Catalogue de l'exposition LUMIERE ET MOUVEMENT au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris.
du 18 mai au 28 août 1967
par FRANK J. MALINA
De l'art cinétique
L'intérêt pour les diverses manifestations de l'art cinétique - c'est-à-dire un art qui emploi le mouvement comme mode d'expression artistique - semble grandir sans cesse. L'art cinétique ne constitue pas l'une des étapes de la recherche du style ou de la fantaisie maniériste, il est en soi un art nouveau, qui vient s'ajouter à la peinture et à la sculpture. Il se rattache évidemment, dans son propos, à la peinture et à la sculpture traditionnelle. Je crois que l'artiste comme le poisson dans la mer ne peut échapper au monde dans lequel il vit. L'œil de l'artiste ne lui permet pas, à la manière d'un dieu, de créer à partir de rien ; l'artiste reflète et transpose pour l'œil et le cerveau de ses contemporains, des aspects choisis de l'univers de l'homme et de la nature que ses sens lui permettent de percevoir.
Dans la phase actuelle du développement de l'art cinétique, il me semble que les artistes tâtonnent d'une façon empirique dans plusieurs directions pour dégager des formes d'expression qui pourraient, dans l'avenir, d'être reconnues comme symboles de notre temps.
Il y a controverse entre artistes cinétiques utilisant le mouvement mécanique, et mouvement de la lumière ; des paysages géométriques (surtout euclidiens), ou un vaste éventail de visions que nous propose l'exploration de la nature ; entre ceux qui emploient une palette limitée (des couleurs primaires, ou rien que le noir et blanc), ou toutes les couleurs du spectre ; de stricts contours mécanistes et de plates surfaces colorées, ou bien une large gamme de formes et toutes les nuances des ombres … etc. Chose curieuse, les artistes cinétiques traitent rarement les sujets qui préoccupent encore nombre d'artistes dans la peinture et la sculpture statiques notamment, la figure humaine, les objet perceptibles à l'œil nu ou les scènes de la vie quotidienne (anecdotiques ou non).
Dans les sciences naturelles, l'étude physique de la structure de la matière était sous les feux de la rampe depuis un demi-siècle à peu près. Ce qui explique sans doute que maints artistes et théoriciens de l'art ont eu tendance à penser et à voir ainsi. Tendance, selon moi dangereuse, avec son engouement pour l'absolu, car le devenir de l'homme et la variété de la nature ne peuvent être limités par des règles étroites et arbitrairement choisies en un quelconque moment du temps. Il semble inévitable, certes, qu'un artiste soit tenu de se limiter, et se spécialise dans des expériences particulières : mais l'adhésion des connaisseurs prouvera en définitive si son œuvre, oui ou non, a une signification réelle dans leur propre vie.
FRANK J. MALINA
© Frank Malina & Leonardo/Olats
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