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PIONNIERS ET PRECURSEURS > YAMAGUCHI KATSUHIRO > RETOUR AUX "OEUVRES AUTONOMES"
   



Yamaguchi Katsuhiro : Retour aux "œuvres autonomes"


- Trois sculptures
- Vidéo et architecture : œuvres récentes

***

Trois sculptures

Parmi les réalisations intégrées à un environnement urbain public, outre les vitrines avec objets, holographies ou moniteurs vidéo, disposées dans certains grands magasins de Tôkyô 1, Yamaguchi a proposé en particulier trois sculptures vidéo (bideo chôkoku) : Barocco fut commandée par le grand magasin Isetan de Shinjuku et réalisée en 1986 ; Sanjûsô (Trio–dans la terminologie musicale) fut construite en 1987 et placée à l'extérieur de l'O Bijutsukan, musée se trouvant dans le complexe urbain de Ôsaki New-City de l'arrondissement de Shinagawa à Tôkyô. Kawasaki fut commandée par le Kawasaki Shimin Museum (Musée de la Ville de Kawasaki), et trône actuellement dans le vaste hall du musée, devant d'immenses baies vitrées donnant sur le parc. Les sculptures vidéos diffèrent des installations vidéo, au sens où il s'agit d'œuvres plastiques autonomes.

La surface plissée de Barocco a été réalisée en aluminium, traité de manière à ressembler à du graphite. Une pyramide à la base, contenant un magnétoscope, soutient trois cubes superposés, dans lesquels les trois moniteurs vidéo sont fermement insérés : les images des tubes cathodiques sont quasiment en contact avec le métal.

Les bandes vidéos ont été conçues suivant diverses méthodes : l'une d'elles représente des éclats de verre à la transparence froide, au travers desquels on aperçoit des flammes vacillantes. Lorsqu'il ont été filmés, ces morceaux ont été installés sur un tourne-disque, afin d'obtenir de nombreuses variations dans la réflexion de la lumière. L'objectif de la caméra vidéo a été en outre pourvu de filtres de gélatines colorées, offrant ainsi un large éventail d'effets visuels. Les flammes, visibles notamment sur la tranche des débris de verres, semblent ainsi provenir directement du verre.

Dans une seconde bande vidéo, Yamaguchi expérimente les fonctions de base de l'Aniputer, mini-ordinateur de traitement numérique des images, construit par JVC avec la coopération du vidéaste Nakajima Kô 2. L'artiste utilise la célèbre série de photographies prises en 1887 par Edward Muybridge, représentant une décomposition du mouvement du galop d'un cheval. Après avoir enregistré l'image dans l'ordinateur, il lui fait subir des transformations de couleurs, de dimensions, et lui confère divers mouvements, avant de procéder au montage des résultats obtenus. Le Scanimate, permettra de traiter d'autres images, et de les inclure dans des séquences de formes géométriques abstraites.

Sanjûsô est une sœur de Barocco. Ce sont cette fois-ci trois pyramides du même aluminium anthracite qui supportent trois cylindres, comportant chacun une fenêtre ouverte sur un moniteur vidéo. Chacune d'elle a été placée à une hauteur différente, dans le souci de convenir aux yeux de spectateurs de toutes tailles. Les magnétoscopes sont disposés dans les bureaux de l'O Bijutsukan, et commandés par une horloge électrique qui met en marche ou coupe le courant électrique automatiquement, et le spectacle peut ainsi se poursuivre jusqu'à une heure tardive. Les cylindres ont été construits de telle manière que les moniteurs soient aisément accessibles, lorsqu'il s'agit d'effectuer des interventions techniques. Les images électroniques abstraites défilant à un rythme rapide confèrent un mouvement ondulatoire à la surface des écrans, qui rappelle ainsi la proximité de la mer.

Kawasaki est une structure cylindrique de plus de deux mètres de diamètre, coupée en biais à une hauteur d'environ 1m au plus bas. Sept moniteurs sont dirigés vers le ciel, et l'on se penche au-dessus comme sur une table d'observation. Les bandes diffusées représentent des vues de la ville de Kawasaki, et insistent sur les contrastes entre vieux quartiers et nouvelles constructions. Autour des moniteurs sont disposés des miroirs, et l'on peut contempler la structure du plafond, quelque vingt-cinq mètres plus haut, ou, si l'on se penche, apercevoir d'autres structures, celles des immenses fenêtres, ouvertes elles sur un vrai ciel. Les mosaïques qui décorent le cylindre rappellent celles du Parc Güell de Barcelone, tandis que deux magnétoscopes tournent sans répit à l'intérieur de la boîte. Le son est aussi présent, diffusé par deux haut-parleurs intégrés à la surface de miroirs.

 

Vidéo et architecture : œuvres récentes

Si Yamaguchi a concentré depuis 1981 son activité sur l'interprétation de la "structure du jardin en tant que microcosme, à l'aide d'un médium électronique" 3, sur différentes échelles et dans divers environnements, il produit à partir de 1988 des œuvres où il tient à exprimer, à travers la vidéo, certaines conceptions fondamentales de l'architecture.

Yamaguchi entend se situer par rapport au postmodernisme, l'un des styles les plus tardifs de ce siècle, apparu dans les années soixante-dix. Il s'agit, selon l'auteur, d'un

"phénomène artistique développé par l'architecture, pratiquant la citation en adoptant une forme de récit historicisant, qui ne fait pourtant aucun cas du déroulement chronologique. Il ne s'agit pas seulement d'une méthode expérimentale propre à l'art contemporain, comparable au collage ou au "combine painting", mais aussi d'une manière de ne pas refouler le désir d'éléments purement décoratifs. 4

Yamaguchi analyse cette tendance comme une réponse des architectes aux récentes et importantes transformations de l'environnement. Le développement ultrarapide des techniques de l'informatique depuis le début des années soixante-dix, s'est accompagné de "l'établissement d'une nouvelle structure conceptuelle des images, qui tente d'expliquer la situation socioculturelle" 5. Il semble que ce problème particulier de la fonction et de l'utilisation des images soit devenu aujourd'hui l'une des questions majeures dans le domaine de l'architecture. L'art vidéo s'est pourtant développé en restant fermé sur lui-même, négligeant son lien avec le monde architectural. Il s'agit donc pour Yamaguchi de rétablir cette relation fondamentale, tâche s'inscrivant dans la continuité des ses travaux concernant les jardins.

Trois œuvres témoignent de ces préoccupations : Arch et Column, qui choisissent des modèles de l'architecture classique, Zampini, qui utilise au contraire une image futuriste. Ces œuvres tentent d'exprimer la situation fluide et flottante de l'architecture, à l'intérieur des environnements humain et naturel qui lui permettent pourtant de se développer. Ces trois œuvres ne seraient pas complètes sans les textes qui les accompagnent. Ces derniers cherchent à écarter autant que possible le mot "architecture", et à faire apparaître les œuvres dans leur dimension de "panoramas dramatiques" 6.

En 1989, Yamaguchi crée Denshi karesansui (Jardin sec électronique), une installation réalisée pour l'intérieur d'un musée, que l'on peut considérer comme une extension de Zampini. L'artiste a disposé sur le sol une couche de sable sur laquelle on peut marcher librement. Des moniteurs fixés au plafond diffusent des vues empruntées à la nature ; on distingue notamment le ciel dans lequel passent des oiseaux. Le sol est inondé lui aussi d'images ; celles-ci proviennent de projecteurs également situés au plafond.

Parmi les installations et sculptures qui font suite à Zampini, certaines continuent de présenter des éléments architecturaux, en particulier des colonnes. Mentionnons dans cette série La Invención de Morel (1991). Comme l'indique le titre, l'œuvre s'inspire de la nouvelle de l'écrivain argentin Adolfo Bioi, dont le héros, Morel, a inventé une machine capable d'enregistrer les événements du futur proche. Morel, pour qui le temps et la réalité cessent de coïncider, perd peu à peu la raison. L'installation emprunte la forme d'un fronton grec ; les colonnes qui le soutiennent sont réalisées en plexiglas et remplies d'eau ; on distingue en transparence les images qu'émettent en arrière plan vingt moniteurs empilés en un mur de quatre appareils (hauteur) sur cinq (largeur). La partie vidéo consiste en une succession de photographies qui se déplacent horizontalement, mais dont le mouvement s'inverse en se diffractant au travers des colonnes : les images se déplaçant de droite à gauche semblent se mouvoir de gauche à droite. L'œuvre est censée restituer la vision personnelle de Morel, laquelle s'effectue selon un fléchage temporel opposé à celui qu'impose le déroulement réel les événements.

Une autre installation, Video Passage (1994), reprend le motif des colonnes, mais sans le fronton : Yamaguchi y exprime l'atmosphère des arcades parisiennes, sous lesquelles se tenaient jadis les marchés. Dans Video Passage comme dans La Invención de Morel, Yamaguchi a recours à des dispositifs analogues à ceux dont ils se servait au début des années quatre-vingt. Toutefois, le moniteur vidéo occupe désormais une place d'honneur au centre de l'œuvre, et les éléments décoratifs tendent à se raréfier. Les images et leur mise en scène sont devenues architecture.



1 - À Ikebukuro, lorsqu'on empruntait le passage souterrain sud, on pouvait apercevoir jusqu'à une époque récente la sculpture-vidéo Image bird (1982), installée à l'intérieur d'une des vitrines du grand magasin Seibu. À Yûrakuchô dans un grand magasin de la même société, Yamaguchi avait également disposé une sculpture, qui comprenait une holographie, intitulée Media Shichifukujin (Le média-dieu des sept richesses, 1983). On découvre d'autre part, lorsqu'on se rapproche du mur extérieur du grand magasin Seibu-Wave de Roppongi, un alignement de mini-écrans, où apparaissent des figures géométriques. Du même auteur, cette fois-ci de l'autre côté du bâtiment, le bienveillant Buddha Jizô, sous sa forme holographique, protège les médias (Media Jizô, 1983). Itô Takayasu a réalisé de même plusieurs sculptures (Ambient Video, 1983) intégrées aux murs du même magasin Wave.)
2 - L'Aniputer, sous la forme d'un ordinateur individuel et d'un prix ridiculement bas, comparé aux machines standard de traitement d'images, permet de "créer rapidement une animation qui laisse libre cours à l'imagination, mais réunit aussi beaucoup des effets disponibles sur les processeurs les plus chers. Il peut dessiner des images, faire un mixage de données vidéo, et traiter des images de caméra" (Michael Goldberg, "Aniputer, alliance de la vidéo et de l'ordinateur", in catalogue Festival international d'art-vidéo de Montbéliard 1984, p. 257). Goldberg note que l'Aniputer est doté d'un système de contrôle très simple à utiliser: toutes les fonctions sont commandées par un joy-stick (levier), et par un bouton "enter", pour la confirmation du choix effectué. Il n'y a pas de clavier, ni de langage informatique particulier à apprendre. Ce fut là un effort remarquable de coopération entre un artiste et un groupe d'ingénieurs, qui remettait en cause une attitude trop communément répandue vis-à-vis des machines. Il est entendu que le fait de mener à bien un tel projet présuppose une connaissance approfondie des techniques existantes de montage et de traitement des images, et la capacité de comprendre et de réagir aux données techniques nouvelles qui peuvent être mises en service.
3 - Yamaguchi Katsuhiro, Bideo imêji to kenchiku ni tsuite - Concerning Video Images and Architecture, in Yamaguchi Katsuhiro Ten, op.cit., non paginé. Le même texte a été traduit en flamand (à partir de l'anglais) dans le catalogue New Tools New Images - Kunst en Technologie in Japan, Europalia 89 - Japan in Belgium, 1989, Museum van Hedendaagse Kunst Antwerpen, pp.61-67
4 - Yamaguchi Katsuhiro, Bideo imêji to kenchiku ni tsuite.
5 - Idem
6 - Id.


© Leonardo/Olats & Christophe Charles, octobre 2002


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