Josef Svoboda : le théoricien malgré lui
Josef Svoboda estime que l'union des arts et des sciences est d'une importance vitale pour notre époque. Praticien plutôt que théoricien, sa philosophie artistique s'exprime surtout à travers la recherche d'un équilibre entre les valeurs fonctionnelles et expressives de la scénographie. Sa production est considérablement variée, jamais éclectique ni maniérée. Svoboda se définit d'abord et avant tout en tant que praticien au service d'une œuvre à représenter. La scénographie n'est nullement pour lui un moyen d'expression personnel, pas plus que l'occasion d'affirmer un style. Il vise la fidélité à l'œuvre selon les conventions d'usage et les moyens disponibles particuliers à l'époque où celle-ci est représentée. Il affirme qu'il faut adapter le style de la représentation aux besoins essentiels de l'œuvre, ainsi a-t-il recours aux technologies et procédés les plus récents. Son œuvre est caractérisée par une synthèse de l'art et de la technologie. Sa démarche artistique se situe dans la continuité des Adolphe Appia, Gordon Craig, Erwin Piscator, de l'avant-garde soviétique et du Bauhaus. C'est la recherche de solutions pratiques qui préside toujours aux choix esthétiques. Une profonde réflexion humaniste transparaît dans ses écrits et conversations, il croit que l'art a le pouvoir de révéler quelque chose de la vie.
- La technologie et la scénographie
Svoboda utilise les techniques de pointe en éclairage, en projection d'image et en mécanique de scène (scène cinétique) afin de s'affranchir des contraintes du lieu théâtral. La scène est pour Svoboda un instrument et un espace magique, lieu d'action de forces dramatiques, réelles, et non pas un espace illusionniste. La scénographie est une des disciplines de l'art théâtral, une composante de la mise en scène et un élément essentiel de la représentation. Elle doit donc d'être dynamique et se transformer dans le temps pour épouser l'action dramatique. La scénographie a un langage propre en tant que discipline à part entière. Svoboda apporte une contribution importante à ce langage par son travail sur la lumière et l'espace.
- Lumière, matière et espace
Svoboda dit percevoir la lumière physiquement, et non pas simplement visuellement ; il trouve en elle l'inspiration pour son travail. Tout en reconnaissant son statut " immatériel ", il la considère comme l'élément fondamental de la scénographie et la traite comme un matériau. D'abord formé en menuiserie, Svoboda affectionne particulièrement les matières brutes, notamment le bois. L'architecture représente pour lui, et ce dès son jeune âge, la somme des connaissances humaines. Formé en architecture d'intérieur, il s'intéresse à l'organisation de l'espace, à la rencontre scénique de l'architecture et du décor. Il privilégie les formes simples : la sphère, le cube et l'escalier. Svoboda croit que " la mise en scène à l'italienne, bien qu'elle ne corresponde plus aux exigences des méthodes scénographiques actuelles, reste toujours la meilleure ".
Dans son approche synthétique de la création, Svoboda recherche toujours la simplicité en ce qu'elle permet une compréhension de l'œuvre par la perception globale. C'est pourquoi il cherche d'abord à dégager un principe directeur au service de la communication de l'œuvre. Il croit que l'œuvre doit se révéler petit à petit dans le déploiement des éléments de la scénographie. La scénographie doit être dynamique.
En ce qui a trait à sa pédagogie, il veille à faire comprendre à ses élèves que le théâtre est d'abord et avant tout un art de la collaboration. Ainsi il affirme que tout comme les musiciens d'un orchestre s'accordent avant un concert, les membres de l'équipe de production doivent avoir, au cours de la préparation d'un spectacle, une perception collective de l'espace, du mouvement, du rythme et du temps. Svoboda travaille toujours en étroite collaboration avec le metteur en scène, notamment avec A. Radok, V. Kaskik et O. Krejca. Avec son équipe, il a développé un bon nombre de nouveaux procédés et de techniques afin de répondre aux besoins spécifiques des œuvres.
D'une part, son approche est éminemment pratique, il apporte une méthode scientifique et une expertise technique à son art. Il estime consacrer 40% de son temps à l'organisation rationnelle du travail. D'autre part il laisse son intuition le guider, quitte à devoir faire des changements scénographiques de dernière minute. Il aime travailler sous pression, la libération de réflexes instinctifs étant provoquée par le défi que représente un échéancier serré. La scénographie est pour lui un art, et non une science.
© Marc Boucher & Leonardo/Olats, avril 2002
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