Peter Gabriel est connu comme pop star, d'abord avec le groupe Genesis, puis seul. Il a créé sa société de production multimédia Realworld.

Ondes concentriques dans un liquide rose avec des bulles qui se forment à la surface. Bruitage lent. Le ton est donné. Le Paradis a été perdu, le monde est couvert de boue.
L'enjeu pour l'utilisateur est -tel Adam/Peter séparé d'Eve par la force - de trouver Eve et regagner le paradis, en évitant les embûches semées sur le parcours : profit, leurres, ruine.

Le cédérom est bâti sur le modèle du jeu de fiction. Il s'agit d'une quête érotique et spirituelle ; d'une expérience musicale et artistique. Pour franchir les étapes, l'utilisateur doit faire certaines rencontres. Le parcours varie suivant ses interactions. A chacun des mondes abordés est associée un artiste, ami de l'auteur.

En effet, dans le cours du jeu, Peter Gabriel convoque et présente ses amis artistes et leurs œuvres. Il procède un peu comme le font de nombreux artistes sur le web en insérant des liens vers des sites connexes. Il estime qu'ils sont, eux, spécialistes des objets visuels (visual things). L'utilisateur, au détour des écrans, tombe sur une des 18 œuvres avec accès à une galerie de cet artiste.
Chacune des propositions des quatre artistes est appariée à une chanson de Peter Gabriel :

• Yayoi Kusama donne le ton au monde de la boue et est associée à la chanson Come talk to me. Les séquences liées traitent des " cœurs esseulés " et convoquent des psychiatres et thérapeutes;
• Helen Chadwick applique sa touche au monde du jardin, lié à Shaking the tree;
• Cathy de Monchaux teinte le monde du profit, associé à la mélodie d'In your eyes;
• Nils Udo évolue dans le monde art et nature dans l'environnement sonore de Passion.

L'utilisateur peut également composer et faire de la musique dans ces espaces-galeries. Des jouets musicaux l'y attendent : les IMX. Ce sont 3 expériences musicales interactives.

Il y a en outre des pièces thématiques, espaces où l'utilisateur peut acquérir des connaissances dans des domaines variés au travers de rencontres avec des scientifiques, des écrivains, des thérapeutes -des experts dans leur domaine- (Orlan, Dr David Perrett, Kathy Acker…). Gabriel propose là au public une rencontre des esprits, un grand projet utopiste d'accès au savoir universel. L'œuvre devient collective et s'ouvre.

Par ailleurs, Peter Gabriel invite l'utilisateur à la déconstruction de son travail, véhicule d'idées et de contenus émotionnels. Le public peut jouer avec sa musique, en faire sa propre interprétation et se perdre dans son univers.

De plus, tout un tas de possibilités, mettant en œuvre des technologies diverses, sont offertes à l'utilisateur : l'enregistrement, le mixage, l'envoi par Internet de séquences sonores, le téléchargement de mix préenregistrés, l'utilisation d'un écran vidéo interactif où images et sons peuvent être assemblés.

Dans Xplora 1, Peter Gabriel délivrait des messages sur les droits de l'homme et la protection de l'environnement.
Dans Eve, il prône l'amélioration de la condition féminine et l'enrichissement des relations humaines par le dialogue ; il propose une réflexion sur la différenciation sexuelle. Eve explore aussi plus généralement la compréhension, la communication entre les être humains.

Nous avons affaire ici à un cédérom complexe, qui regorge de propositions généreuses et rappelle le vœu formulé par de nombreux artistes d'un art total. Ce foisonnement dissimule l'écriture numérique propre à Peter Gabriel. Avant d'atteindre une réelle distanciation avec l'œuvre, l'utilisateur doit consacrer des heures à cette balade initiatique, avec plaisir.