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Le Reflet des étoiles à la surface du point de l'eau

Elisabeth Piotelat


"Le penseur"
© Elisabeth Piotelat

"Pompe"
© Elisabeth Piotelat


Allongée sur l'eau, je regarde les étoiles. A deux heures du matin, je ne suis pas seule dans la piscine de l'hôtel de l'Isle sur Sorgue, village provençal où se déroule la convention nationale de science-fiction de l'année 2000. D'autres amateurs savourent aussi ces moments étranges. La lune nous éblouit mais l'on devine le triangle de l'été formé par les étoiles Deneb, Altaïr et Véga. La voie lactée traverse le ciel et l'on aperçoit aussi Cassiopée.

J'ai toujours aimé regarder le ciel mais jamais je n'ai ressenti une harmonie aussi intense que dans cette piscine. Cette sensation dépasse même les émotions provoquées par l'éclipse du Soleil du 11 août 1999. J'avais pu observer la Lune, croquer le Soleil entre deux nuages, entre deux averses, quelque part sur le bord d'une route de Champagne. Voir la nuit tomber à midi fut une belle leçon de mécanique céleste. Je n'avais plus besoin d'équation pour sentir que je me trouvais toute petite, sur une boule de boue tournant autour d'une étoile à la bonne distance pour que la vie apparaisse. Si la Lune s'était trouvée plus loin de nous, la nuit ne serait jamais tombée. Si la Terre se trouvait plus loin du Soleil, l'eau n'existerait peut-être plus sous forme liquide. Le sol contiendrait de la glace, la surface témoignerait du passage de fleuves, mais tout serait figé, mort. Quel fragile équilibre !

 

L'eau dans le système solaire

Comme des millions de terriens, je n'oublierai pas les images prises par Pathfinder, le petit robot arrivé sur la surface de la planète rouge le 4 juillet 1997. Cheick Mobido Diarra, ingénieur malien spécialiste de la navigation interplanétaire avait été chargé par la NASA de l'aspect éducatif de la mission. Sans lui, les cailloux martiens ne m'auraient peut-être pas autant fait rêver, simplement parce que je n'aurais pas vécu cette aventure jour après jour sur Internet. Il a aussi apporté un grand espoir à tout un continent. De nombreux enfants ont réalisé que les bancs d'une école du Mali pouvaient conduire vers les étoiles. Dans son autobiographie parue début janvier 2000 chez Albin Michel, il décrit une de ses conférences à Bamako. A un jardiner qui l'interroge sur la présence d'eau sur Mars, il répond : " Si nous trouvons l'eau qui se cache là-bas, nous pourrons découvrir celle qui se cache chez nous. Les outils utilisés sur Mars pourront servir ici. Les techniques pour trouver de l'eau sur Mars, l'exploiter, la purifier, la distribuer nous serviront à résoudre le problème de l'eau sur la terre. Il n'y a pas que notre Sahel qui manque d'eau. Dans les années à venir, l'eau sera le problème numéro 1 sur toute notre planète. Il est donc urgent de le résoudre. Et vous tous, vous pourrez jouer un rôle dans ce domaine. " Actuellement Cheik Mobido Diarra travaille sur un projet bien plus ambitieux : la création d'un institut africain de technologie afin de construire " un avenir où chaque enfant aura une école, un robinet d'eau potable et une ampoule électrique alimentée par une pile solaire, une éolienne ou un barrage. "

 

La Terre fait partie de l'univers. Plus nous en apprendrons sur le système solaire puis notre galaxie, plus nous mesurerons notre propre monde et ses enjeux. Pourquoi envoyer de l'argent dans l'espace alors que nos populations meurent de faim ? Ce cliché sort souvent de la bouche des enfants, mais aussi des adultes qui n'ont pas réalisé à quel point les choses étaient complexes. Ah qu'il est loin le temps de l'utopie estudiantine ! Au sein de l'association Ingénieurs Sans Frontières (ISF), nous rêvions d'installer un puits dans un village camerounais. Tout semblait si simple au départ. Puis des lettres restées sans réponse. L'argent récolté grâce aux cartes de Noël servait à produire de la paperasserie et à organiser des réunions. Un jour, on nous a parlé des ventes d'armes, des guerres. Trouver un stage en Allemagne pour étudier la formation de givre sur les tuyères de fusées lors de leur passage dans l'atmosphère fut beaucoup plus aisé. Pourquoi ? Certainement parce qu'il n'y avait pas de politique, mais uniquement de la simulation sur ordinateur et des expériences scientifiques pour les valider. Après 4 mois consacrés à la mesure d'épaisseur de givre en fonction du taux d'humidité de l'air et de la vitesse du vent, l'eau me semblait encore plus mystérieuse qu'avant. La molécule d'eau est la seule à occuper un volume plus important sous forme solide que sous forme liquide, comme en témoigne par exemple la taille des glaçons par rapport au volume d'eau initial. Les Inuits distinguent même quarante sortes de glace. Les astronomes s'intéressent également à la neige sale qui forme le noyau des comètes et au satellite Jupiter, Europe, qui pourrait contenir un océan sous sa surface de glace. Depuis son premier survol par la sonde Galiléo, le 4 janvier 2000, les images d'Europe intriguent de plus en plus les géologues, les chimistes et les physiciens. L'eau n'est que l'un des nombreux éléments nécessaires à l'apparition de la vie, mais quel réconfort d'apprendre que ce qui s'est passé sur Terre a pu arriver ailleurs !

 

L'eau et la vie

Même si les scientifiques sont loin d'avoir résolu tous les mystères des conditions de l'apparition de la vie sur Terre, la présence d'eau apparaît comme un élément primordial dans chacune des hypothèses évoquées. Le livre Rare Earth du géologue Peter D. Ward et de l'astronome Donald Brownlee a provoqué énormément de réactions sur Internet dès sa sortie en mars 2000. Les deux auteurs énumèrent tous les argument permettant de justifier que la vie complexe est un phénomène très rare dans l'univers et finalement que sans les glaciations et tout un tas d'autres événements nous ne serions certainement pas là, ou plus là. Le lecteur prend conscience de la fragilité de l'écosystème et de l'urgence de le préserver par tous les moyens. Mais pourquoi la suite de processus naturels qui a abouti à notre présence ne se répéterait pas ailleurs dans l'univers ?

Les découvertes de planètes autour d'autres étoiles se succèdent. Les astronomes ont dû ranger certaines théories au placard en observant des systèmes vraiment différents de celui qui leur était familier. Comment une planète de la taille de Jupiter pouvait-elle orbiter si près de son soleil ? Nos instruments ne sont pas encore assez perfectionnés pour observer des planètes propices à l'apparition de la vie, ni pour étudier directement la composition de leur atmosphère. Devons-nous rester les bras croisés en attendant une progression technologique ? Non, depuis quarante ans, les scientifiques ont les moyens de rechercher des signes de vie sur d'autres mondes.

 

SETI

Ces projets se regroupent sous le sigle SETI : Search for Extra Terrestrial Intelligence. Certes, ils ne permettront sans doute pas de détecter une vie végétale ou animale, ni une civilisation avancée comme celle des flouwens imaginés par le physicien Robert Forward dans son roman de science-fiction Le Vol de la libellule . Ces extraterrestres aquatiques communiquent par ultrasons et n'ont développé qu'une seule science : les mathématiques. L'astronomie ne les intéresse que sous le côté calcul de positions. Ils ne risquent donc pas de concevoir des instruments pour étudier l'hydrogène, l'élément le plus abondant dans la galaxie et que l'on retrouve dans la molécule d'eau. Sur Terre, la radioastronomie fit ses débuts en 1993. Il faudra attendre 1959 pour que Cocconi et Morrison émettent l'idée d'écouter des étoiles proches du Soleil afin de déceler des radiations qui ne pourraient s'expliquer par des causes naturelles. Depuis, les écoutes se sont succédées tout autour de la planète. En 1971, la NASA organisa une université d'été baptisée projet CYCLOPS " étude d'un système de détection de vie extraterrestre intelligente ", dirigée par Barnay Oliver, alors directeur des laboratoires Hewlettt Packard. Le volumineux rapport du projet CYCLOPS sert toujours de référence à de nombreux ingénieurs. On y trouve par exemple l'explication de la fenêtre radio qui guide le choix de la fréquence d'écoute. Certaines zones sont perturbées par divers rayonnements de nature cosmique. L'atmosphère absorbe certaines fréquences, comme celle de l'eau (H2o) et de l'oxygène (O2). En fin de compte, il ne reste qu'une étroite bande comprise entre les fréquences de l'hydrogène (H à 1, 42 GHz) et de l'hydroxyle (OH à 1, 8 GHz). H et OH forment la molécule d'eau, Barnay Oliver nomma donc cette fenêtre d'écoute " le point d'eau " en expliquant : " Où rencontrera-t-on nos compagnons cosmiques ? Au point d'eau bien sûr, où les espèces se sont toujours rassemblées. "

Y'a-t-il ailleurs dans l'univers d'autres entités biologiques qui regardent les étoiles en flottant sur l'eau ? L'eau, élément indispensable à la vie, fait de la Terre une planète pareille à aucune autre dans le système solaire, la seule avec un écosystème, la plus riche mais aussi la plus fragile. Nous n'avons pas d'autres endroits où vivre et jusqu'à présent l'univers nous apparaît désespérément vide. Alors, prenons garde à préserver ce pâle point bleu photographié par les sondes Voyager !

 


Biographie d'Elisabeth Piotelat

 

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