E.A.T, Experiments in Art Technology
par Sylvie Lacerte
Introduction
Plusieurs textes et articles ont été publiés sur les activités de Experiments in Art and Technology, organisation fondée en novembre 1966 par les ingénieurs Billy Klüver, Fred Waldhauer et les artistes Robert Rauschenberg et Robert Whitman. En revanche, peu d’ouvrages, issus des divers courants de l’histoire de l’art contemporain, ont souligné l’impact déterminant que E.A.T. a eu sur le développement des courants artistiques des années soixante et soixante-dix, ou sur les jalons que ses activités ont pu engager dans ce qui a mené à l’avènement de l’art " technologique ".
Plusieurs des articles ou des textes déjà parus sur E.A.T. s’inscrivent, en général, à l’intérieur d’anthologies retraçant la genèse du mariage entre l’art et les " nouvelles " technologies. Toutefois, un texte a retenu mon attention parce qu’il s’est démarqué du lot pour mettre en contexte les activités de E.A.T.. Son auteur, Edward A. Shanken, historien de l’art, théoricien des nouvelles technologies et professeur à la Duke University, à Durham en Caroline du Nord, est allé un peu plus loin dans son analyse qu’il intitule " Art in the Information Age : Technology and Conceptual Art " publié dans l’édition 2001 de Siggraph. Il y signale les rapports existants entre l’art conceptuel et les technologies de l’information, plus particulièrement entre les activités de E.A.T. et les recherches et travaux des artistes conceptuels. Shanken souligne que les acteurs de E.A.T. travaillaient souvent en vase clos par rapport au courant de l’art conceptuel mais que le contraire était également vrai. Pourtant, bien qu’il soit aussi envisageable de prolonger ce raisonnement du vase clos vers d’autres courants (Pop Art, Minimal Art) contemporains aux activités de E.A.T., il est tout de même étonnant de constater que la plupart des artistes qui étaient des membres actifs de E.A.T. œuvraient à l’intérieur de ces mêmes courants artistiques. Pour n’en nommer que quelques-uns pensons aux Andy Warhol, Jaspers Johns, Robert Rauschenberg, Vito Acconci, John Cage, David Tudor, Robert Whitman, Carl André, Richard Serra, Hans Haacke, Carolee Schneeman, etc. Autrement dit, la théorie des vases communiquants ne fut pas vraiment appliquée ni dans un sens ni dans l’autre, bien que certaines activités de E.A.T. aient agi comme fer de lance pour la carrière de quelques artistes. L’inverse est également démontré, puisque E.A.T. profita manifestement de la notoriété que certains artistes lui apportèrent alors.
C’est en puisant à la source de E.A.T., c’est-à-dire, en consultant des documents d’archives de Experiments in Art and Technology, que les notices qui suivent auront pu être rédigées. Le fonds d’archives le plus considérable sur E.A.T. est abrité depuis 1994, par le Getty Institute à Los Angeles. Mais la source principale qui aura nourri ce qui suit provient d’un fonds documentaire que Billy Klüver et Julie Martin ont cédé, en août 2000, à la Fondation Daniel Langlois, à Montréal et qui contient des documents d’une valeur inestimable pour permettre au chercheur de comprendre les motivations et les actions qui ont présidé à la création de E.A.T. et par la suite à la réalisation de ses nombreux projets. Pourvu de documents originaux et de copies, de documents audiovisuels, photographiques ou imprimés, le fonds E.A.T. contient notamment, des échanges épistolaires d’une grande diversité, des communiqués de presse, des bulletins d’information publiés par tous les " chapitres " locaux de E.A.T. (E.A.T. News, E.A.T. Information, Techne, etc.), des demandes de subventions à des fondations privées et aux instances gouvernementales, des revues de presse sur les événements produits par E.A.T. (allant des articles et des critiques dans les journaux nationaux et locaux, dans les revues d’art, aux périodiques spécialisés en génie électrique, en passant par des magazines grand public comme Time, LIFE, Newsweek, New Yorker, etc.), ainsi que des articles et des textes de conférences rédigés par Billy Klüver. Il est vrai qu’à une certaine période (1966-1973) E.A.T. fut the talk of the town 1, plus particulièrement à New York, à Tokyo, à San Francisco et à Los Angeles. Mais, presque quarante ans après sa fondation l’importance de cette structure tentaculaire semble avoir été occultée dans les ouvrages théoriques ou historiques qui traitent de l’art technologique ou de l’art contemporain en général. La contribution, encore fragmentaire, des notices qui suivent, servira peut-être à remettre en lumière des activités qui auront entraîné des effets à plusieurs chefs sur l’art d’aujourd’hui et à démontrer que, historiquement, la caractéristique des innovations issues de l’alliance entre l’art et les technologies n’ait pas toujours été le fait de rares occurrences.
Je tiens à remercier le Groupe de recherche en arts médiatiques (GRAM) de l’Université du Québec à Montréal et sa directrice Louise Poissant ainsi que l’Observatoire Leonardo des arts et des techno sciences (O.L.A.T.S), qui m’ont permis d’entreprendre une recherche dont j’ignorais, au départ, l’envergure qu’elle allait revêtir au fil du temps ; ainsi que les membres de Leonardo qui ont répondu à l’appel à tous d’Annick Bureaud et de Roger Malina, dans le but de m’offrir leurs lumières. À la Fondation Daniel Langlois mes remerciements vont à son directeur Jean Gagnon, à Ludovic Carpentier, designer et intégrateur Web et à Guylaine Courcelles, secrétaire/réceptionniste. Aussi, je tiens à souligner tout particulièrement la collaboration attentive des personnes du Centre de documentation de la Fondation, qui m’ont accueillie pour cette recherche que je n’aurais pu accomplir sans eux. Ils sont : Alain Depocas, directeur du Centre de documentation, son adjointe Julie Desautels, Éric Legendre, documentaliste/recherchiste et surtout Vincent Bonin, archiviste/recherchiste, dont la passion, pour les archives en général et ce projet en particulier, s’est prouvée presque sans bornes.
Ma reconnaissance et mes remerciements les plus soutenus vont à monsieur Billy Klüver et à madame Julie Martin, rencontrés une première fois en octobre 2001 à Montréal et qui m’ont accueillie à leur résidence de Berkeley Heights, New Jersey en avril 2002. Ils m’ont alors voué leur confiance indéfectible en me laissant consulter les documents de leur fonds d’archives personnel et ont gentiment accepté de m’accorder une entrevue vidéo. Alain Depocas fut le facilitateur de cette recherche ainsi que l’instrument de ma première rencontre avec les Klüver/Martin et pour cela je le remercie infiniment.
1 - En référence à une rubrique du périodique New Yorker.
© Sylvie Lacerte & Leonardo/Olats, juin 2002
Nos rubriques :
|