OLATS.org Leonardo On-Line, the website 
of Leonardo/ISAST  Leonardo, the Journal of the International 
Society for the Arts, Sciences and Technology  Leonardo Music 
Journal  Leonardo Electronic 
Almanac: monthly coverage of Internet news and digital media culture  Book Series: 
innovative discourse on art, science and technology topics by 
artists, scientists, researchers and scholars Leonardo Reviews: scholarly reviews of books, exhibitions, CDs, 
journals and conferences  OLATS, 
l'Observatoire Leonardo des Arts et des Technosciences: key works, 
artists, ideas and studies in the field  Leonardo / Activities and Projects  Leonardo / About Us   
 


Site Archive (1997-2020) - Depuis 2021 le nouveau site est / Since 2021 the new website is ICI/HERE »»»

ETUDES ET ESSAIS > LES BASIQUES : ART "MULTIMEDIA" > LE "MULTIMEDIA" EST-IL MULTI MEDIA ?
   
< - Sommaire - > -    

  
 






Le "multimédia" est-il multi média ?



  • Multimédia - Multi média
  • Exemples historiques de pratiques multi médias
  • Mixed media et intermédia : le multi média dans l'art des années 60
  • L'ordinateur : multimédia ou (uni)média ?
  • Quand le multimédia devient réellement multi médias

  • Le symbole Ö avant ou après un mot indique un lien vers une autre fiche du module.


     
    MULTIMEDIA - MULTI MEDIAS

    Multimédia signifie .... plusieurs médias !

    |||||||||| Le multimédia est donc l'utilisation simultanée de plusieurs médias pour transmettre un ensemble d'informations cohérent (une œuvre) dont chacune des parties s'exprime dans un média donné.

    Quand, sur mon ordinateur, j'ai simultanément de l'image, du texte et du son, ce n'est pas pour autant que j'ai plusieurs médias. Si plusieurs de mes sens sont sollicités, je suis face à un seul langage —le code informatique— et à un seul média — l'ordinateur Ö.

     

     


    EXEMPLES HISTORIQUES DE MULTI MEDIAS

    La messe catholique —et la plupart des rituels religieux— est l'exemple même de la "performance" multi média incluant, qui plus est, la participation du "spectateur" :

    - l'architecture constitue le premier moyen de transmission du message religieux ;

    - les vitraux sont autant d'images ;

    - les chants forment un troisième moyen utilisant la voix en termes de diffusion et l'ouïe en termes de réception. Notons qu'émetteurs et destinataires se confondent puisque les fidèles —et non seulement les officiants— chantent. La messe est "participative" ! ;

    - le livre est le quatrième vecteur ;

    - la liturgie —déplacement des prêtres et des fidèles, etc.— constitue un autre média ;

    - avec l'encens, l'odorat est également mis à contribution pour transmettre l'idée du divin et du spirituel ;

    - enfin, le goût est aussi sollicité avec l'hostie.

    Nous conviendrons que la messe en tant que telle ne relève pas de l'art, même si certains de ses éléments en font partie : vitraux, sculptures, peintures, fresques, architecture même des églises.

    En revanche, l'opéra est bien une forme d'art multi médias, où "la mise en scène de médias différents s'entrelacent" pour reprendre la formulation de Michel Jaffrenou[1] et comme en témoigne le titre de l'ouvrage Multi media, From Wagner to Virtual Reality, sous la direction de Randall Packer et Ken Jordan. [2]

    Dans la première moitié du XXe siècle, le Bauhaus défend l'idée d'un art total associant peinture, sculpture, architecture, théâtre, danse. Walter Gropius parlait d'un "art synthétique". De nombreux artistes, autour du Bauhaus, explorèrent ces voies. Parmi eux László Moholy-Nagy et Oskar Schlemmer proposeront une nouvelle forme de théâtre. Leur travail repose sur une intégration des différentes composantes de base des arts de la scène [3] dans une forme abstraite d'expression artistique. Plus tard, Josef Svoboda créera lors de l'Expo internationale de 1958 à Bruxelles des spectacles qu'aujourd'hui on qualifierait de "multimédias" dans lesquels il utilisera notamment des projections complexes de diapositives et de films en conjonction avec la présence d'acteurs sur la scène. On pourrait multiplier les exemples de ces artistes qui préfigurent les recherches actuelles des spectacles et performances multimédias comme celles de Robert Wilson, Robert Lepage et bien d'autres encore. Il est important de souligner que tous ces artistes non seulement s'intéressent à une fusion des arts, de catégories artistiques jusqu'alors séparées et distinctes quant à leur réception et leur mise en œuvre, mais aussi au rôle, à la place et à l'intégration des technologies dans la création.

    D'une manière plus générale, le XXe siècle voit l'effondrement des classifications et séparations établies entre les arts et l'exploration, l'expérimentation sur leur fusion, leur entrelacement, leur hybridation dans de nouvelles formes artistiques.

     

     


    MIXED MEDIA ET INTERMEDIA : LE MULTI MEDIA DANS L'ART DES ANNEES 60

    Les performances, happenings et installations des années 60/70 sont réellement multi médias, associant projections de diapositives, de films, sons, musiques, textes, etc. et la présence humaine du ou des performers dans des combinaisons diverses. À l'époque, on utilise les termes de multi médias (en deux mots) ou on parle de mixed media. Dick Higgins précise que le terme mixed media "désigne n'importe quel travail dans lequel il y a présence des éléments musicaux et textuels —mais où chacun sait quel élément est le musical et quel est le textuel. La même chose se passe avec 'visuel + textuel'. Les éléments gardent leur identité et ne fusionnent pas". En d'autres termes, une œuvre mixed media est composée d'éléments relevant de plusieurs médias différents, mais où chacun d'entre eux peut être identifié en tant que tel.

    En 1964, Higgins proposera le terme d'intermédia (ou intermédium au singulier) pour caractériser un nouveau type d'œuvres qui se situent "entre les médias" (sous-entendu les catégories héritées de la Renaissance). Il écrit :[4]

    "La plupart de mon travail Fluxus fut de la poésie visuelle ou de la poésie sonore, des partitions graphiques. Même s'il insistait sur un seul médium, ce pouvait être aussi bien de la musique que de l'art plastique ou de la poésie ou du théâtre. [...] Je commençais à me rendre compte que mon travail, comme celui de beaucoup de mes contemporains, était le résultat d'une confusion conceptuelle.

    Qu'est-ce que c'était, un poème qui se positionne conceptuellement entre les arts plastiques et la poésie ? C'était de la poésie visuelle. [...] Qu'est-ce que c'était, un poème qui doit être lu à haute voix et qui utilise les sons du langage pour se différencier ? C'était de la poésie sonore. Et qu'est-ce qu'était un happening ? C'était une fusion conceptuelle de théâtre, ou au moins de texte, d'art plastique, et d'art sonore, un intermédium à trois dimensions".

    Dans la définition d'Higgins, il n'est plus possible de distinguer entre les médias. On a affaire à une nouvelle forme artistique et à un nouveau média, "entre" les médias antérieurs.

     

     


    L'ORDINATEUR : MULTIMEDIA OU (UNI)MEDIA ?

    Insensiblement, nous sommes passés de multi médias (en deux mots), qui témoignait de la pluralité des médias mis en œuvre au sein d'un même projet artistique, à multimédia (en un seul mot). Ce glissement souligne, de fait, l'apparition d'un nouveau moyen totalement différent des autres médias, y compris des médias technologiques comme la radio ou la télévision, même si le préfixe "multi" est totalement infondé dans ce cas.

    En fait, le mot multimédia, apparu au début des années 90, est né d'une nécessité marketing. Cette période voit des progrès substantiels dans le traitement informatique de l'information : le temps de calcul s'amenuise (microprocesseurs plus puissants), la compression de l'information est de plus en plus efficace, ce qui rend le traitement de l'image, notamment animée, ainsi que celui du son beaucoup plus facile. Par ailleurs, Internet entame sa croissance fulgurante. Les ordinateurs personnels voient leur capacité augmenter pour un coût qui proportionnellement baisse. On peut donc, plus facilement, traiter du texte, de l'image et du son "chez soi". Pour les constructeurs, il s'agit de vendre du matériel et des équipements —et donc de trouver un argumentaire marketing que le public non-initié puisse comprendre, donc d'utiliser une métaphore frappante. Ce sera le terme multimédia puisque, métaphoriquement, on a "trois produits en un" : un traitement de texte, un traitement d'images et un traitement de sons, le "trois en un" des lessives (avec adoucissant et anti-calcaire) ou des shampoings (antipelliculaire et démêlant) parfaitement rodé, est tout simplement appliqué à l'informatique ! Dans son mémoire de M.F.A. Burning the Interface, Mike Legget écrit ainsi :

    "[Au milieu des années 90], multimédia fut le terme retenu par l'industrie de l'informatique pour décrire la "convergence" des applications informatiques jusqu'alors distinctes : des logiciels pour le traitement de texte, pour l'édition, la production graphique, la manipulation de photos, la production et l'édition sonores, la production, la manipulation et l'édition vidéo, etc. Les fichiers d'images et de graphiques, les fichiers de textes, de son et d'images animées deviennent des objets sources que l'on peut combiner dans des logiciels d'édition qui engendrent un seul et même fichier. Cela offre de nouvelles possibilités interactives pour naviguer entre des matériaux autrement disparates : le Contenu. Bien que les formats de fichiers restent distincts, le logiciel d'édition permet leur convergence apparente. Multimédia est une autre façon de dire management de données informatiques".[5]

    "Données informatiques" : le terme est fondamental. En effet, si l'on perçoit bien du texte, du son ou de l'image, d'une part il s'agit de "données" reposant sur le même langage —le numérique— et d'autre part, nous n'avons qu'un seul média —l'ordinateur. Point de salle de cinéma, de salle de concert, de livre ou de journaux devant nous pour nous transmettre l'information, mais un seul.

    L'ordinateur n'est donc pas multimédia mais serait plutôt "unimédia" ou autrement, et plus simplement, formulé, c'est un média à part entière qui a la particularité de pouvoir se substituer à, de pouvoir simuler d'autres médias par la numérisation de l'information. En ce sens, il peut être qualifié de "méta-média", et l'informatique de méta-langage par sa capacité à traiter et à transmettre la nature formelle de l'information dans ses différentes formes, passant éventuellement de l'une à l'autre, avec la même base d'information, chose impossible auparavant. Ainsi, les mêmes donnés numériques peuvent être indifféremment transformées en sons ou en images ou les deux.

    Cette particularité de l'ordinateur en tant que média vient de son fondement même comme "machine universelle".

    Une machine universelle est une machine qui peut traiter toutes les informations et toutes les procédures sur ces informations à partir du moment où elles sont calculables, en d'autres termes, à partir du moment où on peut les numériser. Cette machine ne remplit pas une tâche particulière (dédiée) mais toute la gamme possible des tâches, donnant ainsi le sentiment de "simuler" le fonctionnement d'autres machines spécialisées.

    L'ordinateur comme machine universelle est défini dès le départ par ses créateurs : Alan Turing, John von Neumann qui, en 1945 pose le principe de l'enregistrement non seulement des données mais aussi des programmes (algorithmes) dans la mémoire de la machine. Leur recherche s'inscrit dans le courant de la cybernétique qui, entre 1943 et 1953 vit se réunir des scientifiques de toutes disciplines (Norbert Wiener, mathématicien, John von Neumann, mais aussi Warren McCulloch, neuropsychiatre, Arturo Rosenblueth, physiologiste, Julian Bigelow, ingénieur en électronique, etc.) et dans celui des théories de la communication (Thomas Shannon).[6]

    Le multimédia n'est donc pas multimédias, mais plutôt multi sensoriel et multi genres (nature formelle de l'information) Ö.

     

     


    QUAND LE MULTIMEDIA DEVIENT REELLEMENT MULTI MEDIAS

    Depuis quelques années, la sortie d'un film est, de plus en plus souvent, accompagnée d'un site web et de produits dérivés. L'ensemble fonctionne comme complément à la campagne publicitaire de lancement et aux retombées commerciales du film. Néanmoins, comme le montre brillamment Janique Laudouar dans son article "TBWP, légende urbaine. La fiction est ailleurs",[7] pour d'autres films, il s'agit moins de marketing que de structure narrative nouvelle. À cet égard, "The Blair Witch Project" (TBWP) aura été exemplaire. En effet, le site web, n'est plus une simple annonce du film mais participe à la fiction narrative et au mythe par les informations qu'il distille et par les contributions des internautes qui alimentent ladite fiction et la légende. Le site reste d'ailleurs pertinent et poursuit une vie propre après que le film est sorti. Janique Laudouar écrit :

    "La fiction narrative est dans le site web plus dans le film de cinéma. Le lancement accompagne et précède le film comme un élément de la fiction, et non plus seulement comme stratégie commerciale [...]

    À l'époque du cinémascope et des multicomplexes se dessine un autre statut de l'image, qui puise sa force dans une taille et une définition adaptée aux nouveaux médias où la dynamique de l'image compte plus que sa qualité, où le lieu de son inscription dans un ensemble peut être un choix esthétique qui marque, autant que son contenu ou sa forme, la volonté de l'auteur."

    "The Blair Witch Project" est réellement multi médias, comme l'analyse J. Laudouar, incluant un site web et un film dans sa composition narrative. Qui plus est, l'interactivité y est présente dans la possibilité offerte aux spectateurs d'ajouter des éléments, non pas au film, mais à la narration générale par le biais du site.

    Les œuvres de téléprésence Ö sont par définitions multimédias, associant des éléments sur Internet à des dispositifs dans l'espace physique. D'une manière générale, les œuvres qui lient le cyberespace à l'espace physique reposent sur plusieurs médias. Citons le projet Blinkenlights ,


    " Blinkenlights "
    2001. Capture d'écran.
    © Dorit Günter, Nadja Hannaske


    conçu par le Chaos Computer Club de Berlin sur un bâtiment de l'Alexander Platz entre septembre 2001 et février 2002, et repris sur la Bibliothèque nationale de France à Paris lors des "Nuits Blanches" de 2002. Blinkenlights est une installation/spectacle pour l'espace urbain et le cyberespace. Le titre fait référence à la lumière clignotante du curseur sur les écrans d'ordinateur. La façade du bâtiment a été transformée en écran "primitif" composé de 144 pixels (18 fenêtres sur 8 étages qui peuvent être éteintes ou allumées). Chacun est invité, via Internet ou un téléphone mobile, à envoyer des animations sur la base de cette matrice. Blinkenlights joue sur la relation espace/communication publics et espace/communication privés déjà présente sur Internet mais renforcée ici par l'incarnation du cyberespace dans l'espace physique commun. Il met également en lumière la dynamique entre le global (mondialisation) et le local. Surtout, il est un retour à une simplicité dans l'élaboration des images et des animations après des années de profusions, de complexité et de lourdeur des logiciels. Blinkenlights célèbre un nouveau minimalisme jubilatoire.

    Que ce soit dans la téléprésence ou dans des projets cinématographiques comme "The Blair Witch Project", on assiste à des œuvres multimédias qui sont effectivement ... multi médias.

     

     
    Références :

    • PACKER Randall, JORDAN Ken (eds.), Multi media, From Wagner to Virtual Reality, New York, W.W. Norton & Company, 2001

      Site web complémentaire : http://www.artmuseum.net/w2vr/contents.html
      Ce site présente un ensemble d'œuvres, de concepts, d'inventions techniques et artistiques, historiques et actuels. Il constitue une excellente source pour un panorama sur l'histoire du multimédia et les différentes formes qu'il a pu prendre dans le passé et celles vers lesquelles il se développe aujourd'hui. Son inconvénient : il est en anglais. Mais il mérite l'effort de la barrière linguistique.

    • Lanterna Magika, Nouvelles technologies dans l'art tchèque du XXe siècle, catalogue de l'exposition à l'Espace Electra, Paris, octobre 2002 - janvier 2003
      Excellente documentation sur Josef Svoboda.
    • LEVY Pierre, La machine univers, Création, cognition et culture informatique, Paris, Editions La Découverte, Collection Sciences et Société, 1987
    • NEUMANN, John von, Le cerveau et l'ordinateur, Paris, Flammarion, 1996
    • PELISSIER, Aline, TETE, Alain (dir), Sciences cognitives. Textes Fondateurs, 1943-1950, Paris,PUF, 1995

      Collection des textes fondamentaux de la cybernétique. On y retrouvera les textes historiques définissant les principes de l'informatique.

     

     
    Sommaire

  • Introduction

  • Qu'est-ce qu'un média ?

  • Qu'est-ce que "l'art des nouveaux médias" ?

  • Quelle est l'histoire de "l'art des nouveaux médias" dans la seconde moitié du XXe siècle ?

  • Média, support, langage, matière : quelle différence ?

  • Le "multimédia" est-il multi média ?

  • Qu'est-ce que l'interactivité ?

  • Qu'est-ce qu'une interface ?

  • Le cyberespace est-il ailleurs ?

  • Quelles sont les formes dominantes de l'art "multimédia" ?

  • Quelles sont les structures d'écriture de l'art "multimédia" ?

  • Ressources sur les cd-roms artistiques

  • Webiographie : information en ligne sur l'art "multimédia" et les sites web artistiques

  • Bibliographies



    © Leonardo/Olats & Annick Bureaud, avril 2004
  •    



    [ S'abonner ]   [ Recherche ]    [ Statistiques ]    [ Accueil ]


    Leonardo/Olats a reçu le soutien de la Fondation Daniel & Nina Carasso pour la période 2019-2021
    Copyright Association Leonardo/OLATS © 1997
    pour toute re-publication de cette page, merci de contacter Annick Bureaud <info@olats.org>
    pour les problèmes concernant le site, notre webmaster <webmaster@olats.org>
    Leonardo is a federally registered trademark of Leonardo/ISAST -
    Leonardo est une marque déposée de Leonardo/ISAST, selon la loi fédérale des Etats-Unis d'Amérique.