LUMIERE LIQUIDE: MON TRAVAIL AVEC L'EAU
par Liliane Lijn
" Liquid Reflections "
© Liliane Lijn
Mon intérêt est de visualiser ce monde de forces lumineuses qui se transforment.
L'eau: Matière vivante
Je pense que tous les matériaux avec lesquels j'ai travaillé sont vivants mais il me semble qu'aucun ne l'est autant que l'eau et la lumière. La métamorphose de l'eau en gaz ou en glace est un fait de tous les jours qu'on aperçoit à peine. L'eau est la vie. C'est 60% de notre corps et elle couvre 75% de notre planète. J'aime l'eau parce qu'elle est imprévisible.
Les attributs archétypes de L'eau
L'eau est liée depuis la Préhistoire à la lune dans les contes et les mythes, et l'art. Les marées sont influencées par la périodicité de la lune. Les plantes et l'agriculture sont liées à la lune sous les auspices de déesses lunaires. Dans la plupart des sociétés la lune était considérée comme féminine et c'est probablement pourquoi l'eau était aussi traitée comme un élément féminin. En effet des 4 éléments, la terre et l'eau étaient féminines tandis que l'air et le feu étaient masculins. L'eau habite souvent nos rêves et c'est le symbole de l'inconscient. En ce moment je travaille avec mes rêves et ma mémoire et je vais montrer une brève vidéo représentant une sculpture que j'appelle " The Sea In My Elbow ", une oeuvre qui fait partie d'une série de sculptures narratives. Comme des montagnes de glace nous vivons seulement à moitié dans l'air sec du rationnel, nous sommes submergés beaucoup plus que nous l'imaginons dans les eaux profondes de l'irrationnel.
Mon travail avec l'eau
Avec " Liquid Reflections " et tous les travaux qui mènent à cette oeuvre, c'était la première fois que je travaillai, de façon très complexe, avec la lumière et l'eau.
Liquid Reflections
La série d'oeuvres " Liquid Reflections " inspirée par mon intérêt dans l'astronomie et la physique de la lumière, est le résultat de cinq années (1962 - 1967 ) de travaux expérimentaux basés sur l'utilisation des plastiques et du feu, des lentilles, des prismes, de la lumière et finalement de l'eau.
La plus grande pièce de " Liquid Reflections " est un disque creux de 122 cm diamètre qui contient un mélange d'eau, d'huile et de paraffine, et qui tourne sur un table tournante électrique. Sur la surface du disque deux boules se baladent, leurs mouvement sont soumis à des forces opposées : une force centrifuge, la rotation du disque, et une autre force centripète, la concavité de la surface du disque.
Lorsque le mélange d'eau et de l'huile est renversé dans le disque, il se condense vaguement comme les nuages de gaz entre les étoiles, mais en peu de temps l'eau condensée se rétrécit pour prendre la forme de gouttes sphériques précises et tremblantes de vie qui, à leur tour, s'étendent de façon égale et toujours plus homogène, pour enfin recouvrir toute la surface du disque. L'eau dans le disque agit sur l'équilibre du système disque-boules, qui exerce lui-même une influence sur l'eau ; ainsi donc devient-il difficile d'équilibrer le mouvement des boules.
Le mouvement des boules sur la surface du disque suit les lois du moment, telle que la force centrifuge et la force de gravité produite par la partie concave du disque. Les boules se comportent aussi comme des loupes itinérantes, animant tantôt une partie de la surface du disque, tantôt une autre avec un paysage étrangement lunaire composé de reflets de lumière et d'ombres.
" BUBBLE TOWERS "
" Bubble Towers "( Tours de bulles d'air ) sont une série d'oeuvres réalisées en 1969. J'ai commencé à les considérer comme des jouets pour mon jeune fils, mais c'était des oeuvres très complexes et imprévisibles.
Je les ai fabriquées en Plexiglas transparent avec des sections transversales de couleurs fluorescentes qui divisent le cylindre en trois compartiments liés par des trous de grandeurs variables à travers lesquels l'air et l'eau circulent.
Je voulais voir, écouter et sentir le mouvement de l'eau et de l'air lorsqu'ils passent le long du cylindre. J'y trouvais une vitalité intense capable de communiquer une sensation de bonne humeur et gaieté. L'eau ne coule pas simplement au fond ; elle s'arrête mystérieusement, et après quelque instant, sans raison évidente, un petit bruit d'air s'échappe signalant la reprise du passage de l'eau.
L'eau vie et la vie augmentent à l'intérieur si bien qu'il n'est pas facile de maintenir une eau toujours propre.
Lorsque j'ai réalisé les premières " Bubble Towers " j'ai utilisé pour unité de mesure le " pouce ". Les tours mesuraient alors 12 pouces sur 3 de diamètre. Quand par la suite la Grande Bretagne a adopté la valeur métrique je me suis retrouvée face au problème de l'écoulement de l'eau dans les cylindres. La différence de 6 ou 7 mm dans le diamètre du cylindre modifiait complètement l'écoulement de l'eau à travers les sections. En 1974, répondant à une commande architecturale, je me suis mise à travailler sur un projet de grande tour d'eau, et j'ai fait appel aux conseils d'un savant spécialisé dans la science des dynamiques fluides. Après avoir étudié mon projet, le savant m'informa qu'il était selon lui impossible de prévoir le comportement des diverses variables sur une grande échelle
" MOON POEM "
" Poème lunaire " est un projet où la relation avec l'eau est pour le moment métaphorique. Depuis 1992 j'étudie ce projet qui représente l'union symbolique de pôles contraires et qui est un hommage au principe féminin de la transformation et du renouveau qui pendant des siècles fut tenu pour sacré sous la forme de la pleine lune et de son cycle mensuel.
Mon idée est de projeter le mot SHE (ELLE) sur la surface lunaire sur une grande échelle de façon à ce qu'on puisse le voir depuis la terre. Cela se fera soit en projetant un rayon laser sur la surface de la nouvelle lune soit en propageant une ombre gigantesque sur sa surface illuminée. Ce mot simple mais significatif sera transformé par les mouvements de la lune, la terre et le soleil, et deviendra le mot contraire HE (IL). Cette métamorphose entre genres opposés ne peut se faire que dans quelques langues : l'anglais, le russe, l'espagnole, ou le japonais par exemple.
Projeter des images sur la lune est une opération très complexe, si non technologiquement impossible pour le moment; mais à mon avis nous y parviendrons bientôt. En ce moment je suis en train de créer un site Web qui suivra la phase réelle de la lune (GMT). L'image changera toutes les 26 heures et 13 minutes. Chaque mois le même mot sera traduit dans une autre langue. Dans des langues diverses les sens possibles créés par les mouvement réciproques de la lune, le soleil et la terre seront variables. Reste l'inquiétude qu'on puisse un jour utiliser la lune à des fins publicitaires. Lorsqu'il sera possible de projeter des images sur la surface lunaire, il faudra alors assurer un certain contrôle pour protéger la lune contre toute exploitation commerciale. L'importance de ce projet est qu'il montrera l'identité des contraires. Antonin Artaud dans ses écrits mexicains parle des Tarahumaras qui ont un culte de l'esprit transcendant mâle-femelle. L'idée est que l'homme n'est pas égal à la femme mais que ce sont des contraires. Les réunir et les porter ensemble en soi est une acte d'équilibre. C'est de cette prise de conscience dont le monde aujourd'hui a terriblement besoin.
Je recevrais avec plaisir et intérêt vos suggestions et votre aide pour faire avancer ce projet.
Biographie de Liliane Lijn
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