco remote spaces are always built to the scale of the
telerobot, inviting viewers to abandon the human scale temporarily
and to look at a new world from a perspective other than their own.
In our international telepresence event, Ornitorrinco in Eden,
realized in 1994, we hybridized the Internet with telerobotics,
physical (architectural) spaces, the telephone system, the parallel
cellular system, and a revised if literal digital "tele-vision." This
enabled participants to decide where they went and what they saw in a
physical remote space via the Internet. Anonymous participants shared
the body of the telerobot, controlling it and looking through its eye
simultaneously.
A new aesthetic is emerging as a result of the synergy of new
non-formal elements, such as coexistence in virtual and real spaces,
synchronicity of actions, real-time remote control, operation of
telerobots, and collaboration through networks. Ornitorrinco in Eden
integrated all these elements.
I have created other kinds of interactive telematic installations.
For instance, in Essay Concerning Human Understanding (with Ikuo
Nakamura), a bird in a cage has a dialogue with a plant 600 miles
away through a regular phone line. Placed in the middle of the Center
for Contemporary Art in Lexington, Kentucky, the yellow canary was
given a very large and comfortable cylindrical white cage, on top of
which circuit-boards, a speaker, and a microphone were located. A
clear Plexiglas disc separated the canary from this equipment, which
was wired to the phone system. In New York, at the Science Hall, an
electrode was placed on the plant's leaf to sense its response to the
singing of the bird. The voltage fluctuation of the plant was
monitored through a Macintosh running soft-ware called Interactive
Brain-Wave Analyzer. This information was fed into another Macintosh
running MAX, which controlled a MIDI sequencer. The electronic sounds
themselves were pre-recorded, but the order and the duration were
determined in real time by the plant's response to the singing of the
bird.
When this work was shown publicly, the bird and the plant interacted
for several hours daily. Humans interacted with the bird and the
plant as well. Just by standing next to the plant and the bird,
humans immediately altered their behavior. When humans were in close
proximity, the interaction was further enhanced by the con-stantly
changing behavior of the bird and the plant. They res-ponded by
singing more (bird), activating more sounds (plant), or by remaining
quiet.
In my presentation, I will also discuss more recent pieces. In the
Siggraph '96 Art Show, for example, I showed a piece entitled
Teleporting an Unknown State. This piece connected the Contemporary
Art Center, in New Orleans, to the placeless space of the Internet.
In the gallery, the viewer saw an installation: light irradiates from
a circle in the ceiling, breaking the dominat darkeness and being
projected against a pedestal, where viewers and participants find a
single seed. At remote sites around the world, anonymous individuals
pointed their digital cameras to the sky and transmitted sunlight to
the gallery. The photons captured by cameras at the remote sites were
re-emitted in the gallery through the ceiling (via a non-visible
video projector serving as the output for the Internet connection).
The video images transmitted from remote countries were stripped of
any representational value, and used as conveyors of actual
wavefronts of light. The process of birth, growth, and possible death
of the plant was broadcast live to the world via the Internet as long
as the exhibition was up. All participants were able to see the
process. After the show, I re-planted the living organism (which grew
to be 24 inches high) near a tree outside the Center. Through the
collaborative action of anonymous individuals around the world,
photons from distant countries and cities were teleported into the
gallery and were used to give birth to a small, fragile plant. It was
the participants' shared responsibility to care for this plant as
long as the show was open. Other pieces from 1996 to be discussed
include "Rara Avis", "Ornitorrinco in the Sahara" and "Uirapuru, the
Webot, travels around the world in eighty nanoseconds going from
Turkey to peru, and back" -- all pushing telepresence art into new
directions.
Fox, Catherine. "Technology as a canvas", The Atlanta
Journal-Constitution, July 26, 1996, p. 53.
Holz, Keith. "Eduardo Kac's Dialogues", pamphlet published by the
Center for Contemporary Art, University of Kentucky, Lexington, KY,
apropos of Kac's solo exhibition Dialogues, October 21-November 11.
Also published on the Internet in Leonardo Electronic Almanac, Vol.
2, No. 12, December, MIT Press, and in print in YLEM's Art Online
issue, Vol. 15, No. 2, April 1995 (CA);
Kac, Eduardo. "Ornitorrinco: Exploring telepresence and remote
sensing", Leonardo, Vol. 24, No. 2, Special Issue on Art and
Telecommunication, Pergamon Press, Oxford, UK, 1990.
"Aspects of the aesthetics of telecommunications", Siggraph Visual
Proceedings, J. Grimes, editor, Association for Computing Machinery,
NY, 1992 (republished in German [1993], Hungarian [1995], and
Portuguese [1997]).
"Towards telepresence art", Interface, Vol. 4, No. 2, November 1992,
Advanced Computing Center for the Arts and Design, The Ohio State
University, 1992.
"Sur la notion d'art en tant que dialogue visuel", Art-Reseaux
(book), Karen O'Rourke, editor, Centres d'Etudes et de Recherches en
Arts Plastiques, Université de Paris I,
Panthéon-Sorbonne, Paris, France (in French and English),
1992.
"Telepresence art", Entgrenzte Grenzen II (book), R. Kriesche and P.
Hoffman, eds., Kulturdata and Division of Cultural Affairs of the
City of Graz, Graz, Austria (in English and German), 1993.
"Interactive Art on the Internet", Wired World, Proceedings of the
Ars Electronica Symposium, Peter Weibel, editor (in English and
German), 1995.
"Internet Hybrids and the new aesthetic of worldwide interactive
events", Siggraph Visual Proceedings, ACM, New York, NY, pp. 29-31,
1996.
"The Internet and the Future of Art", in the book Mythos Internet,
Stefan Muenker and Alexander Roesler, eds., Suhrkamp Verlag,
Frankfurt (in German only), 1997 (no prelo).
"Telepresence Art on the Internet", in the proceedings of the III
Interface Conference, Klaus Peter Dencker, ed., Kulturbehrde,
Hamburg, 1997 (no prelo).
"Ornitorrinco and Rara Avis: Networked Telepresence Art" (with a
technical appendix by Ed Bennett), in the Digital Salon special issue
of Leonardo, Vol. 29, N. 6, 1996.
"Uirapuru, the Webot", in Metamachines - Where is the Body
(exhibition catalogue), Otso gallery, Espoo, Finland, 1996 (in
Finnish and English).
"Ornitorrinco in the Sahara", in Leonardo Electronic Almanac, Vol. 4,
N. 11, November 1996, published on the Web by MIT Press.
"Networked Telepresence Installations", in catalogue of the St.
Petersburg Biennale, Art Colegium Gallery, St. Petersburg, 1997 (in
Russian and English).
Maschke, Kathy. Out of Bounds: New Work by Eight Southeast Artists,
exhibition catalog, Nexus Contemporary Art Center, Atlanta, 1996.
Nance, Kevin. "It's All About Perception", Lexington Herald-Leader,
June 23, 1996, F1, F3
Osthoff, Simone. "Object Lessons", World Art magazine, #1, 1996, pp.
18-23.
Probus, Joyce. "Eduardo Kac: Dialogues", Dialogue - Arts in the
Midwest, Jan/Feb, Vol. 18, No. 1, 1995, pp. 14-16.
Eduardo Kac
Durant les vingt prochaines minutes, j'aimerais partager avec vous
quelques unes des oeuvres que j'ai réalisées ces
dernières années sur les installations de
télématique et de téléprésence. Je
travaille depuis douze ans sur les systèmes de
télécommunication en tant que forme d'art,
particulièrement avec des médias accessibles tels que
le minitel, le fax et la télévision de balayage lent,
et, depuis mille neuf cent quatre vingt-neuf, en collaboration avec
Ed Bennett, je développe ce que j'appelle l'Art de la
Téléprésence fondé sur des explorations
uniques de la télérobotique. Le mot
téléprésence se réfère à
l'expérience sensorielle de sa propre présence dans un
espace lointain (et non pas la sensation de la présence
lointaine de quelqu'un d'autre, comme c'est souvent le cas au
téléphone). Je développe également des
installations télématiques qui fusionnent les espaces
virtuels et physiques dans une relation d'interdépendance. A
la poursuite de nouvelles possibilités esthétiques,
j'ai épousé deux stratégies qui sont
l'hybridation des technologies et l'exploration des aspects
cachés du nouveau paysage médiatique. De cette
façon, j'utilise les médias de
télécommunication pour imploser leur logique
unidirectionnelle et créer, dans le domaine du réel, un
nouveau genre d'expérience qui donne priorité aux
propositions démocratiques et dialogiques.
Je vais maintenant résumer et illustrer certaines de mes
oeuvres de télématique et de
téléprésence les plus récentes.
En mille neuf cent quatre vingt-neuf, j'ai développé
avec Ed Bennett le télérobot Ornitorrinco (qui veut
dire Ornitorinque en portugais) qui est entièrement mobile et
sans fil, et avec lequel j'ai depuis créé plusieurs
installations et événements. Ornitorrinco était
conçu à l'origine pour créer des
expériences artistiques téléprésentielles
sur le réseau téléphonique accessible et
familier. La DIAPOSITIVE que vous voyez maintenant illustre la
structure de base de cette oeuvre telle qu'elle était alors
conçue. A l'Endroit UN, le participant pousse des boutons sur
le clavier de téléphone pour faire bouger le
télérobot à l'endroit DEUX en temps réel.
J'ai transformé le clavier du téléphone en
grille cartésienne, de façon à ce que lorsque
vous poussez le numéro deux vous vous déplacez vers
l'avant dans un espace lointain en temps réel. Quand vous
poussez les numéros un, quatre et sept vous tournez à
gauche. Quand vous touchez les numéros trois, six et neuf vous
tournez à droite. Avec le numéro huit vous pouvez vous
déplacer en arrière. Le numéro cinq vous permet
de vous arrêter au milieu d'un mouvement. Il permet aussi de
saisir et de transmettre à vous même un image actuelle
de l'espace lointain, du point de vue du télérobot.
Les espaces lointains d'Ornitorrinco ont toujours été
construits à l'échelle du télérobot,
invitant ainsi les spectateurs à abandonner temporairement
l'échelle humaine et à regarder un monde nouveau
à partir d'une perspective autre que la leur. De quatre
vingt-neuf à quatre ving-treize, j'ai créé
plusieurs oeuvres de téléprésence, y compris
Ornitorrinco à Copacabana et Ornitorrinco sur la Lune (avec Ed
Bennett). Au cours de notre événement international de
téléprésence, Ornitorrinco à Eden,
réalisé en quatre vingt-quatorze, nous avons
hybridé l'Internet avec la télérobotique, les
espaces physiques, le réseau téléphonique, le
système cellulaire parallèle et la vidéo
digitale. Cela a permis aux participants lointains de décider
où ils allaient et ce qu'ils voyaient dans un espace lointain
via l'Internet. Dans cette oeuvre, les participants anonymes ont
partagé le corps du télérobot
simultanément, le contrôlant ensemble et regardant en
même temps à travers son regard. Les participants
recevaient des vidéos digitales via l'Internet à partir
du point de vue d'Ornitorrinco, et utilisaient le réseau
téléphonique pour transmettre des signaux de
contrôle en temps réel. Puisque Ornitorrinco est
entièrement mobile et sans fil, il se déplaçait
librement dans l'espace. Cette oeuvre avait trois noeuds de
contrôle aux Etats-Unis (à Seattle, Lexington et
Chicago), et de nombreux noeuds visuels sur l'Internet autour du
monde (y compris en Allemagne, en Finlande, en Irlande, au Canada et
dans beaucoup d'autres pays).
Toujours en quatre vingt-quatorze, j'ai créé en
collaboration avec Ikuo Nakamura une oeuvre intitulée Essai
Concernant la Compréhension Humaine. Dans cette oeuvre un
oiseau qui se trouve dans une cage dialogue avec une plante qui se
trouve à mille kilomètres en utilisant une ligne
téléphonique régulière. Placé au
milieu du Centre d'Art Contemporain à Lexington, dans le
Kentucky, le canari jaune se trouvait dans une cage cylindrique
blanche qui était à la fois grande et confortable, et
au sommet de laquelle étaient installés des cartes
électroniques, un haut-parleur et un microphone. Un disque
transparent de Plexiglas séparait le canari de
l'équipement qui était relié au réseau
téléphonique. A New York, au Hall des Sciences, une
électrode était placée sur une feuille de la
plante pour enregistrer ses réactions au chant de l'oiseau. La
fluctuation du voltage de la plante était surveillée
par un logiciel Macintosh qui s'appelle Interactive Brain-Wave
Analyzer (Analyseur Interactif d'Ondes Cérébrales). Les
informations recueillies étaient introduites dans un autre
Macintosh opérant un programme qui s'appelle MAX, qui
contrôlait un clavier MIDI. Les sons électroniques
étaient pré-enregistrés, mais l'ordre et la
durée étaient déterminés en temps
réel par les réactions de la plante au chant de
l'oiseau.
Quand cette oeuvre fut présentée au public, l'oiseau et
la plante réagissaient réciproquement pendant plusieurs
heures chaque jour. Les humains réagissaient aussi
réciproquement avec l'oiseau et la plante. En se tenant
près de la plante et de l'oiseau, les humains modifiaient
immédiatement leur comportement. Quand les humains
étaient tout proches, l'interaction était davantage
accrue par les changements constants de comportement de l'oiseau et
de la plante. Ils réagissaient en chantant encore plus, en
activant d'autres sons, ou en gardant le silence.
Je pense que cette oeuvre est une évocation de la solitude
humaine, puisque dans cette situation particulière un animal
captif s'adresse à une plante par téléphone. Le
canari chante parce qu'il est à la recherche d'une compagne,
mais au lieu de cela il trouve au téléphone un membre
d'une autre espèce qui se trouve loin de lui. S'agit-il
vraiment de communication? Il est clair qu'une augmentation
quantitative des moyens de communication ne se traduit pas en un
changement qualitatif des communications entre personnes.
En quatre vingt-quinze, j'ai développé une série
d'oeuvres nouvelles que j'ai présentées au public en
quatre vingt-seize. Mon oeuvre Rara Avis, une installation de
téléprésence reliant par réseau une
volière à l'Internet, au Web, et au MBone, fut
présentée à Atlanta dans le cadre du Festival
d'Arts Olympique. Réalisée au Centre d'Art Contemporain
Nexus d'Atlanta, dans le courant de l'été quatre
vingt-seize, Rara Avis était placée sous la direction
technique d'Ed Bennett.
Portant un casque stéréoscopique, la spectatrice
percevait la volière du point de vue d'un ara
télérobotique et pouvait s'observer dans cette
situation du point de vue de l'ara. L'installation était
constamment reliée à l'Internet. A travers le Net, les
participants lointains observaient la volière du point de vue
de l'ara télérobotique. A travers l'Internet les
participants lointains utilisaient aussi leurs microphones pour
déclencher le dispositif vocal de l'ara
télérobotique entendu dans la galerie. Le corps de
l'ara télérobotique était partagé en
temps réel par des participants qui se trouvaient sur place et
des participants Internet du monde entier. Les sons contenus dans
l'espace, un mélange de voix humaines et d'oiseaux, se
propageaient jusqu'aux participants lointains à travers
l'Internet. L'oeuvre peut être perçue comme une critique
de la notion problématique de l'"exotisme," un concept qui
révèle plus de choses au sujet de la relativité
des contextes et de la conscience limitée de l'observateur
qu'au sujet du statut culturel de l'objet d'observation. Cette image
du "différent," de l'"autre," incarnée par l'ara
télérobotique, était dramatisée par le
fait que le participant adoptait momentanément le point de vue
de l'oiseau rare.
Cette oeuvre créait un système auto-régulateur
de dépendance réciproque, dans lequel les participants
locaux, les animaux, un télérobot, et les participants
lointains réagissaient réciproquement sans direction,
ni contrôle ni intervention extèrieure. Comme l'oeuvre
mélangeait entités physiques et non-physiques, elle
fusionnait les phénomènes perceptuels immédiats
avec une conscience accrue de ce qui nous affecte mais qui est absent
du champ visuel et éloigné. Les participants locaux et
en ligne ont éprouvé l'espace de façons
complexes et différentes. L'écologie locale de la
volière était affectée par l'écologie
Internet et vice versa.
Mon intérêt pour la création de systèmes
interdépendants auto-régulateurs simultanément
dans les espaces virtuels et physiques m'a conduit à
créer mon oeuvre suivante, produite juste après les
Jeux Olympiques. L'oeuvre était intitulée Teleportant
un État Inconnu (Teleporting an Unknown State), et
était exposée dans le cadre du (Siggraph Art Show) de
quatre vingt-seize, au Centre d'Art Contemporain de la Nouvelle
Orléans. Cette oeuvre reliait le Centre d'Art Contemporain,
à la Nouvelle Orléans, à l'espace sans lieu de
l'Internet. Dans la galerie, le spectateur voyait une installation:
de la lumière projetée à partir d'un cercle se
trouvant au plafond, rompait l'obscurité ambiante et
était projetée contre un piédestal, où
les spectateurs et les participants découvraient une seule
graine. De sites lointains répartis autour du monde, des
individus anonymes pointèrent leurs caméras digitales
vers le ciel et transmirent la lumière du soleil vers la
galerie. Les photons saisis par les caméras étaient
réémis dans la galerie à travers le plafond. Un
projecteur vidéo dissimulé, servant de sortie pour la
liaison Internet, projetait contre le carré de terre
l'interface dématarialisée d'un Macintosh avec un fond
sombre--de façon à ce que la plante n'utilise pour
pousser que la lumière lui parvenant en direct par
vidéo digitale. Les images vidéos transmises de pays
lointains étaient dépourvues de contenu
représentationnel, et utilisées comme conducteurs de
veritable vagues de lumière. Le processus de la naissance, de
la croissance, et de la mort possible de la plante était
diffusée en direct au monde entier via l'Internet tout au long
de l'exposition. Tous les participants pouvaient observer le
processus. Après l'exposition, j'ai replanté
l'organisme vivant (qui avait atteint la taille de soixante
centimètres) près d'un arbre à
l'extérieur du Centre d'Art.
A travers l'action collaboratrice d'individus anonymes du monde
entier, des photons émis à partir de villes et pays
lointains furent téléportés jusqu'à la
galerie et utilisés pour donner vie à une plante petite
et fragile. Les participants partageaient la responsabilité de
prendre soin de cette plante du début à la fin de
l'exposition. Cette oeuvre était fondée sur un
renversement de la topologie habituelle de transmission, où
l'information est transmise par un individu vers de nombreuses
personnes. Dans l'oeuvre Teleporting an Unknown State, la
lumière était transmise par plusieurs personnes vers un
même et unique objet. L'oeuvre mettait en évidence
l'utilisation potentielle du Net pour distribuer des ressources
naturelles vers les endroits qui en ont le plus besoin, et donnait au
réseau un sens de responsabilité sociale collectif et
de système servant au maintien de la vie.
Toujours en quatre vingt-seize, j'ai participé (avec Ed
Bennett) à la Quatrième Biennale de Saint-Petersbourg,
en Russie, avec un événement dialogique de
téléprésence intitulé Ornitorrinco dans
le Sahara, reliant Saint-Petersbourg à deux sites se trouvant
à Chicago. Le terme "événement dialogique de
téléprésence" se réfère à
un dialogue entre deux participants eloignés qui
réagissaient réciproquement dans un lieu tiers à
travers deux corps autres que le leur.
L'un des directeurs de la Biennale de Saint-Petersbourg, Dmitry
Shubin, a utilisé un vidéophone noir et blanc pour
contrôler (à partir du Musée d'Histoire de
Saint-Petersbourg) le télérobot sans fil Ornitorrinco
(situé à L'Ecole à Chicago) et pour recevoir des
réactions (sous forme d'images vidéos
séquentielles) du point de vue du télérobot. Au
même moment, mon propre corps était enveloppé
dans un Vêtement de Téléprésence sans fil
qui m'a transformé en télécyborg, ou
téléborg, aveugle. Le corps humain
dépossédé était contrôlé,
par liaison téléphonique seulement, par l'artiste et
historienne de l'art Simone Osthoff de la Galerie Aldo Castillo.
L'alimentation vidéo en couleur du corps humain était
transmise en direct vers un autre espace se trouvant dans le
même immeuble du centre ville de Chicago, permettant aux
spectateurs locaux, surpris et non au courant de la situation,
d'assister à l'expérience dialogique en temps
réel. Pendant l'événement, alors que le
télérobot et le téléborg étaient
contrôlés à distance, une situation dialogique
unique s'est déroulée.
Alors que Simone Osthoff contrôlait le comportement de mon
corps, je craignais le moment où j'allais heurter un mur ou un
pilier, me retrouver accidentellement dans l'ascenceur, ou me heurter
contre un passant ou le télérobot. Oshtoff, qui
était aussi momentanément aveugle et qui était
plein d'égards envers ma privation sensorielle, me parlait
doucement et faisait des pauses intermittentes, commandant le corps
avec prudence. Au début, Shubin, qui n'avait nullement
conscience de ce qu'il contemplait, alternait le comportement de son
hôte télérobotique pour se propulser
lui-même le long du couloir et naviguer dans d'autres parties
de l'espace et pour engager le téléborg directement.
Occasionnellement, il y eut contact physique entre le
télérobot et le téléborg.
La dernière pièce que j'ai présentée
(avec Ed Bennett) en quatre vingt-seize était une installation
de téléprésence en réseau
intitulée Uirapuru, le Webot, voyage autour du monde en
quatre-vingt nanosecondes de la Turquie au Pérou et revient.
Cette oeuvre fut présentée dans le cadre de
l'exposition d'art robotique "Metamachines: Où se trouve le
Corps?", réalisée à la Galerie Otso, à
Espoo, en Finlande, faisant partie du Festival MuuMedia.
Uirapuru est le nouveau télérobot qui porte le nom d'un
oiseau d'Amazonie qui est à la fois réel et
légendaire. Uirapuru est un webot--c'est-à-dire un
télérobot entièrement mobile et sans fil,
créé pour être contrôlé en temps
réel via le Web, et pour fournir à travers lui
différents types de réactions. Pour cette exposition,
le webot Uirapuru était à mi-chemin dans sa phase de
mutation et était exposé avec son système
nerveux temporairement implanté sur le corps
d'Ornitorrinco.
Cette installation était divisée entre deux espaces
lointains, qui étaient reliés au Web. Le public avait
accès au rez-de-chaussée de la Galerie Otso, alors
qu'Uirapuru, le Webot, naviguait dans son nid qui se trouvait
à l'étage inférieur. Le public pouvait aussi
abandonner le contrôle du corps du robot et descendre pour agir
réciproquement avec le webot et les deux dindes vivantes. Ce
qui était vu dans l'espace supérieur--la page
(interface) du Web avec des réactions vidéo couleurs en
direct et en temps réel--était partagé sur le
Web avec des spectateurs lointains sous forme d'images couleur
séquentielles.
Les éléments qui constituaient le nid du webot et des
dindes forment un commentaire métacritique, et parfois
humoristique, de l'état actuel du développement du Web.
L'espace était surmonté d'un filet de maille grossier
enveloppant le tout. Répartis à travers l'espace, des
graffiti directionnels, telles que des flèches indiquant
"Tournez à Gauche" et "Par Ici" (toutes deux pointant en
direction d'un coin) offraient un commentaire humoristique sur la
métaphore de l'inforoute. Coexistant et agissant
réciproquement avec Uirapuru dans le même espace, deux
dindes, oiseaux qui ont la réputation de ne pas être
parmi les créatures les plus intelligentes, s'occupaient
simultanément de leurs affaires, représentant la sotise
des technophobes et l'apathie des technophiles. Les dindes
résonnaient aussi, d'une manière subtile et comique,
avec les mots Turquie et Pérou du titre : ces deux mots
représentent des pays différents et le même
oiseau, le premier en anglais ("dinde" et "Turquie" se disent
"Turkey" en anglais) et le second en portugais: les deux langues que
j'utilise le plus.
A présent, je suis en train de développer de nouveaux
concepts qui prolongent et élargissent le projet Uirapuru. Je
commence aussi à développer des concepts pour des
oeuvres futures qui adresseront les problèmes soulignés
dans cette communication et les dirigeront vers des territoires
télématiques, biologiques et
téléprésentiels nouveaux.
Text of Kac's lecture originally presented at the Colloque Les Treilles, on L'art technologique, sponsored by the Les Treilles Foundation and which took place at the Schlemberger State, in Tourtour, France, on March 1997.
ARTS TECHNOLOGIQUES : STRUCTURATION DU
JUGEMENT
Par leurs origines, les oeuvres d'art technologiques apportent un
défi de compréhension et d'évaluation. A chaque
époque, des créateurs essayent de confronter les
implications et le sens des nouvelles connaissances apportées
par les sciences contemporaines et les nouvelles technologies.
Pour certaines oeuvres, les critères d'évaluation
déjà établis permettent le jeu du jugement, pour
d'autres, de nouveaux critères doivent être
élaborés.
J'essaierai d'élaborer une structuration du jugement pour le
spectateur devant une oeuvre d'art technologique,
"intéractive", "art-réseau" par exemple. Je discuterai
aussi le problème institutionel de l'art (écoles,
musée, marchés) particulièrement
problématique pour les arts technologiques qui ne
répondent souvent pas au besoin des institutions
traditionnelles de l'art. Le point de vue que je prendrai est celui
du rédacteur de la revue d'art Leonardo.
LE CRAYON ET LA SOURIS
Opposer ce que le crayon et l'ordinateur peuvent réaliser "naturellement "permet de préciser la "nature" de l'un et de l'autre Je les comparerai dans le cadre de certaines des rubriques que nous avons proposées au départ; le geste, hasard et intention, auxquelles j'ai ajouté la structure, après le commentaire de Philippe Bootz....Enfin, pour me conformer aux injonctions de Frémiot, je précise que mon propos concerne essentiellement les arts plastiques, mais comme vous le verrez vous-même, plusieurs de mes remarques peuvent se transposer à d'autres arts.
Mais tout d'abord, je commencerai par quelques notions utiles, me semble-t-il, pour l'ensemble de nos réflexions.
Tout d'abord les notions d'assimilation et d'accommodation qui me semblent fondamentales pour l'ensemble des arts où il y a une réalisation matérielle (donc sans doute pas pour l'art conceptuel, pas pour la poésie traditionnelle, mais beaucoup pour les arts plastiques y compris l'art technologique, et pour la musique y compris la musique électroacoustique).
Ces notions résument l'interaction
réciproque de l'idée , disons du peintre , et du
matériau qu'il utilise pour la concrétiser, le combat
d'un artiste avec le matériau qu'il utilise afin de
réaliser un équivalent fidèle de son idée
picturale initiale, et le fait également que souvent cette
idée évolue en cours de réalisation, ou
même naît de cet affrontement avec la matière (si
bien que le peintre J. Bazaine a pu parler d'automatisme à terme) Voici quelques citations significatives:
Ce matériau, j'ai découvert en lui son langage propre; ca m'a amené jusqu'aux compressions. Après j'ai trouvé les polyuréthanes, j'ai voulu les dominer physiquement et intellectuellement. dit le sculpteur César .
- Tandis que Francis Ponge écrit à propos de Braque: Le soin, l'application se portent sur quoi? Principalement sur l'adéquation de la conception aux moyens. (et non pas des moyens à la conception comme chacun de nous dirait d'emblée)
Cette relation entre l'idée picturale de l'artiste et le matériau dans lequel il l'incarnera se décrit naturellement, comme Pierre Mounoud et moi-même l'avons montré, à l'aide des mécanismes d'assimilation et d'accommodation que Piaget a introduits pour décrire l'évolution des concepts et des théories scientifiques. Quelle est pour Piaget l'origine de ces mécanismes? Ils sont liés à ses recherches en biologie, ce sont les mécanismes qui régissent l'équilibre d'un organisme vivant avec son milieu: L'organisme assimile la nourriture provenant du dehors, la transforme pour en faire son propre corps. Si, par contre, le milieu se modifie, l'organisme se modifie également, s'accommode au milieu pour utiliser les nouveaux éléments nutritifs Ce double processus, cette dialectique, mène à l'équilibre de l'organisme avec son milieu et éventuellement à son évolution.
Pour Piaget il y a continuité entre le
biologique et l'intelligence, l'intelligence étant
"l'instrument" le plus perfectionné pour arriver à
l'équilibre d'un organisme vivant et de son milieu, si bien
qu'il utilise les mêmes mécanismes pour décrire
l'assimilation d'une idée par
l'intelligence, d'un phénomène
par une théorie, que pour décrire l'assimilation de la
nourriture par un organisme . Ainsi dans les sciences lorsque
l'expérience confirme la théorie, il y a assimilation
de cette expérience par la théorie. Si, par contre, un
fait expérimental est en désaccord avec la
théorie, celle-ci doit s'accommoder à ce fait, il y a
évolution de la théorie. L'histoire des sciences est
une succession incessante de telles assimilations et
accommodations
Et dans l'art, comment ces mécanismes interviennent-ils? Lorsqu'un artiste façonne le matériau qu'il utilise en fonction de son idée picturale il y a assimilation de ce matériau à son idée, par contre lorsque l'idée évolue lors du travail du matériau ou s'adapte au matériau, c'est l'accommodation de l'idée de l'artiste au matériau.
Prenons deux cas extrêmes:
Dans une peinture orientale qui est la réalisation d'une idée longuement préparée dans la pensée et les muscles de l'artiste, puis réalisée d'un jet et sans repentir, il y a assimilation du matériau à l'idée de l'artiste . C'est aussi le cas de ma propre peinture et ce n'est que par le détour par l'épistémologie génétique et les notions d'assimilation et d'accommodation que j'ai pu accepter le bien fondé de l'attitude différente de la plupart des peintres occidentaux décrite dans les citations que j'ai données au début de cette conférence, en somme mon étonnement s'apparente à celui qu'exprimait Delacroix; "Il est incroyable à quel point sont confus les premiers éléments de la composition chez le plus grand nombre des artistes. Comment s'inquiéteraient-ils beaucoup de revenir par l'exécution sur cette idée qu'ils n'ont point eue" De même ce sont les idées de Changeux, que je décrirai plus loin ,sur l'aléatoire généré par le cerveau qui m'ont fait admettre le rôle fondamental que nombre d'artistes font jouer au hasard.
Pour en revenir à l'assimilation et à l'accommodation, l'oeuvre de César, au contraire est essentiellement soumission au matériau et à la technique qu'il utilise (compression, expansion), fait donc intervenir plus que toute autre l'accommodation de l'artiste au matériau.
Cette dialectique entre assimilation du matériau à l'idée et accommodation de l'idée au matériau est la base même de I'oeuvre de nombreux artistes occidentaux, l'idée du peintre et le tableau en cours de réalisation évoluent chacun jusqu'à paraître se confondre aux yeux du peintre. C'est ce qu'exprime cette phrase mystérieuse de Braque: "Le tableau est achevé lorsqu'il a effacé l'idée".
L'usage d'un matériau nouveau amène chez le peintre une inspiration neuve en brisant ses habitudes: elle oblige à une reconstruction de la main et de l'esprit. Il y a d'abord recul et puis les oeuvres réalisées par l'artiste avec ce nouveau matériau ou cette nouvelle technique deviennent semblables à celles qu'il réalisait avant l'usage de ce matériau, mais enrichies.
Dans ce même esprit, on comprend que l'usage d'une technologie nouvelle puisse modifier l'art.
Concernant cet art technologique deux attitudes extrêmes correspondent à ce que j'appellerais deux "maladies de jeunesse" opposées de l'utilisation d'une nouvelle technologie. L'une consiste à vouloir réaliser avec les nouvelles techniques des oeuvres dont la nature correspond aux techniques utilisées préalablement, ne pas adapter son idée aux nouvelles techniques, autrement dit ne pas l'accommoder à ces nouvelles techniques. C'est ce qui s'est passé avec les premières automobiles dont la forme était celle de calèches dont on aurait simplement enlevé les brancards. C'est aussi ce qui s'est passé au début de l'utilisation de la photographie lorsque des artistes ont voulu imiter avec ce nouvel instrument les tableaux pompiers... De même, on déploie des efforts considérables pour réaliser avec l'ordinateur une texture qui ressemble à celle de l'aquarelle ou à celle de la peinture à l'huile.
Une autre façon extrême d'utiliser une nouvelle technologie consiste pour un artiste à se satisfaire de sa seule nouveauté, à y trouver une fin en soi, c'est-à-dire ne pas assimiler la technique à ses idées, mais procéder uniquement par accommodation à cette nouvelle technologie. Sans doute cette attitude est-elle porteuse d'avenir, se lancer à corps perdu dans l'exploration des possibilités d'un matériau, d'une technique est une façon vivante d'en faire connaissance. Mais ce n'est qu'un début, c'est ce que l'on pourrait appeler l'art technologique naïf, c'est cet art que réalisent des ingénieurs ou des informaticiens qui se laissent aller au seul plaisir de manipuler leurs ordinateurs.
Deux principes doivent me semble-t-il présider à la réalisation d'oeuvres à partir de nouvelles technologies. Le premier c'est que l'oeuvre soit conforme à la "nature" de la technologie ou disons plus simplement, qu'elle exploite au mieux ses possibilités, c'est-à dire qu'il y ait accommodation de l'idée de l'artiste au matériau. La seconde c'est que l'oeuvre soit "intéressante" (notion certs difficile à définir), qu'elle ait un intérêt artistique autre que le simple attrait d'une technologie nouvelle, autrement dit qu'il y ait assimilation du matériau à l'idée de l'artiste, qu'elle soit conforme à la "nature" de l'artiste.
Les notions d'assimilation et d'accommodation jouent donc, me semble-t-il, un rôle central dans l'art technologique, le même rôle qu'elles ont joué tout au long du développement de l'art (à l'exception peut-être de l'art conceptuel qui ne s'accompagne pas de réalisation matérielle).
Remarquons que la maîtrise d'une nouvelle technologie, d'un nouveau matériau enrichit en retour les techniques ou matériaux précédents. L'influence de la photographie sur la peinture est claire. Elle a commencée avec Degas, dans le cadrage de ses peintures ou avec les indications précieuses que la photographie lui a données sur la marche du cheval, et elle se poursuit jusqu'à nos jours. Il y a aussi l'influence par opposition de la photographie...réaliser à la peinture à l'huile un portrait "ressemblant" perdait une grande partie de son intérêt; la "ressemblance" appelle irrésistiblement de nos jours l'adjectif "photographique". Par contre quelle ressemblance inattendue et forte dans un portrait de Bacon!
Un autre ensemble de concepts utiles pour décrire l'art figuratif, mais aussi pour les arts plastiques en général, c'est celui de création de signes et de coordination de ces signes entre eux (on appelle cette coordination l'aspect opératif) ces deux aspects semblables au vocabulaire et à la grammaire d'une langue constitue ce que l'on pourrait appeler le langage ou du moins le prélangage (pour bien mettre en évidence leur côté non figés ou codifié) de la peinture. C'est à l'aide de ce prélangage que l'artiste exprime sa structuration du réel , ou plus généralement son idée picturale.
Certains artistes comme Tal-Coat, s'attachent
surtout à la création de formes
élémentaires, de signes, il a crée des signes
qui expriment la quintessence des éléments du paysage
aixois. D'autres artistes s'attachent au contraire surtout aux
relations entre les formes. C'est le cas de Mondrian, de Sonia
Delaunay, ou encore de Vasarely, qui utilisent un nombre restreint de
formes, carré, cercle, pour qu'apparaissent mieux les
relations entre elles. D'autres artistes enfin, comme Van Gogh dans
ses paysages de la Crau, ou Miro dans ses peintures de
l'époque de "la Ferme" établissent un équilibre
entre ces deux aspects, chaque élément du paysage est
représenté par un signe très
caractérisé, et ces signes sont assemblés dans
une composition rigoureuse.
On peut remplacer la notion de signes par quelque chose de plus général qui est la notion de "mêmes" qu'introduit J.P. Changeux. Résumé très schématiquement, Changeux considère la création d'une peinture comme semblable à une évolution darwinienne basée sur l'apparition aléatoire dans le cerveau du peintre de certains éléments, par exemple de formes, suivie par l'équivalent d'une sélection naturelle.
Le mécanisme de sélection, ce qui fait que les éléments survivent, c'est qu'ils soient susceptibles díenter dans la mémoire à long terme du peintre, du spectateur : "l'accès dans le compartiment à long terme de la mémoire de l'homme ne se fait pas sans contraintes, écrit Changeux, il paraît plausible que parmi les autres représentations culturelles, l'oeuvre d'art se distingue par une exploitation savante de ces contraintes".
Ce qui survit, les éléments stables d'un tableau susceptibles de se transmettre d'un tableau à un autre d'un même peintre, d'un peintre à un autre peintre, d'un tableau au spectateur, c'est ce que Changeux appelle des "mêmes". Ce peut être une forme qu'affectionne particulièrement un peintre, un geste qui lui est propre, une certaine harmonie de couleur, un signe qui revient constamment, une façon de composer un tableau.
Le idées de Changeux constituent une façon particulièrement intéressante d'envisager le rôle du hasard dans l'art puisqu'il y a des éléments aléatoires suivis d'une sélection. Ce jeu du hasard et de la mémoire, s'il est peut-être au coeur de la création par le crayon se retrouve aussi, me semble-t-il étrangement transposé dans le travail subtil de Philippe Bootz. Bootz retrouve étonnamment une des propriétés de la mémoire à long terme qu'indique Changeux: la mémoire ne peut pas engranger ce qui s'y trouve déjà.
Il est peut-être utile ici de
réfléchir aux rôles respectifs du hasard et de
l'intention dans le comportement du crayon ou de la souris. On voit
que dans l'un comme dans l'autre il y a une part de hasard, mais
à quel niveau de la réalisation se situe l'intention de
l'artiste? En ce qui concerne une certaine forme d'art technologique,
l'artiste a conçu un programme qui réalise des images
qu'il n'avaient pas prévues et parmi lesquelles il effectue
alors un choix. Cela apparente-il ces images a des "objets
trouvés", et qu'expriment ou que "communiquent " alors ces
images? selon quels critères l'artiste effectue-il son choix,
il semble que souvent ce sont des critères d'ordre
décoratif...mais alors s'introduit sournoisement une
esthétique non explicitée et souvent assez banale tout
au moins en ce qui concerne l'art technologique naïf. Pour ce
qui est du crayon, le hasard comme la lutte avec la matériau
est un thème de prédilection des propos des artistes
modernes. Il s'agit en général pour eux du hasard dans
la réalisation, une tache produite au hasard, un accident de
la matière...Bacon a beaucoup insisté sur ce rôle
du hasard qui peut d'ailleurs curieusement être
considéré comme source de liberté en faisant
sortir le peintre de ses habitudes. Les surréalistes ont
beaucoup utilisé ce hasard.
Continuons notre fable du crayon et de la souris, il est clair me semble-t-il qu'avec cette notion de signes et d'ordre entre les signes, on a deux aspects où excellent respectivement le crayon et la souris.
Le crayon (ou le pinceau) est l'instrument qui traduira le mieux la création de signes
Comment en effet l'artiste crée-t-il les signes?
óLa création de signes chez un artiste se fait par une identification musculaire intériorisée à l'objet qu'il représente. "Après m'être identifié à lui, il me faut créer un objet qui ressemble à l'arbre, le signe de l'arbre " écrit Matisse, ou encore: "c'est en rentrant dans l'objet qu'on rentre dans sa propre peau. J'avais à faire cette perruche avec du papier de couleur. Eh bien! Je suis devenu perruche. Et je me suis retrouvé dans l'oeuvre". et de façon encore plus significative peut-être: " j'ai exécuté ma sculpture Jaguar dévorant un lièvre, d'après Barye, m'identifiant à la passion du fauve exprimée par le rythme des masses"
Le lien entre les signes, l'aspect opératif qui fait, lui, intervenir la structuration intérieure de l'artiste, son sens de l'espace, du rythme, etc., peut peut être au contraire me semble-t-il être bien intégré dans certains cas, à l'ordinateur. Je reviendrai là dessus un peu plus loins au sujet des diverses sortes de règles que peut suivre un artiste.
Cette notion de création de signes par identification musculaire à l'objet ou à l'idée nous mène directement au geste et au mouvement (remarquons que l'idée naissante qu'elle soit picturale ou même scientifique, est souvent en quelque sorte musculaire, qu'il suffise pour s'en convaincre de se rappeler qu' Einstein se plaignait de la difficulté extrême qu'il avait à traduire en mots et en formules sa pensée qui jusqu'à un stade avancé de son raisonnement se présentait à lui sous forme d'images et plus encore d'impulsions musculaires).
En ce qui concerne l'expression du geste de l'artiste, le crayon me semble beaucoup plus "efficace" et surtout, disons-le vivant, que l'ordinateur . Ici cependant une parenthèse qui s'applique à tous les aspects de ce que l'on peut réaliser avec l'ordinateur: il est difficile de préjuger de l'avenir, peut-être un jour on pourra-t-on, grâce à l'informatique, exprimer directement la pensée sans aucun intermédiaire, même pas celui de la main, on aurait alors non plus le mouvement mais la pulsion du mouvement.
Le mouvement réel qu'exprime parfois les
images mouvantes de l'ordinateur me semble moins éloquent que
le trait, trace du mouvement de la main de l'artiste qui guide le
crayon . Le spectateur s'identifie mieux au souvenir du mouvement
qu'est le trait de crayon, qu'au mouvement réel que montre
l'ordinateur (voir la citation de Dubuffet que je donne plus loin).
La souris crée contrairement à ce que son nom
suggère, non pas des images qui courent dans l'esprit du
spectateur, mais des images qu'il ressent comme figées.
En ce qui concerne l'ordre entre les signes, l'aspect opératif de l'art , ou encore la structure, il est certain que l'ordinateur peut lui être bien adapté. La simple expérience, que tout le monde a, du traitement de texte montre que pour mettre de l'ordre dans un texte, le "couper-coller" est bien utile. Réfléchissons d'ailleurs un peu à la pratique du "couper-coller" , c'est vrai qu'il permet facilement d'organiser ses idées, mais en les organisant cela fait venir de nouvelles idées ou du moins elles s'affinent. Ceci confirme ce fait général qui a été étudié par Pierre Mounoud dans l'élaboration des dessins d'enfants visant à représenter des objets qu'il touchent sans les voir, que l'aspect opératif et la création de signes se développent de façon pour ainsi dire dialectique, chacun des développements s'appuyant sur l'autre.
La notion d'ordre que l'artiste établit entre les signes nous amène à l'étude des règles dans l'art. Je reviendrai donc sur le thème de pascal Gobin, les règles et le hasard.
Il est utile me semble-t-il de distinguer trois type d'ordres ou de règles, deux qui sont ce que j'appellerai des ordres a priori et le troisième que l'on peut appeler un ordre a posteriori ou mieux, un ordre à découvrir:
1er type d'ordreóL'artiste peut suivre un ordre tout fait, des règles (par exemple la règle d'or, les règles de la perspective), un ordre tel que l'accepte la société ou une collectivité d'artistes. C'est le cas de l'art dans sa période classique. Il peut aussi suivre un ordre inspiré de la science, par exemple I'ordre des cristaux .
óDeuxième type d'ordre, l'artiste crée la règle, "Créez la règle, puis suivez-la, maître mot de toute entreprise artistique." écrivait Wagner dans Les Maîtres Chanteurs Il y a dans cette démarche à la fois la liberté, qui est dans la nature de l'art, qui permet à l'individu de créer une règle arbitraire, et le désir d'ordre qui consiste à suivre.cette règle . Morrelet est représentatif de ce type d'ordre . Avec le mouvement « Dada » l'arbitraire de la règle est le thème même de la peinture, d'où l'aspect libérateur de cet art.
Mais l'ordre qui me paraît le plus intéressant, le plus riche et surtout le plus naturel, c'est l'ordre que suit l'artiste sans essayer de le définir a priori..., et sans s'en rendre compte lui-même. C'est l'ordre intrinsèque de l'artiste tel qu'il peut apparaître dans une rétrospective . "C'est ainsi que le véritable poète crée, et puis comprend... parfois" écrit H. Michaux . Et Kandinsky écrit dans un même esprit: "Rien de plus dommageable et de plus coupable que de chercher sa forme en se faisant violence. L'instinct intime, I'esprit créateur, créera irrésistiblement à l'heure convenable ,la forme dont il aura besoin."
Ici encore il est clair que le crayon ou la souris excellent chacun dans des domaines différents. Les règles a priori sont manifestement bien adaptées à l'ordinateur, un ordinateur peut réaliser des peintures "à la Vasarely". Par contre les règles sous-jacentes que suit l'artiste sans les connaître sont celles que réalise l'artiste spontanément avec son crayon. Il faut toutefois remarquer que l'ordinateur peut certainement aider à découvrir après coup ces règles... mais cela, c'est me semble-t-il plutôt le problème du critique ou de l'historien d'art que celui du créateur.
Les considérations sur la fabrication de
signes et l'ordre que l'artiste établit entre ces signes
peuvent amener à dissocier dans une oeuvre ces deux aspects.
Une façon de réaliser ceci serait de créer des
"peintures brèves" suffisamment denses ou complètes
(chercher le minimum pour que chacune d'elle soit complète),
l'oeuvre globale étant alors l'ensemble de ces peintures,
ensemble que l'on peut rendre visible soit par un déroulement
dans le temps (ce qui introduit le temps comme en musique) soit
simultanément comme dans une exposition. Dans une telle oeuvre
le temps apparaîtrait de deux façons différentes
(il y a pour ainsi dire deux axes du temps): d'une part dans le
mouvement de la main du peintre (du crayon) qui réalise
chacune des "peintures brèves", c'est ce temps que le peintre
Olivier Debré décrit par la belle formule: "la
peinture, c'est du temps devenu espace", c'est également le
temps de lecture par les yeux du spectateur de chacune de ces
"peintures brèves", c'est un temps que l'on pourraît
qualifier de virtuel . Et puis il y a d'autre part le temps bien
réel qui régit la succession des "peintures
brèves", temps qui peut évoquer le temps de la
musique.
....... Les lignes qui précèdent
ont été écrite avant le colloque des
Treilles..., la suite a été écrite vers la fin
du colloque.......
Je terminerai par quelques réflexions
notamment sur le rôle du spectateur dans l'art crée par
le crayon (ou le pinceau) et ce que l'on peut appeler "l'art
interactif électronique"
Habituellement l'art se présente sous forme d'objet achevé, crée (ou choisi) par l'artiste et qu'il donne à voir, à écouter...(rarement à toucher...) par un spectateur.
Dans l'art interactif électronique, ce qui est offert au spectateur, c'est un système, un dispositif, qu'il pourra manipuler, modifier, bref sur lequel il pourra agir, et qui, inversement agira sur lui. C'est donc un système interactif, et il peut être bon alors de ne plus parler, en ce qui le concerne, de spectateur, mais de participant à l'oeuvre, ou, pour utiliser un néologisme plaisant que l'on a évoqué, de "spectacteur".
certaines oeuvres peuvent être manipulées simultanément par plusieurs spectacteurs, l'oeuvre établit alors une communication entre eux, communication qui peut prendre des formes nouvelles, inédites grâce à l'intervention de l'électronique et l'invention de nouvelles interfaces.
Il est bon de remarquer que le spectateur
d'autres formes d'art n'est pas, lui non plus, passif, mais (pour se
restreindre aux oeuvres picturales), son activité se situe
essentiellement au niveau mental (également évidemment
dans le mouvement des yeux). Si le spectateur, notamment s'il est un
critique, peut modifier la perception que les autres spectateurs
auront de l'oeuvre, il ne modifie pas l'oeuvre elle-même. Cette
appréhension active du spectateur est décrite notamment
par le peintre Dubuffet : "Le tableau ne
sera pas regardé passivement, embrassé
simutanément d'un regard instantané par son usager,
mais bien revécu dans son élaboration, refait par la
pensée et, si j'ose dire re-agi. La truelle qui a tracé
quelque ornière, il en revivre tout au long le mouvement, il
se sentira labouré par le sillon de cette truelle,
écrasé ici par le poids d'un paquet de pâte,
égratigné là dans sa chair par un trait de
grattoir acéré. Toute une mécanique interne doit
se mettre en marche chez le regardeur, il gratte où le peintre
a gratté, frotte, creuse, mastique, appuie où le
peintre l'a fait. Tous les gestes faits par le peintre il les sent se
reproduire en lui. Où les coulures ont eu lieu, il
éprouve le mouvement de la pâte visqueuse
entraînée par le pesanteur; où les
éclatements se sont produits, il éclate avec eux.
Où la suface s'est plissée en séchant, le
voilà qui sèche aussi, se contracte et se plisse, et si
une cloque s'est formée ou quelque emposthume, il se sent
aussitôt pousser au plus intime du ventre la
boursouflure."
Une autre caractéristique de l'art
interactif électronique, c'est d'être...
électronique. Cela le distingue d'autres oeuvres qui sont
elles aussi interactives, comme les "pénétrables" de
Soto où le spectacteur agit bien sur l'oeuvre mais où
n'intervient aucun dispositif électronique.
Si les oeuvres interactives
électroniques se définissent essentiellement par le
rôle du spectacteur, quel est alors le rôle de l'artiste?
Il crée les conditions d'action du spectacteur. Il
crée, ou du moins imagine et fait réaliser, le
dispositif sur lequel agira le spectacteur, il détermine
comment ce dispositif réagira.
Enfin il s'agit d'art. En quoi cet objet, ce dispositif electronique est-il un dispositif artistique plutôt, par exemple qu'un "jeu vidéo"? Ici les critères rejoignent ceux qui interviennent dans d'autres formes d'art. Le dispositif ou l'objet artistique permet au spectacteur de participer à une métaphore de l'idée, de la "vision" du monde qu'a l'artiste qui a crée le dispositif. C'est la qualité poétique de cette vision, l'adéquation de cette vision et de la façon dont elle est réalisée dans le dispositif crée par l'artiste, l'efficacité avec lequel elle est transmise, qui détermine la qualité de l'oeuvre. Le spectacteur est ainsi amené à explorer des "mondes" nouveaux, éprouver des sensations inédites .
On peut alors citer au sujet de ces oeuvres les termes en lesquels Apollinaire évoquait
"Cette longue querelle de la tradition et de l'invention De l'ordre de l'aventure" ... "nous qui quêtons partout l'aventure ... Nous voulons nous donner de vastes et d'étranges domaines Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues Mille phantasmes impondérables auxquels il faut donner de la réalité Nous voulons explorer la bonté contré énorme où tout se tait Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières De l'illimité et de l'avenir ... O soleil c'est le temps de la raison ardente" Apollinaire "La Jolie Rousse"
BIBLIOGRAPHIE
Changeux J.P. - Art and neurosciences
- Leonardo 27, 3, 1994 (numéro spécial de la
revue Leonardo: "Art and Science : Similarities, Differences and
Interactions ")
Mandelbrojt J. - "Les cheveux de la réalité" - Editions Alliage , Nice 1991 (Alliage- 78 route de Saint Pierre de Féric-06000 Nice)
Two opposite inappropriate use of new technologies can be made by artists.
The first one consists in trying to obtain with these new technologies results which are more naturally obtained with previous ones, for instance to go to great pains to imitate the texture of oil paintings with computer graphics.
The second one consists in being so fascinated by these new technologies as to be satisfied with their sole novelty.
These two attitudes can be interpreted in terms of concepts of assimilation and accommodation which Piaget introduced in the interpretation of evolution of scientific theories and which I often applied to the interpretation of creative procecesses in art (ref. 1to 3). The first attitude consists in not accomodating the artists' ideas to the new technology, in other words in not taking account of the nature of the new technology. The second one consists in not assimilating the new technology to the pictorial idea of the artist in other words in not adapting the new technology to the nature of the artist.
In order to analyse the "nature" of computer images it can be useful to compare what a computer can achieve naturally as compared to what can be done with a simple brush or a pencil, hence the title "the pencil and the mouse" .
Paintings can often be considered as made up of signs or elementary shapes assembled according to some srtucture or order (ref. 1 ).
These two aspects, creation of signs and establishing an order between these signs refer to different inner mechanisms of an artist, the first is made through an inner muscular identification of the artist with the object he represents (in the case of figurative paintings) whereas the second refers to the inner organization of the artist, his sense of space, of symmetry etc.(ref. ).
From this point of view I feel that there is more life in the elementary shapes or signs an artist creates with a pencil or a brush than in those he can make with the use of a computer.
This is linked with the muscular aspect that is involved in the creation of these signs (this of course could be inproved concerning computer graphics with the development of new interface between the artist and the computer where the body of the artist would be better taken into account) Conversely it is clear that computers are well adapted to creating stuctures to assemble these elementary shapes, these structures having a more abstract, combinatorial feature than the making of elementary shapes.
This analysis led me to make paintings where these two aspects, making elementary shapes and combining them, are dissociated. The structure or order I used to combine the elementary shapes is the simplest one that can be considered, it consists in putting the elementary paintings in the order in which they came to my mind and were made. Thus the complete painting is the "ordered set" of these elementary paintings .
I thus made "seventy elementary" paintings each being 1,20 meters high and 0.60 meter wide (they constitute so to speak my dictionnary of elementary shapes each one beeing sufficiently dense or complete as to be able to stand by itself) and put them side by side from left to right in the order in which they were made (see illustr. 1 for a small drawing inspired by this set of paintings).
This set of seventy paintings assembled in manner to make one painting can then suprisingly be considered as having two axis of time:
The first axis which is a vertical one corresponds to the making (or seeing by the spectator) of each individual elementary painting, it results from the fact that the elementary paintings being long and narrow, my hand (and the eye of the spectator) goes essentially from top to bottom.
The second axis which is a horizontal one, corresponds to the order in which the elementary paintings came to my mind and were made: Indeed this order is not arbitrary, each painting generates the next one in an intuitive unconscious way , sometimes by contrast sometimes by simplification or complication...
I feel that this order is meaningful (in a way unknown to me) and should not be changed or reversed so that one can indeed consider the horizontal direction orientated from left to right to be a time axis for this series .
REFERENCES
J. Mandelbrojt and P. Mounoud: On the relevance of Piaget's theory to the visual arts - Leonardo : 4,155,1971
L'art et la science peuvent se situer de diverses façons
l'un par rapport à l'autre. Il peut y avoir
l'indifférence, et pourquoi pas? L'art c'est l'art et la
science c'est la science! Mais il y a aussi de nombreuses
interactions possible.
- La façon la plus immédiate pour l'art et la science
d'interagir, celle qui vient tout de suite à l'esprit, c'est
l'utilisation par les artistes de nouvelles technologies
scientifiques, de l'ordinateur, du laser. Il est peut-être
temps après 30 ou 40 ans d'existence de cet art technologique
de tenter d'examiner son statut esthétique; j'effleurerai ce
problème.
- Les techniques scientifiques peuvent aussi servir à analyser
les oeuvres d'art.
ceci pour les techniques
Si par contre on examine les rapports entre l'art, ou les arts, et
les sciences pures:
-De même que des techniques scientifiques permettent une
analyse poussée des oeuvres d'art, de même certaines
théories ou concepts scientifiques permettent d'approcher sur
le plan conceptuel des oeuvres d'art. On peut se référer
par exemple à la théorie de l'information ou au concept
d'entropie, ou, comme le fait Changeux, à une évolution
darwinienne qui jette un éclairage très
intéressant sur le rôle du hasard dans la
création picturale.
- La science peut enfin jouer un rôle dans la conception d'un
oeuvre artistique, un artiste peut s'inspirer de concepts
scientifiques isolés, ou bien encore il peut plus
généralement exprimer une vision du monde
inspirée par la science, exprimer une culture
scientifique.
Mais ce que je voudrais étudier ici, ce n'est pas
l'utilisation par l'art de techniques ou de concepts scientifiques,
ni une quelconque influence de la science sur l'art, mais les
rencontres naturelles, spontanées, qui peuvent avoir lieu
entre l'art et la science, le but ultime de ma démarche
étant de dépasser ces rencontres naturelles pour tenter
d'arriver à ce qui fait la spécificité de l'art
. Ces rencontres spontanées entre l'art et la science se
trouvent essentielement dans des mécanismes communs que
partagent la création artistique et scientifique, mais il y a
également des rencontres spontanées sur le plan
intuitif entre les arts et les sciences, notamment avec les
mathématiques.
Allons d'emblée à un thème qui me paraît
central pour les relations entre l'art et les sciences, et qui par
ailleurs distingue assez bien diverses catégories d'artistes,
un thème qui revient de façon incessante dans les
propos et les écrits de nombreux artistes : il s'agit de leur
combat avec la matière lors de la réalisation d'un
tableau, le combat d'un artiste avec le matériau qu'il utilise
afin de réaliser un équivalent fidèle de son
idée picturale initiale, et le fait également que
souvent cette idée évolue en cours de
réalisation, ou même parfois naît de cet
affrontement avec la matière (si bien que le peintre J.
Bazaine a pu parler de spontanéité a terme) Voici
quelques citations significatives:
-Ce matériau, j'ai découvert en lui son langage propre;
ca m'a amené jusqu'aux compressions. Après j'ai
trouvé les polyuréthanes, j'ai voulu les dominer
physiquement et intellectuellement. dit le sculpteur César
à propos de ses compressions et de sez expansions.
- tandis que Delacroix écrit dans son journal:Il est
incroyable à quel point sont confus les premiers
éléments de la composition chez le plus grand nombre
des artistes. Comment s'inquièteraient-ils beaucoup de revenir
par l'exécution sur cette idée qu'ils n'ont point
eue.
-et enfin Francis Ponge écrit à propos de Braque: Le
soin, l'application se portent sur quoi? Principalement sur
l'adéquation de la conception ausx moyens. (et non pas des
moyens à la conception comme chacun de nous dirait
d'emblée)
On pourrait croire, à la lecture de ces citations, et je
pourrais en donner beaucoup d'autres, que ce combat entre
l'idée et la matière est spécifique à
l'art, tant de nombreux artistes y reviennent avec insistance . En
fait il n'en est rien. Il est également à la base de la
recherche scientifique, c'est la méthode expérimentale
. La relation entre l'idée initiale de l'artiste et la
matière en laquelle elle s'incarnera est la même que
celle qui existe entre une théorie scientifique et
l'expérience qui la confirmera ou l'infirmera. Bien sur, et
c'est là sans doute une différence essentielle entre
l'art et la science, ce combat prend dans l'art une forme
spécifique: c'est un "corps-à-corps". Il est plus
lié au corps de l'artiste, plus immédiat, plus direct
qu'il ne l'est dans la science, si bien que l'on peut
considérer en quelque sorte l'art comme une métaphore
transparente de la science, en ce qui concerne les mécanismes
de création.
Cette relation entre l'idée de l'artiste et le matériau
se décrit naturellement, comme Pierre Mounoud et
moi-même l'avons montré, à l'aide des
mécanismes d'assimilation et d'accommodation que Piaget a
introduits pour décrire l'évolution des concepts et des
théories scientifiques. Quelle est pour Piaget l'origine ces
mécanismes? Ils sont liés à ses recherches en
biologie, ce sont les mécanismes qui régissent
l'équilibre d'un organisme vivant avec son milieu: L'organisme
assimile la nourriture provenant du dehors, la transforme pour en
faire son propre corps. Si, par contre, le milieu se modifie,
l'organisme se modifie également, s'accommode au nouveau
milieu pour utiliser les nouveaux éléments nutritifs Ce
double processus, cette dialectique, mène à
l'équilibre de l'organisme avec son milieu et
éventuellement à son évolution.
Pour Piaget il y a continuité entre le biologique et
l'intelligence, l'intelligence étant "l'instrument" le plus
perfectionné pour arriver à l'équilibre d'un
organisme vivant et de son milieu, si bien qu'il utilise les
mêmes mécanismes pour décrire l'assimilation
d'une idée par l'intelligence, d'un phénomène
par une théorie, que pour décrire l'assimilation de la
nourriture par un organisme . Ainsi dans les sciences lorsque
l'expérience confirme la théorie, il y a assimilation
de cette expérience par la théorie. Si, par contre, un
fait expérimental est en désaccord avec la
théorie, celle-ci doit s'accommoder à ce fait nouveau,
il y a évolution de la théorie. L'histoire des sciences
est une succession incessante de telles assimilations et
accommodations
Et dans l'art, comment ces mécanismes interviennent-ils?
Lorsqu'un artiste façonne le matériau qu'il utilise en
fonction de son idée picturale, il y a assimilation de ce
matériau à son idée, par contre lorsque
l'idée évolue lors du travail du matériau, ou
s'adapte au matériau, c'est l'accommodation de l'idée
de l'artiste au matériau. Prenons deux cas
extrèmes:
L'oeuvre de Vasarely est manifestement me semble-t-il une oeuvre
où l'idée de l'artiste domine le matériau, il y
a assimilation du matériau à l'idée,
l'idée n'est pas destinée à être
modifiée en cours de réalisation, après que les
esquisses aient été mises au point, si bien que la
réalisation peut être confiée à des
éxecutants.
De même dans une peinture orientale qui est la
réalisation d'une idée longuement
préparée dans la pensée et les muscles de
l'artiste, puis réalisée d'un jet et sans repentir, il
y a également mais d'une autre façon, assimilation du
matériau à l'idée de l'artiste . C'est aussi le
cas de ma propre peinture, et ce n'est en fait que par le
détour de l'épistémologie
génétique et de ces notions d'assimilation et
d'accommodation que j'ai pu accepter le bien fondé de
l'attitude différente de la plupart des peintres occidentaux,
décrite dans les citations que j'ai données tout
à l'heure.
L'oeuvre de César, par exemple, est essentiellement soumission
au matériau et à la technique qu'il utilise
(compression, expansion), elle fait donc intervenir plus que toute
autre l'accommodation de l'artiste au matériau.
Cette dialectique entre assimilation du matériau par
l'idée et accommodation de l'idée au matériau
est la base même de I'oeuvre de nombreux artistes occidentaux.
Le tableau en cours de réalisation et l'idée ou l'image
mentale de l'artiste évoluent chacun jusqu'à ne faire
qu'un aux yeux du peintre. C'est le sens de cette phrase a priori
mystérieuse de Braque: Le tableau est achevé lorsqu'il
a effacé l'idée
Par ailleurs l'usage d'un matériau nouveau amène chez
le peintre une inspiration neuve en brisant ses habitudes: elle
oblige à une reconstruction de la main et de l'esprit de
l'artiste . Il y a d'abord recul, et l'on reconnaît que la
reconstruction est réalisée à ce que les oeuvres
réalisées par l'artiste avec ce nouveau
matériau, ou cette nouvelle technique, deviennent semblables
à celle qu'il réalisait avant l'usage de ce
matériau, mais enrichies.
Dans ce même esprit, on comprend que l'usage d'une technologie
nouvelle puisse modifier l'art. Une parenthèse, donc:
Concernant cet art technologique deux attitudes extrêmes
correspondent à deux "maladies de jeunesse" opposées,
de l'utilisation d'une nouvelle technologie. L'une consiste à
vouloir réaliser avec les nouvelles techniques des oeuvres dont
la nature correspond aux techniques utilisées
préalablement, ne pas adapter son idée aux nouvelles
techniques, autrement dit ne pas l'accommoder à ces nouvelles
technologies. C'est ce qui s'est passé au début de
l'utilisation de la photographie lorsque des artistes ont voulu
imiter avec ce nouvel instrument les tableaux pompiers... De
même, on déploie des efforts considérables pour
réaliser avec l'ordinateur une texture qui ressemble à
celle de l'aquarelle ou à celle de la peinture à
l'huile. Un autre exemple peut-être encore plus frappant, c'est
celui des premières automobiles dont la forme était
celle de calèches dont on aurait simplement enlevé les
brancards.
L'autre façon extrême et assez fréquente
d'utiliser une nouvelle technologie consiste pour un artiste à
se satisfaire de sa seule nouveauté, à y trouver une
fin en soi, c'est-à-dire ne pas assimiler la technique
à ses idées, mais procéder uniquement par
accommodation à cette nouvelle technologie. Sans doute cette
attitude est-elle porteuse d'avenir, se lancer à corps perdu
dans l'exploration des possibilités d'un matériau,
d'une technique, est une façon vivante d'en faire
connaissance. Mais ce n'est qu'un début, deux principes
directeurs devraient me semble-t-il présider à la
réalisation d'oeuvres à partir de nouvelles
technologies. Le premier c'est que l'oeuvre soit conforme à la
"nature" de la technologie ou disons plus simplement, qu'elle
exploite au mieux ses possibilités, c'est-à dire qu'il
y ait accommodation de l'idée de l'artiste au matériau,
c'est ce que disait Francis Ponge à propos de Braque dans la
citation que j'ai donnée: Le soin, l'application se portent
sur quoi? Principalement sur l'adéquation de la conception
ausx moyens. Le second principe c'est que l'oeuvre soit
"intéressante" qu'elle ait un intérêt artistique
autre que le simple attrait d'une technologie nouvelle, autrement dit
qu'il y ait assimilation du matériau à l'idée de
l'artiste, qu'elle soit conforme à la "nature" de
l'artiste.
Remarquons que la maîtrise d'une nouvelle technologie, d'un
nouveau matériau enrichit en retour les techniques ou
matériaux précédents. L'influence de la
photographie sur la peinture est claire. Elle a commencée avec
Degas, dans le cadrage de ses peintures, et elle se poursuit
jusqu'à nos jours. Il y a aussi, et c'est peut-être
encore plus important, l'influence par opposition de la
photographie...réaliser à la peinture à l'huile
un portrait "ressemblant" perdait avec l'invention de la photographie
une grande partie de son intérêt; la "ressemblance"
appelle irrésistiblement de nos jours l'adjectif
"photographique". Par contre quelle ressemblance inattendue et forte
dans un portrait de Bacon!
Après cette digression sur l'art technologique, revenons de
façon générale à la lutte de l'artiste
avec le matériau qu'il utilise. Dire que cette lutte avec la
matière peut se décrire, en ce qui concerne l'art, avec
des mécanismes qui ont étés introduits pour
décrire l'évolution des sciences, c'est dire qu'elle
n'est pas spécifique à l'art . Il faut donc regarder la
création d'une oeuvre plus en détail pour tenter
d'arriver à ce qui fait véritablement la
spécificité de l'art.
Suivons donc cette création d'un tableau depuis le
début, en commençant par la perception du réel
par l'artiste, ou plus généralement par son idée
picturale initiale, et en allant jusqu'au tableau achevé. A
chaque étape on reconnaîtra alors une structuration du
réel, d'abord dans la perception, ensuite dans ce que l'on
pourrait appeler le langage de l'art, enfin dans la structuration du
matériau que l'on vient de voir, et l'on trouvera parfois des
rencontres innatendues, ainsi d'ailleurs que des différences,
avec la science, qui elle aussi est structuration du réel.
Commençons donc par la perception du réel
Les concepts d'assimilation et d'accommodation introduits tout
à l'heure pour décrire la lutte de l'artiste et du
matériau, permettent également de décrire la
structuration du réel dans la perception, perception dont
Piaget affirme qu'il "existe des analogies telles qu'on aurait peine
à dire où s'arrête l'activité perceptive
et où commence l'intelligence ". et Cézanne avait cette
belle formule:"ce que pensent nos yeux".
Ecoutons le sculpteur Henry Moore décrire sa perception des
formes: "Parfois je suis allé plusieurs années de suite
à la même plage. Mais chaque année une nouvelle
forme de galets attirait mon attention, forme que je n'avais
guère vue auparavant quoiqu'elle fut présente par
centaines. Parmi les milliers de galets que je rencontre sur la
plage, mes yeux choisissent de ne voir que ceux dont la forme
correspond à mes intérêts formels du moment. Il
se passe tout autre chose si j'en examine une poignée un
à un. Alors je peux étendre mon expérience
formelle, en donnant à mon esprit le temps de devenir sensible
à une autre forme" . On reconnaît dans la
première partie de cette citation .."mes yeux choisissent.de
ne voir que ceux dont la forme correspond à mes
intérêts formels du moment.". I'assimilation des galets
aux intérêts formels du moment de Henry Moore, puis dans
la seconde partie ..Alors je peux étendre mon
expérience formelle.. I'accommodation de ces
intérêts formels à une nouvelle forme de galets.
Ceux d'entre vous qui ont eu la chance d'aller voir les oeufs de
dinosaures à la montagne Sainte Victoire connaissent bien ce
phénomène: au début on n'aperçoit pas de
restes de coquilles d'oeuf, puis dès que l'on en a vu un,
autrement dit que l'on a accommodé à ces formes, on en
aperçoit une grande quantité. Dans ce même esprit
l'architecte et paysagiste japonais Isamu Nogughi écrit: Il
est vrai que nous venons à chaque expérience avec nos
propres limites et ne voyons que ce à quoi nous sommes
préparés .
Passons au langage pictural:
Comment l'artiste exprime-t-il sa structuration du réel? Par
un prélangage constitué de signes assemblés
entre eux de la même façon qu'une langue, est faite de
mots organisés par une grammaire. (Il ne s'agit
évidemment pas en ce qui concerne la peinture d'un langage
proprement dit ou les symboles auraient une signification
codée, c'est pourquoi je parle de prélangage).
Certains artistes commeTal-Coat, s'attachent surtout à la
création de formes élémentaires, de signes, il a
crée des signes qui expriment la quintessence des
éléments du paysage aixois D'autres artistes
s'attachent au contraire surtout aux relations entre les formes.
C'est le cas de Mondrian, de Sonia Delaunay, ou encore de Vasarely,
qui utilisent un nombre restreint de formes, carré, cercle,
pour qu'apparaissent mieux les relations entre elles. D'autres
artistes enfin, comme Van Gogh dans ses paysages de la Crau, ou Miro
dans ses peintures de l'époque de "la Ferme"
établissent un équilibre entre ces deux aspects, chaque
élément du paysage est représenté par un
signe très caractérisé, et ces signes sont
assemblés dans une composition rigoureuse.
Comment l'artiste crée-t-il les signes? et quelle est la
nature de l'ordre qu'il établit entre ces signes?
-La création de signes chez un artiste se fait par une
identification musculaire intériorisée à l'objet
qu'il représente. "Après m'être identifié
à lui, il me faut créer un objet qui ressemble à
l'arbre, le signe de l'arbre " écrit Matisse, ou encore:
"c'est en rentrant dans l'objet qu'on rentre dans sa propre peau.
J'avais à faire cette perruche avec du papier de couleur. Eh
bien! Je suis devenu perruche. Et je me suis retrouvé dans
l'oeuvre", et de façon encore plus significative
peut-être: " j'ai exécuté ma sculpture Jaguar
dévorant un lièvre, d'après Barye, m'identifiant
à la passion du fauve exprimée par le rythme des
masses.. Cette identification musculaire à l'objet dans une
sorte de transe , voilà pourrait-on croire quelque chose qui
est spécifique à l'art. Eh bien non ! Voici par exemple
ce qu'écrit Jacques Monod dans "le Hasard et la
Nécessité" Tous les hommes de science ont dû, je
pense, prendre conscience de ce que leur réflexion au niveau
profond, n'est pas verbale: c'est une expérience imaginaire,
simulée à l'aide de formes, de forces, d'interactions
qui ne composent qu 'à peine une image au sens visuel du
terme. Je me suis moi-même surprls, écrit-il,n 'ayant
à force d 'attention centrée sur l'expérience
imaginaire plus rien d'autre dans le champ de la conscience, à
m'identifier à une molécule de protéine.".;
surprenante citation qui montre que ce n'est pas toujours avec de
bons sentiments rationalistes que l'on fait de la bonne science!
La pensée scientifique, à l'état naissant, n'est
donc pour nombre de scientifiques, pas plus une pensée verbale
que ne l'est celle des artistes. Qu'il suffise encore pour s'en
convaincre de citer Einstein qui dans une lettre au
mathématicien Jacques Hadamard se plaignait de la
difficulté extrême qu'il avait à traduire en mots
et en formules sa pensée scientifique qui, jusqu'à un
stade avancé du raisonnement, se présentait à
lui sous forme d'images et plus encore d'impulsions musculaires.
On ne s'étonnera d'ailleurs pas de l'aspect musculaire, si
j'ose dire, de la pensée si l'on a présent à
l'esprit le fait que pour Piaget il y a continuité entre la
pensée et nos tous premiers réflexes. Quoi qu'il en
soit, ces considérations donnent me semble-t-il une nouvelle
justification à un art gestuel, ou a un art où l'aspect
musculaire est important comme, par exemple dans les esquisses de
Rubens ou de Delacroix. Un tel art me semble être l'expression
privilégiée de la pensée naissante dans son
jaillissement.
Jacques Mandelbrojt (Honorary Editor)
Leonardo Vol.26 ,4, 1993 p.272
For the past 25 years LEONARDO has been a professional journal of
unique interest for mainly two reasons:
- It publishes articles by artists on their own works, their
motivations, their techniques in an objective manner akin to that of
scientific articles. This aspect of Leonardo is very original and I
consider it as particularly interesting.
- It gives artists access to recent technological progress that can
be of use to them.
How can these aspects be improved and enlarged, and should new
aspects be introduced?
Articles by artists:
Editors should ask articles from all artists they consider as
significant, whether they use or not special techniques or
technology. This could lead to documents of interest both for artists
and for art historians.
The interaction on art of science and technology
There are several ways for science and technology to influence art
How could LEONARDO analyse these different aspects?
Technology
There is a great need for an aesthetic appraisal of art produced with new technologies. Is it enough to master the possibilities of these technologies to produce works of art? Some objects made with new technologies often look like what was produced with traditional materials. This is a technical feat but brings nothing to art. Concerning computer art Roger Malina suggested that "artistic significance should be sought in works that could not have been made without the use of a computer"; this holds for all new technologies. Conversely objects made with the use of new technologies are sometimes new but are simply decorative and not artistically meaningful (whatever "meaningful" can mean). An artisitic object must both be new and meaningful.
Scientific concepts or scientific culture
It is not easy for artists to have access to recent developments
in science. It is still more difficult for them to know the real
scientific significance of these developments and it is practically
impossible for them to know how the scientists obtained these
results, how their mind worked to get them. And yet this is perhaps
the part of scientific research that is the most relevant to art and
where art and science sometimes join. This impossibility for artists
to "be inside" the mind of a scientist is the reason why so many
articles in LEONARDO which refer not to technology but to science are
written by artists who are at the same time scientists.
All these considerations tend to suggest that three new sections
should be developed in LEONARDO:
- One which would develop the basis for an aesthetics evaluation of
art produced through new technologies or the use of new scientific
concepts. The use of a new scientific concept in art does not
automatically insure the works produced has artistic significance
anymore than does the use of new technology . For instance the
artistic status of fractals is not clear, although it is a new
concept and although it also uses a new technology, the computer. The
shapes are new and could not have been made without the concept of
fractals or without the computer, but are they "artistically
meaningful" (expression, I repeat, which has to be defined) or are
they only decorative? Does the artist who produces them have enough
control on the result or should they be considered as what Duchamp
called"objets trouvés" ("ready-made")? If so does it shed
light on the concept of "objets trouvés", can a stone you find
on a walk be "artistically significant"? Here again there is an
obvious need for an aesthetic evaluation which might lead to an
interesting debate that would shed light on the meaning of art in
general.
-Another section would inform artists about developments in science
that can be relevant to art (the choice is of course difficult to
make). New development in the theory of perception, of course, but
also changes in our way to understand the world,for instance in
physics, just as the discovery of Copernicus was relevant to art.
-Still another section would deal with the way science is made, and
also comparaison with how art is made, how scientists think, for
instance the role of intuition in science. The intuitive part of
science is perhaps the part which is most relevant to art. This
section would include both "naïve" epistemology, that is the way
scientists describe the way they work, the role of intuition... , and
more elaborate epistemology.
These three sections would contribute to make artists aware of the
aesthetic impact of new technologies and scientific results and show
them the "invisible part of the iceberg", which underlies scientific
results.
Reference: Roger F. Malina "Computer Art in the
Context of the Journal Leonardo" Leornardo Supplemental Issue
"Computer Art in Context " (1989) p. 67
Editorial paru dans Leonardo en 1993
L'ESPACE ET SES LIMITES
Je ne discuterai que de notre espace ambiant pour en montrer ses
limites. A l'auditeur le soin de conclure que pour aller au
delà il est nécessaire d'inventer un nouveau lieu, le
cyberespace par exemple.
En quoi notre espace est-il limité ? Fondamentalement par le
nombre de ses dimensions à savoir trois (ou quatre si on tient
compte du temps), et cela pèse lourd sur notre liberté
de mouvement. On analysera la notion de dimension et on discutera de
la structure de l'espace, de sa topologie, de ses contraintes et
obstructions. Et cependant la liberté de mouvement est plus
grande qu'il n'y paraît...
Netsurfers and Cybernauts In Search of An Identity
The artist who works in the technological arts is an exile from meaning, a person condemned to circulate, to multiply links and crossovers, becoming like the tools used to create the art itself, adaptable to a variety of uses. The cybernaut who finds inspiration and material that can be shaped within the immaterial and interactive nature of computer networks has agreed to be transported by a stream of communicating currents. And invents what are now called interfaces: new ways of travelling, new procedures, new means of locomotion. The net persona is called to explore other territories, other areas of social stratification, other psychological dimensions. Indeed, a number of artists use the metaphor of the map to represent the concept of identity, a map where paths and visits mark and delineate different zones. But the boundaries remain blurry and must be reconfigured with each exploratory journey.
A Plastic Identity
The notion of travel is itself being transformed. The issue is no longer one of surveying a territory or visiting a site, though these two types of trips are possible. Now the focus is more on establishing contacts and experiencing encounters that trigger new aspects of the self through the permeability of the other, through the other's difference. Fred Forest talks about the aesthetic of relationship. Roy Ascot talks about connectivity and the distributed artist to describe these practices that do not transit through the object.
The media technology era is imbued with the modernist ideology of change, but presents its concept of identity more precisely in the plastic form of reconfiguration and mapping, a series of paths linking points that end up forming the textured map of a territory with its accidents and contours, something that is never perfectly delimited. In some ways, it is an open area where zones are defined by the act of linking, and where each visit becomes an epiphany, drawing its presence to the visitor's attention. A provisional presence to be sure, but a determining one nonetheless. Liberated from the anxious mobility that characterized modernity, travel in all directions, at different rhythms, favours a topological exploration rather than a race to an ever-unattainable ideal. Thus, mapping procures slices of identity for the designer-traveller insofar as the places visited reveal and determine one's identity.
Neighbours and Hybrids
Nomadism also brings a different notion of neighbour. As Roger Malina has shown so well, the concept of neighbour depends essentially on our technologies, and more specifically, on our means of transportation. For the medieval peasant, the neighbour lived in the next hamlet, a walkable distance away. In an era where telepresence is ubiquitous, neighbour takes on a planetary scope. Teleportation actualizes the metaphor of the global village: the neighbour is the person you talk to in the morning, whether he or she is in Japan or just down the hallway.
These visits foster hybrids. Combined with the technologies of cyberspace, they will enable the creation of virtual environments to which each partner contributes. Reflecting the colours, rhythms and measure of the parties involved, these places will tend to be defined in terms of experimentation rather than colonialism. The new explorations no long move in the direction of conquest of territory or space. Humans must now learn about cohabitation. As Michel Serres has pointed out, we are all, north and south, on the same boat, and no one has the option of getting off. Which is why we are being forced to invent new postures and different attitudes. From this perspective, one comes to realize the true importance of all the experimentation with devices and roles to achieve a common realization. That is the spirit that imbues most of the works in the art network, including the Electronic Cafe developed in the 70s by Kit Galloway and Sherrie Rabinovitch. These artists describe themselves as meta-designers, the advance guard whose mission is to develop the environments in which contacts will be made and who work with other artists on intercultural or interdisciplinary projects.
Interfaces and the Sensorial
Works that introduce interfaces add a new dimension to the role of the cyberartist. Such devices induce other behaviours and, ultimately, new sensory experiences. Philippe Perrot reminds us quite appropriately of the effect of the introduction of new hygienic techniques on olfactory culture. When certain materials were treated as dirty or contaminated, they became nauseating. This led to the development and cultivation of a whole new olfactory palette in the 18th and 19th centuries.
Similarly, the technologies that allow us to enter into and circulate within cyberspace elicit new forms of tactility, vision and hearing that reshape the eye and ear and create a certain multisensory experience. And what is astonishing is that it is a kind of shared meaning, digital technology, that makes these sensory experiences possible. This enterprise, which consists of revealing other aspects of humanness and human sensibility, is an extension of one of the great projects of modernity: the alteration of the human. But for the social and political engagements of the artists of earlier avant-gardes is substituted a project more directly oriented to reprogramming the human. The automaton and the clone are two extremes that have fascinated the artists who have fashioned amazing creations, sometimes promising, sometimes disturbing.
The Totemic Function of Art
In electronic and digital museums, artists have found other sources of inspiration that have taken art into uncharted territory. Human reprogramming, the great challenge of the media arts, is an attempt to remodel biological, psychological and sociological material. And it is no longer, as in the past a matter of conquering spaces and having power over the environment, but, more modestly, of learning to live on the one planet we have, a no less challenging task.
Comment qualifier ces interfaces issues du génie électronique ou du bidouillage ludique d'un artiste branché ?
Comment mesurer la force de la rhétorique qui se développe ?
Quels types de relation s'établissent dans la bulle de la virtualité ?
Internautes et cyberespaciens conduisent l'amateur d'art dans des univers multisensoriels à plusieurs dimensions qui ressemblent apparemment bien peu à de l'art. Et pourtant, ces démarches nous relient peut-être au sens le plus authentique de l'activité artistique.
QUARANTE ANNEES DE REPRESENTATIONS NUMERIQUES AU
SERVICE DE LA CREATION MUSICALE
Pour l'anniversaire de la première synthèse
numérique des sons notre article voudrait mettre en valeur
l'importance de l'ordinateur dans l'évolution historique des
outils de création musicale. Notre étude portera sur
l'interaction de trois domaines essentiels : l'acoustique, la
synthèse et la formalisation musicale. Ces trois domaines
semblent s'être mutuellement enrichis, comme on peut
aujourd'hui le percevoir dans l'éloquente
créativité de la musique par ordinateur depuis les
années 1970.
Dans les années d'aprés-guerre, les productions musicales "technologiques" de la musique concréte ébauchérent une définition du musical qui renvoyait le compositeur à une confrontation avec un matériau sonore. Au milieu des années cinquante une évolution nouvelle par rapport à l'électro-acoustique et à l'électronique s'est produite : l'ordinateur a introduit un nouvel outil qui permet au compositeur un travail à la fois sur la forme de l'oeuvre et sur la qualité sonore. Deux niveaux sont donc étroitement mêlés et interagissent : le niveau macroscopique, structurel, et le niveau microscopique, qui regroupe l'ensemble des données physiques et physiologiques. Aussi, ces progrés technologiques contribuérent à la mise en place d'une esthétique particuliére prolongée dans les évolutions organologiques et compositionnelles de la synthése numérique des sons.
1. Les éléments fondateurs
Les différentes formes d'art concrétisent des médiations entre l'homme et la nature, entre l'homme et l'homme. L'art dépasse et transcende les problémes de la connaissance du monde. L'étude des phénoménes physiques y joue donc un rôle important puisqu'elle influence souvent les outils de création. La technique peut-elle soutenir une telle expérimentation artistique ?
1.1. Les promesse des évolutions technologiquesLes premiers ordinateurs commercialisés au début des années cinquante (l'UNIVAC et l'IBM 701, vers 1951) font aujourd'hui figure de brontosaures... Les ordinateurs Bull sur lesquels travailla Pierre Barbaud, comme l'Illinois Automatic Computer (Illiac) utilisé par Hiller et Isaacson en 1956 pour la célébre Illiac Suite, quoi que plus puissants, étaient toujours aussi encombrants.
1.1.1 Evolutions matériellesEn 1952 l'ingénieur anglais Dummer associe semi-conducteurs et transistors sans le secours de fils électriques. Il pose ainsi les bases des premiers prototypes de circuits intégrés (plus connu sous le nom de "puce"-chip) que Jack St Clair Kilby réalisera en 1958-1959 à Texas Instruments. A la fin des années 80 une puce réussissait à intégrer un million de transistors. En 1997, le dernier né d'Intel (Le Pentium Pro) regroupe 4,5 millions de transistors et sa puissance (400 Mips) multiplie par un facteur 5 000 fois celle de la premiére puce mise sur le marché en 1971 1. On perçoit bien dés lors la course de vitesse engagée dés la naissance de l'électronique contre l'obsolescence d'un matériel qui, à peine commercialisé, doit prendre en compte une nouvelle donne de la vie scientifique aux implications révolutionnaires. Le décalage de phase entre industrie et recherche peut ainsi varier de dix à cinquante ans.
1.1.2 Evolutions logiciellesVitesse de calcul ne signifiant pas capacité de travail, seule l'amélioration des formes de langage de communication avec la machine put véritablement améliorer le rendement. C'est ainsi que de 1953 à 1958 sont apparus les premiers vrais langages de programmation (Fortran, Algol...). Avec eux, l'interfaçage entre hommes et machines pouvait s'opérer plus aisément, et on a pu alors mettre en place des programmes qui serviront de "langages spécialisés" Les programmes de synthése développés à partir de Music 1 (1957) sont nés de cet esprit. Ils ouvraient la voie à une formidable espérance dans le monde musical.
1.2. L'utopie de l'informatique musicaleLe pouvoir offert primitivement par la technologie de l'enregistrement (premiére transcription spatiale de l'évanescence du sonore), fut amplifié avec la synthése. La synthése crée en l'absence de toute source sonore, ex nihilo. Elle produit des effets sur nos sens découplés de leurs origines physiques. En ouvrant la voie à une création sonore purement abstraite, la technologie numérique ranimait donc une vieille utopie musicale. Deux éléments semblaient, dés 1957, fonder cette promesse :
Ces axiomes constituent, en fait, le "mythe fondateur" de l'informatique musicale. Ils traduisent une espéce d'"inconscient collectif" 3 focalisé autour des propriétés créatrices d'une machine univers(selle) 4. Ce mythe explique les espoirs et les errements des premiers utilisateurs de la synthése numérique. L'hypothése, décrétée par des non-musiciens, selon laquelle une extension des recherches pourrait suffire à constituer la globalité des paramétres musicaux en un ensemble fini a influencé de nombreux compositeurs qui rêvaient de cette appropriation. Seule une "prise de conscience théorique" 5 des données acoustiques, psycho-acoustiques et musicales modélisables pouvait encourager l'informatique musicale naissante à créer un matériau particulier. La notion de représentation - traduction sémiotique de la pensée, par exemple par des correspondances numériques - et celle de modéle - mise en situation qui permet de jauger la pertinence de la représentation 6, serviront de base à la mise en place de ce matériau.
2. Mise en place et évolution du matériau musicalLa composition assistée ne mit pas en lumiére, et pour cause, les processus d'organisation de l'Art. Le qualitatif n'a pas de mesure graduée, et ne s'exprime pas par du quantitatif. La question-clé : "qu'est-ce que l'Art" se transforme alors progressivement en : "comment l'art fonctionne-t-il ?" En musique cette question pose le probléme de savoir quels sont les éléments à priori distinguables dans l'écoute structurelle d'une oeuvre ? A cet égard la mutation des années 80 fut spectaculaire dans le traitement des fonctions perceptives.
2.1. Dépassement des premiers échecs
2.1.1. Inadéquation des modéles
acoustiques classiques
Au cours de la premiére période de son histoire, la synthése cherche surtout à connaître le sonore pour mieux savoir le reconstituer ; les données acoustiques résultant des expérimentations du XIXéme siécle ont vite révélé leurs atouts et leurs faiblesses. Faiblesse d'une construction mathématique, réductrice par nature, qui ne prend pas en compte les aléas de la vie (décomposition de Fourier - loi d'Ohm - résonateurs d'Helmholtz - psychophysique de Weber et Fechner - travaux de Stumpf sur les transitoires ou de Sabine sur l'espace sonore). C'est la découverte d'une évolution temporelle des composantes acoustiques qui forcera à découpler paramétres physiques et paramétres perçus. A partir de ces expériences, se bâtit une hiérarchie fonctionnelle de la perception, voire de la pertinence esthétique, qui permettra à la musique d'intégrer ces données dans des conduites esthétiques neuves, confiant par là véritablement un nouveau statut à l'oeuvre "numérique".
Par exemple les modéles spectraux et les modéles physiques de la synthése numérique purent être élaborés grâce aux recherches sur la reconnaissance du timbre à partir de l'analyse de la modulation spectrale. Initiée pour l'analyse-synthése des sons cuivrés par J.-C. Risset (entre 1964 et 1969), cette étude fut reprise par J. A. Moorer et J. M. Grey - spectre tridimensionnel - et par D. Morill - étude de la trompette -: ces analyses ont permis de mettre en valeur l'évolution temporelle du spectre, et révélé l'importance de l'attaque et de l'enveloppe dynamique ; elles démontrent aussi et surtout l'émergence progressive de certaines harmoniques (de rang élevé) plus forts dans la partie stationnaire que dans l'attaque et la décroissance. Autre exemple, le concept d'espace de timbres de J. M. Grey a ouvert (en 1975) la voie à la notion contreversée de "matériau musical", en le situant dans une représentation multidimensionnelle 7. Le passage à des représentations à n (>2) dimensions est à cet égard particuliérement significatif de la prise de possession des paradigmes mathématiques par la représentation musicale.
Dans tous ces exemple, on l'aperçoit bien, la synthése a joué le rôle majeur d'aguillon pour une esthétique technologique naissante. Mais de graves insuffisances matérielles et logicielles ont freiné cette recherche.
2.1.2. Insuffisances matérielles et logiciellesL'histoire de l'informatique musicale tend à se confondre avec celle de son vecteur, l'ordinateur. Elle a donc souffert autant des problémes matériels et logiciels généraux que des problémes musicaux spécifiques. Dés 1957 elle s'est heurtée à certaines limites : capacités de calcul des processeurs, bande passante des convertisseurs numériques-analogiques, par exemple. Elle s'est aussi confrontée aux lourdeurs des langages de programmation de ces premiéres générations d'ordinateurs : il a fallu attendre Music V (1967) pour disposer d'un logiciel de synthése écrit dans un langage de haut niveau, indépendant des langages-machines, le FORTRAN. Auparavant, les programmes devaient être réécrits à chaque changement d'ordinateur 8. Dans cette perspective, Music III (1959) marquait une premiére étape de maturité en devenant un des premiers langages programmés de façon modulaire 9. Music III fut le premier vrai langage opératoire de description des sons dont la modularité dépassait les faibles possibilités de ses prédécesseurs, Music I et II. L'histoire de l'informatique c'est aussi, et peut-être surtout, celle des interfaces 10 : comment espérer se mettre dans un état d'esprit créatif en perforant des cartes de programmation et en attendant les maigres résultats des heures durant (1957-1970), voire en tapant ou en lisant des codes abstraits sur un clavier de Télétype (1970-1984) 11 ? A nouveau, des progrés fondamentaux notamment par l'affichage graphique des données (formes d'ondes, spectres, enveloppes etc.) se sont vite révélés nécessaires.
2.1.3. Incapacité endogéne des théories musicalesDans cet art technologique nouveau, une connaissance auparavant intuitive devient forcément explicite, même si cette explication ne recouvre pas et ne recouvrira jamais l'ensemble des données de l'art. Les premiéres déconvenues de l'informatique musicale, précédant de peu celles de la synthése, proviennent d'une assimilation hâtive entre composition et suite de procédures "calculables" Hiller et Isaacson, précurseurs du mythe de la machine à composer s'appuyant sur des régles furent souvent imités. Mais la musique n'a pas de caractére déductif.
Aux États-Unis l'utilisation du sérialisme par M.
Babbitt, les compositions de Ch. Dodge, P. Lansky, J. Tenney, en
France la transposition des modéles de la théorie
cinétique des gaz par I. Xenakis, les oeuvres de P. Barbaud,
F. Brown et G. Klein (BBK), celles de Nicole Lachartre, la machine
imaginaire (directement calquée des processus informatisables)
de M. Philippot, ou les oeuvres d'A. Riotte n'ont pas trouvé
la théorie universelle. Mais la cherchaient-ils ? Sans
doute n'ont-ils jamais eu cette naïveté. Ce dont ont
besoin les compositeurs, ce n'est pas d'une machine à composer
mais d'un outil qui guide pour l'exploration du sonore, qui guide les
investigations et soutienne l'intuition musicale.
La représentation numérique suppose alors d'élargir le champ de l'outil compositionnel. Trois étapes marquent cette redéfinition : une amplifictaion des recherches sur l'algorithme de synthése, l'élargissement du concept d'instrument et plus particuliérement de geste instrumental, et enfin une notion d'atelier offerte par les stations de travail.
2.2.1. Algorithmes de synthéseLes années 70 virent se multiplier les algorithme de synthése : algorithmes de synthése additive ou soustractive (FFT et analyse psycho-acoustique du poids perceptif de chaque partiel par l'algorithme de Terhardt 12), modulation de fréquence de Chowning, modéles spectraux (vocodeur) et modéles physiques (Hiller & Ruiz, Karplus-Strong, Soufil, Guillemain & al.), geste instrumental (C. Cadoz, J. L. Florens et A. Luciani - ACROE 13). Mais la perspective d'algorithmes de synthése efficaces et satisfaisants, s'est vite révélée tenir de la quête du Graal.
Signe révélateur d'unité dans la multiplication des approches, les algorithmes de Music V, ou de son dérivé Csound, foisonnérent dans les années 80 et 90 sur des modes alternatifs : les modéles de synthése soustractive impliquant des filtres numériques, les modéles source/filtre comme Formes-Chant, de X. Rodet, Y. Potard et J. B. Barriére, la décomposition en ondelettes (D. Arfib, R. Kronland-Martinet - Laboratoire de Marseille Luminy) qui permet d'identifier sans peine les moindre composantes d'un signal complexe, ou les modéles physiques (Cordalis de l'ACROE ou Modalys de l'Ircam) qui rapprochent le signal du geste musical... Depuis lors, les outils ont remarquablement accru leur efficacité tel le puissant shareware SoundHack de T. Erbe, AudioSculpt, F.T.S. ou la synthése par diphones (Ircam). La richesse de tels outils transforme l'interaction timbre - matériau en un puissant stimulant formel. Les possibilités de construction interne du son transforment la logique de la dynamique formelle en une dynamique élaborée par le matériau, matériau pris non seulement pour sa puissance fonctionnelle mais aussi pour son énergie propre.
2.2.2. Lutherie numériqueDevant les insuffisances d'une musique "technologique" entiérement numérique, les solutions doivent être mixtes, c'est-à-dire mêler générateurs de sons analogiques et systémes de commande numérique ou hybrides tels Groove, de M. Mathews et F. R. Moore (1970) ou Project 1 & 2 de M. Koenig et M. Tempelaars. Plus prés de nous la norme MIDI 14 constitue une norme de référence, idéale pour les productions qui mettent en jeu des instruments numériques commerciaux ou des instruments acoustiques reliés à l'ordinateur. Pourtant, elle demeure une interface trop réductrice par rapports aux besoins de la musique contemporaine dans la mesure où elle reste fondée sur un vocabulaire du XIXe siécle, celui des notes.
Les premiers essais purement informatiques, on encouragé les solutions hybrides temporaires comme le synthétiseur Groove ou le Synthi 100 (EMS) de Peter Zinovieff et David Cockerell. 1973 marque une autre étape avec le Synclavier, premier synthétiseur numérique de J. Appleton, S. Alonso. Peu aprés, J.F. Allouis travaille à la réalisation du Syter au GRM (1978) et I. Xenakis réalise l'Upic au CEMAMU (1981). ARP, Korg, Roland, Oberheim, Yamaha vont à la même époque transformer le paysage sonore en faisant passer la synthése analogique ou numérique de la culture savante à la culture populaire Ce processus aura son plein impact avec le synthétiseur DX 7 de Yamaha, premier synthétiseur commercial entiérement numérique et premier fleuron de l'univers MIDI. Mais tous les observateurs en attestent, l'organologie numérique est encore loin d'avoir atteint la maturité des instincts acquis depuis des lustres par les facteurs d'instruments traditionnels.
2.2. 3. Stations musicalesDeux aspects sont rendus possibles par le développement des synthétiseurs numériques et des stations musicales personnelles. D'une part, ces technologies permettent le développement d'une informatique musicale en temps réel qui viendra perturber les habitudes et les attentes de confort de travail. D'autre part, l'informatisation généralisée de l'atelier du compositeur a réactivé la fascination pour les outils d'aide à la création. Martin Laliberté dans sa piéce Le sommeil de Protée, fait ainsi entendre toutes les possibilités offertes par ce genre d'installation, simple à mettre en oeuvre, en opérant sur tous les modes de jeu de la guitare. La délicate problématique des outils d'aide à la composition est ainsi réorientée vers les instruments : ceux-ci doivent être à la fois aussi généralistes que possible, pour ne rien empêcher, et pourtant permettre une personnalisation des plus intime pour favoriser l'épanouissement d'une esthétique originale.
2.3. Esthétique du fonctionnelL'esthétique musicale situe ainsi son domaine entre matiére et information. Il faut procéder par moteurs d'inférences capables de résoudre ses problémes. Traduire ce sens de la musique revenait alors, en premiére analyse, à évaluer statistiquement les réactions de chacun, ce qui consiste à faire du "moyen", du "milieu", une approximation de l'essence de l'extraordinaire. Une telle réduction ne pouvait qu'engendrer des craintes quant à la nouvelle conscience de la réalité qu'elle imposait. Cette nouvelle approche fut donc mise à profit pour passer du calcul à la création, de la vision scientifique à la vision créatrice. Le phénoméne musical, et plus généralement le phénoméne acoustique, est un phénoméne subjectif qui ne se laisse pas réduire à une situation paramétrable. De plus en plus, une certaine esthétique vint à organiser les paramétres revêtant pour l'écoute de la musique des fonctionnalités de premier ordre (l'espace, le temps...).
2.3.1. Confluences efficacité, performance et fonctionnalités esthétiquesL'ordinateur apportera ces outils fonctionnels, dépassant le simple traitement séquentiel. L'informatique musicale s'est donc mise en quête d'un statut opératoire qui refuse le dogmatisme des théories musicale a priori. L' "art des sons" devient alors une application à son stade le plus élévé d'une science vouée jusque-là à l'analytique et au descriptif, puisqu'elle reléve d'une transcendance créative. Entre autres, les oeuvres de J.-C. Risset ou de J. Chowning, comme aujourdh'ui celles de Tristan Murail ou de Philippe Hurel sont souvent la mise à profit des recherches en acoustique et en synthése.
J.-C. Risset, en 1968, a pu créer certains paradoxes de hauteurs et de rythmes dont il fit usage dans ses créations (Computer Suite for Little Boy, 1968, Mutations, 1969, Moments newtoniens, Dérives...). Ces premiérs sons paradoxaux résultent de l'usage systématique de la synthése : c'est la représentation numérique qui permit de mettre en valeur les expériences de R. N. Shepard sur la dissociation entre paramétres et attributs... Sabelithe (1971) puis Turenas (1972), de J. Chowning, révélent une maîtrise de l'espace en quadriphonie.
2.3.2. Les années 80 ou la maturité d'un art technologiqueRépons de P. Boulez constitue à nos yeux le pivot et l'oeuvre phare des années 80. Cette oeuvre ambitieuse et qu'une bréve analyse permet de considérer comme réussie est une musique pleinement conçue, un manifeste esthétique qui utilise, outre une remarquable écriture orchestrale, tous les atouts de l'acoustique 15 et de la technique (interaction entre solistes, orchestre et ordinateur) 16. Elle développe et transcende la spirale créatrice entre le systéme et l'idée 17. Conçue primitivement en mêlant temps différé (bandes déclenchées par les solistes) et le "premier" temps réel (processeur 4X 18), elle refléte une musique totale, où l'idée compositionnelle prévaut sur l'empirisme des relations avec les techniques. Enfin, l'oeuvre s'adresse directement à un public élargi, et non plus simplement au seul public averti de la musique contemporaine 19.
Les compositeurs de la décennie 80 s'emploieront, chacun à leur maniére, à modifier les enjeux : M. Descoust dans Interphone (1977), joue de dilatations temporelles, J. Harvey dans Mortuos plango, vivos voco (1980) sublime les phénoménes d'interpolations. J.-C. Risset toujours mêlera sons concrets, traitements et synthése dans Sud (1985). T. Murail avec Désintégrations (1982) ou Ph. Manoury pour Jupiter (1986) ou Pluton (1988), ont développé sur le processeur 4X des outils spécifiques : schématiquement l'un pour une esthétique spectrale, l'autre pour une tendance post-sérielle. Murail dans Gondwana, effectue un renversement de l'apport technologique : c'est la technique qui devient modéle pour une écriture "spectrale" qui ne s'adresse qu'à l'orchestre : transposition des concepts de la synthése F.M. Dans Pluton, on retiendra le concept de partition virtuelle mis en place par Philippe Manoury : les interactions ne déclenchent plus des actions, mais des processus, pas obligatoirement décelables, mais qui affectent l'oeuvre. Ces processus, (transpositions, spatialisations, modulations, filtrages...) sont générés à partir de la composition pour se manifester à certains moments. Le mode de communication est continu.
Le développement des synthétiseurs numériques
et des stations musicales personnelles permit, par la suite, l'essor
d'une informatique musicale en temps réel qui modifiait le
confort de travail. Cet atelier du compositeur a
réactivé la fascination pour les outils d'aide à
la création.
3.1 Rétablir un processus
Les compositeurs accomplissent bien un bouleversement conceptuel
en situant leurs recherches vers des limites temporelles
d'intégration et de fusion, limites mnémoniques des
formes et des structures. Contraints de revisiter certaines notions
psycho-acoustiques, ils en viennent à forger de nouveaux
matériaux à partir des données de la science
cognitive. Une certaine esthétique a maximisé le
contrôle des paramétres revêtant pour
l'écoute de la musique des fonctionnalités de premier
ordre (l'espace, le temps...). Ainsi Lituus de
José-Manuel Lopez-Lopez, ou Les Miniatures de Ph. Hurel
constituent des explorations des interactions entre une recherche sur
le timbre des instruments et une macroforme qui évoule dans le
temps. Toutes les solutions proposées font passer aujourd'hui
la composition d'une suite de procédures déductives
à un processus évolutif. La formule
(célébre) de Babbitt résume bien le
propos : si "les régles du contrepoint disent ce qu'il ne
faut pas faire, elles ne disent pas ce qu'il faut faire"
L'ordinateur doit apporter des outils conceptuels fonctionnels, dont
les propriétés dépassent le simple traitement
séquentiel. Les différentes théories de l'art
technologique se sont heurtées de front à cette
nécessité vitale de l'instable, du changeant, de
l'imprévu, elles qui depuis toujours demandaient un
contrôle de plus en plus précis. L'histoire de la
synthése est là pour rappeler que la richesse du
matériau peut apporter d'autres fonctions
esthétiques.
Quarante années aprés sa naissance, la synthése et la manipulation numérique des sons apparaissent comme une spécialité riche en histoire et pourtant pleine d'avenir. Les différentes techniques de traitement du signal sont appliquées avec bonheur à l'informatique musicale depuis les années 80. L'amélioration des logiciels spécialisés a été considérable et nous nous retrouvons aujourd'hui avec des outils remarquablement efficaces. Plusieurs tendances existent à l'heure actuelle qui méritent d'être soulignées car elles nous semblent particuliérement significatives. Ainsi, le procédé de morphing mis en oeuvre par X. Rodet, Ph. Depalle et G. Garcia pour la recréation d'une voix de castrat dans le film de J. P. Corneau Farinelli, prouve, si besoin était, que la synthése peut aussi aller vers le grand public.
Cette fin de siécle est marquée par l'extension des
réseaux et l'apparition d'ordinateurs spécialement
conçus pour fonctionner dans ces structures. L'avenir de la
synthése passera sans doute aussi par l'utilisation optimale
des réseaux. Dés aujourd'hui, elle se tourne vers des
solutions on line. On assiste à une abolition des
frontiéres de temps et d'espace. L'utilisation des
réseaux peut permettre à des chercheurs
d'échanger des modules, des bouts de programmes ou des
améliorations diverses beaucoup plus facilement et beaucoup
plus rapidement qu'avec les moyens de communication classiques. Cette
synthése on line se trouve déjà à
Berkeley (CNMAT, D. Wessel) à Stanford à San Diego (M.
Puckette) ou à Barcelone (X. Serra). De même, le manuel
de SoundHack est réguliérement mis à jour
par l'auteur et se consulte directement sur une page interactive du
web. Cette démarche est intéressante car elle
réunit les avantages des stations de travail personnelles et
l'interactivité voire la convivialité des
équipes de recherche. Malgré une séparation
physique, le chercheur d'aujourd'hui est en contact avec une grande
équipe de spécialistes. Dans un proche avenir,
l'augmentation inéluctable des vitesses de communication
viendra sans doute accentuer ce type d'usage. Il faudra toutefois
préserver l'esprit des pionniers : rien n'indique que
puisse subsister une propriété intellectuelle gratuite
sur l'algorithme de traitement ou sur le son de synthése. Or,
les Major Companies utilisent déjà Internet pour
diffuser clips, vidéos et musiques.
La synthése produit de l'information pour fournir une nouvelle identité paradigmatique des composantes musicales. L'information qui passait d'abord par l'interprétation est maintenant créée de toute piéce à partir de la matiére sonore. Comme dans toute la technique, matiére et information se rejoignent. En quarante ans, l'esthétique musicale a non seulement bénéficié des modifications conceptuelles, mais elle a enjoint aux compositions de fonctionner bien au-delà des systémes, de réinventer des techniques directement fiables, esthétiquement probantes ; la synthése numérique a renouvelé le matériau musical dans sa représentation et dans sa perception. Aujourd'hui, plus rien n'interdit l'idée d'un "concert imaginaire", pour évoquer Malraux. Il s'agit, encore et toujours, de permettre à la collectivité de communiquer avec elle-même et aux connaissances de croître aux rythmes des contributions. La culture reste l'apport de tous à chacun et de chacun à tous. D'ores et déjà techniques et communications permettent de rapprocher les individus. Pourront-elles leur donner les moyens de créer ? Le peintre Dubuffet, théoricien de l'art brut qui travailla la matiére pour en dégager l'essence même de l'oeuvre d'art, a dit un jour : "L'art doit naître du matériau et de l'outil et doit garder la trace de la lutte de l'outil avec le matériau. L'homme doit parler mais l'outil aussi et le matériau aussi." Ne retrouve t-on pas dans l'histoire des créations musicales technologiques ce dialogue incessant de la matiére et de la forme, dialogue du nécessaire et du contingent, de la théorie et de l'esprit de la musique.
L'auteur remercie son ami Martin Laliberté pour l'aide apportée dans la préparation de cette intervention.
Références
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1 qui ne comptabilisait que 2 300 transistors
7 Cf. WESSEL, D. (1978) et WESSEL, D. et RISSET, J.-C. (1982).
8 Cette nouvelle indépendance du programme, cette " portabilité ", assura en partie le succès de Music V.
9 Cette modularité précédait et aurait peut-Ítre influencé celle des synthétiseurs Moog ou Buchla dans les années 1960. Cf. RISSET, J.-C.
11 En fait, la nécessité graphique pour la musique était telle qu'on détourna assez rapidement les écrans alphanumériques vers un semblant d'affichage des courbes essentielles à la musique : formes d'ondes, spectres et enveloppes, etc. Le language Csound peut encore procéder de cette manière.
12 Cf. MCADAMS, S. (1993), p. 157.
13 RISSET, J.-C. (1983) parmi bien d'autres dresse le bilan de ces premières années de la synthèse.
14 Musical Instrument Digital Interface
15 Jusqu'à recréer un espace virtuel imitant celui d'une salle de concert, dans la carrière Boulbon à Avignon.
16 Cf. REPONS/BOULEZ, Paris, IRCAM-Centre Georges Pompidou/Fondation Louis Vuitton pour la musique, Actes-Sud, diffusion P.U.F., 1988.
17 BOULEZ, P., Le système et l'idée, InHarmoniques, no1, 1986, pp. 62-104.
18 L'oeuvre a suivi les évolutions matérielles et fut transportée par la suite sur une station de travail.
19 Cf. REPONS/BOULEZ, Paris, IRCAM-Centre Georges Pompidou/Fondation Louis Vuitton pour la musique, Actes-Sud, diffusion P.U.F., 1988.