Immemory
Chris Marker, Jériko, 1997
Produit par le Centre Georges Pompidou, Musée National d'Art Moderne, Service nouveaux media / Les Films de l'Astrophore, Paris/Nosferatu, Helsinki/Le Centre pour l'image contemporaine de Saint-Gervais, Genève
PC - Macintosh
45 € environ
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Page d'intro Capture d'écran Immemory © Chris Marker, 1997 |
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Ecran de choix Capture d'écran Immemory © Chris Marker, 1997 |
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Zone Guerre Capture d'écran Immemory © Chris Marker, 1997 |
Il est dérisoire de vouloir consulter rapidement ce cédérom. L'envie de continuer et de lire l'emporte. Le parcours devient une errance, toujours riche, abîme des souvenirs, de la pensée vagabonde et de la mémoire sans l'oubli (n'est-ce pas cela l'immémoire ?).
Chris Marker 1 a exprimé l'importance qu'avait à ses yeux le cédérom et plus généralement le multimédia dans une interview pour Libération en 1999 : " Non seulement le multimédia est un langage entièrement nouveau, mais c'est LE langage que j'attendais depuis que je suis né. " disait-il. Et déjà, dans Sans Soleil, l'ami japonais s'exprimait en ces termes : " La matière électronique est la seule qui puisse traiter le sentiment, la mémoire et l'imagination".
Ce cédérom est un immense assemblage de fragments. On le parcourt suivant un mélange d'aléatoire et de feeling. L'approche est tactile, sensible, discrète, suave.
Immemory, cette mémoire impossible ou immémoire, est cartographiée, architecturée autour de huit zones : poésie, guerre, musée, cinéma, photographie, mort, mémoire et voyage.
La simplicité trompeuse de cette architecture se révèle extraordinaire et originale dans l'ivresse -voire le vertige- qu'elle suscite chez l'utilisateur.
La navigation, conventionnelle dans son ensemble, se fait en utilisant les différents sommaires de l'arborescence ou par liens hyperimages ou hypertextes… et surtout avec l'aide de Guillaume-en-Egypte, le chat aimable et serviable -Chris Marker est un grand amateur de chats et de chouettes- , qui guide la souris. Le félin investit l'image quand ça lui chante, muni de bulles explicatives. Ses messages s'affichent de manière aléatoire pour indiquer une bifurcation possible, proposer un choix ou faire un commentaire. C'est l'alter ego de Chris Marker, un double animal qui n'hésite pas à entrer en scène, à la différence de son maître.
Immemory est une oeuvre utopique qui fait penser à Giuseppe Penone pris dans une recherche sur la surface sensible du cerveau et sa représentation ; à Boltanski avec les boîtes nécrologiques qui sentent les catacombes de la mémoire ; et au Facteur Cheval qui fournit dans un foisonnement baroque une multitude d' informations. On trouve tout dans ce cédérom -comme à la Samaritaine- : les marottes, les obsessions, les pérégrinations, les commentaires acerbes et ironiques de Chris Marker… L'utilisateur erre entre le grenier et l'album de photos de famille.
Nous rejoignons Barthes, qui a noté en marge d'un portrait qu'il a fait de Chris Marker : plaisir, bavardage, peur du vide, trop plein.
C'est une œuvre poétique mais aussi sociale et politique comme l'œuvre cinématographique de Chris Marker. Il interroge à nouveau les rapports entre la mémoire, le temps et le monde (comme dans Level 5, Sans Soleil et La Jetée)
C'est une œuvre autocentrée mais qui demeure ouverte sur l'extérieur, sur l'autre, sur le monde.
Raymond Bellour parle de la dimension autobiographique de cette œuvre en ces termes :
" Immemory n'est plus un essai, hanté, comme Sans Soleil, par la fiction d'un autoportrait qui s'y trace en filigrane ; c'est un autoportrait habité par des forces neuves, qui s'ignorent en partie encore et le sait. "
Et pourtant on n'entend pas de voix off, pas d'interview, on ne trouve pas de photo de Chris Marker. Juste Guillaume.
Pour prolonger la réflexion sur l'écriture numérique de Chris Marker, il conviendra de guetter l'avancement du projet, qu'il a formulé avec l'équipe du Centre Georges-Pompidou, de se lancer dans la réalisation d'un site web croisant mémoire personnelle et mémoire collective vive (interactive, en temps réel). Chris Marker a aussi parlé de son envie de faire un autre cédérom : " Des chouettes à midi " animé par l'idée de mettre en lumière des êtres de l'ombre et le désir de reconstituer ainsi, à partir de détails infimes, le portrait d'une époque.
Note:
1 - Cf. RIVOIRE Annick.- " Tranche d'immémoire " in Libération Multimédia du 8 janvier 1999 p. I
Anne Clotilde Boussand <acbousan@club-internet.fr>
- Avril 2003.
! Les images présentées sont des captures d'écran. Elles sont protégées par le droit. Pour toute reproduction, contacter les auteurs et/ou les éditeurs du cd-rom.
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