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ETUDES ET ESSAIS > ART ET TECHNOLOGIE : LA MONSTRATION > SECTION II - LES ŒUVRES
   



SECTION II - LES ŒUVRES


[sommaire général]

 

I- Nature des Œuvres [sommaire général]

A - De l'objet à l'information

B - La trinité de l'œuvre

C - Evolutivité et autonomie de l'œuvre

D - L'interactivité

E - Polysensorialité

F - La temporalité dans les arts

G - Multimodalité de l'œuvre

H - Représentation, métaphore et acte

 

II - Les formes de l'art electronique

A - Œuvre-objet
1 - Œuvres inanimées

2 - "Néo-objets"

B - Œuvre sur écran

1 - Les œuvres sur écran non-interactives

2 - Les œuvres sur écran interactives

C - Installations et environnements

1 - Les installations non-interactives

2 - Les installations interactives

3 - Les installations-systèmes de présentation 

D - Art vivant : spectacles / performances / actions 

E - In situ et de laboratoire

1 - In situ

2 - De laboratoire 

 

III - La place du public

 

IV - Les conditions intrinseques de la monstration 

 

* * * * * 

 

Le fondement de cette étude repose sur le principe que l'art électronique présente des conditions nécessaires à sa monstration, différentes de l'art traditionnel 1. Dans un premier temps, il est donc indispensable d'en cerner ses caractéristiques et de proposer des descriptions et définitions opératoires des œuvres.

Nous examinerons la nature de ces œuvres, puis leurs formes et enfin la place du spectateur afin de déterminer les conditions intrinsèques de monstration.

 

I - NATURE DES ŒUVRES [sommaire général] [sommaire section]   

Par "nature" des œuvres, nous entendons les caractéristiques profondes de l'art électronique (certains diraient ses spécificités) indépendamment de leurs supports de présentation (la forme "physique" ou "plastique" des œuvres et de leurs supports de création (outils ou media utilisés) et indépendamment de leurs qualités esthétiques ou artistiques.

Nous avons retenu huit éléments. Chacun existe à des degrés divers, ou pas du tout, selon les œuvres mais toute œuvre en présente au moins un. 

A - DE L'OBJET A L'INFORMATION [sommaire section] 

Dans l'art classique, le medium et l'œuvre ne font qu'un. L'œuvre est indissociable du matériau physique qui est son medium (peinture, sculpture par exemple). Il est extrêment difficile, sinon impossible, de transposer une œuvre d'un medium dans un autre (une peinture en une sculpture). L'œuvre est donc l'objet dans lequel elle s'inscrit, fût-il un urinoir ou un tas de charbon.

Si, dans les années soixante, de nombreux artistes contestent l'idée de l'œuvre en tant qu'objet et explorent cette direction de travail et de recherche (notamment au travers de l'art conceptuel), l'art électronique incorpore cette notion de manière intrinsèque.

Avec l'art électronique, l'œuvre acquiert une certaine indépendance par rapport à son support. Elle devient une information codée, invisible et illisible avant qu'un dispositif de transcription dans un medium accessible à un ou plusieurs des cinq sens des êtres humains ne s'opère.

L'œuvre-information va s'incarner provisoirement (ou quelquefois durablement) dans un support qui est le medium pour nos sens.

Cette "information" peut en outre, dans certains cas, se décliner dans différents supports tout en restant cohérente dans son propos (voir infra : Multimodalité de l'œuvre). Elle peut également être transcrite dans des supports et des formes hétérogènes (cf. le travail d'un certain nombre d'artistes sur la relation son/image, dont celui de Mesias Maiguashca). 

Si l'œuvre est information, celle-ci doit pouvoir être stockée et lue. Ceci, contrairement à l'art classique, constitue deux opérations différentes avec des problèmes nouveaux. Le support de stockage de l'œuvre peut être varié : disque dur d'ordinateur, bande vidéo, disquette, CD-ROM, etc. On peut, sans dommage, passer d'un support de stockage à un autre. Cependant pour être lue, l'information doit être décryptée dans un lecteur. A partir d'une même œuvre-information, d'un même programme, différents lecteurs peuvent engendrer une modification dans la perception de l'œuvre (cf. ordinateur plus rapide, meilleure définition des machines, navigateurs différents pour les œuvres en ligne, etc.). Cependant, l'œuvre initiale est la même. A contrario, on peut adapter le programme selon les machines en maintenant une perception de l'œuvre identique alors que l'information, dans son code mais non dans son intention, aura changé. Par ailleurs, le lecteur peut devenir obsolète et l'œuvre devient de fait illisible, sauf à la "mettre à jour", ce qui n'est pas forcément toujours possible. 

Le glissement de l'œuvre-objet à l'œuvre-information engendre ainsi de nouveaux problèmes de conservation mais aussi un autre statut pour l'œuvre d'art qui n'est plus un objet immuable, unique mais au contraire fluctuant, fluide, mobile, transformable et éventuellement invisible. 

Conséquences pour la monstration :

- Plus l'œuvre-information est "floue" et "visqueuse" 2 quant à ses modalités potentielles d'incarnation et plus sa "mise en forme" devient un élément central de la monstration (tant de la part de l'artiste que de celle du commissaire et dans de nombreux cas de leur action conjointe).

- Il peut être utile d'examiner les concepts et outils développés par les bibliothèques et les archives habituées à "traiter de l'information" tant dans les aspects relevant de la "mise à disposition" au public que dans ceux de la conservation des œuvres. 

B - LA TRINITE DE L'ŒUVRE [sommaire section] 

 La collusion entre l'œuvre et son support se dissolvant, l'œuvre d'art électronique perd deux éléments caractéristiques de l'œuvre d'art traditionnelle : son unicité (elle ne se résume plus à un objet cernable et unique) et sa "finitude" (elle n'est plus figée dans une sorte de "mort" du geste créateur).

L'œuvre devient ternaire et ce sont ces trois "morceaux" qui la (re)constituent au final.

Les trois niveaux de l'œuvre sont : l'œuvre conçue, l'œuvre perceptible et l'œuvre agie ou perçue. 

L'œuvre conçue : c'est l'idée, le concept, le dispositif, le système, défini, structuré et organisé par l'artiste. C'est "l'information".

L'œuvre perceptible : c'est le dispositif particulier dans lequel l'œuvre "s'incarne", la mise en place physique dans un lieu donné. Notons que celui-ci peut être définitif et unique, fluide (cas de certaines œuvres sur le réseau) ou, au contraire, à reconstituer à chaque exposition (ce qui est le cas de beaucoup d'installations ou encore des CD-ROM). Les ordinateurs, écrans, constructions diverses qui serviront à montrer l'œuvre ne sont pas fournis par l'artiste mais par ceux qui veulent exposer l'œuvre conçue (y compris les particuliers qui achètent un CD-ROM et qui doivent disposer d'un ordinateur chez eux et d'un lecteur pour y avoir accès). 

L'œuvre agie ou perçue : c'est la mise en œuvre par le public/actant du dispositif/système, de l'œuvre perceptible (ou simplement sa vision ou son audition dans le cas d'œuvres non-interactives). De cette action va naître l'œuvre perçue, la "lecture" d'une œuvre donnée par une personne donnée. A partir de son action sur l'œuvre perceptible, cette dernière, va percevoir, comprendre, appréhender l'œuvre conçue, selon le contenu et la complexité de celle-ci, selon son degré de connaissance et son environnement culturel de départ, selon sa propre sensibilité et enfin selon le lieu et le contexte de monstration. 

Cette notion de la trinité de l'œuvre peut être rapprochée de la distinction entre l'Idée, l'Objet et l'Effet telle que l'opère Nicolas Schöffer. Dans La ville cybernétique 3 il écrit : La genèse de la création artistique passe indiscutablement par l'imagination créatrice qui, excitée par le processus informationnel environnant, incite le créateur à proposer des informations inédites à contenu esthétique. [...] 

Pour que l'idée puisse se répercuter et jouer son rôle social, il faut qu'elle produise un effet. L'idée est la phase la plus importante de la création artistique, sans elle l'objet n'aurait aucune signification. Mais l'effet vient immédiatement après. L'objet n'est qu'un intermédiaire. Le créateur aussi n'est qu'un intermédiaire. Peu à peu tous les mystères anecdotiques, s'attachant à la création par le biais du personnage intermédiaire qui crée, seront démystifiés. [...] 

La première phase de l'histoire de l'art a été dominée par l'objet. L'idée restait toujours plus ou moins dans l'ombre. Le problème de l'effet était à peine effleuré

Conséquences pour la monstration :

Dans l'art traditionnel, la monstration mettait essentiellement l'accent sur l'objet. A partir du moment où l'on reconnaît que l'œuvre est ternaire, la monstration de celle-ci doit prendre en compte, à part égale, les trois composantes. 

C - EVOLUTIVITE ET AUTONOMIE DE L'ŒUVRE [sommaire section]   

L'œuvre comme information et la perte d'unicité engendrent un troisième élément pouvant caractériser la nature de l'œuvre d'art électronique : la notion d'évolutivité.

Il s'agit d'œuvres dont la forme et/ou le contenu peuvent évoluer. Entrent dans cette catégorie certaines œuvres de vie artificielle (interactives ou non) et plus encore une partie de l'art sur le réseau comme par exemple Ping de Steffen Meschkat 4. Ping est un datascape (paysage de données) composé "d'objets" numériques (textes, images, sons, hypertextes, sites Web au complet, etc. existant au sein du World Wide Web) envoyés/liés par ceux qui le souhaitent. L'interface de Ping est une carte métaphorique qui permet à chacun de sélectionner un objet et de l'examiner (le voir, le lire, etc.). Le paysage de Ping se compose et se recompose au fur et à mesure que de nouveaux "objets" s'y agglutinent. Par ailleurs, le "passage de la carte au territoire" dans Ping se fait par l'intermédiaire d'une caméra virtuelle "intelligente" (appelée eye agent) qui permet de visualiser en 3D le datascape sur la base de la dernière information reçue. Ainsi Ping, non seulement ne montre jamais la même carte, mais offre aussi différents territoires. 

L'évolutivité est intrinsèque à l'œuvre, au système conçu et proposé par l'artiste. L'autonomie est "l'indépendance", le "degré de liberté" de l'œuvre par rapport à son créateur.

Une œuvre autonome et totalement évolutive serait une œuvre dont la structure même (donc l'œuvre conçue) serait susceptible de se transformer et d'évoluer . A notre connaissance, il n'en existe pas (ou pas encore). 

Conséquences pour la monstration :

Une œuvre évolutive est par définition instable ; elle n'est jamais vraiment la même. Ceci pose d'intéressantes questions de monstration dans des espaces publics (par opposition à des espaces domestiques) puisque, pour l'appréhender pleinement, il est nécessaire de la "voir" plusieurs fois (au moins deux !). 

D - L'INTERACTIVITE [sommaire section] 

Toutes les œuvres d'art électronique ne sont évidemment pas interactives, cependant c'est une tendance lourde dans la création.

Rappelons que l'interactivité désigne la relation particulière entre les humains et les machines, et plus particulièrement les ordinateurs, ou encore une relation humain/humain médiatisée par des machines électroniques. 

L'interactivité est généralement décrite, définie et analysée par le degré de liberté du spectateur par rapport à l'œuvre, son niveau d'autonomie ou sa capacité de contrôle de celle-ci. Cette approche a le défaut de conduire à des discussions sans fin sur les thèmes : est-ce vraiment interactif, quelle est la différence avec la participation des années 60, quels sont les degrés ou niveaux d'interactivité (une œuvre interactive serait d'autant plus intéressante que son degré d'interactivité —c'est-à-dire la quantité des choix offerts— serait plus grand, sans qu'une échelle ait pu vraiment être élaborée jusqu'à présent). 

Dans son livre Computers as Theatre 5, Brenda Laurel écrit : 

[In the past] I posited that interactivity exists on a continuum that could be characterized by three variables : frequency (how often you could interact) ; range (how many choices were available) ; significance (how much the choices really affected matters).

Now I believe that these variables provide only part of the picture. There is another, more rudimentary measure of interactivity : you either feel yourself to be participating in the ongoing action of the representation or you don't. Successful orchestration of the variables of frequency, range, and significance can help to create this feeling, but it can also arise from other sources —for instance, sensory immersion and the tight coupling of kinesthetic input and visual response 6. [...]

It (interactivity) enables you to act within a representation 7.

La définition de l'interactivité (en fait de la relation humain/ordinateur) que propose Brenda Laurel nous paraît particulièrement pertinente et opératoire. L'interactivité est la représentation d'une action, elle nous permet d'agir au sein d'une représentation. 

Cette définition a une conséquence immédiate : qui dit représentation d'une action, dit mise en scène de cette action. Ceci renvoie aux principes les plus anciens de la représentation d'une action et de sa mise en scène : le théâtre.

Appréhender les œuvres interactives avec cette perspective offre des outils pour les caractériser, les présenter et les analyser.

Le théâtre associe le corps, les sens mais aussi les émotions et l'intellect (aspects cognitifs). L'œuvre interactive n'est donc plus une œuvre "à voir" mais à "performer" 8, une "expérience à conduire". 

Deux différences existent entre le théâtre et les œuvres interactives :

- public et acteurs sont les mêmes personnes, il n'y a plus de différence entre scène et salle ;

- les acteurs d'une pièce ont un temps de préparation, de répétition, d'apprentissage avant de se produire sur scène alors que le public de l'œuvre interactive découvre le scénario, ou la pièce, en la "jouant" pour la première fois "devant tout le monde".

Les questions de liberté ou de choix du public par rapport à l'œuvre prennent une autre dimension —quand elles ne disparaissent pas. Elles sont exactement similaires ou comparables à celles des acteurs par rapport au texte et à la mise en scène (et il y a des pièces "meilleures" que d'autres dans leur sujet et leur dramaturgie et des acteurs plus "brillants" que d'autres dans le jeu).

D'un point de vue artistique et esthétique, l'analyse peut alors porter sur la "conception de l'action" (l'œuvre dans son concept et son contenu) étroitement couplée à la conception de l'interface (qui fait aussi partie de l'œuvre puisque, moyen d'agir l'œuvre, elle appartient aux conditions de l'action, donc au contenu et au concept de l'œuvre). 

Conséquences pour la monstration :

Présenter une œuvre interactive, c'est construire les conditions d'un "mini-théâtre" où le spectateur est sur scène. 

E - POLYSENSORIALITE [sommaire section]   

L'art électronique intègre la polysensorialité dans les arts. La vue n'est plus le seul sens sollicité. Désormais l'ouie, le toucher, l'effet cinesthétique, le mouvement du corps interviennent aussi. Les sens ne sont plus pris isolément mais dans leur globalité et leur influence réciproque. A cet égard la relation son/image est particulièrement intéressante : un son de haute qualité compense une image pauvre et de faible définition (alors que l'inverse n'est pas vrai) et renforce le sentiment d'adhésion à l'univers proposé, "d'être" dans l'action de l'environnement numérique.

Soulignons par ailleurs que cliquer avec son index sur une souris appartient au toucher et plus largement à un mouvement du corps (le mouvement de l'index part de la moèlle épinière et comme personne n'a encore communiqué télépathiquement avec un ordinateur, nous sommes loin de la disparition du corps tant annoncée). 

Avec l'art électronique le statut de l'image est remis en cause. L'image n'est plus une fin en soi mais elle devient une lettre de l'alphabet d'un nouveau langage polysensoriel. L'image s'intègre ainsi à d'autres dispositifs, visuels ou non. Le toucher devient un sens prépondérant, même s'il peut s'agir quelquefois d'un "toucher par procuration", indirect. Cette notion va de pair avec la redéfinition de la place du corps, la remise en cause de ses limites, la redéfinition de l'identité, etc. 

Conséquences pour la monstration :

Avec l'art électronique, le sens sollicité n'est plus la seule vue et il ne s'agit plus stricto sensu d'images. 

F - LA TEMPORALITE DANS LES ARTS [sommaire section]   

Les anglophones utilisent fréquemment le terme de time-based arts (ou "arts fondés sur le temps") pour désigner les arts électroniques. Cette expression, qui n'a pas de réel équivalent en français, est pourtant riche de sens et de conséquences. Il s'agit bien en effet de la prise en compte du temps au sein de l'œuvre, jusque-là absent de l'art classique. Un tableau, une sculpture, un objet d'art n'incorporent aucun temps intrinsèque, au contraire ils consacrent la mort du temps, le temps figé du geste créateur. Le temps n'est plus que celui que le spectateur accorde à l'œuvre (de 30 secondes à l'éternité).

On peut faire remonter l'introduction du temps dans l'œuvre au courant cinétique et surtout cybernétique, notamment avec les œuvres de Nicolas Schöffer qui écrit 9: Mais le temps est aussi une matière que l'on peut modeler. Le modelage du temps s'appelle programmation 10.

Le temps est toujours programmé, consciemment ou inconsciemment, naturellement ou artificiellement, biologiquement ou psychologiquement, organiquement ou physiquement.

Les buts de ces programmations sont très variés, mais quand le temps est programmé dans un but esthétique, il peut devenir objet esthétique, dans la musique par exemple

Dans les pratiques créatrices, le temps existait dans trois disciplines : la musique, les arts de la scène (théâtre et danse) et le cinéma. Les arts électroniques introduisent le temps à deux niveaux : temps de l'œuvre et temps du spectateur (ce dernier n'existant ni en musique, ni dans les arts de la scène, ni au cinéma). 

Le temps de l'œuvre

Le temps de l'œuvre est double : concret et abstrait. Le temps "concret" est le nombre de minutes (ou d'heures) dans lequel l'œuvre s'incrit : durée d'une bande vidéo par exemple. Le spectateur n'a aucune liberté par rapport à ce temps (si ce n'est celle de "partir avant la fin"). Le temps "abstrait", ou non-linéaire, concerne plutôt les œuvres interactives, c'est le temps qu'il faudrait pour explorer la totalité de l'œuvre dans toutes ses directions, liens, etc. Temps hypothétique car non seulement personne ne fait tous ces parcours, mais, plus encore, il n'est souvent pas nécessaire de les faire, et pourtant réel puisque, potentiellement, l'œuvre comporte intrinsèquement cette temporalité-là.

Un troisième élément temporel s'ajoute depuis peu : le temps de la "relecture". Nous avons choisi ce terme car cette notion a été introduite par la littérature informatique. Il s'agit du temps de "l'évolution" de l'œuvre : selon la période à laquelle on va voir l'œuvre, si on l'a déjà vue auparavant ou si c'est la première fois, etc., l'œuvre ne sera pas la même. C'est le cas, par exemple, d'une partie de la poésie et de la littérature par ordinateur, de créations en vie artificielle et surtout de certaines œuvres d'art sur le réseau, en constant changement. 

Le temps du spectateur

Dans une pratique où les œuvres n'incorporent pas d'éléments temporels intrinsèques, le temps du spectateur, c'est-à-dire le temps passé devant l'œuvre, n'a qu'une pertinence marginale (sociale et intellectuelle). Une fois ce temps écoulé, le spectateur pense qu'il a "vu l'œuvre". Avec l'introduction du temps dans les arts plastiques, le spectateur se trouve dans deux positions possibles : temps subi et temps choisi. Le temps subi est celui d'une œuvre linéaire (comme une bande vidéo) où le spectateur n'a d'autres choix, s'il veut "voir" l'œuvre, que de rester le temps décidé par l'artiste (c'est le même principe de temporalité qu'au cinéma ou dans les arts de la scène ou encore en musique). En revanche, dans le cas de l'art interactif et plus encore dans le temps de la "relecture", le public choisit le temps qu'il va consacrer à l'œuvre même si un temps minimum (mais indéterminé) est indispensable pour avoir "vu" l'œuvre. A un temps objectif se superpose ici un temps subjectif, de compréhension, d'intérêt, etc.

Cet élément est essentiel, l'artiste donne une partie du contrôle de la perception, de la lecture de l'œuvre au spectateur qui doit "ajuster" pour lui-même le temps "abstrait" de l'œuvre. 

Conséquences pour la monstration :

- L'apparition du toucher dans la perception des œuvres entraîne des différences de monstration entre l'art classique et l'art électronique parmi les plus importantes.

- La temporalité exige que l'on permette au public de "s'installer".

- La quantité d'œuvres présentées devient cruciale.

- Mélanger des œuvres qui incorporent le temps à d'autres qui ne possèdent pas cet élément, mélanger des œuvres qui reposent sur des temps différents (concret et abstrait) ne peut se faire inconsidérément et doit être sérieusement intégré dans la scénographie et le concept de toute manifestation.

Ne pas prendre en compte ces éléments aboutit simplement à une "non-vue" ou non-perception correcte des œuvres. La Biennale de Lyon en a été un exemple récent. 

G - MULTIMODALITE DE L'ŒUVRE [sommaire section] 

Des œuvres aux formes déclinables 

Jusqu'en 1994 environ, y compris dans les arts électroniques, la forme d'une œuvre ("l'œuvre perceptible") était déterminée une fois pour toutes avec seulement une marge d'adaptation selon les lieux de montration. Depuis, une tendance est en train de voir le jour : celle des œuvres aux formes déclinables et variables. Cette tendance est due en grande partie à l'accès plus facile des artistes à la technologie du CD-ROM et au World Wide Web. Des artistes conçoivent ainsi de plus en plus leurs œuvres comme pouvant être une installation dans un espace public avec une "mise en scène" (rajout de dispositifs lumineux, sonores, de diapositives, etc.) et, avec le même concept, un CD-ROM. L'équipe montréalaise de Michael Mackenzie a créé une œuvre qui existe sur CD-ROM et sur scène, dans le cadre d'un spectacle. Certains artistes envisagent le World Wide Web comme une autre forme à combiner pour la déclinaison d'un même travail. Par exemple, un CD-ROM peut être la structure de base qui s'incorporera dans l'installation exposée dans certaines circonstances et lieux publics et/ou qui trouvera son prolongement sur le Web pour une "mise à jour" des informations, l'évolution de l'œuvre ou a contrario son "résumé", une version "abrégée" de l'œuvre qui donnera alors envie d'acquérir le CD-ROM.

Cette évolution est très importante. Les arts visuels rejoignent ainsi la musique avec ses trois éléments d'écoute : la radio ou la télévision, le disque ou la cassette et enfin le concert. 

Conséquences pour la monstration :

Différentes versions d'une même œuvre peuvent être accessibles au public dans divers lieux ou circonstances, ou dans un même lieu.

H - REPRESENTATION, METAPHORE ET ACTE [sommaire section]   

L'art électronique reste pour une grande part un art de la représentation : celle d'un monde technologique, de notre nouvel "être au monde" plutôt que de notre point de vue sur le monde.

Cependant, l'art électronique, contrairement à l'art classique, ne représente plus une réalité pré-existante mais une construction d'une réalité ou d'un morceau de réalité. Plutôt que de représentation, il faudrait parler de métaphore du réel.

La représentation classique s'inscrit dans un monde visuel et stable, dans une conception d'un réel, comme donné permanent, que nous pouvons donc représenter. La science nous a appris que la vision (sens que nous avions posé à une place prépondérante dans les arts plastiques) ne nous permet d'appréhender qu'une portion extrêment limitée du réel et que celui-ci est non seulement construit mais instable. 

Dans son article From Appearance to Apparition : Communications and Consciousness in the Cybersphere 11, Roy Ascott développe cette idée de manière remarquable. Pour lui, la représentation est l'art de l'apparence alors que l'art électronique est celui de l'apparition. Il écrit : si l'apparence est le visage de la réalité, des choses comme elles sont, l'apparition est l'émergence des choses comme elles pourraient être [...].

Une culture définie par les apparences se fonde sur des certitudes, une description définitive de la réalité. Par opposition, une culture de l'apparition se fonde sur la construction de la réalité, par le biais de perceptions, rêves et désirs partagés, de communication et sur l'hybridation des media et la célébration d'une instabilité sémiotique.[...]

Dans notre compréhension actuelle du monde, rien n'est suffisamment stable pour avoir le désir de lui donner une forme permanente de représentation. Nous voulons maintenant un art qui construise de nouvelles réalités, non un art qui représente un monde préordonné, fini et déjà construit. Nous voulons maintenant un art qui soit instrumental plutôt qu'illustratif, explicatif ou expressif. 

En outre, tout un pan de l'art électronique ne relève ni de la représentation ni même de la métaphore mais de l'acte. L'art de la communication, une partie de l'art sur le réseau, l'art génétique ou biologique ne représentent rien pas plus qu'ils ne sont la métaphore de quelque chose (un nouvel ordre technologique par exemple). Ils sont des actes dans le réel, actes artistiques, esthétiques certes, mais avec autant d'effets et de conséquences que d'autres types d'actes quotidiens plus ou moins immatériels. Contribuer à Ping ou à HyGrid 12 c'est faire partie d'une communauté et y agir, au même titre que d'aller dîner entre amis, de collaborer à une association ou de faire une transaction par téléphone ; créer et manipuler une créature numérique dans GENMA de Laurent Mignonneau et Christa Sommerer n'est en rien différent des expériences des scientifiques en vie artificielle. Cet art de l'acte est fondamentalement différent de l'art classique, il ne représente plus un état du réel pré-existant mais il est une prise de responsabilité partagée, une construction du réel. 

Conséquences pour la monstration :

Un nouveau discours sur l'art, et donc une nouvelle pédagogie, une nouvelle information à destination du public, doivent être mis en place et développés.

Les conditions de l'action doivent être aménagées dans les espaces publics. 

Art électronique : art plastique ? 

Cet ensemble d'éléments suscite des interrogations sur la notion même d'art plastique. Une œuvre incluant de l'image, du son, de la communication et des appareillages divers permettant sa perception est-elle encore plastique ? Et, corollaire, qu'est ce qui est plastique dans ce genre d'œuvres : les instruments physiques (l'œuvre perceptible) ou le contenu (l'information) ou les deux ou encore d'autres choses ?

Dans le découpage actuel (du ministère de la culture par exemple), on distingue encore entre arts plastiques, musique & danse, théâtre, littérature, etc. Cette typologie n'est plus pertinente en ce qui concerne les arts électroniques. La terminologie d'arts visuels, par opposition aux arts phoniques et aux arts de la scène, est une tentative de pallier ce problème mais elle ne résoud pas la question de fond. 

 

II - LES FORMES DE L'ART ELECTRONIQUE [sommaire général] [sommaire section]   

L'art électronique est généralement découpé en disciplines plus ou moins structurées (holographie, musique, vidéo), aux contours plus ou moins flous (image de synthèse), reposant principalement sur la technique utilisée et non sur une catégorisation opératoire en termes d'analyse des œuvres.

Nous proposons ici une nouvelle typologie de l'art électronique, fondée sur la forme des œuvres, indépendamment des moyens utilisés. Elle repose sur l'inscription physique de l'œuvre, son "incarnation" ou incorporation, sur l'œuvre perceptible. 

Nous avons défini cinq catégories : les formes classiques ou l'œuvre-objet, les œuvres sur écran, les installations, les œuvres in situ et de laboratoire et l'art vivant. 

A - ŒUVRE-OBJET [sommaire section] 

La différence entre ces œuvres et les œuvres classiques (peinture, dessin, sculpture) réside plus dans leur nature que dans leur forme. Ici, les technologies, et notamment les technologies numériques, ne modifient pas la forme qui reste héritière du support "plat", à deux dimensions, que l'on accroche au mur ou dans un espace, ou du volume, en trois dimensions, que l'on met sur un socle et autour duquel on peut tourner. Ce qui fait dire à Louise Poissant certaines de ces formes d'art [électronique] font encore une large place à l'objet ou à l'image et, en ce sens, elles prolongent la tradition artistique 13.

Nous distinguerons deux types d'œuvre-objet, les œuvres inanimées et les "néo-objets". 

1 - Oeuvres inanimées [sommaire section] 

Entrent dans cette catégorie l'infographie, le copy-art, l'holographie, la photographie numérique, certaines sculptures lumineuses et/ou sonores, une partie de l'art spatial.

Certaines de ces œuvres n'ont aucun support de présentation technologique (infographie, copy-art par exemple) et ne présentent aucune différence avec la peinture, l'estampe ou la photographie ; d'autres intègrent des éléments technologiques (holographie, sculptures sonores et/ou lumineuses). 

Conséquences pour la monstration :

D'une manière générale, les conditions de monstration de ces œuvres sont très proches de celles des œuvres classiques. Elles devraient pouvoir être facilement intégrées dans les lieux traditionnels de l'art dont le musée.

- Dans le cas des œuvres sans support technologique, leur monstration est identique à celle du reste de l'art contemporain avec les mêmes contraintes, les mêmes questionnements et interrogations.

- Les œuvres avec support technologique nécessitent simplement une isolation visuelle et/ou sonore, du courant électrique et un minimum de maintenance. Elles s'inscrivent dans des traditions de l'art contemporain (comme l'art cinétique) et présentent des conditions de monstration similaires (mais au fait, combien d'œuvres d'art cinétique sont montrées de manière permanente dans nos musées ?). 

2 - "Néo-objets" [sommaire section] 

Nous avons choisi ce terme pour caractériser des œuvres qui restent des objets, mais des objets singuliers quant à leur monstration.

Entrent dans cette catégorie certaines sculptures sonores et/ou lumineuses, les sculptures interactives 14, les robots et objets en mouvement 15dans l'espace. 

Conséquences pour la monstration :

La monstration de ces "néo-objets" se rapproche de celle de la sculpture ou de certaines œuvres "mécaniques" comme la Rotozaza de Tinguely. Elle s'en distingue par plusieurs points :

- ces œuvres engendrent souvent des comportements bruyants de la part du public ;

- elles doivent quelquefois être "touchées", attitude en totale rupture avec la sculpture classique ;

- elles créent leur propre espace et donc ne permettent pas de mettre plusieurs œuvres dans le même espace général ;

- elles nécessitent une isolation phonique et donc soulèvent des problèmes d'intégration spatiale dans les collections (pour les musées), ou de scénographie lors d'expositions temporaires. 

B - ŒUVRE SUR ECRAN [sommaire section]   

L'écran est un élément essentiel dans l'art électronique, qu'il soit celui d'un moniteur (et donc de petite taille) ou un écran de projection (et donc de format plus grand). 

L'écran 16, notamment celui de l'ordinateur, s'inscrit dans un continuum quant à l'existence (ou la représentation) "d'autres mondes" au sein de notre réalité physique. L'écran présente les mêmes caractéristiques que la peinture, la photographie ou le cinéma : un cadre qui délimite deux espaces et le rapport frontal du spectateur "immobilisé" par rapport à l'œuvre.

Lev Manovich souligne qu'une des différences entre l'écran-tableau/photographie/cinéma et l'écran de l'ordinateur est que le premier représente des événements du passé alors que le second peut incorporer le temps présent, le temps réel 17

Une autre des différences avec l'art classique —la différenciation entre l'œuvre et le support— fait que nous avons à faire à une autre forme d'œuvre. La peinture, qu'elle soit figurative ou abstraite, à l'huile ou acrylique, sur bois ou sur toile, est indissociable de son support. L'œuvre électronique sur écran, en revanche, est totalement indépendante du support sur lequel elle est vue (similaire en cela au cinéma). Le même écran peut montrer différentes œuvres (ou autre chose : programme de télévision ou feuille de calculs), la même toile ne peut montrer qu'une œuvre et une seule. L'œuvre est l'information codée, stockée sur un support quelconque (bande vidéo, disquette, CD-ROM, film, disque externe, etc.) et montrée sur un autre medium selon les besoins, les conditions, etc. (moniteur vidéo, écran d'ordinateur, vidéo projecteur, projecteur de cinéma).

L'œuvre n'étant plus associée à un support unique n'a plus la même relation à l'espace : elle occupe un espace modulable, élastique selon les circonstances et non plus défini par une taille et un encombrement. 

L'écran est un objet qui, en tant que tel, ne peut être négligé dans la monstration car il reste le premier contact avec l'œuvre. En outre, cet objet relève aussi bien de la sphère publique que domestique et soulève des questions différentes selon que la monstration se déroule dans l'une ou dans l'autre. Notons également qu'à l'objet-écran doit être associé un objet-lecteur (ordinateur, magnétoscope, vidéodisque, etc.) qui peut occuper des espaces différents au sein de l'espace de monstration. 

Nous distinguons deux types d'œuvres sur écran : les œuvres non-interactives et les œuvres interactives. 

1 - Les œuvres sur écran non-interactives [sommaire section] 

Appartiennent à cette catégorie les bandes vidéo et les animations en image de synthèse.

Quelques caractéristiques :

- elles reposent sur un temps linéaire où le spectateur, passif, n'a d'autre choix que de rester ou de partir.

- ni objet, ni installation, elles s'apparentent plus au cinéma : ce ne sont pas des œuvres que l'on expose mais que l'on présente, ou programme. L'anglais utilise le mot "screenings" tout à fait révélateur. 

Conséquences pour la monstration :

- Les conditions d'équipements matériels sont assez simples et pas forcément très coûteuses : magnétoscopes et moniteurs ou vidéoprojecteur + écran et des sièges pour le confort des spectateurs.

- Deux grands types de présentation sont possibles : en programmes collectifs, réguliers ou non (cf. l'action du Carré Seita ou les "films shows" des manifestations comme SIGGRAPH ou Imagina ou les festivals vidéo) ; à la carte, selon un modèle bibliothèque/médiathèque (avec éventuellement la possibilité d'emprunts). 

2 - Les œuvres sur écran interactives [sommaire section] 

Appartiennent à cette catégorie les œuvres sur CD-ROM (ou sur disques durs), certaines œuvres sur Internet, une partie de la poésie et de la littérature informatiques.

Leur mode de "consommation" s'apparente à celui du livre et de la lecture : contrairement aux installations interactives (voir infra : Installations et environnements), leur contenu est généralement plus important en termes de quantité d'informations explorables ; elles mettent en œuvre un temps non-linéaire et par conséquent "élastique". Le temps nécessaire pour les "voir" dépend de chaque personne et non d'un temps pré-déterminé, intrinsèque à l'œuvre ; elles ne s'épuisent pas en une seule consultation, leur structure même favorise ou appelle des lectures multiples et successives ; une seule personne peut agir à la fois (comme une seule personne peut lire un même livre à la fois) et, sauf exception, seulement une ou deux personnes peuvent "regarder la lecture" à la fois. 

De ce fait, ces œuvres appartiennent plus à une consommation de type domestique, dans la sphère privée, que dans l'espace public. La monstration dans l'espace privé soulève un certain nombre de questions : qui est équipé du matériel nécessaire, comment est-on informé de ce qui existe, où peut-on se procurer ces œuvres, où est l'ordinateur à la maison, y a t-il un marché ? (voir infra : Les lieux, Espace domestique ). 

De par leur nature, ces œuvres ne peuvent donc être ni exposées, ni même montrées, au sens strict des termes. Les verbes clés ici sont : sensibiliser, informer, consulter.

La sensibilisation passe par des manifestations thématiques permettant des confrontations organisées des œuvres. L'information sur ce qui existe peut se faire par des kiosques qui peuvent être situés à peu près n'importe où : dans des galeries privées, dans des musées, dans des grands magasins, des endroits dédiés (cf. l'expérience de l'été 1996 au Carrousel du Louvre), dans des lieux de passage. La consultation, c'est-à-dire la possibilité d'une "lecture" réelle des œuvres, ouvre à nouveau sur le modèle médiathèque/bibliothèque avec des collections variées disponibles pour le public. 

Conséquences pour la monstration :

- les conditions d'équipement matériel restent peu problématiques (quelques ordinateurs) achetables ou louables à l'année ou ponctuellement.

- l'isolation phonique est facile avec des casques tout en permettant une écoute et une lecture à deux.

- d'une manière générale, il est indispensable d'avoir quelqu'un de compétent en informatique pour la maintenance (relativement simple) et un personnel d'accueil et d'accompagnement (qui peuvent être les mêmes personnes).

- la sécurisation du matériel pour éviter les vols, détérioration ou les mauvaises manipulations peut se faire en isolant du public une partie du matériel, par des solutions de type "juke box" et surtout par une éducation du public.

- les conditions de consultation des œuvres doivent être confortables et agréables pour le public mais une distanciation reste nécessaire, ce n'est ni la maison ni une salle des pas perdus. L'écran reste la première chose que le public voit, avant l'œuvre, sa prise en compte est indispensable tant comme objet physique que comme objet psychologique 18. Lev Manovich 19 écrit : The problem with media art (especially with video art which accepted the TV monitor as a form of exhibition) is that it most of the time does not creatively engages with the exhibition form. To put a CD-ROM in a computer and to put this computer in a room is not enough. The form of exhibition should be given as much attention as the content of the work. A computer screen is always already an object, a physical presence within a physical space of a viewer. Media artists [et nous ajoutons les organisateurs et commissaires] should be as much concerned with what happens in the physical space (viewer's body, exhibition space, screen) as with what happens in the virtual space inside the screen 20.

C - INSTALLATIONS ET ENVIRONNEMENTS [sommaire section]   

Trois éléments caractérisent les installations : elles présentent une occupation spatiale volumétrique minimum déterminée ; dans la plupart des installations d'art électronique, et c'est une tendance lourde notamment avec les installations interactives ou de réalité virtuelle, le public est immergé dans l'installation, il est entouré par celle-ci, même quand l'action se passe sur un écran ; les installations agissent comme de mini "théâtres", constructions, mondes à part au sein de l'architecture dans laquelle elles se trouvent. 

Nous distinguons trois types d'installations : non-interactives, interactives et les systèmes de présentation. 

1 - Les installations non-interactives [sommaire section] 

Elles incluent les installations vidéo, holographiques, les œuvres sur écran non-interactives en vidéo projection, certaines œuvres sonores et/ou lumineuses, une partie de l'art spatial.

Ces œuvres créent un espace propre au sein de l'espace physique de monstration. Généralement, plusieurs personnes du public peuvent les voir en même temps.

Très proches des installations classiques, ce sont des œuvres "objectales" : elles ressemblent ou peuvent être assimilées à des objets mais elles en diffèrent par l'équipement technique, généralement simple. 

Conséquences pour la monstration :

Comme les installations traditionnelles, ces œuvres exigent un espace physique assez grand, avec souvent une hauteur sous plafond importante.

Elles nécessitent dans la plupart des cas une isolation phonique (tout comme l'ont —ou devraient l'avoir— certaines œuvres classiques) et quelquefois lumineuse (pour la vidéo, l'holographie par exemple). 

2 - Les installations interactives [sommaire section] 

Elles incluent les installations informatiques (dont les œuvres de réalité virtuelle), certaines pièces holographiques, certaines œuvres sur le réseau Internet 21.

Ces installations constituent des espaces scéniques dans lesquels le visiteur est tour à tour acteur/spectateur de l'œuvre (en position exhibitionniste) et spectateur de l'action d'un autre visiteur/spectateur de l'œuvre (en position voyeuriste).

La physicalité de l'œuvre devient l'ensemble de conditions, le théâtre, d'une action qui est actualisée par un visiteur. L'œuvre "perd corps" et c'est celui du visiteur/acteur qui en devient le réceptacle mais un réceptacle perceptif et réactif (c'est-à-dire incluant les émotions, les perceptions sensorielles et la cognition).

Dans ce contexte, la conception de l'interface et le degré de difficulté (donc d'apprentissage) qu'elle engendre pour le public sont essentiels 22.

La plupart de ces installations n'admettent qu'un spectateur/acteur à la fois mais, contrairement aux œuvres sur écran, elles peuvent aussi être conçues pour une interactivité à plusieurs 23

Conséquences pour la monstration :

Ces œuvres reposent sur des systèmes techniques haut de gamme. Leur monstration est très coûteuse et exige, sauf exception, une maintenance technique spécialisée.

N'étant plus des œuvres "à voir" ni même à consulter mais des espaces dans lequels se déroule une action, il est indispensable de prendre en compte cette dimension de "mise en scène". A cet égard la présentation d'Osmose de Char Davies au Musée d'Art Contemporain de Montréal dans le cadre d'ISEA 95 était en tout point remarquable : l'acteur était isolé dans une petite pièce mais visible en ombre chinoise derrière une paroi translucide sans qu'on puisse l'identifier (élément rassurant quand on est peu familier de l'appareillage de la réalité virtuelle et moyen pour masquer et protéger les machines). Le résultat de son action était montré sur grand écran dans un espace contigu. La disposition des lieux faisait que l'on ne pouvait voir simultanément l'ombre de l'acteur et la projection. 

3 - Les installations-systèmes de présentation [sommaire section] 

Deux existent : EVE (Extended Virtual Environment) développée par Jeffrey Shaw et les équipes du ZKM à Karlsruhe et The Cave à l'Electronic Visualization Laboratory de l'Université de l'Illinois à Chicago. Une est un projet, AME (Après Musée Explorable) de Maurice Benayoun. 

Ce ne sont pas des œuvres mais des systèmes de présentation dans lesquels des œuvres différentes peuvent être montrées. Ce ne sont pas non plus des espaces indépendants. Même s'ils pourraient s'apparenter aux salles qu'a inventées le cinéma, ils sont néanmoins conçus pour exister dans des bâtiments (AME, The Cave) que l'on imagine difficilement dédiés. EVE, qui est une structure gonflable, pourrait être installée en extérieur mais les ordinateurs doivent être à l'abri dans du "dur" pour des raisons climatiques et de sécurité évidentes. 

Dans tous les cas, ils reposent sur des équipements techniques haut de gamme, ils sont encombrants et chers. Destinés à être dupliqués et installés à plusieurs exemplaires, ils restent pour l'instant à l'état de prototype. Il va être tout à fait intéressant de suivre l'expérience de l'Ars Electronica Center qui se dote de The Cave (seul système à notre connaissance à exister à plus d'un exemplaire) 24. En effet, pour l'AEC, The Cave s'inscrit dans une dualité création/monstration qui devrait susciter l'apparition d'un corpus d'œuvres plus important (et donc résoudre en partie le dilemme de la poule et de l'œuf ou pourquoi se doter d'un système aussi coûteux s'il n'existe pas de travaux en quantité suffisante à montrer). 

D - ART VIVANT : SPECTACLES, PERFORMANCES, ACTIONS [sommaire section]   

Les deux caractéristiques essentielles de ces formes d'art électronique sont les suivantes :

- ces œuvres s'inscrivent dans un temps défini et limité. Elles sont par définition éphémères ;

- elles ne laissent aucune trace, exceptée la documentation qui leur est consacrée.

On peut distinguer deux types d'art vivant : 

Spectacle/Performance

Il s'agit des spectacles technologiques, de danse ou des performances d'artistes sans participation du public. Ces œuvres relèvent du spectacle, en d'autres termes de personnes vivantes couplées d'une manière ou d'une autre avec la technologie, agissant sur une scène et "représentant", métaphoriquement, le spectateur, cantonné à un rôle plus ou moins passif. 

Performance/Action

Il s'agit des spectacles participatifs (comme Kinoetic Evolution de Rachel et Loren Carpenter), de certaines pratiques de l'art de la communication où le public est plus actif et qui ne comportent pas de "scène" proprement dite. Une version plus actuelle est une partie de l'art des réseaux.

Même quand le système d'information de départ existe de manière numérique, il ne faut pas croire pour autant que l'œuvre a une trace intrinsèque car, à moins de conserver tous les états informatiques de l'action, l'œuvre est, et a été, l'action (et non ses différents états). 

Conséquences pour la monstration :

Dans leur forme classique (spectacle), ces œuvres peuvent s'incorporer aux programmes des salles de spectacles ou de concerts (comme Brain Opera de Tod Machover créée avec l'équipe du MIT Media Lab et montrée pour la première fois au Lincoln Center à New York). D'autres, en revanche, qui s'apparentent plus à la performance ou qui incluent la participation du public (comme les performances de Stelarc ou les actions de Fred Forest), trouveraient mieux leur place dans des lieux de monstration de l'art plastique mais, comme elles n'appartiennent pas stricto sensu aux arts visuels, elles rencontrent des difficultés pour s'y faire admettre. 

E - IN SITU ET DE LABORATOIRE [sommaire section] 

Nous distinguerons les œuvres in situ, créées pour un espace donné, pour lesquelles création et monstration sont intimement liées, des œuvres de laboratoire qui peuvent dissocier les deux. 

1 - In situ [sommaire section] 

Ce sont des cas particuliers à chaque fois. Dans leur forme (œuvre perceptible) elles peuvent appartenir également à l'une des catégories préalablement définies. Elles s'intègrent dans des espaces intérieurs ou extérieurs, en zone urbaine ou dans la nature (notons à ce sujet que la nature s'étend désormais hors de la Terre avec une partie de l'art spatial) mais aussi dans le cyberespace du réseau Internet (voir infra : Les lieux "technologiques", le cyberespace).

Quelquefois pérennes mais le plus souvent éphémères, elles sont par définition non reproductibles. Contrairement au Land Art ou à certains exemples d'art spatial 25, la trace documentaire ne fait pas partie de l'œuvre ce qui pose le problème de la mémoire et de l'archivage, de leur inscription dans l'histoire de l'art. En ce sens, nombre d'entre elles s'apparentent au spectacle vivant. 

Conséquences pour la monstration :

Création et monstration sont étroitement associées ce qui suppose la présence d'une institution productrice pour que l'œuvre existe.

L'information et la pédagogie sont encore plus indispensables pour les œuvres électroniques que pour les œuvres classiques, quand elles sont en extérieur 26

2 - De laboratoire [sommaire section] 

Nous qualifions de "laboratoire" des œuvres d'ordre expérimental. Dans des périodes de restriction ou de formalisation plus grande de l'art, elles ont tendance à être oubliées —ou peu soutenues— alors qu'elles représentent une part essentielle de la dynamique de la création.

Elles se divisent en deux types. D'une part les œuvres créées sur des systèmes techniques très haut de gamme, ou sur du matériel scientifique. Leur monstration nécessite souvent du matériel équivalent ce qui restreint leur diffusion. D'autre part les œuvres prototypes (quelquefois jamais totalement "achevées").

De l'une ou l'autre catégorie, ces œuvres sont rarement "indépendantes" : l'artiste doit toujours être présent lors de la monstration. 

Conséquences pour la monstration :

Elles ne peuvent vraiment être montrées qu'avec le soutien d'institutions puissantes, généralement spécialisées. 

L'analyse que nous avons conduite au cours de ces deux parties, sur la nature et les formes de l'art électronique, ne comporte aucun élément et aucun jugement de caractère esthétique des œuvres. Si les critères et les typologies que nous proposons nous paraissent opératoires, évaluer les qualités et critères artistiques des œuvres ou définir les courants et tendances qui peuvent exister ou se faire jour, est un autre sujet. Il nécessite de prendre en compte de manière synthétique (et non plus analytique) la forme des œuvres, leur nature, les contenus ainsi que la cohérence interne et externe de ces différents éléments. 

 

III - LA PLACE DU PUBLIC [sommaire général] [sommaire section] 

La place du public est évidemment à prendre en compte pour la monstration. Elle dépend de la nature et de la forme de l'œuvre. 

De la participation

Dès que l'on aborde la place du public dans l'art électronique, la notion de participation resurgit inéluctablement. Rappelons brièvement les principes de base de ce concept afin de préciser les différences.

La notion de participation du public s'est développée dans l'art des années soixante 27, à un moment, soulignons-le, où naissent les premières expériences d'art électronique. Elle repose plus sur des principes théoriques et idéologiques que techniques.

Il s'agit avant tout d'une remise en cause de la société et du système de l'art selon deux axes : d'une part, un refus et une lutte contre la consommation en général et celle de l'art en particulier et, d'autre part, l'idée de l'éducation des masses. L'artiste agit donc un peu comme une "avant-garde du prolétariat" qui éduque le peuple et lui propose d'autres modèles. Certains artistes notent d'ailleurs que "les gens refusent de participer" et abandonnent progressivement les expériences.

Ce n'est pas tant la forme et la nature intrinsèques de l'œuvre qui induisent la place du public mais plutôt des œuvres qui sont conçues a priori pour répondre à des objectifs politiques et sociaux.

La participation est également largement fondée sur des happenings ou actions diverses qui visent avant tout à déstabiliser le public pour le mettre dans un état "psychologique" propre à effectuer une révolution mentale. Pour certains, la participation est d'ailleurs essentiellement psychologique. Elle se confond avec la prise de conscience de la transformation de l'art.

Il s'agit également de faire sentir l'acte créateur au public, afin qu'il retrouve, qu'il "revive" l'expérience de l'artiste. La perception du geste créateur est plus importante que la participation à ce geste. La perception apparaît comme un mot clé. 

Si, à cette période, des œuvres et des expériences entrent dans ce que nous appelons l'art interactif, et si certains concepts élaborés à cette époque ont encore cours aujourd'hui, le contexte et les idées qui entourent la notion de participation restent éloignés de ce qui est débattu et mis en œuvre depuis les années 80 jusqu'à aujourd'hui. En fin de compte, le public est quand même considéré comme passif et surtout consommateur. 

L'interactivité se distingue de la notion de participation à plus d'un titre .

Elle ne repose plus sur une idéologie politique et sociale ni même artistique et ne vise plus particulièrement à transformer le public, en lui faisant atteindre un niveau supérieur de conscience. Même dans une certaine idéologie naïve du réseau aujourd'hui, ce ne sont plus ces idées qui sont au cœur des débats. Si, dans les années soixante, il s'agissait d'essayer de répondre à un "malaise dans la civilisation" (cf. article de Vostell dans le catalogue d'Electra), aujourd'hui il s'agit plutôt de la prise de conscience des changements profonds engendrés par les techno-sciences dans la société, de la volonté d'accompagner ce changement, de l'influer, un peu selon le mot d'ordre du laboratoire de recherches de Xerox, "Si vous voulez savoir à quoi ressemblera le futur, concevez-le".

Par ailleurs, la place du public ne se résume pas à la seule notion d'interactivité. 

La place du public dans l'art électronique

Avant d'en présenter une synthèse sous forme d'un tableau synoptique, examinons quelques éléments fondamentaux.

Dans l'art classique, le public est dans une position de déambulation-arrêt devant l'œuvre. La vue est le principal organe sensoriel sollicité et le corps sert de moyen de transport : le spectateur va d'œuvre en œuvre mais celles-ci sont fixes et inertes.

Dans l'art électronique, hormis pour une partie des œuvres-objets et des installations non-interactives, où l'on retrouve des modèles existants que l'on sait prendre en compte, nous sommes face à de nouveaux schémas pour lesquels il faut inventer de nouveaux modèles. 

On peut définir quatre positions du public :

- le spectateur : passif et voyeur, se retrouve essentiellement quand l'art électronique rejoint l'art traditionnel ou d'autres formes de pratiques artistiques comme le cinéma ou le spectacle.

- l'actant : le public agit mais n'est pas ou peu "mis en scène", par exemple dans les œuvres interactives sur écran.

- le participant : cas des performances/actions.

- le spectActeur 28: le public est spectateur et acteur, en position d'exhibitionnisme et de voyeurisme. 

Hormis pour le spectateur, le corps du public ne sert plus uniquement au transport mais à l'appréhension de l'œuvre. 

 

IV - LES CONDITIONS INTRINSEQUES DE LA MONSTRATION [sommaire général] [sommaire section] 

La nature et la forme des œuvres induisent des conditions de monstration, que nous qualifions d'intrinsèques, avant même de penser à un quelconque lieu ou à un type d'institutions. 

Les conditions intrinsèques de la monstration reposent sur des aspects conceptuels et matériels.

Les éléments conceptuels les plus importans nous semblent être la fin de l'objet, l'introduction de la temporalité dans les arts et le renversement du paradigme du "Ne pas toucher".

Les moyens matériels utilisés (du très haut de gamme à l'équipement commun) et leur maintenance obligatoire vont avoir une répercussion sur les lieux potentiels de la monstration. 

Un autre élément, à ce stade, nous paraît particulièrement important : qui dit monstration dit d'abord création (dans certains cas les deux se confondent).

Face aux difficultés qu'ils rencontrent tant dans la production que dans la diffusion, les artistes se tournent de manière significative vers des productions qu'ils peuvent entièrement maîtriser seuls : CD-ROM, œuvres sur Internet 29. Plus faciles à présenter, ces œuvres rencontrent les faveurs des commissaires et organisateurs.

Monstration et création doivent être prises en compte de concert si l'on ne veut pas affronter un certain nombre de risques :

- orientation et appauvrissement des formes de création et notamment pour tout ce qui concerne l'expérimentation. Martine Moinot soulignait : Il faut faire attention que le CD-ROM ne donne pas une réponse facile. Il exclut tout un type d'installations. [...] On peut faire facilement entrer le CD-ROM dans les collections parce que c'est un support facile, conservable, etc. mais que fait-on des installations ? [...] Les artistes aussi disent on va faire un CD-ROM parce qu'on n'arrive pas à faire autre chose. Et c'est un danger. [...] Je pense qu'il y a tout un secteur, dont les installations, qui relève de l'institution du musée 30.

- domination des quelques grands centres de création avec : une sélection inévitable, et même souhaitable, mais limitative des artistes ; risque d'aggravation de la tendance aux "technology-driven choices" ou choix des projets opérés sur des critères techniques les plus "à la pointe".

- assujettissement aux fabricants de matériels et de logiciels.

- "évaporation" des jeunes artistes vers le secteur professionnel commercial et ludique. Stephen Wilson faisait récemment remarquer 31que, faute d'autres possibilités, ses meilleurs étudiants entraient dans des entreprises (liées au multi média, à Internet ou aux jeux) pour gagner leur vie. Ils ne reviendront probablement jamais à l'art.

 

 

[sommaire général] [sommaire section] 

 


Annick Bureaud <bureaud@altern.org> - Janvier 1998.

 

 

 

1 Par art "traditionnel" nous entendons toute forme d'art non-électronique, qu'elle soit contemporaine ou plus ancienne, sans aucun jugement positif ou négatif. L'art électronique étant un art contemporain, les comparaisons que nous effectuerons seront en regard de celui-ci lorsque nous utiliserons ce vocable, sauf spécification. Nous utiliserons indifféremment les adjectifs "traditionnel" et "classique".

2 Nous employons ici métaphoriquement deux termes issus l'un de la mathématique et l'autre de la chimie.

3 Ouvrage publié en 1969 aux éditions Tchou.

4 URL : http://www.artcom.de/projects/ping/

5 LAUREL Brenda, Computers as Theatre, Addison-Wesley, 1993.

6 C'est précisément le cas d'Osmose, œuvre de réalité virtuelle de l'artiste Char Davies. Dans Osmose on a le sentiment de participer à l'action alors que l'on ne fait rien d'autre que de se déplacer dans l'environnement virtuel. Cet exemple, dans l'art, rejoint celui que cite Laurel de ce que pourrait être une "ballade virtuelle" sur la Lune.

 

 

7 [Autrefois] J'ai dit que l'interactivité se situait dans un continuum qui pouvait être caractérisé par trois variables : la fréquence (le nombre de fois où vous pouviez interagir) ; l'ampleur (combien de choix s'offraient à vous) ; la signification (comment les choix affectaient vraiment les choses).

Aujourd'hui je crois que ces variables ne fournissent qu'une part de la définition. Il y a une autre mesure, plus élémentaire, de l'interactivité : vous vous sentez engagé dans l'action en cours de représentation ou non. Une orchestration réussie des variables de fréquence, ampleur et signification peut aider à créer ce sentiment, mais il provient également d'autres sources - par exemple l'immersion sensorielle et le couplage serré de l'input cinesthétique et de la réponse visuelle.

[...] Elle (l'interactivité) vous permet d'agir au sein d'une représentation.

Traduction : Annick Bureaud.

 

 

8 Au sens anglais de ce mot, donc en français nous dirions "à jouer".

 

 

9 op. cité.

10 C'est nous qui soulignons.

11 Publié dans Leonardo Electronic Almanac, volume 1, numéro 2, octobre 1993.

Traduction : Annick Bureaud.

 

12 Oeuvre sur le réseau Internet initiée par le groupe SITO et Ed Stastny, HyGrid est une œuvre dynamique hypertextuelle collaborative à base de carrés ajoutés par les participants et liés entre eux.

URL : http://www.sito.org/synergy/hygrid/

 

13 POISSANT Louise, Eléments pour une esthétique des arts médiatiques, in Poissant Louise, sous la direction de, Esthétique des Arts Médiatiques, Presses de l'Université du Québec, Collection Esthétique, 1995, tome 1.

 

14Pour exemple Petting de Kees Aafjes, sculpture présentée sur un socle qui parle quand on la caresse.

 

 

15Pour exemple Petit Mal de Simon Penny, robot sur roulettes qui va vers les gens quand il les voit ou Aldebrecht de Martin Spaanjard, boule qui évolue selon que l'on s'occupe ou non d'elle dans l'espace qu'on lui a alloué, ou encore Listening de Félix Hess, petits robots qui émettent des sons et bougent quand le silence se fait autour d'eux.

 

 

16 Nous nous appuyons ici largement sur le texte de la communication Cinema and Digital Media de Lev MANOVICH, présentée à Multimediale 4 en 1995 à Karlsruhe.

 

 

17My discussion of these types [of screen] relied on two ideas. First, the idea of temporality : the classical screen displays a static, permanent image ; the dynamic screen displays a moving image of the past and finally, the real-time screen shows the present. Second, the relationship between the space of the viewer and the space of the representation (I defined the screen as a window into the space of representation which itself exists in our normal space). Lev Manovich, op. cité.

Mon argumentation sur ces deux catégories [d'écran] repose sur deux idées : premièrement l'idée de temporalité : l'écran classique montre une image statique, permanente ; l'écran dynamique montre une image en mouvement appartenant au passé et enfin l'écran du temps réel montre le présent. Deuxièmement la relation entre l'espace du spectateur et l'espace de la représentation (je définis l'écran comme une fenêtre ouverte sur un espace de représentation, fenêtre qui existe elle-même dans notre espace normal).

Traduction : Annick Bureaud.

 

18 Avec les comportements induits qu'il peut susciter : refus (c'est comme au travail), peur (je ne sais pas me servir de ça), "ludique frénétique" (c'est comme un jeu d'arcade), etc.

 

 

19opus cité.

20 Le problème avec les arts médiatiques [nous utilisons ici la traduction des Canadiens] (et notamment avec la vidéo qui a accepté l'écran de télévision comme forme d'exposition) est que, la plupart du temps, ils ne traitent pas de manière créative l'exposition. Mettre un CD-ROM dans un ordinateur et l'ordinateur dans une salle ne suffit pas. L'aspect formel de l'exposition devrait recevoir autant de soins que le contenu du travail. Un écran d'ordinateur est déjà un objet, avec une présence physique dans l'espace physique du spectateur. Les artistes [et nous ajoutons les organisateurs et commissaires] devraient se sentir tout autant concernés par ce qui se passe dans l'espace physique (le corps du spectateur, l'espace, l'écran) que par se qui se passe dans l'espace virtuel de l'écran.

Traduction : Annick Bureaud.

 

21Pour les installations interactives incluant le réseau Internet on peut souligner que l'interactivité se situe le plus souvent dans l'espace physique et dans le réseau, ainsi de RARA AVIS d'Eduardo Kac, créée dans le cadre de l'exposition artistique des Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996. RARA AVIS se composait d'une volière remplie d'oiseaux "réels" et d'un perroquet télé-robotique muni de deux caméras. Le public sur place voyait la volière, la personne en interaction avec le télé-robot et le télé-robot. Une personne du public contrôlait à distance les mouvements du télé-robot (rotation de la tête) et, avec un casque de réalité virtuelle, voyait l'environnement (la volière et lui-même) par l'intermédiaire de la caméra de droite du télé-robot. Le public sur Internet voyait par l'intermédiaire de la caméra de gauche du télé-robot la portion de la scène sélectionnée par le manipulateur du télé-robot. Il pouvait en outre intervenir verbalement et les sons qu'il envoyait s'incorporaient dans le sensorium physique des oiseaux et du public à Atlanta. Le site Web était hébergé dans le Kentucky.

 

 

22 Voir Brenda Laurel, opus cité. Cet élément est très consciemment pris en compte par certains artistes. A la création de Legible City en 1989, lors d'une conversation informelle avec Annick Bureaud (citée de mémoire), Jeffrey Shaw indiquait pourquoi il avait choisi une bicyclette comme interface : la bicyclette, contrairement au casque de réalité virtuelle (très en vogue à l'époque) ou à toute autre interface, est un objet familier dans toutes les cultures et pour toutes les personnes. Elle ne rajoute pas, de ce fait, une difficulté supplémentaire à la découverte de l'œuvre, qui ne ferait qu'en brouiller sa perception et sa compréhension.

 

 

23 Citons : Frontiers of Utopia de Jill Scott, Bar Code Hotel de Perry Hoberman, Fruit Machine d'Agnes Hegedüs, Interactive Plant Growing et A-Volve de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau.

24 Depuis la rédaction de cette étude, un autre centre s'est doté du système CAVE à des fins artistiques. Il s'agit de l'ICC (InterCommunication Center) de Tokyo.

25 Comme Eye on Earth de Tom van Sant ou Le signe de la Terre de Pierre Comte.

 

 

26 La superbe intervention Ile sonore de Bill Fontana sur l'Arc de Triomphe à Paris en 1994 ne s'est pas faite sans quelques problèmes.

 

27 POPPER Frank, Art, Action et Participation : l'artiste et la créativité aujourd'hui, Paris, Klincksieck, 1985.

 

28 Nous empruntons ce terme au théoricien canadien Réjean Dumouchel.

 

29 A SIGGRAPH 95, cette tendance était particulièrement perceptible avec un leitmotiv de la part des artistes sur l'indépendance que leur offraient ces technologies, indépendance technique et par rapport aux institutions et aux conservateurs.

 

30 Interview du 8 novembre 1995.

 

31 Conversation informelle de l'artiste avec Annick Bureaud en juillet 1996.

   



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