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ETUDES ET ESSAIS > ART ET TECHNOLOGIE : LA MONSTRATION > SECTION VI - SYNTHESE ET PERSPECTIVES
   



SECTION VI - SYNTHESE ET PERSPECTIVES


[sommaire général]

 

I - NOUVELLES CONDITIONS DE LA MONSTRATION

A - Intellectuelles 

B - Matérielles 

C - Le statut de l'artiste 

II - CONSEQUENCES ET EVOLUTION

A - Les différentes positions et attitudes
1 - La position "sécessionniste" : la rupture avec le modèle de l'art classique

2 - La position "évolutionniste" : continuité au sein de l'art classique

3 - La position "réservée" : voir au cas par cas 

B - L'art et le contexte social

1 - Identification et distanciation

2 - La validation culturelle 

C - Les nouveaux paramètres

1 - Mise à disposition aux publics

2 - La conservation 

D - Quels modèles pour l'art électronique ?

1 - Médiathèque

2 - Le modèle muséal revisité : entre archéologie et civilisation

3 - Cellule d'expérimentation culturelle

 

* * * * * 

I - NOUVELLES CONDITIONS DE LA MONSTRATION
[sommaire général] [sommaire section] 

A - INTELLECTUELLES  

La monstration de l'art électronique mobilise de nouveaux savoir-faire, de nouvelles compétences et de nouvelles connaissances de la part des conservateurs et des commissaires, des médiateurs (critiques, journalistes, documentalistes, etc.) et des publics. Elle nécessite également une nouvelle catégorie de personnel technique et d'assistance (informaticiens, personnel d'accompagnement, etc.).

Les conservateurs et commissaires sont au cœur du dispositif. Ce sont eux qui effectuent les choix et déterminent les concepts autour desquels seront organisées les manifestations. Un concept structurant est encore plus important pour l'art électronique que pour toute autre forme d'art, ce qui ne signifie pas phagocyter les œuvres au profit d'une idée ou d'une théorie émise par un commissaire mais proposer une colonne vertébrale solide sur laquelle va s'appuyer la monstration. Pour Alex Adriaansens de V2 : The field [of electronic art] is too big, so we thought we had to define sub-questions, a theme that we would address. [...] First we have a concept. Then the counterpoint of this approach. It clarifies the real issue. If you want to explain a position, you have also to show the counterpoint of it, which makes things much more clear. It determines the extremities in position the artists took, and it is more understandable for the audience. We try to select 5/6 works which formulate 5/6 positions of the issue we want to raise. Among those we take the 2 extremes. If you want to raise a problem in the field of art and technology, then you need "pillars" in the presentation. We do that for all our presentations. It creates context for the issue and the works. Otherwise the key question is lost. The audience wants simple things and we are very careful in creating contexts, specially as we work in an interdisciplinary approach1. 

Quels sont les concepts les plus pertinents pour l'art électronique ? Pour Alex Adriaansens the idea was : by raising a theme outside the field of art, it was possible to handle topics which were very actual in the field of art 2. C'est également la position prise par Ars Electronica ou le MUU Media Festival en Finlande et, d'une manière générale, par la plupart des manifestations en art électronique organisées par des spécialistes du domaine. Il apparaît que ce sont les concepts les plus fructueux. En effet, la technologie questionne nos sociétés et l'art électronique s'inscrit dans cette interrogation d'un point de vue intellectuel et formel. Les questions et thématiques de l'art classique ne peuvent plus s'appliquer —ou moins— à ces nouvelles formes d'art. En revanche, les points de friction dans la technologie et la science, et leurs conséquences dans la sociologie, l'anthropologie, l'ethnologie, la philosophie, etc., deviennent les repères (les "piliers" dont parlait Alex Adriaansens) de l'articulation de notre réflexion et d'une nouvelle esthétique. 

Ce changement signifie que les conservateurs et commissaires doivent avoir une triple culture : en art électronique bien évidemment, mais aussi technique et scientifique (au moins dans la compréhension des questions soulevées et dans une connaissance, même partielle, des recherches et développements en cours) ainsi qu'en histoire de l'art (surtout —mais pas exclusivement— celle du 20ème siècle).

Les deux premières (culture en art électronique et techno-culture) sont les plus importantes par rapport à la monstration de l'art électronique. 

On constate que les conservateurs de l'art contemporain, même les plus ouverts et les plus actifs dans le domaine, restent sceptiques et réticents quant à certains pans de la création en art électronique. Bob Riley, du SFMOMA, déclare : I am interested but I am not ready [...]. And I am not sure that I have seen any work that I think is extraordinary rich for visual art in computer, not yet 3 Cette position peut être renforcée par le poids de l'institution. Ainsi, Barbara London 4du MOMA souligne avec force que les conservateurs doivent comprendre ce que sont les technologies, les outils, les machines et doivent posséder de nouvelles compétences, mais elle ajoute : ce n'est pas encore le rôle des musées de fournir un accès à Internet pour le public. Les gens peuvent aller dans des cybercafés. [...] Ici [Multimediale 95] ce sont des travaux sur le processus, la technologie pour la plupart, ce ne sont pas des œuvres que je choisirais de montrer. Je préfère mettre l'accent sur le contenu que sur la technologie. [...] Comme dans cette exposition à Soho et sur le Net, je trouve que c'est bien que d'autres gens fassent la recherche et l'expérimentation. 

On constate a contrario que les commissaires les plus réputés et les plus prêts à s'engager dans des expérimentations ont au moins une double appartenance culturelle. A titre d'exemple, citons Itsuo Sakane, Machiko Kusahara, Mike Leggett, Simon Penny, Alex Adriaansens, Rafael Lozano-Hemmer, Erkki Huhtamo, les équipes d'Ars Electronica (Christine Schöpf, Gerfried Stocker, Peter Weibel). 

Il serait intéressant de conduire une analyse sociologique précise des formations et savoirs de ces "nouveaux" commissaires (tous "hors institutions" de l'art) au regard de leurs réalisations et choix en effectuant une comparaison avec des conservateurs et commissaires issus du milieu de l'art classique et/ou intégrés dans des structures traditionnelles.

En effet, si l'endroit d'où l'on parle est important, émetteur de discours et validant, le "qui" parle l'est autant. A cet égard on peut distinguer 4 catégories de locuteurs : les commissaires indépendants spécialistes du domaine et les artistes (quand ils ont un rôle d'organisateurs) ; les conservateurs spécialisés en art électronique au sein d'institutions non spécialisées, les conservateurs du milieu de l'art ; les "autres" (venant d'autres milieux). Les premiers, quel que soit l'endroit où ils organisent une manifestation, ont une force de légitimation sur leurs noms et transcendent une partie du discours émis par l'institution ou la structure d'accueil. 

On peut cependant aisément imaginer, qu'avec les nouvelles générations, la différence d'approche entre les conservateurs et les commissaires d'origine différente s'estompera, même si le poids de l'institution demeure. Barbara London note 5: mes jeunes étudiants ont un point de vue esthétique différent, car ils sont d'une génération différente. Ce que corrobore Machiko Kusahara qui déclare 6 : The curators are changing. In Japan we don't have curators like Barbara London who stayed curating for more than 10 years. Usually curators are quite young and when they get older they have to do the management. And of course the new generation is interested in electronic art and videogames. It is really a change of generation. 

B - MATERIELLES [sommaire section]

La monstration de l'art électronique exige des conditions matérielles, tant pour les bâtiments que pour les équipements, que nous avons déjà évoquées. Il est bien évidemment possible de faire évoluer des lieux existants, de consacrer des espaces réaménagés dans des musées, d'élaborer des scénographies et des mises en espace adaptées, d'acquérir les matériels, etc. Cependant, si l'on veut se placer dans une perspective plus prospective, il est indispensable de réfléchir à de nouveaux types d'architecture et d'espaces, d'intégrer la situation actuelle de la création et des pratiques des publics, à la nécessaire et inévitable évolution.

En effet, la présentation d'œuvres d'art électronique dans des lieux publics ne va pas disparaître, même avec l'expansion du cyberespace. Les œuvres en ligne, lorsqu'on y accède en dehors de l'espace domestique, demandent une mise en espace spécifique qui ne doit pas tomber dans la trivialité de l'imitation (ou de la simulation) de la maison ou de l'appartement.

La conception de ces nouveaux lieux semblent se trouver confrontée à un écartèlement entre l'ambiance "cosy", chaleureuse, pour un certain type d'œuvres et le modèle "salle de spectacle", plus adapté à un autre type (installations interactives et de réalité vituelle, etc.). 

Des pistes peuvent être explorées, pour répondre aux nouvelles contraintes, qui dépassent les strictes exigences actuelles.

Aujourd'hui l'écran, notamment celui du moniteur, règne en maître incontesté et semble prendre une position encore plus importante avec le développement du cyberespace. Se focaliser sur le petit rectangle de 15 ou 17 pouces, comme ultime interface des œuvres, c'est très certainement limiter son horizon. L'écran n'a pas toujours été là, et il y avait malgré tout des œuvres d'art électronique 7. L'écran, pendant longtemps, n'a su gérer que du texte, et il y avait malgré tout des œuvres d'art utilisant le réseau 8 . Des alternatives à cet écran commencent à être proposées. C'est le cas de The Cave qui se présente comme une salle dont les murs entiers sont des écrans, ou encore de l'expérience de Stacey Spiegel et Rodney Hoinkes, conduite sous la houlette de V2, en collaboration avec le simulateur du port à Rotterdam. Le simulateur du port est une vaste pièce qui comporte un écran de 360° de 5 ou 6 mètres de haut. L'image est la salle et la salle est l'image. L'œuvre est l'environnement. La création Safe Harbor de Stacey Spiegel et Rodney Hoinkes incorpore une connection avec le réseau et des hyperliens.

Le développement des écrans plats de grands formats laisse penser que des éléments architecturaux entiers seront des écrans (ou pourront l'être) dans un avenir proche, renversant le rapport d'échelle de l'individu, d'un écran vitre/miroir à un écran paysage/environnement, introduisant donc, d'une manière paradoxale, la disparition de l'écran. 

L'écran-mur n'est pas le seul changement prévisible. Les notions d'architecture intelligente ou liquide ne relèvent pas de la pure spéculation. Les bâtiments deviendront de plus en plus équipés, de plus en plus câblés, réceptifs et réactifs à l'environnement physique, humain et cyberspatial. Ils participeront à une réalité augmentée, entre l'espace physique et l'espace du cyberespace, s'intégreront à cette réalité intersticielle, inter-spatiale pour reprendre le mot de Roy Ascott. 

Marcos Novak écrit : If architecture is an extension of our bodies, shelter and actor for the fragile self, a liquid architecture is that self in the act of becoming its own changing shelter9

Les espaces de l'art électronique —et donc les conditions matérielles de sa monstration— doivent être fluides, adaptatifs, flexibles, des abris pour la conscience du moi planétaire. Social life is the concretisation of consciousness, and the Net is the product of the connectivity of minds before it is anything else. Noetic process precedes social process : in engaging with art in the net we are taking the first steps in a new way of being, and a new way of ordering our experience and of shaping the world. [...] Art now inhabits both the interspace between material and immaterial worlds, and the interstices of the many disciplines of mind and body écrit Roy Ascott 10 . L'art électronique pourra alors être intégré, tissé pour une part, dans l'architecture même. 

C - LE STATUT DE L'ARTISTE [sommaire section]

Les artistes de l'art électronique ont peu d'objets à vendre, et le CD-ROM ne va pas bouleverser radicalement les données. Cet état de fait perturbe profondément les acteurs de l'art classique. Comment rémunérer le travail des artistes s'ils n'ont rien de palpable à offrir en échange d'argent ?

Cette interrogation, et les nombreux colloques qui lui sont associée, montre à quel point il peut être difficile de dépasser des logiques de fonctionnement et des modes de pensée alors que les modèles alternatifs sont déjà présents dans notre société. 

Les artistes ne sont plus des producteurs d'objets mais d'idées, de contextes, de processus. Ils sont ces "knowledge workers" dont parle Tom Sherman 11 . La société capitaliste dispose d'une catégorie pour cela, le prestataire de service et d'un mode de rémunération, les honoraires. Dans le monde de la culture, c'est exactement le principe de fonctionnement du spectacle, où la prestation des artistes est payée par un cachet. La transposition pour les artistes de l'art électronique est donc assez facile à faire, surtout dans le cas d'une monstration temporaire, mais encore faut-il reconnaître que l'œuvre n'est plus un objet stricto sensu. Roger Malina écrit ainsi : En fin de compte, l'œuvre interactive n'est plus un objet mais devient un processus interactif. Vous ne pouvez pas acheter ce processus mais vous pouvez payer le magicien qui le crée. Avant l'invention de l'écriture et de l'imprimerie, vous ne pouviez pas acheter l'histoire, vous pouviez seulement payer le conteur 12 . 

Pour la monstration permanente (achat d'installations par exemple), diverses modalités peuvent être envisagées : cession définitive (mais qui peut être répétée pour plusieurs institutions), cession d'un droit de monstration dans les murs et droits supplémentaires en cas de prêts, cession d'un droit de monstration uniquement dans les murs, etc. 

Les œuvres en ligne présentent encore un cas particulier. Actuellement, elles sont de facto gratuites. Cependant, avec l'arrivée du paiement sécurisé et de la monnaie électronique (déjà en place pour certaines transactions), on peut tout à fait envisager des paiements à la consultation, ou pour certaines parties uniquement, ou des accès gratuits à des œuvres "tronquées" ou partielles ou de résolution plus basse et un paiement pour la totalité de l'œuvre ou dans une qualité plus grande, etc. 

Si le copyright et la réutilisation de tout ou partie des œuvres par des tiers restent à redéfinir, les modes de rémunération des artistes sont assez faciles à envisager.

 

II - CONSEQUENCES ET EVOLUTION [sommaire général] [sommaire section]

A - LES DIFFERENTES POSITIONS ET ATTITUDES

Quelles directions prendre pour la monstration de l'art électronique ? Quelle évolution favoriser ? Faut-il rompre avec le système de l'art classique et en proposer un nouveau ou bien tenter de modifier celui-ci de l'intérieur ?

Trois positions émergent des interviews que nous avons faites, définissant trois attitudes : "sécessionniste", "évolutionniste" et "réservée". 

1 - La position "sécessionniste" : la rupture avec le modèle de l'art classique [sommaire section]

Elle est majoritairement soutenue par les spécialistes de l'art électronique et, parmi eux, certains artistes dont : les plus jeunes ; ceux qui n'ont pas une formation artistique comme première formation ; parmi les plus "expérimentés" ou reconnus, ceux qui ont trouvé ailleurs que dans le milieu de l'art d'autres lieux de monstration et d'autres instances de reconnaissance et de validation ; ceux qui pratiquent une création plus expérimentale.

Les "sécessionnistes" ne sont pas fondamentalement hostiles aux musées. Cependant, ils pensent que le positionnement structurel et idéologique du milieu de l'art classique est trop rigide et trop lié à un système et un modèle donnés pour pouvoir intégrer l'art électronique dans toutes ses dimensions, ou même pour pouvoir évoluer rapidement. Les lieux spécialisés sont ceux qui apparaissent comme les modèles les plus pertinents. Ce groupe souligne que l'art se passe aussi "ailleurs" et que de nouvelles formes de validation se mettent en place. 

2 - La position "évolutionniste" : continuité au sein de l'art classique [sommaire section]

Cette position est plutôt celle des gens de musées et d'institutions culturelles ainsi que des artistes qui ont acquis une certaine notoriété dans les milieux de l'art électronique et qui veulent une "vraie" reconnaissance dans le milieu de l'art.

Pour ce groupe, l'art électronique appartient à l'art contemporain. Il faut donc le montrer dans une continuité artistique, y compris pour souligner les ruptures, les évolutions et les oppositions avec un art plus traditionnel. Certains adoptent une position plus nuancée, en soulignant les problèmes intellectuels, esthétiques et formels de la présentation de l'art électronique dans les mêmes locaux et à côté de l'art classique. Bob Riley déclare ainsi : I would like to see a combination of futurist paintings, etc. and all this kind of ideas and media art, the issue of social concerns, etc. through different medium, from painting to media arts. The one thing that upsets is the relationship to time. Here we observe static object on the wall. We spend a second and we walk by. The media installations want something else from you. It engages all your capacity. And I think this is where a separate building is actually better because it is expected then that you have to behave in a different way, you have to envolve all your senses. [...] That fourth floor of this museum is becoming our laboratory floor where people are invited to look at things in a different way. I am up to the challenge of this contextualisation of media 13 .

Tous déclarent que les lieux spécialisés (ou même les foires et salons commerciaux et techniques) jouent un rôle important "au début", pour la découverte de nouveaux artistes. Tous reconnaissent que la vraie expérimentation doit être faite ailleurs. L'art électronique est perçu comme trop nouveau pour être déjà pris en compte par les institutions muséales ou culturelles traditionnelles. 

3 - La position "réservée" : voir au cas par cas [sommaire section]

Cette position reflète l'incertitude et l'écartèlement intellectuel de ceux qui connaissent les filiations de l'art électronique avec l'histoire de l'art d'un côté, et les limites des institutions muséales de l'autre, ce qui les conduit à ne pas prendre une position plus tranchée.

Ils n'excluent pas le musée a priori et préfèrent "voir au cas par cas". Pour eux, le renouvellement des générations permettra une évolution dans les attitudes des conservateurs et rapprochera les points de vue et les actions. 

Cette position est reprise par les "sécessionnistes" bien qu'ils restent "sans trop d'espoir", tout en rêvant, malgré tout, que le milieu de l'art classique puisse évoluer, puisque "on ne sait jamais". Elle est aussi intégrée par les "évolutionnistes", qui croient à une "transformation graduelle" qui pourrait venir de l'extérieur car c'est l'extérieur, les médias qui font comprendre aux musées "qu'il se passe quelque chose" 14 . 

Avant d'envisager les modèles possibles de monstration de l'art électronique, nous aborderons le nouveau contexte social de l'art et les paramètres issus des technologies contemporaines. 

B - L'ART ET LE CONTEXTE SOCIAL [sommaire section]

1 - Identification et distanciation

Jean-Marie Schaeffer rappelait, lors de la Revue Virtuelle consacrée aux Arts et médias numériques15 , qu’il n’existe pas de conditions nécessaires et suffisantes pour définir une œuvre. Pour les philosophes, la notion d’art est "intrinsèquement vague". On se trouve face à un faisceau de critères tels que l’appartenance générique à un type d’activité (peinture, sculpture …), la causalité intentionnelle ("ceci est de l’art"), l’attention esthétique (pour des objets empruntés à d’autres civilisations). Les œuvres produites dans le champ des media numériques ne sont pas immédiatement appréhendées à l’aune de ces critères.

Pourtant, la majorité des auteurs revendiquent la qualité d’œuvre pour leur travail. Ils ne le revendiquent pas comme un jeu, une démonstration de virtuosité informatique ou encore une expérience scientifique… La causalité intentionnelle est bien là, mais les indices habituels (la forme objectale et le contexte muséal ou para-muséal) peuvent être totalement absents de la monstration de l’ouvrage.

La numérisation ne semble pas faire renoncer à la notion d’art, suffisamment "intrinsèquement vague", pour pouvoir s’adapter aux nouvelles contingences de la création humaine. Les conditions de la mise à disposition de ces œuvres au public jouent alors un rôle important dans le processus d’indexation des travaux comme œuvres. A cet égard, les travaux de Karl Sims ou Tom Ray et, plus largement, de certains scientifiques et chercheurs, appartiennent à deux mondes : celui de la recherche et celui de l'art. Ils ne peuvent être identifiés dans le second qu'extraits de leur contexte d'origine et recontextualisés. Il s'avère que beaucoup sont des œuvres liées à la vie artificielle. La représentation du vivant avait précisément été l'apanage de l'art. Avec la vie artificielle et les bio-technologies, nous accédons à une autre étape, la modélisation-recréation du vivant. Les "créateurs" n'y sont plus les seuls "artistes" et les productions n'y deviennent des "œuvres" que par le contexte.

De la même façon, les indices indiquant au visiteur du Web (ou d’espaces virtuels) qu’il se trouve sur des lieux de création artistique sont également donnés par le contexte (la page Web, la conception de l’espace et de l’accueil, l’information préalable, l’adresse). Mais, comme dans le cas de la recherche scientifique et technique, certains sites ne peuvent être appréhendés comme relevant d'une "création artistique" que par une validation interne et externe au réseau (voir infra, la validation culturelle).

L'indexation n’est pas nécessairement préalable à l’existence de l’œuvre. Depuis les années soixante, et dans le sillage Dada, il existe des œuvres qui justement travaillent sur une implication dans le flux du vivant et ne peuvent donc pas se poser a priori comme œuvre. La nature informationnelle de l’art électronique favorise ces approches. L’identification a généralement lieu par des indices de reconnaissance a posteriori. C’est le principe de la coupure ou de la distanciation.

Cette indexation est indispensable pour des raisons ontologiques : l’art procède d’un consensus. Une création humaine n‘est pas de l’art toute seule. Les formes peuvent varier, les instances de validation évoluent, mais l’art reste affaire d’intention et de reconnaissance sociale. Rien ne nous empêche de penser qu’il y a plus "d’art" dans les jeux vidéo que dans bon nombre de galeries, les mathématiciens peuvent être émus par la beauté d’un théorème, ces productions ne seront socialement de l’art que si un certain nombre de filtres les indexent comme tel. 

2 - La validation culturelle [sommaire section]

Tout au long de cette étude —et de la part de tous nos interlocuteurs— est apparu le même leitmotiv qu'il ait été explicitement formulé ou simplement sous-jacent aux divers propos : il est nécessaire d'avoir des lieux "culturants", validants pour l'art électronique.

Cette attitude est finalement l'autre face de ce qui est exprimé par les opposants à l'art électronique lorsqu'ils reprochent le manque de discernement du milieu de l'art électronique qui "accepte tout" sur le même plan, y compris des œuvres médiocres.

La validation culturelle est le processus de reconnaissance par les pairs. Dans l'art classique, les musées et les critiques d'art jouent ce rôle. Jusqu'à présent, dans l'art électronique, on constatait la même validation par le milieu. Il s'agissait principalement des lieux spécialisés (festivals), des nouveaux acteurs (commissaires, critiques, théoriciens, enseignants), d'une revue, Leonardo, à la réputation établie depuis presque 30 ans.

Dans leur biographie, ou lors de présentations publiques, les artistes mettaient en avant les prix qu'ils avaient pu obtenir à Ars Electronica, leur présence à SIGGRAPH ou les articles publiés dans Leonardo.

Une nouvelle catégorie de "valideurs culturels" était apparue, laquelle n'était pas, ou pas toujours, issue du milieu de l'art classique, quand elle ne se situait pas en opposition avec lui. 

Cette situation semble évoluer depuis environ deux ans. En effet, la diffusion des technologies informatiques met les idées liées aux technologies contemporaines sur le devant de la scène. Dans la foulée, l'art électronique aquiert une plus grande visibilité, dont témoignent les articles dans des journaux de grande diffusion et les émissions de télévision. Il déborde de plus en plus de son "milieu" d'origine pour devenir le point de référence dans la création contemporaine avec un double effet d'attrait-répulsion. D'une part, on assiste à un engouement des artistes de formation classique pour les media numériques et tout particulièrement pour Internet. D'autre part, les artistes qui souhaitent continuer leur travail avec les media classiques indiquent, avec force, pourquoi ils refusent d'utiliser les media électroniques. Par ailleurs, le vocabulaire des technologies et de l'art électronique envahit de plus en plus l'art contemporain classique (les mots "virtuel" et "immatériel" y connaissent un franc succès).

Dans ce contexte, on voit un retour paradoxal du musée comme instance validatrice. Les artistes mentionnent fièrement leurs expositions dans des musées et les modérateurs de conférences (y compris —ou surtout ?— à SIGGRAPH) les indiquent en premier. 

Ce retour signifie-il une normalisation de l'art électronique et la domination définitive des institutions classiques dans la validation culturelle ?

Il semble que se dessine le retour au schéma antérieur où les galeries et centres d'art jouent le rôle d'un premier filtre avant que les musées n'opèrent la sélection finale. Les lieux spécialisés reprendraient ainsi le rôle de "bassins de décantation", de première instance dans le processus de validation culturelle.

Cette position est à nuancer : l'estampille muséale est reconnue principalement par deux types de destinataires : le milieu de l'art classique et le milieu de l'informatique. Il est à noter qu'ils se rejoignent sur deux points : conservatisme quant à la définition de ce qu'est et doit être l'art, manques de connaissance à propos de l'art électronique.

Enfin, le cyberespace engendre de nouvelles questions. A partir du moment où il n'y a plus nécessairement d'intermédiaires culturels entre l'artiste et les publics, comment s'opère la validation ?

Par le nombre de consultations ? Mais n'est ce pas alors un simple audimat ?

Par les liens que d'autres sites établissent avec les œuvres qui ne sont pas sur leurs serveurs ? Ces sites sont alors l'équivalent, dans le cyberespace, des institutions dans l'espace physique. C'est leur réputation qui valide l'œuvre. Aujourd'hui, ce sont majoritairement des sites spécialisés en art électronique mais aussi des sites connaissant bien le cyberespace et sa culture (par exemple les "étoiles" que décerne Magellan ou la sélection dans les "tours guidés" de Excite, tous deux moteurs de recherche sur Internet). L'internaute, appartenant actuellement encore à une élite "cyber-cultivée", va plus facilement adhérer à une validation opérée par le milieu de l'art électronique et du cyberespace qu'à celle de l'institution culturelle, largement "cyber-illettrée".

Par les commentaires et critiques dans des revues ? Ce qui revient à un rôle classique de la critique, même si elle est sur un support de diffusion électronique. La nouveauté réside dans le fait que le critique peut être "l'internaute moyen", et non plus un critique "professionnel". A cet égard, la place prise par Rhizome est tout à fait révélatrice. Rhizome est une lettre/forum électronique, hebdomadaire, où les lecteurs sont aussi les auteurs. Un éditeur assure le tri des envois et reposte gratuitement le tout aux abonnés. Rhizome a trouvé sa légitimité progressivement, par la qualité de ses informations et l'intérêt des sites, des projets, des idées qu'elle défend. Il n'en reste pas moins que Rhizome est faite par ses lecteurs dont beaucoup sont des artistes.

Le processus de validation relève d'une manifestation de pouvoir. L'apparition des musées comme référant culturel pour l'art électronique n'est-elle pas simplement le témoignage de l'existence de deux ordres ? Chacun refléte des structures de pouvoir différentes, l'un est en train de perdre de son importance, mais a l'avantage de l'antériorité, alors que l'autre, en émergence, essaie de s'imposer. 

C - LES NOUVEAUX PARAMETRES [sommaire section]

1 - Mise à disposition aux publics

Le but pour toute création est bien d'être rendue publique pour être partagée par une communauté. Les technologies contemporaines ont perturbé les conditions et les modalités de cette présentation. Examiner les aspects matériels et théoriques permet d'élaborer certaines réponses, se pencher sur le vocabulaire peut aider à leur formulation.

D'après le dictionnaire, exposer signifie "mettre en vue" et montrer, "faire voir, exposer au regard". Montrer incorpore aussi les notions de démontrer (aspect didactique, pédagogique) et de monstre (quelque chose d'étrange, hors-normes). Le glissement de vocabulaire, d'exposition à monstration, semble témoigner moins d'un changement dans la nature de l'action entreprise, que de la prise en compte de l'évolution des œuvres. 

Quel(s) autre(s) terme(s) pourrai(en)t être utiles pour décrire également les modifications dans l'action même de rendre public ?

Proposer et disposer peuvent rendre compte à la fois du changement dans les œuvres et dans l'action des médiateurs. Proposer, c'est "placer en avant, offrir, mettre une chose en avant pour qu'on en délibère" ; disposer, c'est "mettre dans un certain ordre, arranger en vue d'une certaine destination, mettre en état de, pouvoir utiliser". Ces deux verbes, et surtout disposer, incluent l'idée que quelqu'un organise d'une certaine manière quelque chose (que ce soit l'artiste et/ou le commissaire) ainsi que l'appropriation active par le public de cette chose. 

Dans le cas du cyberespace, il n'y a pas plus d'exposition que de monstration. Les sites et les œuvres ne sont pas distincts de leur environnement de présentation mais relèvent de "l'être" dans un milieu donné, dans un espace public. Pas plus que les animaux ne sont exposés dans la nature, ou les bâtiments dans les villes, les sites ne sont montrés sur Internet.

Le verbe "diffuser" est quelquefois utilisé, mais il suppose une différenciation entre le contenant/support et le contenu, ce qui est une contradiction pour la plupart des œuvres sur le réseau.

A nouveau, le couple proposer/disposer semble le mieux répondre à l'évolution. Cependant, si l'artiste propose effectivement une œuvre dont le public peut disposer, le commissaire ou le conservateur propose, quant à lui, non pas les œuvres elles-mêmes (ce qui est nouveau, même dans l'art électronique) mais une liste de celles-ci. Jean-Louis Boissier écrit, dans le catalogue d'Artifices 4 : Inventorier les adresses des sites, les écrire, c'est déjà les rendre accessibles, les exposer. On ne peut pas les exposer autrement qu'en en dressant la liste. Le mot clé est "accessible". Le rôle des conservateurs devient l'organisation de l'accès aux sites. Accéder, "avoir accès à", inclut une notion de cheminement, de parcours. Ce que le commissaire organise (ou propose) c'est le fléchage du chemin pour atteindre l'œuvre. Ce travail de signalétique différe largement des pratiques et techniques habituelles des commissaires, y compris ceux de l'art électronique. En ligne, dans le cadre d'une galerie ou d'un musée virtuels, il demande de développer un savoir-faire dans la construction des sites, compétence non pas technique mais de mise en page, d'élaboration d'interfaces, de définition de lisibilité et visibilité dans le medium particulier qu'est le Web. Cette compétence est aujourd'hui entre les mains des concepteurs de sites (ou "web designer"). Quand l'accès se fait dans des espaces publics, il est en outre nécessaire de repenser les lieux et leur disposition pour permettre à un nombre suffisamment important de visiteurs de se connecter simultanément (nombre de postes), tout en préservant la relation d'intimité de chacun avec les œuvres. 

2 - La conservation [sommaire section]

Avec une grande partie de l'art électronique, l'ambition de la conservation de l'œuvre à l'identique s'effondre. Ceci oblige à expliciter ce que l'on peut et veut conserver et les raisons des choix. Toute conservation est une représentation partielle du passé, contingente au présent. 

La nature des œuvres d'art électronique oblige à développer de nouveaux modèles de conservation qui différent largement de celui du musée.

- le modèle "archive/documentation"

Les archives conservent de l'information plus que des objets. Leur compétence première consiste à savoir faire un tri et à indexer (ou cataloguer) convenablement les documents retenus, afin de les rendre accessibles aux utilisateurs le plus facilement possible. Ces documents ne sont pas homogènes dans leurs contenus mais dans leurs sujets ou thématiques.

Selon ce modèle, pourront être conservés des "objets" informationnels (œuvres, états différents d'œuvres, états "partiels" d'œuvres) numérisés ou numérisables, accessibles éventuellement par le réseau, ainsi que la documentation autour de l'œuvre. 

- le modèle "archéologique"

L'archéologie procède par fragments, par assemblage d'objets de diverses natures et dans divers états qui, mis ensemble, font sens. Elle sait depuis toujours s'appuyer sur les vides, les manques, et par une re-contextualisation, proposer un état vraisemblable de ce que pouvait être la situation d'origine, tout en maintenant ouvertes des hypothèses alternatives.

Selon ce modèle, pourraient être conservés des "objets" avec des éléments physiques irréductibles à la numérisation. Ces objets peuvent relever de plusieurs sphères : art, technique, science, etc. 

Les deux modèles peuvent se combiner d'un point de vue méthodologique : il semble évident que la méthode archéologique du récolement du fragment s'applique aux œuvres informationnelles du modèle archivistique. C'est dans la nature des éléments conservés que se situe la différence ce qui influe sur la nature des lieux et l'agencement de leurs espaces. 

D - QUELS MODELES POUR L'ART ELECTRONIQUE ? [sommaire section]

Les institutions culturelles, telles que nous les connaissons, sont nées et ont évolué avec l'Etat-Nation et le système économique, social et technologique (celui de l'industrialisation et de la machine) qui lui était associé. Les technologies contemporaines créent les conditions d'émergence d'un nouveau système. On peut imaginer que l'art électronique s'organisera autour de nouvelles structures qui se formaliseront au fur et à mesure de l'apparition d'un nouvel ordre, politique, économique et social. 

Pour Itsuo Sakane : We need new type of spaces for this kind of art. [...] I am interested in all kind of expanded art like science art, cosmic art, natural phenomena art. [...] We should integrate computer, spirit and nature. [...] This could be new kind of anthropologist art, scientific art and natural phenomenal art. [...] I think it depends on culture. French see art as artifact, art as art. They don't consider nature as art for instance. But oriental people look at nature as art. Art depends on the way you look at things and not on the objects themselves. [...] The future exhibition place could be of course more science or technology or art oriented, but every place should have a part of the other fields integrated. [...] We should be able to display both sides of human activity in the same place. We need new kind of museums or galleries, or may be I should call them "human centers". It should be a single place where you could learn, play, meditate, etc. according to your mood and interest at the moment and go back another time with another goal in mind. This is an idealistic view where science, art, etc. could be presented. It could also include a place to communicate among humans ! [...] It is a sort of idealism... 16 

Christine Schöpf, quant à elle, propose : Actuellement il vaut mieux développer des centres dédiés et spécialisés. [...] Il faut des cellules intellectuelles liées entre elles qui élaborent des contenus, des pensées qui soient critiques. [...] Les centres spécialisés doivent aussi inclure la recherche sociale. [...] J'aimerais aussi un lieu important, la grande usine avec l'art media commençant avec les Vasulka, Paik, etc. jusqu'à aujourd'hui. Il faut des musées où on puisse lire les évolutions, les changements de directions parce que l'on comprend mieux le monde intellectuel, de création, si on le met en perspective historique. [...] Il faudrait deux ou trois de ces musées dans le monde, pas plus. Dans ces musées il pourrait y avoir des archives. Il faudrait faire une sorte d'archéologie de cette histoire. [...] Il ne faut pas seulement des pièces des artistes. [...] Et il faut aussi des festivals 17 . 

Par ailleurs, tout comme les œuvres d'art classique, les œuvres d'art électronique s'inscrivent dans des "âges" différents. Nous en distinguons trois : l'art en création, actuel, en train de se faire ; l'art récent, qui a quelques années d'existence, ne pose pas de problèmes techniques particuliers de monstration, mais a déjà subi un premier filtre de validation et de reconnaissance (Legible City de Jeffrey Shaw en est le parfait exemple) ; l'art "ancien", il appartient déjà à l'histoire de l'art électronique et il peut commencer à présenter des difficultés dans la monstration.

A ces différents "âges" des œuvres répondent différents types de lieux, ce que l'on a tendance à oublier, en prenant l'art électronique comme un bloc monolithique trop récent pour avoir des strates temporelles. 

Aux côtés des festivals et manifestations temporaires, nous proposons trois modèles pour une présence permanente de l'art électronique : médiathèque, musée "archéologique et des civilisations", cellule d'expérimentation culturelle. Chacun intégre, à sa manière, les nouvelles conditions de monstration liées aux formes et à la nature de l'art électronique. Chacun répond aux divers besoins de conservation, ainsi qu'aux "âges" des œuvres. 

1 - Médiathèque [sommaire section]

Sous le vocable de médiathèque, nous entendons tout ce qui relève du modèle de l'archive, de la bibliothèque et de la documentation.

Ces lieux sont parfaitement adaptés pour accueillir les œuvres sur écran et les œuvres en ligne notamment. Pour Joseph Squier, the best venues of the future will be those that embrace the concept of art as SIGNAL rather than art as object. [...] I do find that the concept of the Library of the Future gives me hope. [...] Librairies, while they do house and care for objects, are more concerned with AUTHORS PROVIDING CONTENT 18 . 

Habituées à traiter de l'information, et de plus en plus de l'information numérisée, les médiathèques ont en outre développé tout le savoir-faire pour organiser l'accès à celle-ci, sa consultation et sa conservation, quel que soit l'âge des documents. On pourra donc y retrouver aussi bien l'art en création que l'art récent ou l'art "ancien". 

Par ailleurs, ces médiathèques peuvent être n'importe où : dans un musée classique, dans un musée des sciences et techniques, dans un lieu spécialisé mais aussi, et surtout, dans les bibliothèques déjà existantes et donc dans des lieux de proximité. 

Certaines des personnes que nous avons interviewées ont montré des réticences face à la médiathèque/bibliothèque comme lieu de destination de l'art, arguant du fait que l'on allait y chercher de l'information, une documentation, mais que l'on n'y regardait pas de l'art. En bref, les médiathèques ne sont pas des lieux de "contemplation". Elles n'appartiennent pas au système de consommation de l'art et surtout, elles ne sont pas des lieux "culturants" ou validants, en tant que tels.

Il ne nous semble que ce ne soit pas une raison suffisante. Les habitudes changent. Régis Guyotat dans un article du Monde du 24 octobre 1996, notait qu'en France, 6 millions de personnes sont inscrites dans une médiathèque. A Orléans, un quart de la population fréquente désormais régulièrement ses salles de lecture mais le flux réel est beaucoup plus important car les "fréquentants non-inscrits" ne sont pas recensés. Il souligne que cela n'est pas sans poser des problèmes, notamment au niveau du fonds, des achats et de la conservation, car le succès des médiathèques est dû à l'arrivée massive de nouveaux publics. Il ajoute : il y a eu le règne des maisons de la culture. Voici maintenant la médiathèque, centre d'animation culturelle.

Le problème essentiel de ces lieux est évidemment les budgets et coûts de fonctionnement. Dans une perspective de redéploiement des lieux de l'art, des réaménagements budgétaires devraient sans doute être envisagés. 

2 - Le modèle muséal revisité : entre archéologie et civilisation [sommaire section]

Pour des œuvres qui nécessitent un appareillage spécifique pour être montrées, c'est-à-dire pour des œuvres qui relèvent du deuxième modèle de conservation et de l'art "ancien", le musée apparaît encore pertinent. Mais pour des œuvres "hybrides", appartenant à deux sphères, celle de l'art et celle des techno-sciences, ce musée doit également être "hybride". Les musées archéologiques, pour la méthodologie, et les musées des civilisations, pour leur champ d'action, fournissent des modèles desquels on peut s'inspirer. Le musée des civilisations notamment, inclut des artefacts de nature différente. Surtout, il pose un regard globalisant sur les sociétés dont il conserve des traces. L'art n'y est pas séparé du reste des activités, mais remis en perspective. 

Est-il indispensable de créer de nouveaux musées spécialisés dans un nouveau "genre" ? D'un point de vue conceptuel et théorique, la réponse peut être négative. En effet, la seule condition nécessaire est de préserver la diversité et de maintenir une cohérence dans ce qui est conservé et présenté. Le lieu d'accueil peut être un musée d'art contemporain, un musée des sciences et techniques, etc. 

Cependant, deux problèmes surgissent :

- le premier relève d'une contrainte purement matérielle : la limite des surfaces d'exposition et de stockage des lieux existants.

- le second est que ces lieux ont un point de vue segmenté qui ne favorise pas une approche globalisante. 

Ces deux éléments militent en faveur, à côté des lieux existants, de la création de lieux dédiés. Si la proposition d'Itsuo Sakane est séduisante, elle reste largement utopique et les tentatives en la matière sont vite retombées dans des schémas plus classiques (que ce soit l'Exploratorium, la Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette ou, dans un autre registre, le Centre Georges Pompidou). La formulation de Christine Schöpf nous paraît plus réaliste. Plutôt que la "grande usine" qu'elle évoque, nous pencherions pour de plus petites unités, traitant de la création, des techniques, des questions scientifiques, sociales et politiques, afin de ne pas tomber dans le piège du "musée des arts électroniques". Réparties dans le monde, ces unités pourraient être reliées entre elles par le biais, entre autre, d'Internet et de publications numériques. Il est facile également d'envisager des échanges et des collaborations, pour des opérations de plus grande envergure ou complémentaires qu'elles pourraient mettre sur pied (manifestations thématiques, etc.). Ces lieux pourraient éventuellement inclure des activités de création. Il sera intéressant, à cet égard, de suivre l'évolution du ZKM et de l'ICC qui incluent espace de création et lieu muséal, tout en se voulant également endroits d'une réflexion plus théorique. 

3 - Cellule d'Expérimentation Culturelle [sommaire section]

Ce type de lieu est communément dénommé "centre spécialisé" ou "musée du troisième type" (Roy Ascott) ou "musée du 21ème siècle (sous-titre de l'Ars Electronica Center). Le vocabulaire n'est pas neutre. "Cellule d'expérimentation culturelle" nous paraît le plus approprié pour définir la nature et la vocation de ces espaces. 

Centre implique périphérie, un rayonnement à sens unique de l'un vers l'autre, une domination de l'un sur l'autre, une organisation hiérarchique. Ce modèle d'organisation est battu en brèche. Il n'y a plus de "centre" mais des nœuds, en relations multiples les uns avec les autres.

Le mot "musée", quant à lui, nous semble trop associé à une structure du 19ème siècle. 

Cellule, pris dans son sens biologique, est une entité autonome acceptant une certaine perméabilité, une influence de l'extérieur. Elle existe dans un ensemble plus grand, dans les liens et échanges qu'elle maintient avec les autres, avec son environnement.

Cellule inclut une notion de vivant, d'organique, sans hiérarchisation de pouvoir. Ce terme fait écho aux bio-technologies, domaine de recherche critique, dans la société et dans l'art. 

Expérimentation met l'accent sur l'art vivant, sur un art en création et non sur des modèles établis à répéter ou à reproduire. C'est un mot commun dans le vocabulaire des techno-sciences mais il renvoie également à des moments forts de l'histoire de l'art et de celle de l'art électronique.

Le groupe japonais, Experimental Workshop (Jikken Kobo), créé en 1951 par des artistes provenant de différentes disciplines (poésie, peinture, musique, photographie, travail sur la lumière, théâtre) posait la question de l'expérimentation en art, comme processus, comparée à cette même notion en science. Il proposait de l'utiliser pour une pratique artistique et de réfléchir aux changements que cela pouvait induire pour l'art et pour l'œuvre. 

Experimental Workshop est une des expériences les moins connues de l'histoire de l'art électronique (contrairement à EAT/Experiment in Art and Technology à New York par exemple). Pour Katsuhiro Yamaguchi, un de ses fondateurs, les principales raisons en sont que ses activités recouvraient des spectacles musicaux et théâtraux et qu'il était donc difficile de les discuter uniquement en terme d'art ; la seconde est qu'il mixait une approche constructiviste avec un intérêt pour les media et la technologie et la troisième que le style de chacun des membres était très différents et qu'il n'y avait donc pas de d'identité formelle Experimental Workshop aisément reconnaissable ; enfin, nombre de ses activités étaient éphémères plutôt que des objets durables et il n'y a que peu de documentation sur le travail accompli 19 . L'activité du groupe a cessé autour de 1957. Outre Yamaguchi, artiste visuel, les musiciens furent les seuls à poursuivre dans le domaine de l'art électronique (parmi eux Takemitsu et Yuasa).

Aujourd'hui, expérimentation renvoie également au vacillement des modèles. Au quotidien, comme dans la science ou dans l'art, nous devons apprendre à vivre avec et à gérer l'incertitude. 

Nous avons retenu l'adjectif culturelle pour mettre en avant la multiplicité indispensable des approches et des disciplines et le fait que l'art —fut-il électronique— existe dans — et appartient à— des sphères hétérogènes. 

Partant de cette définition, quelles peuvent être plus concrètement les caractéristiques des Cellules d'Expérimentation Culturelle?

Leur champ d'action concerne essentiellement l'art en création et l'art récent. Ce sont d'abord des lieux de création et de production, dotés d'une large gamme d'équipements. Si ce dernier peut être haut de gamme, il ne faut pas oublier que l'on peut faire beaucoup de choses avec un équipement moyen, ou même bas de gamme. Des collaborations sont toujours possibles pour des matériels très particuliers. Il est toujours plus facile de traiter d'institution à institution, que d'artiste à institution. 

Ce sont aussi des lieux de monstration. Cependant aucun bâtiment ne répondra jamais à toute les attentes ni à toutes les évolutions. Les espaces peuvent être donc modestes, mais surtout flexibles et, là encore, des manifestations peuvent être montées avec d'autres structures et dans les lieux "décalés" que nous avons évoqués dans la section III. Un spectacle multimédia ou technologique sera toujours mieux accueilli dans une "vraie" salle de spectacle que dans un auditorium mal adapté. Ces lieux pourraient inclure au minimum : des studios de création, une médiathèque accessible au public, un auditorium pour des conférences, projections, etc., des salles pour des cours et des formations et une ou deux salles pour des expositions. 

Les cellules d'expérimentation culturelle peuvent ainsi répondre aux deux modèles de mise à disposition des œuvres au public (la monstration et l'accès) ainsi qu'au premier modèle de conservation (archivage/documentation).

L'essentiel est que ces lieux doivent rester adaptatifs, évolutifs, flexibles, à l'écoute. Pour Roy Ascott, the emphasis will be more on action, interaction and construction, than storage, classification and interpretation. The Digital Museum becomes a site of transformation 20 . Ces espaces doivent être not reactive but anticipatory, not imposing perspectives on the history of art, but opening up a pool of possibilities which emerge as the prospect for the future of art. It is working at the forward edge of contemporary culture, as an agent of cultural change, as a cause of art practice rather than simply of cultural effect 21 . 

Une Cellule d'Expérimentation Culturelle peut, d'un point de vue théorique, être implantée partout : dans un musée, une université, un laboratoire de recherche, etc. Cependant, le poids des structures, des environnements, des habitudes d'une part, l'évolution artistique et sociale d'autre part, font que des lieux spécialisés sont les plus à même de répondre aux enjeux, comme le souligne Roy Ascott : It is true that even the most traditionnal space, with little alteration can house electronic art [...] but we are approaching that critical point in the evolution of interactive, online, cyberspacial, virtual world works of art for which wholly new environmental public interfaces will have to be constructed. The time has come to think about an intelligent architecture to house the art of intelligent systems 22 . 

Au cours de cette étude, nous avons présenté les différentes expériences en cours dans le monde, chacune avec son orientation, ses choix propres. En France, le projet du Métafort s'inscrit dans cette perspective internationale, et dans ce que nous avons défini comme Cellule d'Expérimentation Culturelle, tout en offrant une autre direction de travail et de recherche.

Dans sa présentation 23 ,le Métafort indique que sa finalité est de contribuer à la maîtrise sociale et culturelle des technologies multimédias, notamment dans les domaines du langage, de l'image, des réseaux et de l'espace. Son ambition est de construire une vaste collaboration interdisciplinaire des artistes, des philosophes, des industriels et des publics à travers la réalisation de projets multimédias. Ces projets intègrent un contenu artistique, un dispositif technologique et une dimension sociale.

Le projet du Métafort se structure autour de huit pôles : Métaforum pour les colloques, conférences, concerts, etc. ; l'accueil des projets ; le pôle industriel ; le pôle formation ; l'espace de création composé d'espaces de travail et de production ; l'atelier de recherche qui rassemble, le temps d'un projet, les équipes nécessaires autour de chercheurs expérimentés ; la résidence d'artistes ; la multimédiathèque.

Pour Pascal Santoni 24 , la monstration dans le cadre du Métafort doit porter sur des projets en train de se faire, avec le défi conceptuel et organisationnel que cela suppose. La monstration s'organisera aussi autour de thématiques ou d'œuvres particulières. Elle peut porter sur un art en création, ou sur des œuvres plus historiques, mais elle doit être accompagnée de discussions, de débats, autour de ce qui est présenté, afin de permettre une formation des publics. Dans tous les cas, le Métafort ne sera pas un lieu de monstration permanente, avec une programmation à long terme, mais il entend pouvoir réagir rapidemment, autour de questions "chaudes". 

CONCLUSION [sommaire général] [sommaire section]

Nous avons posé les bases de cette étude en mai 1995 et l'avons terminée en novembre 1996. Au cours de cette année et demie, nous avons pu constater une évolution sensible dans le monde de l'art électronique. Une discussion serrée a surgie pour savoir si l'on pouvait encore parler d'art "électronique" ou si ce terme n'était pas déjà dépassé. Dans un clin d'œil aux "ismes", aux "néo" et aux "post" de toutes sortes, nous pourrions dire que nous abordons le post-électronique. Plus sérieusement, dans une période où l'électronique, et l'art qui lui est associé, commencent à être absorbés par le social, le débat témoigne du déplacement des enjeux, déjà perceptibles dans la société et dans l'art. Ces enjeux reposent sur les bio-technologies. 

Il faut un certain nombre d'années pour élaborer un projet d'espace culturel innovant et le réaliser. A l'avant-garde au moment de sa première définition, il est juste dans le courant principal au moment de son ouverture. Il est urgent que la France s'implique dans ces directions et soutiennent les projets en cours les plus ouverts et les plus flexibles. Il est aussi urgent de commencer à réfléchir à ce que sera, est, cette culture post-biologique. La proposition de Roy Ascott constitue une excellente base de travail

There are three principal coordinates which it is necessary to triangulate in the search for the location of culture at this turning of the millenium :

- technoetics (everything that concerns cyberception and the technology of counsciousness)

- artificial life (everything that concerns the emergent processes of nature)

- intelligent architecture (everything that concerns qualities of anticipation and adaptation in environmental systems and structures) 25 . 

 

[sommaire général] [sommaire section]


Annick Bureaud <bureaud@altern.org> - Janvier 1998.

 

 

 

1 - Interview le 22 juin 1995.

Le champ [de l'art électronique] est trop vaste, aussi nous avons pensé que nous devions définir des sous-questions, un thème que nous traiterions. [...] D'abord nous avons un concept. Puis le contrepoint de cette approche. Cela permet de clarifier le débat. Si vous voulez expliquer une position, vous devez aussi montrer la position opposée. Cela rend les choses beaucoup plus claires. Cela détermine les limites de chacune des positions que les artistes ont pris et c'est plus compréhensible pour le public. Nous essayons de sélectionner 5 à 6 œuvres qui expriment 5 ou 6 attitudes pour la question que nous voulons soulever. Parmi ces travaux nous prenons les 2 positions extrêmes. Si vous voulez soulever une question dans le domaine de l'art et de la technologie vous avez besoin de "piliers" dans la présentation. Nous faisons cela pour toutes nos manifestations. Cela crée un contexte pour le sujet et pour les œuvres. Sinon on perd le point central. Le public veut des choses simples et nous sommes très attentifs à créer un contexte, tout particulièrement parce que nous avons une approche interdisciplinaire.

Traduction : Annick Bureaud.

 

 

2 - op. cité.

L'idée était : en choisissant un thème hors du monde de l'art, il devenait possible de traiter des sujets qui étaient très pertinents dans le domaine de l'art.

Traduction : Annick Bureaud.

 

3 - Interview le 3 août 1995.

Cela m'intéresse mais je ne suis pas prêt. [...] Et je ne suis pas sûr d'avoir vu des œuvres par ordinateur extraordinairement riches du point de vue des arts visuels, pas encore.

Traduction : Annick Bureaud.

 

 

4 - Interview le 19 mai 1995.

5 - op.cité.

6 - Interview le 21 juin 1995.

Les conservateurs changent. Au Japon nous n'avons pas de conservateurs comme Barbara London, qui continuent leur activité pendant plus de 10 ans. Habituellement les conservateurs sont assez jeunes parce qu'à partir d'un certain âge, ils doivent s'occuper de l'administration. Et bien sûr, la nouvelle génération est intéressée par l'art électronique et les jeux vidéo. C'est vraiment une question de renouvellement des générations.

Traduction : Annick Bureaud

 

 

7 - Citons bien sûr le programme Aaron, meta-artiste, d'Harold Cohen mais aussi le projet Terminal Art de Roy Ascott réalisé en 1980. Terminal Art était déjà un travail en réseau réunissant des artistes aux Etats-Unis et en Angleterre, qui passait par l'intermédiaire d'impression papier, sans écran.

 

 

8 - Comme La Plissure du texte initiée par Roy Ascott pour l'exposition Electra au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1983. Cette œuvre utilisait le réseau I.P. Sharp et réunissait, dans un projet collaboratif, des artistes de quelques 14 pays.

 

 

9 - NOVAK Marcos, op. cité.

Si l'architecture est une extension de nos corps, abris et acteur pour le moi fragile, une architecture liquide est ce moi en train de devenir son propre abri évolutif.

Traduction : Annick Bureaud.

 

10 - ASCOTT Roy, The Mind of the Museum, communication à la conférence The Total Museum, qui s'est tenue à The Art Institute de Chicago les 25 et 26 octobre 1996.

Texte accessible à l'URL : http://www.pg.net/TotalMuseum

La vie sociale est la concrétisation de la conscience et le Réseau est le produit de la connectivité des esprits avant que d'être quoi que ce soit d'autre. Le processus noétique précède le processus social : en s'engageant dans l'art sur le réseau nous faisons le premier pas vers une nouvelle façon d'être, une nouvelle façon d'organiser notre expérience et de définir le monde. [...] Désormais, l'art existe dans l'interespace entre les mondes matériel et immatériel et dans les interstices entre les nombreuses disciplines de l'esprit et du corps.

Traduction : Annick Bureaud.

 

 

11 - op. cité.

12 - Espaces interactifs : où sont nos Nénuphars ? préface du catalogue de l'exposition Espaces Interactifs - Europe, Paris, mai-juin 1996.

13 - op. cité.

J'aimerais bien voir une combinaison de peintures des futuristes, etc. et de toutes ces idées et de l'art électronique, des problèmes de société, etc. à travers différents media, de la peinture à l'art électronique. Ici nous regardons des objets statiques sur un mur. On reste une seconde devant et on va plus loin. Les installations d'art électronique demandent quelque chose de plus de la part du public. Elles engagent toutes vos capacités. Et je pense que c'est là où un bâtiment différent est en fait plus adapté parce qu'alors il sous-entend que vous vous comportiez d'une façon différente, que vous devez utiliser tous vos sens. [...] Le quatrième étage de ce musée devient notre étage laboratoire où les gens sont invités à regarder les choses différemment. Je suis prêt pour relever le défi de cette contextualisation des media.

Traduction : Annick Bureaud

 

 

14 - Les termes entre guillements ou en italiques sont extraits de nos interviews.

 

 

15 - SCHAEFFER Jean-Marie, Arts et médias numériques, La Revue Virtuelle, n° 16, 23 février 1996.

 

 

16 - Itsuo Sakane, interview le 22 juin 1995.

Nous avons besoin de nouveaux types d'espaces pour ce genre de pratiques artistiques. [...] Je m'intéresse à toute sorte d'art augmenté, comme l'art scientifique, l'art cosmique, l'art des phénomènes naturels. [...] Nous devrions intégrer l'ordinateur, l'esprit et la nature. [...] Ce pourrait être un nouveau genre d'art anthropologique, d'art de la science et d'art des phénomènes naturels. [...] Je pense que cela dépend de la culture. Les Français voient l'art comme un artefact, l'art pour l'art. Ils ne prennent pas en compte la nature en tant qu'art par exemple. Mais les orientaux regardent la nature en tant qu'art. L'art dépend de la façon dont vous regardez les choses, et non des choses elles-mêmes. [...] L'espace d'exposition à venir pourrait bien sûr être plutôt orienté vers la science ou la technologie ou l'art, mais chaque lieu devrait inclure une part des autres domaines. [...] On devrait être capable de montrer les deux aspects de l'activité humaine dans le même endroit. Nous avons besoin de nouveaux types de musées ou de galeries, mais je devrais peut être les appeler des "Centres Humains". Cela devrait être un seul endroit, où on viendrait pour apprendre, jouer, méditer, etc., selon son humeur et son intérêt du moment, et revenir une autre fois avec un autre but. C'est une perspective idéaliste où la science, l'art, etc. pourraient être présentés. On pourrait aussi inclure un espace pour la communication entre humains ! [...] C'est un genre d'idéalisme...

Traduction : Annick Bureaud

 

 

17 - Christine Schöpf, interview le 23 juin 1995.

18 - Joseph Squier, forum sur Internet, extraits d'un message du 6 septembre 1995.

Les lieux les plus adaptés pour le futur seront ceux qui incluent le concept d'art en tant que SIGNAL plutôt que l'art en tant qu'objet. [...] Je trouve que le concept de Bibliothèque du Futur donne vraiment de l'espoir. [...] Les bibliothèques, bien que conservant des objets et en prenant soin, traitent plus d'AUTEURS FOURNISSANT DES CONTENUS.

Traduction : Annick Bureaud.

 

 

19 - Cf. le catalogue Experimental Workshop publié à l'occasion de la 11ème exposition en hommage à Shuzo Takiguchi et qui s'est tenue à la galerie Satani à Tokyo en 1991.

Texte original en japonais et en anglais, traduction de l'anglais : Annick Bureaud.

 

 

20 - ASCOTT Roy, Telematic Culture and Artificial Life, communication au symposium sur le thème Digital Museum à Multimediale 4, à Karlsruhe en 1995.

L'accent sera plutôt mis sur l'action, l'interaction et la construction que sur le stockage, la classification et l'interprétation. Le musée numérique devient un site de transformation.

Traduction : Annick Bureaud.

 

21 - ASCOTT Roy, AEC Datapool, Proposal, 1993. Etude pour le projet Ars Electronica Center.

Pas réactif mais anticipatif, n'imposant pas des perspectives sur l'histoire de l'art mais ouvrant un ensemble de possibilités qui émerge comme une prospective pour le futur de l'art. Il travaille sur le bord extrême de la culture contemporaine, comme un agent du changement culturel, comme cause de la pratique artistique plutôt que simplement comme un effet culturel.

Traduction : Annick Bureaud.

 

 

22 - ASCOTT Roy, Telematic Culture and Artificial Life, op. cité.

Il est vrai que même l'espace le plus traditionnel, avec très peu de changements, peut accueillir l'art électronique [...] mais nous approchons du point critique dans l'évolution des œuvres d'art interactives, en ligne, cyberspatiales ou de réalité virtuelle, où des interfaces totalement nouvelles dans l'environnement public, doivent être construites . Le temps est venu de penser à une architecture intelligente pour accueillir l'art des systèmes intelligents.

Traduction : Annick Bureaud

 

23 - Pour plus de détails sur le Métafort, on pourra consulter son site Web à l'URL : http://www.metafort.com

 

 

24 - Interview le 6 mars 1996.

25 - ASCOTT Roy, The Mind of the Museum, op. cité.

Il y a trois coordonnées principales dont nous devons faire la triangulation dans notre recherche d'un endroit pour la culture à la fin de ce millénaire :

- la technoétique (tout ce qui concerne la cyberception et la technologie de la conscience)

- la vie artificielle (tout ce qui concerne les processus émergeants de la nature)

- l'architecture intelligente (tout ce qui concerne les qualités d'anticipation et d'adaptation dans les systèmes et les structures environnementaux).

Traduction : Annick Bureaud.

 

   



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