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Métal et chair. Évolution de l’homme : La technologie prend le relais

Dyens Ollivier, Métal et chair. Évolution de l’homme : La technologie prend le relais, Montréal, Editions VLB, 2000, 175 p.

Compte-rendu par Julien Knebusch, julien_knebusch@yahoo.fr, mai 2002


Ollivier Dyens est assistant professeur de français à l’université Concordia de Montréal, essayiste et poète. Il anime depuis 1999 la revue en ligne " Chair et Métal " (sélectionnée pour ISEA à Paris en 2000), qui s’intéresse aux rapports entre la société contemporaine et la technologie.

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Dans ce livre, articulé en trois parties principales : (Le cratère dans le Yucatán ; Plus ou moins vivant ; La montée des corps culturels), l’auteur nous présente une " compilation d’observations " sur l’émergence de la biologie culturelle. Deux thèmes centraux unissent cette mosaïque de textes, à savoir la question du changement de perception du monde au travers des technologies et la question de la redéfinition de la vie non plus seulement comme substance biologique, mais aussi comme manifestation culturelle. Notre corps biologique se transforme en corps culturel, sous l’action des machines, idées et évolutions politiques et sociologiques. Il entre en symbiose avec la culture (comprise au sens très large, en fait tout ce qui est extra génétique), et nous oblige à reconsidérer notre ontologie.

L’auteur développe la question de la transformation de la perception surtout dans la première partie. Il précise que la perception dépend certes de notre corps, mais de façon plus fondamentale de notre biologie. Il distingue la perception technologique de la perception organique de l’espace et du temps qui nous permet par exemple d’appréhender des échelles complètement différentes (tectonique des plaques).

Les réflexions sur la biologie culturelle sont développées tout au long des trois parties du livre. Dyens estime d’abord que l’on ne peut plus considérer la vie comme un phénomène uniquement organique. Le vivant n’aurait pas de frontières précises et absolues. La vie au contraire serait en train de s’abstraire de sa dépendance organique. L’on doit pouvoir la considérer comme une énergie qui choisit les substrats qui lui sont nécessaires. Ainsi le cyberespace peut être considéré comme " vivant ". L’auteur critique notre compréhension trop biologique du monde qui ne nous permet pas de saisir l’essence et le mystère de la réalité virtuelle.

D’autre part notre nouvelle biologie s’émanciperait aussi de notre corps biologique pour intégrer des plus grands ensembles. Dyens considère que nous interagissons avec le fonctionnement de la biosphère, qu’il présente dans une nouvelle image poétique comme " ruche globale " ; les termes de villages et villes globales ne rendant pas assez compte de notre emboîtement complexe et différentiel avec elle.

L’auteur approfondit finalement la question du corps dans la dernière partie en soulignant son hybridation avec les machines. Il analyse au travers d’exemples littéraires classiques (Wells, Kafka et Orwell) et cyberpunk (Preston, Sterling) comment notre corps s’émancipe de notre biologie. Les machines intègrent notre corps et nous extériorisons notre corps dans les machines. Cette hybridation du corps serait un fait particulièrement caractéristique du XX ème siècle (camps de concentration, intervention génétique, répression politique). L’auteur conclut par notre disparition en tant qu’êtres humains.

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Ce livre se distingue notamment par la sensibilité poétique de l’auteur, mais n’est pas sans soulever des questions.

Le premier débat est la question de la nouveauté relative du corps culturel. Des penseurs tels que Leroi-Gourhan, Serres et Berque ont montré que le corps a toujours été en rapport avec la technologie, or Dyens, qui est conscient de cette histoire, estime pourtant que nous devenons des corps culturels. L’auteur délaisse la question de fond de savoir en quoi les technologies actuelles remodèlent différemment notre rapport au monde que les précédentes, voire même que les premières de l’humanité. " À partir de quand la vie devient-elle artificielle ? ". La question est posée tout au long du livre, mais n’obtient pas de réponse. De quel droit alors parler de changement de notre ontologie même ? Ne vaut-il pas mieux considérer que notre corps a toujours été culturel et analyser plus précisément, tel que Philippe Quéau, comment le virtuel en relativisant les catégories de la raison classique (espace, corps et vision) change, voir seulement complexifie certains aspects de notre ontologie (telle que la conception spatiale de l’être) ?

Le deuxième débat découle du premier et concerne les assertions de l’auteur sur la vie artificielle. L’auteur propose une définition très large de la vie et de discuter les frontières du vivant, mais n’engage pas le débat avec l’Etre (de Heidegger). Or ce débat n’est-il pas fondamental pour pouvoir spéculer sur la nature des vies artificielles ?

Une troisième série de remarques pourrait concerner la contextualisation de la réflexion de Dyens. L’auteur se réfère surtout aux théoriciens actuels de l’intelligence artificielle, ainsi qu’à la littérature classique et de science-fiction (ce qui fait certes l’originalité de son approche). Pour la question du corps, il fait en outre référence aux écrits de la féministe américaine Donna Haraway. Dans l’ensemble l’on peut cependant regretter qu’il n’ait pas pris position par rapport à des philosophies majeures du corps (Merleau-Ponty, mais aussi plus récemment Berque), insistant sur l’unité du corps alors que lui la questionne (" Une fois le corps ouvert, il disparaît ").


   



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