Ce cédérom est une adaptation d’un livre de Kveta Pakovska, artiste tchèque née en 1928 et célèbre dans le monde entier pour ses livres illustrés destinés aux enfants. On retrouve un univers coloré des affichistes et graphistes d’Europe de l’Est, une grand économie de moyens, une efficacité redoutable dans le souffle poétique, une rare adéquation entre univers sonore et monde graphique.

Ce cédérom a ceci de spécial qu’il ne contient pas de texte, ni parlé, ni écrit. Il passe donc les générations et les frontières enchantant les uns et les autres de son inutilité. Il est inclassable, ni produit pédagogique, ni jeu, ni cédérom d’art ou bien les trois à la fois.

Il propose à tous ses publics une découverte aléatoire de l’alphabet via trois interfaces : souris, clavier et micro. Dans Alphabet, il y a 50 scènes ou tableaux différents, plus de mille sons, de multiples heures de musique et de graphisme. Chaque lettre réserve une surprise : collage musical, un puzzle, un pliage, une petite chanson à reprendre, une danse… Il y a le g dévoreur, le a qui chante, le z rhinocéros à mettre en couleur. La navigation, intuitive et sensible, transforme l’univers des lettres au rythme impulsé par l’utilisateur.

Voici quelques propos empruntés à Jean-Jacques Birgé,  co-auteur de ce cédérom : " L’algorithme, suffisamment ouvert, doit permettre à chacun de s’approprier l’œuvre. Le principe est toujours de réfléchir à la sensibilité cachée de l’utilisateur.(…)  Loin de la perfection mécanique, je cherche à créer de l’instabilité. Avec les techniques de l’aléatoire et de l’empilement… ". (in Le Monde Interactif du 23 février 2002, article de Claire Sassus, p. 3)

L’utilisateur est maintenu comme en flottement, en agitation perpétuelle, à la surface de l’écran. Ce cédérom réalise la prouesse d’offrir de la poésie tout en évitant obstinément le moindre mélange des lettres entre elles, barrant ainsi la route à la construction de mots, de sens à la croisée des graphismes et des sons.

Ce cédérom appartient à la même veine que Small fish  (de Kiyoshi Furakawa, Masaki Fujihata et Wolfgang Munch, ZKM, 1999) dans lequel 15 jeux sont regroupés, alliant texte, son et image et invitant le joueur à composer une musique par une manipulation d’images d’animaux et de végétaux.

Murielle Lefevre, Frédéric Durieu et Jean-Jacques Birgé poursuivent leur travail de conception multimédia ensemble ou séparément. Pour en savoir plus, il est recommandé d’aller voir les sites : lecielestbleu, dadamedia , cinq-ailleurs , flyingpuppet.

Méritent aussi le détour les autres cédéroms de Murielle Lefevre avec Dadamédia : Le Théâtre de Minuit, également d’après Kveta Pakovska, Syrinx, 1999 ; Le livre de Lulu d’après Romain Victor-Pujebet, Flammarion, 1995 et Minuit fantôme, d’après Jacques Duquennoy, Syrinx, 2000.

Il conviendrait d’évoquer aussi d’autres productions sur cédéroms destinées a priori aux enfants et riches d’inventivité, de gestes artistiques : J’ai trouvé ! Le Manoir Hanté chez Gallimard (1999), d’après I spy spooky night de Jean Marzollo et Walter Wick ou encore la série comprenant : Le fabuleux voyage, L’île mystérieuse, L’album secret, et La boîte à bidules de l’Oncle Ernest , chez Emme.