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1. INTRODUCTION
Le terme de DJ est un acronyme pour Disc-Jockey. Ce terme anglais désigne dans les pays anglo-saxons un animateur radio qui présente et diffuse des disques à l’antenne. Depuis les années 1970 et l’apparition du mouvement disco, ce terme désigne aussi une personne chargée de diffuser de la musique (sur format vinyle, puis CD ou désormais numérique) lors d’une soirée publique.
Le DJ sélectionne différents disques ou différents titres musicaux, qu’il diffuse, enchaîne et parfois mélange et manipule au gré de son inspiration et des réactions du public.
Son rôle peut se résumer à une simple sélection de titres musicaux.
Dans l’univers de la musique électronique et du hip hop, ce travail de mixage et de manipulation est poussé plus loin. Le DJ se doit d’enchaîner de la manière la plus fluide possible, deux titres musicaux différents, en ajustant le tempo d’un disque à celui qui le précède, tout en harmonisant les deux disques grâce à la manipulation de leurs tonalités respectives (aigus, médiums et basse). Il peut aussi travailler et insister sur une rupture de ton et de rythme entre les deux titres.
En mélangeant plusieurs fragments tirés d’enregistrements préexistants, il peut créer en direct de nouveaux titres composites. Lorsque ce travail de décomposition et de recomposition se révèle particulièrement poussé, et lorsque le DJ fait preuve d’une dextérité spécifique en matière de manipulation des platines CD ou vinyles, on désigne son rôle sous le terme de platiniste [1]
En 2010, la Commission générale de terminologie et de néologie a proposé comme traduction française du terme de DJ, « platiniste », ce qui prête à confusion.
(traduction littérale du terme turntablist).
Il existe une confusion dans l’esprit du grand public, concernant les rôles de DJ et de compositeur. Il s’agit en effet de fonctions distinctes. Certains artistes peuvent exercer dans ces deux domaines, mais il est rare qu’ils excellent dans ces deux activités.
Le musicien électronique élabore en studio des morceaux destinés à être écouté à partir d’un CD ou d’un enregistrement numérique, ou destinés à être diffusés, mixés ou manipulés par un DJ, lors de soirées publiques.
Aussi créatif que son rôle puisse paraître, un DJ ne compose pas lorsqu’il exerce ses talents sur scène ou dans l’espace d’une discothèque, même s’il peut faire preuve d’un talent certain en matière de collage, de mixage et de manipulation des titres qu’il diffuse.
2. La figure du DJ
Les années 1990 imposent la figure du DJ. Peu estimé malgré son rôle dans l’émergence de la disco au cours des années 1970, puis du hip hop au cours de la décennie suivante, c’est le phénomène des rave parties, ainsi que la popularisation croissante de la musique techno, qui lui assurent un rôle majeur au sein de la culture populaire.
Au cours de la première moitié des années 1990, les DJ acquièrent une reconnaissance auprès du public des clubs et des raves. Les auditeurs leur reconnaissent peu à peu un style, une originalité, une esthétique et les professionnels du secteur de la musique, une capacité à attirer et fédérer un public. Les médias, et particulièrement les stations radios, leur prêtent aussi une attention croissante, en leur offrant un accès à leur antenne.
À partir de la seconde moitié des années 1990 et plus encore au tournant des années 2000, le DJ devient une figure culturelle et médiatique récurrente, symbolisant la jeunesse, la nouveauté, la fête et la modernité technologique. Il pénètre les espaces marchands comme les boutiques de vêtements, s’imposant naturellement dans de nombreuses célébrations commerciales et culturelles.
Les critiques musicaux britanniques (comme David Toop, Philip Sherburne, Frank Broughton, Bill Brewster ou Simon Reynolds) reconnaissent son rôle et lui consacrent des textes ou des ouvrages de référence Ö.
Des philosophes ou des auteurs portant un regard philosophique sur le phénomène de la musique, s’y intéressent : comme Ulf Poschardt et Achim Szepanski en Allemagne ; Elie During, Bastien Gallet Ö et Peter Szendy en France.
3. Les DJ pionniers du mouvement disco
Entre 1965 et 1981, un groupe de DJ new-yorkais (Terry Noel, Francis Grasso, Steve D’Acquisto, Michael Cappelo, Nicky Siano et Larry Levan), travaillant au sein de discothèques, inventent les principe de bases de la technique de mix à l’aide de platines vinyles, caractéristique de l’époque du disco Ö. Cette technique vise à composer, à l’aide de différents disques vinyles, une bande-son festive, percussive, fluide et ininterrompue, au sein de laquelle les musiques se fondent les unes dans les autres, et dans laquelle s’immergent les danseurs.
C’est au cours de la décennie 1970 que le DJ devient une figure centrale de la culture des discothèques.
Terry Noel est considéré comme le premier de ces DJ novateurs. Contrairement à ses aînés, il ne se contente pas de jouer, les uns après les autres, les tubes du moment. À partir de 1965, il commence à mixer ensemble différents disques de soul, de rock et de pop, à l’aide de deux ou trois platines vinyles, pour le plus grand plaisir des noctambules qui viennent l’écouter dans des discothèques comme Arthur, Ondine ou Salvation. En 1998, il témoigne de cette époque au micro du journaliste Bill Brewster [2]
In BREWSTER Bill, BROUGHTON Frank, Last night a DJ saved my life – The History of the Disc Jockey, Londres, Headline, 1996, 2006 (réédition).
:
« Il s’agissait pour moi de ne pas perdre le rythme. Je voulais que le public ne puisse pas se rendre compte du passage d’un titre musical à un autre. Souvent, les gens venaient me voir et me disaient : « j’étais en train d’écouter les Mamas and Papas, et maintenant j’écoute les Rolling Stones, et je ne me suis aucunement aperçu de la transition entre les deux titres ». Je travaillais particulièrement sur ces transitions, j’essayais plein de techniques différentes, en essayant toujours de garder le même tempo (…). À partir d’un moment, j’ai réussi à mélanger deux disques ensemble. Je jouais par exemple sur une platine, « Foxy Lady » de Jimi Hendrix, et sur l’autre, un a capella des Beatles. J’essayais toujours de nouvelles combinaisons. Je ne voulais pas me répéter. J’innovais constamment. J’essayais de mélanger ceci avec cela, lancer une séquence musicale à un instant précis, à laquelle je rajoutais une autre partie musicale à l’aide d’une troisième platine vinyle. Il s’agissait à l’aide de deux platines de maintenir un rythme, un flux continu, sur lequel je venais rajouter à l’aide d’une troisième, un riff de guitare par exemple, ou d’autres éléments mélodiques. À l’époque, je devais tout contrôler, la musique comme le light show. J’essayais de créer une scénographie à l’aide de la musique et de la lumière. J’aurais aimé pouvoir disposer d’une autre paire de bras afin de pouvoir contrôler parfaitement l’ensemble de cette mise en scène ».
Dès 1968, le DJ Francis Grasso poursuit de façon plus approfondie les expériences de Terry Noel et perfectionne ce style de mix, fluide, énergique et mené sur un tempo soutenu, qui constituera quelques années plus tard l’essence du mix disco et l’esthétique commune à l’ensemble du mouvement électronique. Équipé de platines de la marque Thorens (qui ne permettent pas comme aujourd’hui de varier les vitesses de rotation des disques, ni de toucher et de contrôler la surface du vinyle), il faut alors à Grasso une immense maîtrise technique afin de conserver tout au long de la nuit une tension rythmique continue, et lancer au moment opportun les morceaux qui tiendront les danseurs en haleine.
En utilisant deux copies d’un même disque, il figure parmi les inventeurs de la technique des breaks (reprise plus tard par les pionniers du hip hop). Cette technique permet de faire durer une séquence percussive d’un disque en jouant alternativement la même séquence sur la platine de droite puis de gauche. Il expérimente des effets d’écho et de phasing (obtenus grâce à une subtile désynchronisation de la platine de droite par rapport à celle de gauche). Il innove par ailleurs en mélangeant les refrains et les parties rythmiques de titres différents, créant de la sorte des chansons nouvelles et hybrides, à l’image de sa plus célèbre séquence où il superpose la partie rythmique de « I’m A Man » du groupe jazz-pop Chicago Transit Authority, aux accords de guitares rock du « Whole Lotta Love » de Led Zeppelin.
Au cours des années 1970, les DJ Steve D’Acquisto, Michael Cappelo, Nicky Siano et Larry Levan, toujours à New York, poursuivent les expériences de Terry Noel et Francis Grasso, imposant auprès d’un plus vaste public, ces nouvelles techniques de mixage.
Leur pratique s’améliore à partir de 1978 et l’apparition des platines SL 1200 MKII de la firme Technics, qui permettent grâce à la fonction du pitch-bend, de moduler la vitesse de rotation des disques. Il devient alors possible de mixer plus facilement et plus longuement deux disques, en les calant à la même vitesse. Ces platines vinyles, qui constituent jusqu’au milieu des années 2000, les outils de références de la technique du mix, encouragent ainsi plusieurs générations de DJ à poursuivre les expériences des DJ de l’ère disco.
Cette esthétique du mix disco influence en retour plusieurs générations de musiciens électroniques qui prennent en compte, dans la structure même des morceaux qu’ils composent, les techniques et les pratiques des DJs. Les musiciens composent ainsi de plus longues introductions, élaguent leur musique de certains motifs mélodiques ou développent leurs séquences les plus percussives, afin d’aider les DJ à enchaîner ou mélanger les disques et tenir ainsi les danseurs en haleine.
4. Les inventions techniques et esthétiques des pionniers du hip hop
Entre 1973 et le début des années 1980, trois DJ new-yorkais de la communauté noire, Kool DJ Herc, Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa, inventent de nouvelles techniques de mixage, tout en s’inspirant et en développant le travail initié par les DJ du courant disco.
Lors de fêtes populaires, ces DJ posent les bases de la culture du hip hop et du rap qui apparaît au début des années 1980.
Le courant hip hop se développe en parallèle au mouvement disco, même si ce dernier possède quelques courtes années d’avance. Les deux genres musicaux possèdent de nombreux traits esthétiques communs et attestent de l’avènement d’une révolution esthétique au sein de la culture musicale populaire des années 1970.
Les DJ pionniers du hip hop ne jouent pas de rap (cela n’existe pas encore comme un genre spécifique), mais un kaléidoscope de styles et d’influences, où se croisent autant la musique noire de l’époque (le funk, la soul, le rhythm & blues), que le disco, le rock ou parfois même l’électronique de formations européennes.
Comme pour le disco, les débuts du hip hop sont marqués par une culture communautaire de la fête. Les DJ se produisent en public au sein de block parties (des fêtes de quartier), organisées dans le Bronx et à Harlem. Au cours des années 1970, les rappeurs, que l’on nomme MC (pour Master of Ceremony, ou maître de cérémonie), restent confinés au rôle d’animateur de soirée. Ils prendront le pouvoir sur la scène hip hop et relègueront les DJ au rang de faire-valoir, au cours de la décennie suivante.
Trois DJ sont reconnus pour leur rôle historique et leurs inventions techniques, Kool DJ Herc, Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa :
- Kool DJ Herc (de son vrai nom Clive Campbell, né en 1955) est considéré comme le pionnier du genre. Originaire de la Jamaïque, il importe à New York le style caractéristique des fêtes de son pays natal, organisées autour de puissants sound-systems[3]
Ensemble de sonorisation composé de platines vinyles, d’amplificateurs et de haut-parleurs.
, sur lequel interviennent DJ et MC. Dans la tradition jamaïcaine des années 1960, les MC improvisent librement sur la musique jouée par les DJ. Les DJ disposent de pressages spécifiques destinés à leurs prestations publiques et interviennent sur la musique qu’ils jouent à l’aide d’effets comme des chambres d’écho Ö.
Herc développe les pratiques des DJ jamaïcains et innove dans la manipulation des breaks. Le break désigne sur un disque de rock, de funk ou de rhythm & blues, une partie instrumentale et rythmique, placée entre deux couplets ou refrains. En enchaînant le même segment joué à partir de deux platines équipées du même disque, Herc possède la capacité de faire durer ces moments particuliers, d’étendre la durée d’un fragment, afin d’attiser l’énergie du public et de jouer avec ses attentes, avant la reprise du prochain couplet. Entre 1971 et 1973, il est le seul DJ du Bronx à utiliser ces techniques.
À partir de 1973, Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa prennent sa relève et développent ses techniques de mix.
- Grandmaster Flash (de son vrai nom Joseph Saddler, né en 1958) se révèle formellement plus inventif et techniquement plus précis que son aîné, Kool DJ Herc. Il met en place un ensemble de techniques de mix, qu’il dénomme quick mix theory. Inspiré par la technique de mix des DJ pionniers du disco, il apporte plus de précision dans l’enchaînement des breaks et dans la synchronisation du tempo entre deux disques. Grâce à sa rapidité d’exécution et une technique remarquable de manipulation des disques vinyles, il est capable de remixer en temps réel les disques qu’il diffuse, en sélectionnant de petite portions de ces vinyles, qu’il superpose à d’autres séquences. Il préfigure de la sorte l’esthétique du sampling Ö, du remix Ö et du copier-coller, caractéristique de la musique électronique des années 1980 et 1990.
Grandmaster Flash est aussi considéré comme l’un des inventeurs de la technique du scratch. Le scratch (ou scratching) est un procédé consistant à modifier manuellement la vitesse de lecture d'un disque vinyle placé sous une tête de lecture, en déplaçant la main, alternativement en avant et en arrière. Ce frottement crée un effet sonore, dont le timbre varie selon sa vitesse d’exécution et la pression de la main. Cette manipulation est associée à une modification du volume (augmentation, réduction ou coupure), permettant de conférer un rythme à cette modulation. Avec le scratching, la platine disque passe du statut de simple outil de lecture, à celui d’instrument de musique. Ce procédé du scratching préfigure la technique du sampling et les figures de la citation et de la réappropriation qui lui sont associées.
« White Lines (Don’t Do It ) » (1983) de Grandmaster Flash & The Furious Five
- Afrika Bambaataa (de son vrai nom Kevin Donovan, né en 1960) apporte à cette époque pionnière une ouverture artistique et esthétique. Alors que ses confrères jouent principalement de la musique noire, comme du funk, de la soul et parfois de la disco, il inclut dans ses mixes du rock, du jazz, de la new wave ou de la pop électronique européenne Ö, composé par des artistes aussi variés que Kraftwerk Ö, Yellow Magic Orchestra, B-52’s, The Rolling Stones, Aerosmith, Dizzie Gillepsie, Siouxsie & The Banshees, Gary Numan ou les Flying Lizards. Grand collectionneur de disques, il enchaîne avec une grande rapidité des fragments de disques de tous horizons, dont la durée de diffusion ne dépasse jamais deux minutes.
« Looking for The Perfect Beat » (1983) de Afrika Bambaataa & Soulsonic Force
5. Les figures des années 1990
La décennie 1990 consacre l’émergence, le talent et la popularité d’une nouvelle génération de DJ qui succède à celle des pionniers qui ont œuvré dans l’ombre au cours des années 1970 et 1980.
Cette génération popularise auprès d’un nouveau public la house, la techno et leurs nombreux sous-genres qui se développent à cette époque.
En France, Laurent Garnier, Erik Rug, Dimitri From Paris, Jérôme Pacman ou DJ Deep animent les premières raves et les rares premières soirées dédiées aux genres électroniques organisées dans les discothèques.
La notoriété des DJ français est loin d’égaler celle des DJ britanniques qui, de l’autre côté de la Manche, connaissent un succès bien plus important auprès d’une génération pour qui le phénomène rave Ö constitue une révolution culturelle et musicale.
Parmi ces figures britanniques, citons Danny Rampling, Paul Oakenfold, Andrew Weathereall, Sasha, Carl Cox, Colin Favor et Colin Dale.
L’Allemagne connaît elle aussi sa révolution techno au cours des années 1990, grâce à DJ Hell, DJ Rok, Sven Väth, Talla 2XLC ou Ata, qui popularisent le genre musical dans la plupart des grandes villes du pays (Berlin, Francfort, Cologne ou Hambourg). À partir de la chute du mur de Berlin en 1989, ces DJ initient une profonde mutation du paysage culture allemand. En moins de dix ans, l’Allemagne devient l’un des pays qui compte le plus d’artistes, de labels et d’entreprises liés à ce courant musical.
Aux États-Unis, les trois villes principales de la scène électronique, New York, Chicago et Detroit, connaissent leur plus grande période de créativité au cours des années 1990. À New York, les Masters At Work, Frankie Knuckles, François Kevorkian, Frankie Bones, Todd Terry, Danny Tenaglia, Joe Claussell, Roger Sanchez, DJ Pierre ou Joey Beltram, parmi de nombreux autres, animent les raves et les clubs de la métropole et exportent leur talent dans les grandes villes européennes.
Le mouvement est identique à Chicago avec Derrick Carter, Cajmere (aussi appelé Green Velvet), DJ Sneak, Ron Trent, Chez Damier, ou Paul Johnson.
Enfin, si à Detroit, Derrick May, Jeff Mills, Richie Hawtin ou Carl Craig restent peu reconnus dans leur propre ville, ils connaissent un succès considérable, et exercent une influence fondamentale en Europe.
6. Les figures des années 2000
Les années 2000 se caractérisent par une mondialisation du phénomène des DJ. Il n’existe aucune statistique officielle quant au nombre de personnes dont le deejaying constitue l’activité principale. On peut toutefois légitimement estimer leur nombre à plusieurs dizaines de milliers dans le monde. Au sein de cette vaste communauté, de nombreuses tendances esthétiques coexistent, s’affrontent ou s’ignorent. Certains s’illustrent dans un registre grand public, d’autres explorent des sonorités plus expérimentales dédiées à une frange plus limitée d’auditeurs. C’est la raison pour laquelle nous nous limitons dans ce court chapitre à évoquer quelques figures de la scène électronique, dont le style et le talent nous semblent représentatifs de certaines des grandes tendances esthétiques du deejaying.
Le Chilien Ricardo Villalobos, résidant à Berlin, est un artiste de référence du monde du deejaying. Son style s’inscrit dans le registre d’une techno minimale, Ö volontiers expérimentale et se caractérise par un usage des percussions inspirées par les musiques sud-américaines et de motifs mélodiques empruntés à de nombreuses musiques populaires.
Diplo atteste de la globalisation de la culture du deejayingÖ. L’Américain brasse en effet dans ses mixes des musiques venues d’Afrique, des Antilles et d’Amérique du sud aux styles caractéristiques de la dance music venue des ghettos des grandes villes américaines comme Miami, Atlanta ou Baltimore.
L’Américain DJ Rupture s’inscrit dans la même dynamique. Toutefois, il mêle à ses rythmiques puisées dans le hip hop Ö et la drum & bass Ö, des tonalités bruitistes Ö, des mélodies venues du monde arabe ainsi que des rythmiques caractéristiques des Antilles et d’Amérique du sud.
Le duo belge des 2 Many DJ’s s’inscrit dans l’esthétique d’hybridation des genres musicaux, appelée mash-up ou bastard pop Ö. Les deux frères Stephen et David Dewaele mélangent avec invention les rythmes de la techno aux motifs mélodiques du rock et aux refrains séducteurs de la pop music.
Le Français Ivan Smagghe, résidant à Londres, est reconnu pour un style plus personnel qui se caractérise par une forme minimaliste, des tonalités graves, des rythmes lancinants et des motifs hypnotiques.
Ses compatriotes Brodinski et Popof s’inscrivent, quant à eux, dans la tradition percussive et dynamique de la techno des années 1990, dont les tonalités énergiques connaissent un grand succès au cours de la seconde moitié des années 2000.
Le Britannique James Holden est l’auteur de mixes techno aux sonorités aériennes, portés par d’amples mélodies synthétiques.
Le duo allemand Âme, composé de Kristian Beyer et Frank Wiedemann, s’inscrit dans la lignée mélodieuse de la deep house Ö qu’ils mêlent à des harmonies éthérées, des timbres parfois expérimentaux et aux rythmiques plus dynamiques de la techno.
Les Allemands Marcel Dettmann et Ben Klock se distinguent par leur techno énergique aux atmosphères ténébreuses, dont les sons caverneux rappellent la musique industrielle Ö.
Les mixes de leur compatriote Michael Mayer se caractérisent par une techno volontiers mélodique aux sonorités aériennes.
Les Norvégiens Todd Terje et Hans-Peter Lindstrøm privilégient quant à eux les rythmes hérités de la musique disco, auxquels ils mêlent de longs arpèges mélodiques évoquant l’esthétique de l’électronique aérienne et planante des années 1970.
7. Au-delà du deejaying, les platinistes
Chez les platinistes, la platine constitue un instrument à part entière, et non plus une machine destinée à la simple diffusion d’œuvres préexistantes. Cette discipline puise ses origines à la fois chez les DJ pionniers du hip hop Ö et dans le domaine de la musique expérimentale. Elle connaît un riche développement au cours des années 1990.
Au-delà du scratch, qui constitue la technique la plus courante chez les platinistes, ces artistes se distinguent grâce à une grande dextérité dans la manipulation des platines vinyles ou CD ainsi que des tables de mixage qui leur sont associées. Les platinistes peuvent par exemple enchaîner rapidement de très courtes séquences à partir des disques qu’ils diffusent, ou moduler leur vitesse de lecture afin de modifier leur tonalité.
Chez les platinistes issus de la scène hip hop, citons Q-Bert, Kid Koala, DJ Shadow, DJ Krush, Diplo, RJD2, A-trak ou le groupe français des Birdy Nam Nam.
Une performance du DJ Q Bert, au Rex Club de Paris en 2006
Chez les platinistes s’inscrivant dans une démarche résolument expérimentale, proches de la musique concrète Ö, du noise Ö, de l’art de la performance ou du jazz improvisé, citons les pionniers Christian Marclay, Martin Tétrault et Otomo Yoshihide, ainsi que leurs héritiers des années 1990 et 2000, DJ Spooky, DJ Olive, Erik M ou Janek Schaeffer.
Otomo Yoshihide, filmé en live au Proto-Theater de Tokyo en 1993
1 En 2010, la Commission générale de terminologie et de néologie a proposé comme traduction française du terme de DJ, « platiniste », ce qui prête à confusion.
2 In BREWSTER Bill, BROUGHTON Frank, Last night a DJ saved my life – The History of the Disc Jockey, Londres, Headline, 1996, 2006 (réédition).
3 Ensemble de sonorisation composé de platines vinyles, d’amplificateurs et de haut-parleurs.