Les Photogrammes
par Sylvie Lacerte
Les photogrammes, des photographies sans caméra, furent " réinventés " par Man Ray et Moholy-Nagy au début des années vingt, alors qu'ils ne se connaissaient pas encore. Leurs expérimentations furent effectuées indépendamment les unes des autres. Mais c'est en " 1835 que Fox Talbot créa le premier photogramme brut en couchant de la dentelle sur un papier traité d'une émulsion sensible à la lumière. " 1 Selon Moholy-Nagy, pour être un bon photographe, il était nécessaire de connaître les propriétés de cette émulsion sensible à la lumière.
Dans son livre Vision in Motion (1947), Moholy-Nagy présente toutes les étapes de création et de production d'un photogramme. Néanmoins, il devient évident pour le lecteur que les mystères des effets de la lumière, et aussi de l'espace, animèrent ses recherches et furent au cœur de ses préoccupations pour plusieurs autres genres d'expérimentations qu'il aura menées tout au long de sa vie.
" Lorsque le photogramme est compris comme étant un rapport diagrammatique du mouvement de la lumière, traduit dans des valeurs de noir, de blanc et de gris, cela mène à l'appréhension de nouveaux types de relations et de rendus spatiaux. Les valeurs régressives et progressives des gradations, qui sont en fait des projections des canaux lumineux, peuvent être utilisées pour l'articulation de l'espace - plus précisément de l'articulation espace-temps.
L'architecture et l'image en mouvement, lesquelles sont animées par la lumière, devraient pouvoir trouver un nouveau souffle par le biais de cette articulation. " 2
Aussi, pour Moholy-Nagy, il était essentiel que la technique du photogramme ne soit pas réservée qu'à une petite cellule d'experts. Au contraire, il considérait, que loin d'être sophistiquée, cette manière de faire de la photographie pouvait tout aussi bien intéresser le spécialiste que le profane.
La compréhension des valeurs lumineuses et spatiales étant l'élément fondamental des possibilités offertes par l'appareil photographique, Moholy-Nagy était convaincu que la maîtrise de la technique du photogramme menait invariablement à la maîtrise de la caméra. Il disait que " la bonne photographie, au moyen d'un appareil, doit nous permettre de capturer l'interrelation de la lumière et des ombres, exactement de la même façon que le permet la photographie sans caméra. Alors, la photographie est la traduction d'un monde saturé de lumière et de couleurs vers celui d'un autre monde constitué de gradations de noir, de blanc et de gris." 3
© Sylvie Lacerte & OLATS, 2000
1 Moholy-Nagy, L. (1947) Vision in Motion. Chicago : Paul Theobald and Company. 1965, p.187 ( Trad. des citations Sylvie Lacerte)
2 op.cit., p. 188-189 (Trad. S. Lacerte)
3 op.cit., p. 189 (Trad. S.Lacerte)
|