Partir d'un mouvement du pinceau, un point, un trait, un éclair, une zébrure, un croissant de lune ou une lune pleine, une lettre, un mot, un cercle qui se ferme ou se défend en amorçant une spirale...
Partir d'un signe pour investir une forme, une couleur et ainsi révéler le sens caché des choses, des univers... partir à la rencontre des émotions...
Partir pour annoncer que l'art est davantage
représentation singulière d'une réalité invisible et ineffable plutôt que perception raisonnée.
Quitter les sentiers battus du réalisme naïf ou primitif pour impulser une dynamique qui revigore l'art en l'élevant vers
l'abstrait...
Telles sont les motivations profondes d'Abdelkader Badaoui, les points d'ancrage d'une inspiration féconde, d'un élan original authentique.
C'est alors que surgit l'iconoclaste pour mettre
tout en branle. Désacralisation plurielle : celle, brisure du convenu social tissé de préjugés conformistes ; celle, remise en cause de la sacro sainte école seule vecteur du savoir etc.
Si dans bien des mythologies
l'arbre contient la connaissance, le loh sous le pinceau de Kader laisse transpirer une vérité plus forte : le végétal guérit les douleurs de l'ignorance... Raison essentielle pour que les couleurs de prédilection de l'artiste :
l'ocre, la rouille, le kaolin, l'or, les teintes lumineuses du sahel et du désert... ces couleurs sculptent la tablette, lui donne du relief, impriment aux signes une danse, une sarabande, le vertige, un éblouissement, irradient
l'espace. Comme la lumière solaire produit la chlorophylle pour nourrir la plante.
Quelques fois un trou noir, un coulis sang ou écarlate par contraste avec la lumière révèlent tantôt les brumes, l'incertitude, la
fragilité de l'existence, tantôt la violence intégrée au quotidien de la vie. Le calligraphe chargé de la perfection des traits, de la géométrie des univers et le peintre avec sa folie des tons s'imbriquent, dialoguent et du
cheminement entre les formes, le couleurs, le mouvement naît, l'émotion, la pensée.
Spleen et recherche de l'idéal, tourment, vertige du vide et espoir, espérance, carcan, arrachement et liberté, l'éternel conflit
Athos, Thanatos. Une leçon récurrente s'écrit sur la tablette : quand nos chemins semblent nous précipiter vers le néant, il y a toujours cette pointe ou ce halo de lumière qui brusquement jaillit de nulle part. C'est aussi ce que
racontent les décors que Kader crée au théâtre avec beaucoup de bonheur.
La mémoire se souvient des peintures rupestre néolithiques, de l'art Sao, de
l'effervescence créative qu'a connue la région du Tchad, il y a des siècles... Pionnier pour offrir aux plus jeunes le chaînon manquant de sorte que revive
cette tradition séculaire, Kader sert de lien, vit sa pratique de l'art comme un sacerdoce, fait de luttes, d'abnégations, mais aussi de cet indicible jouissance du créateur qui recherche en permanence le sublime dans son oeuvre.
(article signé Koulsy LAMKO)
Biographie de l'artiste