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Site Archive (1997-2020) - Depuis 2021 le nouveau site est / Since 2021 the new website is ICI/HERE »»» |
AFRIQUE VIRTUELLE > GALERIE VIRTUELLE
> BLAISE PATRIX
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BLAISE PATRIX |
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" La nuit, les yeux ouverts " © Blaise Patrixage, acrylique et latérite sur toile |
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" Territoire, le reflet ". Lavis. |
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Réflexions autour de la culture bobo, de l’identité, du sentiment d’exclusion, et naissance du concept " L’art de changer le monde "
Par Blaise Patrix
" Quelle est la honte qui te fait cacher ton nom dans ta poche ! ".
Cette question soulevée par le vieux tisserand et griot burkinabé Molibaly Coulibaly à propos de la carte d’identité m’a fait réfléchir. Il avait souhaité que ses enfants portent les scarifications traditionnelles et l’instituteur avait contrecarré cette volonté en expliquant que le papier légal rendait la coutume inutile .
Un monde où il serait impossible à chacun de publier clairement son originalité, serait, à son avis un monde où chacun cacherait sa honte, un monde dans lequel, dépourvu de repères, personne ne saurait plus vraiment qui il est, et craindrait l’inquiétante dissimulation de son voisin, un monde sans respect, d’une sociabilité précaire : un mode indigne.
Du point de vue de cet homme de culture bobo, l’expression de l’identité génère de la dignité, et la conscience collective doit, pour éviter toute confusion néfaste, prendre en compte l’expression de toutes les identités particulières qui la constituent. Le principe fondamental de cette croyance est que se " donner des signes de reconnaissance " permet " d’exprimer de la reconnaissance " : se reconnaître, être reconnu, reconnaître, apaisent et autorisent la réciprocité.
Nous autres, porteurs de papiers d’identité, serions-nous tous honteux sans nous en rendre compte ? " me demandai-je ? Cette gageure m’a paru invraisemblable jusqu’à ce que j’en vienne à rapprocher ce que le vieillard burkinabé appelle " honte " du sentiment d’exclusion que les sociétés industrialisées ont tant de difficulté à gérer. Que l’indifférenciation entraîne une indifférence ambiante néfaste à tout esprit de reconnaissance m’a paru fournir une réponse intéressante à l’énigme que constitue la dégradation de la psychologie sociale, dans les sociétés dont les signes distinctifs sont abstraits.
Pour tenter un rapprochement avec les pratiques démocratiques, il est intéressant, en effet, de concevoir qu’à l’instar de l’expression du choix politique, celle de l’identité est utile pour engendrer la conscience collective. Il est intéressant de s’apercevoir que, de même que les choix politiques adoptés par la masse pourraient paraître écrasants aux minorités hors du recours au vote démocratique, l’identité d’un groupe, pour éviter le sentiment d’exclusion, devrait prendre en compte les diversités qui la constituent. L’idée ne s’écarte pas des principes républicains qui privilégient l’expression de l’identité collective la plus large, elle propose de la préciser en discernant le principe égalitaire de celui de l’uniformisation.
En effet, la quête de l’intégrité prend une tournure différente pour chacune des deux formes d’expression, politique et identitaire : à la différence de celle de l’expression politique, pour laquelle le secret de l’isoloir est requis, l’intégrité de l’expression identitaire réside dans la publicité (la conviction est un sentiment intime alors que la fierté est démonstrative). Il ne s’agit pas, en signifiant une identité collective de déstabiliser la conscience collective au profit des minorités, mais plutôt de l’exalter en concrétisant l’apport de l’ensemble des diversités qui la composent. Interprétées dans la façon de voir Bobo, les tendances outrancières ou délinquantes
des jeunes en occident, et même plus largement les excès de terrorisme, s’expliqueraient comme une façon d’attirer l’attention avec une véhémence proportionnée à l’indifférence ambiante.
Cette façon de penser situant la cause d’agressivités à priori asociales, dans le souhait d’être reconnu, offre un double avantage :
- L’aspiration à la reconnaissance n’est pas incompatible avec l’appartenance sociale : garder de la considération pour cette aspiration initiale peut aider à surmonter le contexte conflictuel pour permettre d’envisager, plutôt que par leur exclusive répression, un règlement des tensions par leur expression .
- D’autre part, elle fournit par l’expression de l’identité, un outil concret pour entretenir la conscience collective.
Cultiver la citoyenneté en donnant la parole à la créativité est un discours reconnu en Europe, les modalités et les champs d’application de ce concept sont pour l’instant empiriques et ne concernent que les franges les plus énergiquement vindicatives des populations au détriment des autres.
Sous réserve, d’une part, de baser l’expression collective sur la somme des expressions particulières et d’autre part d’inscrire le processus dans la mouvance perpétuelle qui caractérise la modernité, il me semble que la réflexion précédent autour de la culture Bobo, nous fournit une opportunité plus largement sociale : il s’agit, pour éviter l’exclusion, d’impliquer les populations dans la conception des signes de reconnaissance qui les concernent.
Voilà comment est né le concept de " l’art de changer le monde ". Le texte qui suit est celui d’un courrier demandé par un architecte urbaniste. Présenté pour illustrer ce qui vient d’être défini, il reprend dans la perspective urbanistique les principes énumérés plus haut, avant de proposer un exemple d’application pratique qui interviendrait dans le cadre d’un quartier d’Habitation à Loyer Modéré (HLM).
" L’art de changer le monde "
Principe et généralité :
Le principe de base est de restaurer la conscience d’une identité collective, en signifiant la diversité de ses composantes. Pratiquement, il s’agit d’impliquer une collectivité dans la conception de l’image de son environnement. A cet effet, l’art, vecteur d’identité par excellence, se met à l’usage du groupe social, et le rôle de l’artiste est de professionnaliser les aspirations néophytes pour aboutir à une image collective dans laquelle chacun se reconnaît.
Dans cet esprit, début 1997, j’ai conçu, à la demande de l’entreprise Toshiba Martin l’Eglise (près de Dieppe) une oeuvre monumentale qui a servi de support à la participation directe et indirecte des membres du personnel (soixante ouvriers et quarante employés de bureau). Une enquête réalisée, six mois après sa mise en place, révèle que quatre vingt dix-huit pour cent du personnel s’identifiait fièrement à cette image.
Ce succès indique que des actions plus larges pourraient être entreprises concernant notamment l’espace urbain. Il s’agirait d’impliquer les populations dans la conception de l’aménagement des lieux publics aussi bien que des lieux de travail qu’elles fréquentent.
Les possibilités d’intervention sont multiples, et peuvent englober des disciplines diverses telles que la conception de jardins, la sculpture et la décoration monumentale, ou la signalétique. Le choix de l’espace et du type d’intervention, ainsi que les modalités de sa mise en oeuvre sont à étudier en fonction de chaque contexte, avec les interlocuteurs concernés, tels que par exemple, représentants des populations, urbanistes, architectes, travailleurs sociaux, etc...
En se référant à la demande que vous avez exprimé, la proposition d’intervention de " l’art de changer le monde " concerne plus particulièrement les façades des immeubles d’un quartier de HLM.
Proposition pour une intervention de " l’art de changer le monde " dans un quartier de HLM.
Etat des lieux et problèmes à résoudre :
La contrainte, pour les architectes et les urbanistes, d’avoir à concevoir un habitat qui convienne à tous, rend impossible de prendre en compte l’identité d’une population qui souvent, par ailleurs, se trouve être en constant renouvellement. Il en résulte que l’image de ces quartiers contribue à générer une sentiment général d’indifférence et d’exclusion auquel les populations répondent en adoptant des comportements méprisants vis à vis de l’espace communautaire.
La plus spectaculaire des réactions est exprimée avec véhémence par les jeunes générations sur les murs de leur cité. Leur prétention affichée à enrichir l’espace visuel engage une énergie plutôt généreuse qui pourrait plaire à tous. En fait, les décorations réalisées, imposées sans concertation aucune, ni avec les propriétaires ni avec les autres habitants des lieux, paraissent agressives et dégradantes . Leur présence ne fait qu’aggraver les clivages existants entre toute forme de particularités, (entre générations, entre cultures, entre sexes, etc...), ainsi que l’isolement et la marginalisation du quartier par rapport au reste de l’agglomération.
Des initiatives ont déjà été tentées, dans le sens de défouler ce type d’aspiration : des " ateliers populaires " ont été encadrés par des artistes. Deux schémas sont généralement appliqués dans l’organisation de ce type d’action : le premier du type " stage d’initiation " au cours duquel l’artiste emploie des apprentis pour l’aider à réaliser son oeuvre; le second propose d’animer la réalisation collective de fresques murales plus ou moins improvisée. Dans le premier cas, le monument est perçu comme ne concernant que son auteur, dans le deuxième, l’amateurisme de la démarche empêche de conférer au résultat une compétence au delà de l’univers familier. Dans les deux cas, on peut attribuer le peu de succès de l’entreprise à son ampleur insuffisante comparée à l’échelle de la population et aux proportions architecturales du quartier : l’exclusion demeure.
Les tentatives de répression du phénomène, les efforts de nettoyage, autant que l’utilisation de revêtements muraux qui cherchent à rendre les spoliations impossibles s’avèrent coûteuses et souvent inutiles. Investir des actions en amont du processus, en tentant d’intervenir sur les causes du phénomène parait donc opportun.
Objectif global
Générer du respect pour l’espace public en cultivant la conscience collective.
Objectifs spécifiques
- Signifier une image de la collectivité dans son ensemble.
- Accompagner l’appropriation de l’espace urbain par ses habitants.
- Rééquilibrer, dans l’espace visuel, la présence des moins expansifs.
- Créer une originalité gratifiante.
Actions à mener
Les objectifs définis plus haut demandent d’adapter les actions aux impératifs suivants :
- Impliquer l’ensemble du groupe, directement et indirectement
- Atteindre un résultat d’une ampleur adaptée au paysage urbain
- Atteindre une qualité d’exécution et de finition professionnelle
- Choisir un mode d’intervention adapté à la mouvance perpétuelle des populations.
Faire participer, directement ou indirectement, les habitants d’un quartier à la conception de la décoration des façades de leurs immeubles me paraît correspondre à cette ambition : le ravalement étant un processus périodique, profiter de cette occasion pour renouveler la décoration permettrait d’adapter le processus d’identification au mouvement constant des populations.
Pratiquement, il s’agirait de procéder comme suit :
- Définir les différents groupes d’identité, par exemple identité culturelle, de classe, d’âge, de sexe, de bandes et d’équipes, identité de voisinage géographique (escalier, immeuble, allée), etc.
- Adapter des stratégies à chacun de ces groupes, visant à encourager, parmi les membres les plus sensibles à cette forme d’expression, la formulation de propositions graphiques. Par exemple, des ateliers encadrés en appartement permettraient de solliciter les plus intimistes, alors que d’autres, organisés au milieu de la place publique s’adresseraient mieux aux plus exubérants.
- Accompagner une implication progressive du regard critique de l’ensemble du public concerné. Il s’agit notamment, en renouvelant des expositions, pendant toute la durée des ateliers, d’encourager la participation indirecte aux images formulées, et d’obtenir, à la fin, une sélection par l’ensemble de la population des oeuvres qu’elle souhaite voir reproduire sur la façade de ses immeubles.
- Réaliser une maquette incluant dans une composition cohérente des élément sélectionnés, et suivre sa reproduction monumentale par l’entreprise chargée du ravalement.
Mise en oeuvre
La mise en oeuvre est tout à fait fonction du contexte dans lequel l’action s’inscrit et requiert en premier lieu, l’accord et le soutien des autorités publiques chargées de la politique sociale et de l’habitat. Elle pourrait s’appuyer sur les capacités suivantes : architecte, urbaniste, enquête sociologique, association de quartier, équipes d’animation réunissant travailleurs sociaux. Ces lignes pourraient éventuellement être complétées, le cas échéant, par des subventions.
Résultats escomptés
- L’espace communautaire est traité avec la même considération que l’espace privé.
- Les habitants se reconnaissent dans les décorations des façades de leurs immeubles.
- Les habitants sont fiers de leur quartier.
- Baisse de la tension sociale au sein du quartier (les services d’ordre sont moins sollicités).
Evaluation
A la suite de la réalisation monumentale, une enquête périodique menée auprès des populations, des travailleurs sociaux, des services d’ordre, permettrait d’évaluer les retombées réelles de l’initiative et d’ajuster les interventions suivantes.
Les coûts
Les coûts sont à évaluer selon le contexte.
Biographie de l'artiste
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