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Le sublime technologique

COSTA Mario, Le sublime technologique
Iderive, Collection Un oeil, une plume, Lausanne, 1994


Dans ce petit livre dense (48 pages), publié pour la première fois en 1990 en italien puis en français en 1994, Mario Costa propose une nouvelle théorie de l'esthétique, celle du sublime technologique.

Partant de Kant, Costa considére le sublime comme "ce qui ne peut être dit, ni exprimé, la prise de conscience de notre limitation physique et de notre supériorité cognitive, un sentiment de peur et de domination de notre raison". Le sentiment du sublime ne pouvait donc être ressenti que face à la Nature et l'art ne pouvait en aucun cas être sublime puisque par définition "exprimé".

Les nouvelles technologies, notamment télécomputationnelles, créent les conditions d'un sublime par l'attraction/répulsion, peur/domination qu'elles proposent et la situation d'une nouvelle "Nature". Le sublime peut donc être ressenti au travers de l'art. Ce sublime technologique différe du précédent pour Costa en ce sens qu'il est domestiqué, qu'il n'est plus un sentiment individuel issu d'une situation fortuite mais un sentiment issu d'une situation collective planifiée.

A partir de cette définition, il aborde plusieurs questions reposant principalement sur une analyse des images de synthèse (qu'il décrit comme système autonome sans référant) et de l'art de la communication :

- "Expulsion" de l'artiste et plus largement du sujet. L'artiste n'est plus présent dans l'oeuvre technologique (par une trace gestuelle, etc.), il devient un expérimentateur esthétique proposant des dispositifs permettant de contempler ce sublime technologique.

- L'art n'est plus représentation de la subjectivité d'un artiste et l'oeuvre n'est plus l'expression de signifiés. L'art est présentation de signifiants et de logique objective. L'artiste est celui qui dévoile l'essence de la technique. Le sublime technologique est le triomphe de la raison et de la domination de notre intellect logico-mathématique.

- Mise en évidence d'un "corps planétaire" (et d'une conscience planétaire), d'un "être ultra-humain" selon la terminologie de Theilhard de Chardin auquel il se référe.

Ce livre a l'immense mérite de proposer une théorie opératoire pour analyser l'art actuel. Trois points mériteraient cependant une discussion : Costa conserve la notion de "contemplation" du sublime technologique proposé dans les dispositifs des artistes. Le mot "contemplation" implique une attitude passive qui ne nous semble pas rendre compte de la nouvelle place du "récepteur" dans les oeuvres d'art actuelles. Il fonde, par ailleurs, une partie importante de sa démonstration sur la supériorité de la raison et de "l'intellect logico-mathématique", ce qui nous semble très nettement réducteur. Enfin, la définition même du sublime technologique repose sur l'idée de crainte d'une part et de supériorité d'autre part qu'engendrent spontanément la Nature et de manière construite les technologies. Cette crainte et supériorité ne sont-elles pas aussi le fruit d'une méconnaissance des technologies ?

Ces points ne remettent pas en cause fondamentalement la notion de sublime technologique proposée par Costa mais certainement posent une limite à l'utilisation du concept de sublime en référence à Kant pour une théorie contemporaine.

   



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