Trust Me, I'm an Artist - Journal de bord (Diary)
Tout au long de ce projet, je vais tenir un journal de bord de ma participation, avec des comptes-rendus des réunions et des rencontres, mais aussi mes réflexions, lectures et interrogations. Annick Bureaud
- Mortelle immortalité
Lundi 26 octobre 2015
Le 16 octobre dernier, l'artiste Isabelle Bonté-Hessed2 (http://www.isabelle-bonte.com) a débuté une nouvelle série de travaux. Chaque jour, elle prend une fleur et la recouvre de paraffine. Puis, elle prend une photo de la fleur dans son écrin mortuaire qu'elle met sur Facebook. Les fleurs proviennent de différentes origines : offerte lors du vernissage de son exposition pour la première, trouvées dans les interstices du pavé parisien pour d'autres, ou encore dans un pot, sur un rebord de fenêtre, dans une dernière floraison automnale. La paraffine est un des médiums de l'artiste, avec lequel elle a réalisé d'autres œuvres.
Isabelle Bonté-Hessed2
fleur dans la paraffine n°1
16 octobre 2015
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Est-ce parce que, au travers de Trust Me, I'm An Artist, je suis sensibilisée aux questions éthiques ou bien, plus simplement parce que les plantes sont pour moi des êtres vivants aussi dignes de respect que les animaux, mais ce projet me trouble. Il est clairement paradoxal et énoncé comme tel. L'artiste commence chaque commentaire sous la photo de chaque fleur sur Facebook par cette phrase "Je décide d'honorer chaque journée par une fleur" et termine la description de l'origine de la fleur par "Je l'écrase et la recouvre de paraffine. Elle s'en trouve effacée et conservée. Un double jeu ; celui de la vie."
Pour moi, ce projet évoque celui décrit dans les romans, de savants ou d'esthètes obsessionnels qui, sous prétexte de conserver la beauté éternelle, tuent les créatures qu'ils aiment et les arrangent délicatement dans des cabinets de curiosités. Le médium -la paraffine- et les "sujets" -les fleurs- ont une réminiscence du 19ème siècle, à la croisée d'une alchimie (la vie -ou la beauté- éternelle promise par la paraffine) et d'une science positiviste (le catalogage descriptif de l'herbier).
Tous les jours, je vois la nouvelle photo et la nouvelle fleur ainsi sacrifiée. "C'est beau" disent certains commentaires. En effet. D'une mélancolique beauté. Je ne peux m'empêcher d'y voir la mort de la plante. Mais quelle différence avec le bouquet que je mets chez moi ? Dans un film (ou une série télévisée, je ne sais plus), un humain apporte à un être extra-terrestre hospitalisé un bouquet de fleurs. L'extra terrestre dit que, dans sa civilisation, cela ne se fait pas d'offrir un être mourant pour réconforter quelqu'un. Le systématisme du projet qui est prévu sur une année renforce mon trouble. 365 fleurs figées dans la paraffine, comme un bouquet pour un enterrement, mais ici ce sont les fleurs elles-mêmes qui sont les cadavres.
Si cette œuvre s'inscrivait dans le champ du bioart, comment réagirions-nous ?
Je n'ai vu que les photos, j'aimerais voir les objets.
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