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Capture d'écran © ubisoft, 1997 |
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Capture d'écran © ubisoft, 1997 |
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Capture d'écran © ubisoft, 1997 |
Ce cédérom est un jeu inspiré de la trilogie de Nick Bantock : Sabine et Griffin, Les Carnets de Sabine, Le Nombre d'or, aux Editions Abbeville (pour la version française).
Il est basé sur la correspondance amoureuse entre les deux protagonistes Sabine -vivant dans une île du Pacifique- et Griffin -artiste londonien-, à qui Marie Trintignant et Tom Novembre ont prêté leurs voix.
Sabine semble connaître les œuvres de Griffin mieux que lui-même et lire dans ses pensées créatrices, sans l'avoir jamais rencontré.
Le processus amoureux, la construction de la relation se fait en 3 étapes, intitulées respectivement :
- le faucon : Sabine et Griffin font connaissance mystérieusement et se plaisent
- le griffon : Griffin dépasse les limites de la vraisemblance en acceptant ce personnage venu d'ailleurs
- le sphinx : Sabine et Griffin évoluent assurément dans un autre univers.
La progression dans le jeu se fait de carte postale en lettre que s'envoient Sabine et Griffith (58 au total). Chaque nouvelle carte amène une nouvelle énigme que l'utilisateur doit résoudre pour connaître le message de l'un ou l'autre, pour comprendre l'histoire et surtout pour continuer à jouer.
La navigation est linéaire : l'utilisateur est obligé de passer par chaque étape, selon un ordre unique. Un rythme de consultation lent est imposé : celui de la lecture à haute voix. L'utilisateur peut retourner en arrière et revoir les lettres déjà lues.
Les dimensions visuelle et sonore sont exploitées selon un registre serré : texte écrit et texte parlé entretiennent un rapport ambigu. L'écrit est en anglais, la voix est en français. Les graphismes animés 2D et les sons et bruitages associés introduisent un troisième niveau. Ces trois mondes communiquent-ils vraiment ? Sont-ils perméables les uns aux autres ?
La surprise est au bout de la souris, seule interface pour interagir avec le cédérom : la souris devient invisible ; la souris attrape un élément de la scène et le dirige ; un " roll over " déclenche l'action ; un clic ou un cliquer-tirer ouvre la lettre.
Les énigmes se ressemblent. Les micro-événements adviennent à l'écran selon un mode qui frise le procédé.
Les animaux semblent flotter dans un monde parallèle à celui des amants platoniques : quelque part entre les îles du Pacifique et l'Angleterre, à la surface des enveloppes. Ils sont de mèche avec les facteurs.
La dimension fantastique croît avec… l'épaisseur du personnage de Sabine, qui pourrait bien n'exister que dans la tête de Griffin.
On pense à Level 5 de Chris Marker, à Dans la peau de Malkovich ; à La correspondance de Madame de Sévigné, à la Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, à ces duos où le public est pris à témoin d'une relation amoureuse naissante ou inavouée.
Ici, le public est voyeur, ou plutôt auditeur des échanges entre les amants, dans la mesure où les lettres sont si denses qu'il les entend, comme eux.
Ce cédérom soulève de nombreuses questions sur le dialogue amoureux, souvent sans réponse.
Le mode épistolaire comme principe de découverte de l'autre est-il suranné, dépassé ? Sans doute pas si l'on considère le succès des textos, messages SMS, des mails, du minitel rose et maintenant les sites de rencontre.
Que devient l'amour avec la distance. L'amour à distance existe-t-il ?
Que peuvent les mots écrits de l'amour ?
Quels sont les liens secrets qui unissent amour et voyage, amour et exotisme ?
En quoi la peur et l'attirance de l'inconnu, de l'étranger, de l'Autre font-ils partie intégrante de l'amour ?
Au fil de ses lectures, de son parcours dans le cédérom, l'utilisateur en vient à se demander à quelle cérémonie il assiste, entre Sabine et Griffin.
A la lente tombée en amour, déraisonnable.
Anne Clotilde Boussand <acbousan@club-internet.fr> - Avril 2003.
! Les images présentées sont des captures d'écran. Elles sont protégées par le droit. Pour toute reproduction, contacter les auteurs et/ou les éditeurs du cd-rom.