Pour une typologie de la création sur Internet
Annick Bureaud
<bureaud@altern.org> - Janvier 1998.
Ce texte a fait l'objet d'une communication dans le cadre du colloque
R.A.T. (Réseau Art Technologie) organisé par CYPRES, le
27 novembre 1997.
Attention : les créations
sur Internet sont souvent éphémères ou bien
encore changent quelquefois de serveur: il est donc possible que
certains sites ne soient plus accessibles.
Sommaire
Introduction
- 1 - Une typologie
- 2 - "Création" sur
Internet et non "Art" sur Internet
- 3 - Le réseau avant
Internet
- 4 - Et le Web arriva
...
I -
Hypermédia
A -
Définition
B -
L'hypermédia sur Internet
1
- Oeuvres hypermédia "fermées"
2 - Oeuvres
hypermédia "ouvertes" : la "Webness" (webitude)
a -
Définition
b - Exemples et
analyses d'oeuvres
II - Le
message est le médium
A -
Définition
B - Exemples et analyses
d'oeuvres
III -
Communication, collaborative et relationnelle
A -
Définition
B - Exemples et analyses
d'oeuvres
1 -
Internes au réseau
2 - Dans
l'inter-espace du cyberespace et de l'espace physique
IV -
Cyberception
A -
Définition
B - La
Téléprésence
1 -
Définition
2 - Exemples
et analyses d'oeuvres
C - Autres exemples
d'oeuvres
- Sensorium, sous la direction de Shin'ichi Takemura
- TechnoSphere, Gordon Selley, Rycharde
Hawkes et Jane Prophet
 
Conclusion
Introduction
1 - Une typologie
La création sur Internet n'est pas
un tout homogène. Différentes formes peuvent être
distinguées. Certaines sont stables, d'autres
évolueront, d'autres apparaîtront. Cette typologie porte
sur la forme des
oeuvres et non sur leur contenu ou leur esthétique
individuelle (d'autres typologies peuvent ainsi être
construites). Elle a pour but de mettre en évidence les
grandes catégories d'oeuvres en ligne, de souligner certains
liens de parenté "ou au contraire les ruptures" avec d'autres
types d'oeuvres off-line. Elle ne prétend pas être
définitive. Fondée sur une analyse des créations
existantes, elle évoluera nécessairement avec les
oeuvres à venir.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
2 - "Création" sur
Internet et non "Art" sur Internet
L'art sur Internet englobe non seulement
des créations d'oeuvres originales pour ce média mais
également ce que nous pouvons qualifier de "catalogues" ou de
"galeries" en ligne, c'est-à-dire des oeuvres classiques
(peintures, sculptures, etc.), que l'on peut voir sur le
réseau comme les collections des grands musées. Dans ce
cas, Internet a la même fonction qu'un catalogue ou un centre
de documentation.
Nous ne nous intéressons ici qu'aux oeuvres
créées par, avec, pour le média/langage qu'est
Internet et plus particulièrement le World Wide Web.
Par ailleurs, la création sur Internet ne
relève pas toujours d'individus se proclamant "artistes" ou
ayant une activité principale identifiée comme telle,
ou encore de "produits" proclamés par avance comme "oeuvres".
Actuellement, sur Internet, peut être déclaré
comme "création" ou comme "oeuvre" non seulement ce qui
s'autoproclame comme tel mais aussi ce qu'une communauté
(celle des internautes et parmi eux les critiques de l'art
technologique) décide de reconnaître comme tel,
au-delà quelquefois des intentions initiales des auteurs ou de
leur qualification professionnelle. Il s'agit peut-être
là d'une évolution durable quant à la pratique
artistique.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
3 - Le réseau avant
Internet
Avant même que le réseau
Internet ne connaisse, grâce au Web, son développement
actuel, des artistes avaient utilisé d'autres réseaux
de communication pour la création d'oeuvres. L'exemple le plus
connu est certainement La plissure du
texte de Roy Ascott (sur le réseau
IP Sharp), oeuvre créée pour l'exposition
Electra
organisée par Frank Popper au Musée d'Art Moderne de la
Ville de Paris en 1983.
Le Minitel "principalement en France et au
Brésil" fut également un média que
s'approprièrent les artistes. Parmi les expériences,
citons :
- Zénaïde et Charlotte à
l'assault des médias, Fred
Forest, Musée de Toulon, 21 décembre 1988/30 avril
1989
1 .
- Les oeuvres de la revue
télématique Art
Accès (1985/1986),
créée par Orlan et Frédéric
Develay.
- Parmi les oeuvres des artistes
brésiliens, mentionnons celles d'Eduardo Kac dont on peut
trouver une documentation sur son site.
Toutes ces oeuvres ont en commun d'avoir
été éphémères. Il n'en reste que
la trace documentaire. Pour la plupart, elles relevaient de "l'art de
la communication" auquel appartient l'art "en réseau",
à distinguer de l'art "sur le réseau". En 1991,
Leonardo
publiait un numéro spécial (Vol. 24, n°2)
Connectivity, Art and Interactive
Telecommunications, sous la direction de
Roy Ascott et Carl Loeffler, faisant le point sur ce sujet.
C'était au moment même où le web se
développait ...
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
4 - Et le Web arriva
...
Pour mémoire, ce n'est qu'en 1989 que Tim
Berners-Lee, alors au CERN (Centre Européen de Recherche
Nucléaire), propose le World Wide Web, un système "qui
fonctionne !" d'organisation de l'information sur un modèle de
structure hypermédia des documents.
En 1991, deux ans après la proposition de
Berners-Lee, l'intégration d'images devient possible quand le
NSCA (National Center for Supercomputing Application, Champain,
Illinois) développe "et offre gratuitement" MOSAIC, premier
logiciel graphique de navigation sur le Web, lequel fut rapidement
supplanté par Netscape.
En 1994, deux oeuvres, que l'on peut qualifier
"d'historiques" par le retentissement qu'elles ont connues et leurs
qualités artistiques, esthétiques et techniques,
apparaissent sur le Web. Elles continuent de s'y
développer.
Il s'agit de Waxweb de David Blair et de The File
Room
de Muntadas.
Waxweb
David Blair
http://bug.village.virginia.edu/
|
Au delà même de son contenu,
Waxweb
de David Blair est une oeuvre exemplaire de l'art
électronique et de l'art sur Internet :
|
- C'est une oeuvre polymorphe et multimodale
A l'origine, David Blair a conçu un film
électronique, Wax or the
discovery of television among the bees,
(1991, 85 minutes) construit à partir d'unités
d'information déjà reliées entre elles selon
un principe hypertextuel et d'association d'idées (le
logiciel utilisé est Storyspace d'Eastgate, une des plus importantes société
d'édition américaine d'oeuvres littéraires
par informatique). Dès que cela fut techniquement possible,
Blair importa tout naturellement Wax sur Internet et
créa Waxweb. Par ailleurs, une version sur CD-ROM fut
proposée.
- C'est une oeuvre évolutive et
collaborative toujours en cours de création
La base de Waxweb est constituée de 600 noeuds et 2000 images
extraites du film. Blair invita alors 25 auteurs dans le monde
entier à collaborer à cette matière de
départ et à ajouter leurs propres textes,
éléments narratifs, etc. Par la suite, le public
"utilisateur" pu à son tour ajouter ses propres
éléments.
A cause des limites de la technologie, Waxweb fut d'abord
essentiellement textuel, puis apparurent les images, le son et la
vidéo.
- C'est une oeuvre qui utilise toutes les
possibilités du réseau
Au cours de son développement, Waxweb utilisa toutes les
techniques offertes par le réseau : web, email, listserv,
ftp, telnet, MOO, etc. Certaines sont abandonnées, d'autres
perdurent et d'autres apparaissent.
Waxweb reste, dans
sa structure, une oeuvre hypermédia. Si la base est identique
depuis l'origine, selon le moment où l'on va la consulter,
selon que l'on est un participant actif ou un simple navigateur,
Waxweb
présente des visages différents et dans tous les cas
une complexité croissante.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
|
|
The File Room
Muntadas
http://fileroom.aa.uic.edu/fileroom.html
|
The
File Room de Muntadas est une base de données sur la
censure culturelle dans le monde interrogeable par le biais
de quatre "critères" : l'époque (du
15ème siècle à nos jours), le lieu (les
différents pays du monde), les supports (peinture,
sculpture, film, littérature, etc.), la nature de la
censure (religieuse, politique, atteinte aux bonnes moeurs,
etc.).
Les réseaux électroniques
sont considérés comme des moyens de
démocratie et de circulation libre de l'information
mais ils font aussi l'objet de batailles quant à leur
(éventuel) contrôle.
La liberté de pensée est
reconnue comme un des droits de l'homme mais l'art a bien
souvent été censuré et
contraint.
|
Le public peut apporter sa contribution aux
cas de censure dont il a eu connaissance et qui ne sont pas encore
répertoriés dans The File
Room. L'oeuvre existe également, de
manière temporaire, sous forme d'installation dans l'espace
physique.
Depuis 1994, et surtout depuis 1996, le nombre et
la diversité des créations sur Internet croissent de
manière exponentielle. Nous distinguons actuellement quatre
grandes catégories d'oeuvres.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
I -
Hypermédia
A -
DEFINITION
Hypermédia vient d'hypertexte.
Le Dictionnaire des Arts
Médiatiques
2 propose la définition suivante de
l'hypertexte :
Programme informatique interactif comportant une structure
textuelle non linéaire, composée fondamentalement de
noeuds et de liens entre ces noeuds, et mettant à la
disposition de l'utilisateur un certain nombre d'opérations
lui permettant de se déplacer dans cette structure. Les noeuds
sont des blocs de texte qui comportent certaines zones activables
(pointeurs, boutons) conduisant à d'autres blocs de texte ou
ouvrant des fenêtres pouvant comporter d'autres zones
activables conduisant à d'autres noeuds, et ainsi de suite. Le
réseau de liens constitutif de la structure de l'hypertexte se
développe ainsi en étendue et en profondeur. Le fait
pour l'utilisateur d'accèder aux différents noeuds de
l'hypertexte en parcourant son réseau de liens est
appelé navigation.
Sa définition du terme
hypermédia commence en ces termes :
Structure du même type que celle de l'hypertexte, mais
dont les noeuds comportent, outre des informations textuelles, des
informations visuelles et sonores.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
B -
L'HYPERMEDIA SUR INTERNET
De part la nature même du Web, il s'agit
d'une catégorie où l'on retrouve un nombre
considérable d'oeuvres. On peut distinguer entre les oeuvres
"fermées" sur elles-mêmes et les oeuvres "ouvertes" sur
d'autres sites et pages du Web.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
1 - Oeuvres hypermédia
"fermées"
La plupart des oeuvres hypermédia sont des
oeuvres "fermées", c'est-à-dire des entités
autonomes dont les liens et les noeuds sont internes à
l'oeuvre. Leur raison d'exister sur le Web "et non sur CD-ROM ou
disquette par exemple" tient à un mode de diffusion choisi par
le créateur et à la nature du langage (des logiciels)
et de l'écriture retenue.
La littérature hypertextuelle, qui existe
depuis de nombreuses années, surtout sur le continent
nord-américain, s'est tout naturellement tournée vers
Internet tant comme mode de diffusion que de création.
lOveOne
Judy Malloy
http://www.eastgate.com/malloy/
|
lOveOne de Judy Malloy, une des pionnières de ce
type de littérature et de la création
artistique sur le réseau, est ainsi une fiction
narrative uniquement textuelle.
|
Grammatron
Mark Amerika
http://www.grammatron.com
|
Grammatron (1997) de Mark Amerika
introduit l'image, et en partie le son, mais relève
du registre de la littérature.
|
Notice
Carol Flax
http://arts.ucsc.edu/mortal/Flax/
|
Notice (1996) de Carol Flax est, d'une certaine
façon, à l'opposé de Grammatron. Ici l'image
est prépondérante, le texte lui-même
étant traité comme du visuel. Notice est une
quête de l'identité, de soi, un questionnement
sur la mort, au travers de visages évanescents, de
portraits inconnus, d'éléments d'information
toujours parcellaires, de questions sans réponse.
Notice
utilise, et prend appui sur, le temps de chargement comme
élément de création.
|
Familie Auer
sous la direction de Robert Adrian
http://thing.at/orfkunstradio/AUER
|
Familie
Auer
(1997) sous la direction de Robert Adrian fait
partie des oeuvres que nous avons envie de qualifier
"d'audiovisuelle", utilisant textes, sons, images et
l'écriture hypermédia dans toute sa
dimension.
|
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
2 - Oeuvres hypermédia "ouvertes" :
la "Webness" (webitude)
a
- Définition
Le néologisme de webness, que nous avons traduit par webitude
en français, a été inventé par les
membres du premier jury de la création sur le réseau
des Prix Ars Electronica en 1996. Il est à souligner que, la
première année, ce prix s'appelait "Web Art" et
qu'aujourd'hui il est devenu ".NET".
La "webness" qualifie des oeuvres qui
relèveraient intrinséquement du web,
c'est-à-dire de son aspect rhyzomatique, hypertextuel et
collaboratif, des liens, de la circulation de l'information et de la
participation d'individus répartis sur la
planète.
Certaines oeuvres sont ainsi des
hypermédias "ouverts", c'est-à-dire qu'elles utilisent
d'autres pages, sites, images, etc. existant ailleurs sur le
réseau, et conçus par d'autres, vers lesquels renvoient
les liens établis par le créateur.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
b - Exemples et analyses d'oeuvres
The Multi-cultural
Recycler
Amy Alexander
http://shoko.calarts.edu/~alex/recycler.html
|
Regard
critique sur la multiplication des webcams.
Dans Multi-cultural
Recycler (1997) Amy Alexander utilise un certains nombre de
webcams posées dans divers endroits de la
planète. A partir de ces images, elle propose un
processus de "recyclage" soit de manière
aléatoire, soit par le choix de 3 des caméras
pour créer une image hybride, mixte des 3
captures.
|
|
|
Dans le processus de recyclage peuvent
également être utilisées les images composites
déjà réalisées. Tout un chacun peut
aller, par ailleurs, sur les sites originaux de ces webcams.
Multi-cultural Recycler met en exergue trois phénomènes sur le Web :
la pléthore d'images déjà existantes, la manie
des webcams qui "regardent" à peu près n'importe quoi
et la fascination que cela engendre, mais surtout l'affaiblissement
de la notion d'auteur et la réappropriation/retraitement que
toute information peut subir "doit subir" sur ce média.
|
|
The WWWArt Awards
Alexei Shulgin
http://www.easylife.org/award
|
Alexei Shulgin est
parti du principe que le Web est un "espace ouvert où
les différences entre "art" et "pas-art" se
dissolvent comme jamais auparavant
au 20ème siècle"
3. Dans cet esprit il a
créé The WWWArt
Awards (1997)
attribués "aux pages web qui ont
été créées non en tant
qu'oeuvres d'art mais qui nous procurent un réel
sentiment artistique". 4
|
Les sites sélectionnés sont
"labellisés" de la raison de leur distinction : le plus
"flashy", la meilleure utilisation de la couleur rose, etc. Le public
peut accéder à chacun des sites retenus s'il le
désire. Shulgin a créé un encadrement, identique
pour toutes les home pages (pages d'accueil), d'une esthétique
parfaitement kitsch. Dans ce travail, Shulgin utilise un
"matériau brut", trouvé sur le Web, qui,
généralement, n'a pas d'intention artistique
première. Par son action, il le déclare oeuvre. Les
opérations de sélection et de déclaration
constituent le geste artistique.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
II - Le
message est le médium
A - DEFINITION
Une constante de l'art électronique
est l'exploration par les artistes du medium, du langage que
constitue une nouvelle technologie quand elle apparaît. La
conséquence est généralement la production de
pléthore de textes pour analyser "l'esthétique" de la
chose alors que c'est l'outil, l'instrumentarium lui-même, qui
est le contenu des oeuvres.
Ces oeuvres n'ont donc d'autres contenus que le
medium et ses possibilités techniques. La plupart
relèvent de pratiques "techies" parfaitement
inintéressantes. Certaines sont brillantes et resteront des
oeuvres marquantes, au même titre que les essais de Paik
distordant le signal avec des aimants pour la vidéo.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
B - EXEMPLES ET
ANALYSES D'OEUVRES
JODI
Joan Heemskerk & Dirk Paesmans
http://www.jodi.org
|
Jodi joue avec Internet, avec le code, avec le
navigateur (browser), avec nous. Et nous jouons avec
lui.
L'oeuvre ouvre sur une page d'accueil sur
fond noir, couverte de hiéroglyphes informatiques
verts en mouvement (au passage, les couleurs rappelent les
temps héroïques de l'informatique). Aucune
indication. Pas plus qu'il n'y en aura plus tard. Alors on
clique au hasard. Et on est confronté à une
série de pages mettant en scène le code, le
langage comme par exemple d'infinis messages d'erreur
superposés, ou les icônes qui peuplent nos
écrans, etc. Progressivement, on apprend à
"choisir", à naviguer sans boussole dans ce qui nous
est proposé.
|
Jodi nous oblige à être non seulement
actifs mais inventifs, à explorer, à faire preuve
d'imagination, sans suivre bêtement un "mode d'emploi". La
surprise est totale, nous ne savons jamais ce qui nous attend dans
l'écran suivant, ce qui va se passer ... L'inquiétude
que son ordinateur va bien finir par "planter" est toujours
présente.
Les inventions dans cette oeuvre dépassent,
transcendent le seul aspect technique et l'expérience devient
alors jubilatoire.
|
|
L'E-mail anonyme
Emmanuel Barrault
http://www.icono.org/anonyme/anonyme.htm
|
Dans un tout autre registre, Emmanuel
Barrault nous offre d'utiliser, dans L'E-mail
anonyme, une des
possibilités de communication hautement
défendue par les cybernautes, celle de l'anonymat de
l'émetteur d'un message. Si vous manquez
d'inspiration, il vous offre des modèles de lettres
d'amour ou d'insultes. Dans l'inconscient collectif,
l'oeuvre d'art opère toujours une distanciation par
rapport à la réalité qu'elle
dépeint et l'on se prend à douter que ce email
soit vraiment anonyme ... sauf qu'il l'est. L'art n'est plus
représentation, ni métaphore mais bien un
"acte dans le réel".
|
Form
Alexei Shulgin
http://www.c3.hu/hyper3/form
|
Form d'Alexei Shulgin est
un concours de création de formes, d'oeuvres,
fondée sur les éléments graphiques de
l'interfaçage de base des sites web : boutons, cases
à cocher, champs "avec ascenceur", etc. Ces
éléments, au fond extrêmement pauvres,
sont généralement oubliés, enfouis dans
nos habitudes de navigation et d'utilisation du
réseau. Shulgin et les artistes qui ont
participé en créant une oeuvre à partir
de ces matériaux, les mettent au premier plan, dans
une sorte "d'Arte Povera du réseau", les
révèlent dans leur simplicité
quelquefois indigente mais aussi dans leur beauté et
leur richesse, leur donnent leurs lettres de noblesse. Ils
composent ainsi des "tableaux", inventent des narrations
comme ce premier cybersex, totalement conceptuel, à
ne surtout pas manquer.
|
|
|
Ping
Steffen Meschkat
http://www.artcom.de/projects/ping
|
Ping de Steffen Meschkat est un datascape (paysage de
données) composé "d'objets" numériques
(textes, images, sons, hypertextes, sites Web au complet,
etc. existant au sein du World Wide Web)
envoyés/liés par ceux qui participent.
L'interface de Ping est une carte
métaphorique qui permet à chacun de
sélectionner un objet et de l'examiner (le voir, le
lire, etc.). Le paysage de Ping se compose et se
recompose au fur et à mesure que de nouveaux "objets"
s'y agglutinent. Par ailleurs, le "passage de la carte au
territoire" dans Ping se fait par
l'intermédiaire d'une caméra virtuelle
"intelligente" (appelée eye
agent) qui permet de visualiser
en 3D le datascape sur la base de la dernière
information reçue. Ping, est une
visualisation du réseau mais, non seulement il ne
montre jamais la même carte, mais offre aussi
différents territoires.
|
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
III -
Communication, collaborative et relationelle
A - DEFINITION
Ces oeuvres font appel à la
contribution/collaboration du public connecté et créent
des liens relationnels entre elles et le public et entre les
différents participants. Par nature, ce sont des oeuvres en
constants changements. Une partie d'entre elles sont des
événements ou des actions
éphémères.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
B - EXEMPLES ET
ANALYSES D'OEUVRES
Les oeuvres de communication,
collaboratives et relationnelles sont innombrables. Nous en avons
sélectionnées quelques unes qui nous semblaient
être représentatives des différentes formes
qu'elles peuvent prendre.
On peut distinguer deux grands types d'oeuvres
dans cette catégorie : les oeuvres internes au réseau
et celles qui s'inscrivent également dans l'espace
physique.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
1 - Internes au
réseau
Chain
Reaction (1995) de Bonnie Mitchell,
créée à l'occasion du SIGGRAPH 95, est une sorte
de cadavre exquis visuel. Chacun est invité à choisir
une image parmi des images "parents" proposées, à la
modifier et à la renvoyer sur le serveur où elle prend
place dans sa généalogie. Chain Reaction a
été une des premières oeuvres de collaboration
mettant en jeu non du texte mais uniquement des images. Elle n'est
apparemment plus accessible.
365 jours
Jan Kopp
http://www.icono.org/kopp/1997.html
|
365
jours de Jan Kopp est une
oeuvre purement textuelle : pour chaque jour de
l'année Jan Kopp a posé une question à
laquelle le public est invité à
répondre. On peut contribuer à la question du
jour et lire les réponses aux questions des jours
précédents.
|
|
|
La plupart de ces oeuvres se déroulent
sur un temps assez long, parfois sur plusieurs années.
Certaines ont une "fin" prévue (telle 365 jours), d'autres peuvent
continuer sans limitation à partir du moment où
quelqu'un (le créateur ou une autre personne) en assure le
suivi et la maintenance. C'est ce qui les distingue des oeuvres
collaboratives ou de communication antérieures qui
n'utilisaient pas Internet. Elles relevaient de l'action ponctuelle
"pour des raisons techniques évidentes (abscence de support de
stockage).
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
2 - Dans l'inter-espace du
cyberespace et de l'espace physique
Ces oeuvres proposent une activité
mêlée, en ligne et dans l'espace physique où,
selon l'endroit où il se trouve, le public ne percevra pas et
ne recevra pas la même chose.
Le groupe allemand Knowbotic Research explore
cette direction depuis de nombreuses années, tissant espace
physique, espace virtuel dans l'espace physique et
cyberespace.
Simulationsraum-Mosaik mobiler
Datenklänge
Knowbotic Research
http://www.aec.at/prix/1993/E93gnI-smdk.html
|
Ainsi avec
Simulationsraum-Mosaik
mobiler Datenkläng
(1993) il se servait du
réseau pour collecter des sons. Ceux-ci
étaient ensuite traités et spatialisés
dans un espace virtuel. Une visualisation graphique des sons
et des groupes de sons permettait de naviguer dans leur
espace. Un espace physique, "double" de l'espace virtuel,
permettait au public d'interagir avec les sons et les
groupes de sons.
|
Dialog With The Knowbotic
South
DWTKS
http://netbase.t0.or.at/~krcf/antarctica/antarctica.html
|
Dialog
With The Knowbotic South -
DWTKS (1994), du même groupe, est
également la combinaison d'un site web et d'un espace
virtuel que le public peut expérimenter via une
installation physique et une interface graphique
"visualisant" les informations et leur nature. Dans le cas
de DWTKS, le site renvoie à d'autres sites
existants sur le web comme partie intégrante de
l'oeuvre, notamment pour ce qui concerne l'information
scientifique sur l'Antarctique.
|
Dans un autre registre, qui n'est plus celui
de l'installation mais de la performance ou de l'action, les
expériences se multiplient. Elles reposent principalement sur
le système de transmission de l'image en direct (le CU Seeme)
et un logiciel de transmission du son (Real Audio). Dans ce cas, les
participants sont "présents" au même moment (ou dans des
successions de temps tenant compte des décalages horaires) sur
le réseau, soit individuellement chez eux, soit collectivement
dans les lieux où se déroulent les performances.
L'élément important ici est le "direct" et la
communauté temporaire ainsi établie entre les
participants. L'oeuvre est souvent construite en trois étapes
plus ou moins développées selon les cas :
élaboration d'un site web où petit à petit les
artistes et/ou les participants ajoutent de l'information ;
événement proprement dit (les participants, hormis les
créateurs, ne sont pas nécessairement les mêmes)
; la trace documentaire après l'événement qui
vient compléter le site web.
TNC Clone Party (1997)
Tina Cassani et Bruno Beusch
http://radiotnc.aec.at/cloneparty/
|
TNC Clone
Party (1997) de Tina Cassani et Bruno Beusch,
créée dans le cadre du festival Ars
Electronica 97 en est un excellent exemple. TNC Clone Party est un
ensemble d'actions se déroulant sur une semaine
autour du thème du clonage. Il se compose : d'un site
web rendant compte des événements mais aussi
moyen de communication de ceux-ci (webcast) pendant leur
déroulement ; des actions elles-mêmes,
programmes radiophoniques en collaboration avec
différentes stations dans le monde ; d'une
manifestation de clôture, gigantesque techno-party se
déroulant dans plusieurs villes (San Francisco,
Paris, Tokyo, Linz, etc.) avec un multiplexe radiophonique
et sur le web.
|
|
|
Ces oeuvres sont fondées sur le
partage d'un même événement dans un même
espace-temps hybride (l'espace physique et le cyberespace), un
inter-espace. Même si l'événement ne peut pas
être vécu de manière identique selon le lieu et
le temps où l'on se trouve, elles reposent sur un sentiment de
communion, d'appartenance à une même "tribu", où
la notion de public se dissout. Il est en effet impossible de "voir"
l'action de l'extérieur, elle devient alors totalement
incompréhensible. Le public est donc nécessairement
"participant", renouant, dans une autre dimension, inhérente
au médium et non plus seulement idéologique, avec la
participation des années 60/70. L'action n'est plus "à
voir" mais "à vivre".
Il est à noter que des actions relevant
plus du spectacle très structuré ont été
réalisées ou sont en projet, notamment de la part de
danseurs.
D'une manière générale, ces
oeuvres s'inscrivent dans la continuité conceptuelle de l'art
de la communication et de l'art "en réseau", notamment des
réalisations de Kit Galloway et Sherrie Rabinowitz de
l'Electronic Cafe, comme Hole in Space
en 1977, reposant alors sur des liaisons
satellites de téléconférence ou de
visioconférence.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
IV -
Cyberception
A - DEFINITION
La notion de cyberception, telle que
définie par Roy Ascott, est une perception physique et mentale
non plus déterminée et conditionnée par le seul
espace physique et les limites de notre corps mais élargie,
augmentée par -et dans- le cyberespace et par la relation
dialectique entre les deux (inter-espace). La
téléprésence en constitue une des grandes
tendances.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
B - LA
TELEPRESENCE
1 - Définition
Comme son nom l'indique, la
téléprésence est une présence à
distance. Elle implique deux lieux dans l'espace physique : le lieu
de l'opération et les lieux multiples des opérateurs
à distance, la transaction s'opérant dans le
cyberespace. On distingue actuellement deux types de
téléprésence : une
téléprésence "incarnée"
(c'est-à-dire que le téléopérateur
effectue une action concrète à distance, comme dans le
cas de la télérobotique) et une
téléprésence "désincarnée" dans
laquelle le toucher "direct" n'existe pas, ou moins.
La téléprésence engendre un
nouvel état de conscience et de conscience de soi.
L'unicité de l'individu est rompue, le corps n'est plus
limité à son enveloppe de peau, mais étendu,
dans une sensation d'être "hors de son corps" ou
"au-delà" de son corps. L'individu est présent,
simultanément, dans trois espaces : l'espace physique dans
lequel il se trouve, l'espace physique de l'opération, et le
cyberespace de la transaction. Il expérimente
l'ubiquité, être simultanément dans divers
endroits à la fois. La distance est "abolie", mais c'est cette
même distance qui fonde la
téléprésence.
Par ailleurs, la téléprésence
soulève, ou reformule, un certain nombre de questions
essentielles : celle de la croyance, de la confiance, de la
réalité/véracité telle que nous la
percevons par nos sens et du bouleversement des échelles.
Peut-on croîre que nous sommes effectivement en train d'agir
à distance via le réseau ou bien, ce que l'on voit et
ce que l'on croit agir par l'intermédiaire de l'écran
et du serveur n'est-il pas simplement un leurre, une banque d'images,
une simulation ?
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
2 -
Exemples et analyses d'oeuvres
|
RARA
AVIS d'Eduardo Kac,
créée dans le cadre de l'exposition artistique
des Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996, se composait d'une
volière remplie d'oiseaux "réels" et d'un
perroquet télé-robotique muni de deux
caméras. Le public sur place voyait la
volière, la personne en interaction avec le
télé-robot et le télé-robot. Une
personne du public contrôlait à distance les
mouvements du télé-robot (rotation de la
tête) et, avec un casque de réalité
virtuelle, voyait l'environnement (la volière et
lui-même) par l'intermédiaire de la
caméra de droite du télé-robot.
|
RARA AVIS
Eduardo Kac
http://www.ekac.org
|
Le public sur Internet voyait par
l'intermédiaire de la caméra de gauche du
télé-robot la portion de la scène
sélectionnée par le manipulateur du
télé-robot. Il pouvait en outre intervenir
verbalement et les sons qu'il envoyait s'incorporaient dans
le sensorium physique des oiseaux et du public à
Atlanta. Le site Web était hébergé dans
le Kentucky.
Eduardo Kac a réalisé
plusieurs oeuvres de téléprésence, dont
la série Ornitorinco. Avec
Rara Avis, outre les notions de communication entre les
humains connectés et les humains sur place ainsi
qu'avec les oiseaux, il introduit des notions de
surveillance, de voyeurisme et de "points de vue"
diférents.
|
Dans Rara
Avis, tout le monde voit tout le monde (y
compris soi-même) mais à partir d'un autre "corps". Plus
encore, différentes personnes, simultanément,
partagent le
corps du télé-robot (la personne sur place qui le
manipule et les internautes connectés).
TELEGARDEN,
Ken Goldberg
http://telegarden.aec.at/
|
Ken Goldberg a
crééTelegarden en 1995 à l'Université de
Californie du Sud. De 1996 à 1997, l'oeuvre fut
présentée à l'Ars Electronica Center.
Elle est aujourd'hui démontée et seules
subsistent les traces documentaires sur un serveur.
Telegarden consistait en un jardin dont on s'occupait
à distance par l'intermédiaire d'un
télé-robot.
|
|
|
Deux modes d'interaction existaient avec
Telegarden : le
mode actif où l'on devenait membre et où on s'engageait
à surveiller les plantes et à s'en occuper et le mode
passif où l'on pouvait simplement aller voir le jardin par
l'intermédiaire de plusieurs caméras et suivre
l'évolution des végétaux (pousse, floraison,
etc.). Telegarden a engendré une communauté qui
échangeait messages et commentaires.
Cette oeuvre a également suscité un
immense scepticisme : parmi ceux qui voyaient le jardin dans son
espace physique (comme à l'Ars Electronica Center), certains
n'arrivaient pas à croire que les plantes étaient
arrosées, désherbées, plantées, etc. par
une communauté de gens dans le monde entier, à distance
; parmi ceux qui se connectaient, certains n'arrivaient pas à
croire qu'à des milliers de kilomètres de leur
écran se trouvait effectivement un vrai jardin.
SHADOW SERVER
Ken Goldberg
http://taylor.ieor.berkeley.edu
|
Cette question de la
réalité, ou de la vérité, est au
coeur d'une deuxième oeuvre de Ken Goldberg,
créée en juillet 1997 et encore en cours.
Shadow
Server est, comme son nom
l'indique un "délivreur d'ombres". En Californie, une
boîte contient divers objets éclairés
par des dispositifs lumineux.
|
|
|
Le public peut agir à distance sur la
position des sources lumineuses et produire ainsi des ombres
différentes qui s'affichent alors sur son écran. Avec
Telegarden, il
paraissait difficile de truquer l'expérience car la mise en
oeuvre d'un dispositif falsifié aurait été plus
lourde et compliquée que le système prétendu.
Avec Shadow Server, en revanche, construire une banque d'images d'ombres en
noir et blanc est immensément plus aisée que le
dispositif réel. Pourtant, nous croyons qu'il y a bien une
boîte, des objets, des sources lumineuses que nous pouvons
orienter.
Quelle est la nature de ces "choses" que nous
avons sur le web ? Que croyons-nous avoir : des choses ou seulement
leurs ombres ?
Shadow Server est
une oeuvre remaquable à plus d'un titre. Elle s'inscrit
à l'opposé des tendances actuelles dans la conception
des sites web : pas d'images "flashy", pas d'applets Java, pas
d'animations clignotant partout sur la page. Ce n'est pas non plus
une oeuvre collaborative où l'on est invité à
envoyer textes, images, sons et pensées profondes. Ce n'est
pas une structure hypertextuelle, rhyzomatique. Elle est en noir et
blanc. Il y a, en fin de compte, peu à voir et très peu
à faire.
Shadow Server
retourne les questionnements et les mots d'ordre de ces
dernières années dans l'art électronique. Elle
ne rend pas "visible l'invisible" mais rend invisible ce qui
normalement l'est, n'offrant que des ombres. La "chose"
elle-même est cachée. Ce qui est important, c'est
l'ombre. L'ombre devient "la chose". Goldberg renforce ici la
disparition de l'objet dans l'art, amorcée au début du
siècle.
Cependant, ce qui fascine avec Shadow Server, ce qui fait que
l'on revient s'y connecter, sont ses qualités
esthétiques. Ces images font penser aux photogrammes de
Moholy-Nagy. Elles capturent la lumière de manière
subtile et l'apporte sur l'écran. Elles réintroduisent
la contemplation dans un média où le flux et le
mouvement sont les bases. Elles figent non seulement la
lumière mais aussi le temps, dans un équilibre
délicat. Rapidement on se laisse prendre à leur
piège, à admirer leur complexité et leur
simplicité, on se perd dans leur profondeur. L'écran
devient lumière pure, une ombre.
The Light on the Net
Masaki Fujihata
http://www.flab.mag.keio.ac.jp/light/
|
The Light
on the Netde Masaki Fujihata
aborde la téléprésence et la
lumière d'une toute autre manière. Dans le
hall d'accueil d'un bâtiment public de la
préfecture de Gifu au Japon est installée une
sculpture lumineuse composée d'ampoules
disposées sur une matrice. Sur Internet, le public
peut voir la sculpture et surtout décider quelles
seront les lampes éteintes ou allumés et ainsi
la modifier. Quoi de plus banal pour l'internaute que de
cliquer sur son écran sur des images d'ampoules et de
voir ensuite une image qui a changé ?
|
|
|
L'action semble relever du degré
zéro de l'action à distance. A la différence
près que "là-bas", c'est l'environnement quotidien de
gens qui travaillent et que "d'ici" nous nous permettons de le
modifier, nous les voyons traverser le hall, vivre.
The Light on the Net nous rappelle que cliquer sur une image est une action qui a des
"vraies" conséquences. Il est intéressant de noter que
les japonais dessinent parfois des kanji avec les lampes, donc des
signes qui ont un sens pour ceux qui les voient ... et qui ne sont pas uniquement
sur Internet. "Ici" et "là-bas" se télescopent et ne
relèvent plus d'un nombre plus ou moins élevé
d'heures d'avion (ou de train pour les japonais !).
Mars Pathfinder
NASA/JPL
http://www-mars.cnes.fr
|
Le 4 juillet 1997, l'humanité a
roulé sur Mars. L'équipe de
JPL ne s'y est d'ailleurs pas trompée qui a
titré la première image de Sojourner "Six
Wheels on Soil". Mars
Pathfinder (juillet-octobre
1997), NASA/JPL, est la première expérience de
téléprésence de cette ampleur. Dans son
article Live From
Mars, 5
Eduardo Kac écrit que
par delà la réalisation technique et
scientifique, il s'agit également d'une
expérience esthétique : Quelques
uns des aspects esthétiques uniques à cet
événement de téléprésence
sont la relativité de l'espace et du temps [...] ; la
nature de l'interface humain-machine (combinaison de
téléopération et d'autonomie du robot)
; la manipulation à distance ; [...] la capture, la
transmission, la réception, le traitement et
l'affichage des images ; l'instantanéité des
images [...]
6.
|
|
|
Nous ajoutons que si la mission Mars
Pathfinder a pu être perçue comme une expérience
d'ordre esthétique, c'est parce qu'auparavant, des artistes
avaient déjà modifié notre conscience et notre
perception par des oeuvres de téléprésence.
C'est aussi parce que, passé le jour de
l'événement relayé par toutes les
télévisions du monde entier, le quotidien,
l'avancée, les blocages et les images prises par la sonde et
le robot étaient accessibles, immédiatement, via
Internet. Et, même si nous ne manipulions pas nous-mêmes
le robot, comme les autres membres de l'équipe de JPL, comme
les scientifiques, nous étions "penché par dessus
l'épaule" des navigateurs de Sojourner. L'action de nous
connecter régulièrement, d'une certaine façon,
remplaçait, se substituait, à l'action de donner des
ordres au robot. Comme ses navigateurs, nous utilisions les
mêmes instruments, la même interface : un clavier et un
écran d'ordinateur.
Il y aura d'autres oeuvres de
téléprésence "et d'autres missions sur la
planète rouge ou sur d'autres corps célestes" mais,
pour la téléprésence et pour la
télérobotique, il y aura un "avant" et un
"après" Sojourner.
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
C - AUTRES EXEMPLES
D'OEUVRES
-----> [Sommaire]
- [Début du
Chapitre]
Conclusion
Plusieurs constats se dégagent aujourd'hui
:
- certaines oeuvres sur Internet relèvent
de formes identiques à d'autres types d'oeuvres de l'art
électronique ou s'inscrivent dans une continuité
conceptuelle.
- si certaines relèvent uniquement d'une
des catégories définies ici, de plus en plus
d'oeuvres sont hybrides, d'autres inventent sans cesse de
nouvelles formes et de nouveaux langages.
- beaucoup d'oeuvres sont évolutives et,
contrairement à ce que l'on aurait pu penser, et à
ce qui a été dit et écrit, beaucoup sont
temporaires, ce qui soulève, comme dans d'autres domaines
de la création artistique, des questions de trace et
d'analyse historiques.
enfin, et surtout, ces oeuvres sont exigentes pour
leur public : elles demandent une grande attention, du temps pour les
voir, une implication active, de revenir périodiquement les
voir et interagir avec elles. Il nous semble que pour la
première fois dans l'histoire, nous sommes face à des
oeuvres que l'on est obligé de "suivre" dans le temps si on
veut prétendre les connaître. Ce sont, d'une certaine
façon, des oeuvres "vivantes".
Annick Bureaud
<bureaud@altern.org> -
Janvier 1998.
Notes
En cliquant sur les numéros, vous
reviendrez sur le texte que vous étiez en train de
consulter.
1 - Pour plus de
détails voir FOREST Fred, 100 actions, Z'Editions, Nice,
1985
2 - POISSANT Louise
sous la direction de, Dictionnaire des Arts Médiatiques,
Presses de l'Université du Québec, Montréal,
1997.
3 - Traduction d'une
partie du texte d'introduction du site
4 - Idem
5 - Article que l'on
peut trouver à l'URL
http://www.ekac.org et qui a
été repris par Leonardo
Electronic Almanac.
6 - Traduction Annick
Bureaud
|