Les photographies Noir et Blanc
by Sylvie Lacerte
" La photographie est un nouveau médium. Comme ses règles n'ont pas été figées en des dogmes inaltérables, elle recèle un grand potentiel pour l'expérimentation. De plus, il est possible, par analogie, de trouver des pistes, d'aborder d'autres médiums avec une inspiration renouvelée. En fait, l'on peut présumer que l'analyse de la photo, du dessin et de la peinture peut se révéler réciproquement éclairante pour chacun de ces médiums. " ( Vision in Motion 1947 : 177)
Moholy-Nagy utilise un joli jeu de mots lorsqu'il dit des trois média qu'ils peuvent " s'éclairer " les uns les autres, la photographie n'étant possible que par l'intervention de la lumière. Néanmoins, pour un médium qui n'existait que depuis une centaine d'années, au moment où il écrivit ces lignes, il était pour lui indéniable que la photographie devait être appréhendée comme un matériau (technique bien sûr) qui pouvait mener à la création d'une œuvre d'art. Mais, pour ce faire, il était essentiel de comprendre la photographie à travers une lunette autre que celle des arts traditionnels. Il disait à ce sujet : " Mais, de manière fondamentale, les nouvelles découvertes ne peuvent être confinées trop longtemps à des mentalités appartenant à des époques révolues. " 1 Une réflexion qui se révèle encore d'actualité aujourd'hui, si l'on considère les résistances parfois véhémentes qui persistent envers certaines œuvres numériques ou virtuelles.
Certes, Moholy-Nagy. admet que la photographie a été, jusqu'à son époque, d'un secours incontestable pour documenter notamment, les expérimentations scientifiques, illustrer les propos des journalistes dans les quotidiens et autres périodiques en plus de servir aux forces constabulaires pour tenter d'élucider certains crimes et ce, en toute connaissance des propriétés technologiques, optiques et chimiques de ce jeune médium. Il. convient aussi que la photographie a eu un impact considérable dans la culture visuelle, mais qu'en revanche ses possibilités créatrices étaient encore très peu exploitées et qu'elle était, en fait, perçue avec méfiance par les artistes.
[…] " comme en peinture, nous devons apprendre à voir dans une photographie, non pas " l'image ", non pas le rendu étroit de la nature, mais un instrument idéal pour l'expression visuelle. Si nous pouvons voir dans les éléments authentiques de la photographie, le véhicule autonome qui permet un impact visuel direct, fondé sur les propriétés de l'émulsion sensible à la lumière, alors le domaine de la photographie s'approchera de plus en plus de "l'art ". " 2
Selon l'auteur " la photo noir et blanc a révélé pour la première fois l'interdépendance de l'ombre et de la lumière. " 3 D'ailleurs, Moholy-Nagy parle plutôt de photographie noir, gris et blanc, pour illustrer la multitude de nuances auxquelles il est possible d'accéder avec ce médium. Aussi, le perfectionnement de sources lumineuses électriques (lampes et projecteurs divers à bas ou haut voltages) a permis de développer toute une gamme de variations dans les effets lumineux, en plus d'obtenir de nombreuses possibilités dans la gradation des ombres. C'est grâce à ces nouveaux " effets " que les images ont pu s'animer et ainsi atteindre un certain raffinement dans la représentation des détails. Les détails, non pas en termes d'un rendu qui détiendrait des qualités du vérisme de la reproduction, mais plutôt en termes de la sensibilité que permet la " maîtrise des propriétés intrinsèques à la photographie. " 4
Ces préceptes de la photographie noir, gris et blanc étaient la base même du médium pour Moholy-Nagy et pouvaient aussi bien s'appliquer pour la photographie couleurs.
Plusieurs photos noir, gris et blanc illustrent l'ouvrage Vision in Motion. Elles sont signées notamment par : Nathan Lerner, Lewis Fay, William Keck, Berenice Abbott, Milton Habe, Alfred Stieglitz, Moholy-Nagy et plusieurs autres.
© Sylvie Lacerte & OLATS, 2000
1 Vision in Motion, p. 177 ( Trad. Sylvie Lacerte)
2 op.cit., p. 178 (Trad. S. Lacerte)
3 op. cit., p. 178 (Trad. S. L.)
4 op. cit., p. 185 (Trad. S. L.)
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