Abraham Palatnik naît à Natal, au Brésil en 1928. Il est issu
d’une famille juive russe installée à Natal depuis 1912. En 1932, les
Palatnik s’installent en Israël où le jeune Abraham poursuit des études
artistiques et scientifiques ( physique et chimie). Il aborde l’art en
s’initiant dans un premier temps aux techniques traditionnelles du dessin et
de la peinture. Dès le début des années 1940, il réalise des œuvres
figuratives quelque peu influencées par l’expressionnisme.
1948 marque à bien des égards un tournant décisif dans sa
formation. Il retourne vivre au Brésil et travaille en milieu psychiatrique
dans un service de thérapie rééducative. Il y découvre l’art des
malades mentaux et une approche de la création artistique qui l’amènera à réviser
son approche personnelle. “ Je me retrouvais ”, dit-il, “
face à ces gens qui n’avaient jamais reçu la moindre formation, et qui
cependant produisaient des oeuvres recourant à un langage complexe et profond.
” La même année, il fait la connaissance de Mario Pedrosa, critique d’art
et militant marxiste qui s’est fait remarquer par ses études sur l’art des
schizophrènes et les méthodes de la thérapie Gestalt. Les deux hommes
sympathisent ; Palatnik s’intéresse de plus en plus à l’interaction
art/psychologie et perception des formes.
C’est à partir de cette époque qu’il s’écarte des techniques
dites traditionnelles, et s’engage dans la création d’objets cinéchromatiques
qui feront de lui un des précurseurs la tendance constructiviste brésilienne
incarnée par le Groupe Frente et le Groupe Ruptura. Apporter à
l’art pictural le “ potentiel de la lumière et du mouvement dans le
temps et l’espace ” deviendra un des principes moteurs de sa recherche.
1949 et 1950 sont placées sont sous le signe de l’innovation : il réalise
ses deux premiers objets cinéchromatiques. “ Sur un écran plastique
recouvrant le devant des deux objets ” explique Frederico Morais, “ il
projeta des couleurs et des formes animées par des moteurs électriques, créant
ainsi un effet chromatique lumineux doté de son propre rythme. En utilisant
moteurs et lampes, il remplaça la peinture - en tant que matériau dimensionnel
- par la lumière réfractée ”
En 1951, il participe à la première Biennale de Sao Paulo, événement
de taille qui incarne l’aspiration d’une génération d’artistes à
s’engager à part entière dans la voie de l’innovation. C’est pour
Palatnik l’occasion d’exposer son premier prototype cinéchromatique : Blue
and Purple in First Movement dont la nouveauté formelle déconcerte littéralement
le premier jury de la Biennale. Le deuxième jury au contraire en reconnaît le
caractère novateur et récompense l’artiste en lui attribuant une “ mention
honorable ”. Son ami Mario Pedrosa à qui l’on doit l’invention du terme
“ cinéchromatique ”, encense son travail dans un article publié
la même année dans “ Tribuna da Imprensa ”, définissant son oeuvre comme “ l’art véritable du futur ”.
En 1964, sa “ Machine qui peint ” remporte un vif succès à la
Biennale de Venise. A la même époque, il entame une série d’objets cinétiques
conçus à partir de fils et baguettes métalliques reliés à des disques aux
couleurs multiples. A partir de 1965, il innove une fois de plus avec la création
de ses “ reliefs progressifs ” sur lesquels il reviendra dans les années
ultérieures, mais en variant supports et techniques dans l’unique soucis
d’explorer plus avant les notions de rythme, dynamique visuelle et les
rapports temps et mouvement. Considérant aussi l’art sous l’angle du
ludique, il élaborera des objets cinétiques cousins des mobiles de Calder où
l’imaginaire du spectateur est invité à participer au jeu inventé par
l’artiste.
De 1951 jusqu’à aujourd’hui, cet homme qui définit l’artiste
comme l’ordonnateur de la perception dans le chaos de l’univers, n’a cessé
de multiplier les confrontations avec la matière et ces nouveaux matériaux nés
du progrès technologique ; avec la même curiosité, il s’intéresse tout
autant à l’art des tableaux lumineux qu’au design intérieur ou à la création
d’objets artistico- ludiques. Il trouve aussi le temps d’inventer des
appareils industriels et des jeux (ex: le jeu appelé “ carré parfait ”
inspiré des échecs).
Il exposera à la Biennale
de Sao Paulo (en 1955, 1957, 1959, 1961 et 1965), au Musée d’art moderne de Rio de Janeiro (1955), à la “ Petite Galerie ” (Rio de Janeiro, 1965), à la
Biennale de Cordoba (Argentine), à la “ Galeria Nara Roesler ”
(Sao Paulo), et participera plusieurs fois aux
expositions de la galerie Denise René dont celle de 1964 intitulée Mouvement
2 . Sont présents à ses côtés les principaux leaders de la mouvance cinétique
: Frank Malina, Martha Boto, Julio Le Parc, Nicolas Schoffer...
Aujourd’hui encore, l’ITAU Cultural (Sao Paulo) dirigé par
Ricardo Ribenboim lui consacre un splendide hommage, en réunissant une
cinquantaine de pièces originaires des collections privées et publiques les
plus représentatives de la création de Palatnik : “ Le Pionnier
Abraham Palatnik: Machines à
peindre et machines à décélérer ”
Parmi les historiens et critiques d’art et autres personnalités qui
ont le plus travaillé à la reconnaissance de son talent, l’on citera, outre
Mario Pedrosa : Frederico Morais, Aracy Amaral, Eduardo Kac et l’historien d’art anglais Frank Popper.