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PAYSAGES DU SAHEL
d'Iba Ndiaye


LE TRAVAIL DE LA MEMOIRE

" La réitération des thèmes dans l'oeuvre d'Iba Ndiaye - Tabaski, scènes de marché, paysages d'Afrique, musiciens de jazz, etc.- les retouches innombrables apportées aux tableaux sur plusieurs années, le renouvellement des titres en rapport avec l'humeur de l'artiste ou avec le contexte dans lequel la peinture est exposée, tous ces éléments propres à la plupart des artistes atteignent un degré particulier dans l'oeuvre d'Iba Ndiaye. Comme si elle se refusait, au-delà d'une vérification de l'évolution de sa pratique par l'artiste, à la manie rationnelle de la classification à l'Occidental " (Anne Dagbert, 1987)


"Sahel I"
1977
Lavis d'encre sur papier
73 x 107 cm
© Iba Ndiaye
photographie de Béatrice Hatala

"Sahel II"
1977
Lavis d'encre sur papier
73 x 107 cm
© Iba Ndiaye
photographie de Béatrice Hatala

Le paysage est un des thèmes récurrents dans l'oeuvre d'Iba Ndiaye, auquel il revient toujours pour résoudre sur papier ou sur toile des difficultés techniques qui l'obsèdent.

C'est avec un lavis d'encres ajouté à du brou de noix - technique dans laquelle il excelle et qu'il a patiemment élaborée durant ses séjours dans le sud-ouest de la France - qu'Iba Ndiaye a exécuté ses paysages du Sahel.

Ce sujet ne doit pas, néanmoins, être isolé d'un autre thème permanent, celui du " Cri d'un continent " qui de toutes les séries thématiques est celle qui s'attache le plus expressément aux problèmes sociopolitiques, notamment celui de l'homme noir dans un monde dominé par les blancs. Les peintures de cette série ne sont pas des commentaires, mais les transpositions émotionnelles des conditions de vie de l'artiste.

La série des " Paysages du Sahel " participe de la volonté d'Iba Ndiaye de témoigner de l'infinité de la souffrance de sa terre natale, victime entre autres catastrophes d'une terrible sécheresse ayant entraîné depuis les années 70 une tragique désertification. Il n'empêche que le traitement de ces oeuvres témoignent d'une distance de l'artiste par rapport au sujet de sa peinture.

Les premiers paysages africains qu'Iba Ndiaye a réalisés datent de son séjour au Mali pendant l'hiver 70-71, et peut-être date de ce moment son amour pour la nature africaine qui, loin d'être romantique, se traduit par une distanciation du sujet de plus en plus accentuée, traité de façon abstraite : une large bande brune, tracée au brou de noix, raconte la latérite du sol chauffé par le soleil et contraste avec le bleu vif du ciel.

Iba Ndiaye fait surgir de la surface de ces oeuvres lignes, motifs, éraflures et grattages. Ainsi que l'a souligné Lowery Sims (1982), il obtient ainsi les éléments d'une texture qui se superposent aux différentes couches de couleurs appliquées sur le papier par glacis transparents. Il aboutit ainsi à une tension visuelle intense entre les éléments picturaux superposés, mais néanmoins distincts. La technique de ces " Paysages du Sahel " a été comparée aux méthodes de teinture à l'indigo ou à la kola, avec motifs réservés, que Iba Ndiaye a vu exécuter pendant son enfance à Saint Louis du Sénégal, sa ville natale. A propos de ces paysages, Ndiaye parle d'" Impressions de paysage ". Impression s'entend, ainsi que l'a mis en évidence Anne Dagbert (1987), à double sens car il s'agit d'exprimer de mémoire, d'après des notations de couleurs, l'émotion ressentie devant l'aridité lumineuse du Sahel où la piste se perd dans les vents de sable.

Le travail de la mémoire joue ici à différents niveaux : d'abord en favorisant la maturation des impressions, l'approfondissement de la vision. Mais la mémoire fait bien davantage. Elle élabore le thème du paysage, le dépouillant de tout ce qu'il peut avoir de circonstanciel pour n'en garder que les éléments permanents " dignes de la mémoire des hommes ". Dans les paysages d'Iba Ndiaye, l'intensité de la lumière, l'éclatement ou le resserrement des formes en font des lieux de tous les paysages possibles, au sein d'un univers cyclique.

Comme l'a si bien vu Judith Meyer-Petit (1977), Iba Ndiaye dans ses " Paysages du Sahel ", parvient à une figuration "non figurative", où la technique du lavis permettant aussi bien de cerner que de diluer les formes a joué une rôle fondamental et singulièrement libérateur.

Francine Ndiaye

 


"Sahel III"
1977
Lavis d'encre sur papier
73 x 107 cm
© Iba Ndiaye
photographie de Béatrice Hatala

 

Bibliographie

- Anne Dagbert, "Iba Ndiaye, un peintre, un humaniste ", Munich, 1987

- Judith Meyer-Petit "  Peindre est se souvenir ", Maison de la Culture d'Amiens 1974

- Lowery Sims " Iba Ndiaye, Evolution of a style ", New York, 1982

 

Vous souhaitez visiter le site personnel d'Iba Ndiaye rendez-vous à l'adresse suivante : www.ibandiaye.com

 


Biographie d'Iba Ndiaye

 

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