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ETUDES ET ESSAIS > LES BASIQUES > ARTS DE LA SCENE ET TECHNOLOGIES NUMERIQUES : LES DIGITAL PERFORMANCES > QUELLES SONT LES TECHNOLOGIES MISES EN OEUVRE ?
   
< - Sommaire - >   

  
 

Quelles sont les technologies mises en œuvre ?







  1. Introduction
  2. Arrivée de l'informatique en coulisses
  3. Conditions d'apparition du numérique sur le plateau
  4. Principaux logiciels

    Références


Le symbole Ö avant ou après un mot indique un lien vers une autre fiche des " Les Basiques : Arts de la scène et technologies numériques : les digital performances ".





1. INTRODUCTION

Dans le domaine des Digital Performances, on peut considérer qu’il existe sans doute autant de technologies que de spectacles. En effet, l’approche générale est l’adaptation, le détournement d’outils existant non conçus pour un usage scénique, voire le bricolage. Il existe peu d’outils spécifiquement conçus pour les arts de la scène. Par ailleurs, le rêve d’un outil global ainsi que d’une configuration scénique qui seraient utilisables pour tous les projets, ce que certains défendaient à la fin des années 1990, semble s’éloigner irrémédiablement. Le sur-mesure est la règle, le développement des technologies étant intrinsèquement lié au processus de création global du spectacle. De la reconnaissance vocale à la captation de geste ou encore à des systèmes de projection élaborés, le spectre des technologies employées est très vaste.

L’introduction des technologies signifie souvent l’apparition de nouvelles personnes au sein des équipes artistiques, dont une personne essentielle : le programmeur. Celui-ci écrit, interprète dans un langage compréhensible par la machine, les textes de l’auteur et les intentions du metteur en scène. Ce n’est pas une simple traduction, mais une interprétation dont les choix auront un impact essentiel sur le résultat final. Choisir tel ou tel langage, tel ou tel logiciel, tel ou tel mode de programmation, revient à choisir un univers de conventions, un réseau de contraintes, qui influeront directement sur l’œuvre. C’est pourquoi certains metteurs en scène développent leurs propres logiciels et interfaces en faisant appel à des ingénieurs hautement qualifiés, ou bien acquièrent eux-mêmes les rudiments de langages informatiques. Cet effort est bien souvent considéré comme indispensable pour comprendre et maîtriser les enjeux de la programmation, pour mieux communiquer avec le programmeur.

Avant de présenter les logiciels les plus couramment utilisés, j'évoquerai l’introduction de l’informatique dans les théâtres. Celle-ci s’est déroulée en deux temps :

  • en coulisses : l’informatique est d’abord employée pour résoudre des problèmes techniques. Ce sont les techniciens, les éclairagistes et les scénographes qui s’en emparent dans un premier temps.
  • sur le plateau : de nouveaux modes de relation sont rendus possibles entre l’interprète (parfois le public) et l’environnement scénique grâce à l’évolution des technologies numériques et l’intérêt qu’elles suscitent chez les metteurs en scènes et les chorégraphes.





2. ARRIVEE DE L’INFORMATIQUE EN COULISSES

L’introduction progressive de l’informatique dans les arts de la scène a d’abord répondu – excepté les besoins d’organisation et de production (billetterie) – à des questions techniques dans trois domaines :

  • la machinerie (« ensemble des appareils qui permettent d'effectuer, dans un théâtre, le déplacement des décors et les changements de scène » [1] ) ;
  • les régies son et lumière (c’est-à-dire les différents matériels techniques qui permettent de créer et diffuser le son et la lumière) ;
  • la conception de la scénographie.

Deux études conduites en 1986 et en 1990, sur l’utilisation de l’informatique dans les théâtres américains et canadiens, rapportent que plus de la moitié des structures consultées utilisent l’informatique pour la conception des lumières et 25% pour la création de la scénographie [2] .

La revue américaine Theatre, Design & Technology, publiée par l’USITT [3] à partir de 1965, et son pendant francophone, Actualité de la scénographie à partir de 1977, permettent de retracer les interrogations, voire les rejets, suscités par l’introduction de l’informatique dans les théâtres, tout comme l’évolution des matériels et des programmes. Lors de la conférence de l’USITT en 1967, l’un des intervenants, Burghard M. Engele conclue la table ronde Technology: What’s new? par ces mots :

« De même que nous sommes passés de la mécanisation à l’automatisation, nous ne pouvons plus continuer à traiter la technologie théâtrale d’une façon romantique et amateur. Nous devons utiliser les nouvelles techniques développées actuellement par les industries comme la miniaturisation, la synchronisation, les servomoteurs, le contrôle à distance, l’informatique, l’holographie, les rayons laser, et le contrôle de l’environnement. » [4]

Dès le début des années 1960, l’usage des cartes perforées puis des bandes magnétiques commence à se répandre, à la fois pour le contrôle de la machinerie et celui des lumières.



2.1 Machinerie

En France, l’informatisation des machineries théâtrales prend son essor à partir du début des années 1980. Des contraintes comme l’alternance des spectacles à la Comédie-Française, ou encore le changement rapide et fréquent de décors au cours d’un spectacle, nécessitent des solutions à la fois en matière de mémorisation et de contrôle automatique à distance. Il s’agit en effet à la fois de pouvoir commander des mouvements complexes de la machinerie depuis la régie et d’enregistrer ces mouvements pour pouvoir les reproduire au cours de la représentation. Ces questions ne datent pas d’hier. Cependant, elles vont trouver des solutions d’une efficacité sans précédent dans le couplage de l’automatisation et de l’informatisation de la machinerie théâtrale. Les contrepoids et la commande manuelle, réglés au XIXesiècle par les coups de sifflets du chef machiniste pendant les changements à vue des décors entre les actes sont progressivement abandonnés au XXesiècle au profit de la mécanisation, puis à la fin du siècle, de l’automatisation et de l’informatisation de certains éléments (en particulier les cintres), voire de la totalité de la machinerie théâtrale. Les édifices récents (par exemple l’Opéra Bastille à Paris, la MC93 à Bobigny) sont conçus en intégrant ces outils. Les salles à l’italienne qui en bénéficient lors de programmes de rénovation conséquents connaissent une véritable cure de jouvence : réfection de la machinerie et informatisation des régies du théâtre des Champs-Élysées (1987), de la Comédie-Française (1994), de l'Opéra Garnier (1995).

Si l’introduction de régies informatisées ne change pas fondamentalement l’aspect de la machinerie, surtout en ce qui concerne les théâtres à l’italienne (les équipements du XVIIIesiècle sont conservés à peu de choses près), les pratiques sont bouleversées. Ainsi, au début de cette vague, alors que des bandes magnétiques servent de support d’enregistrement, les régisseurs sont confrontés à un problème inédit : une fois lancée, il n’est plus possible d’arrêter ou d’intervenir sur la bande magnétique – linéaire – qui contient les informations pilotant l’ensemble de la machinerie. Il faut attendre les disques optiques réinscriptibles au début des années 1990 pour retrouver la souplesse de la commande manuelle, ralentir ou accélérer les séquences, intervenir directement sur les mouvements de la machinerie.



2.2 Régies

Dès 1959, aux États-Unis, le scénographe et éclairagiste George Izenour élabore un jeu d’orgue avec un ordinateur Sperry Rand (l’un des tous premiers ordinateurs commercialisés) pour la société Century Lighting Inc. Le jeu d’orgue est un dispositif qui permet de distribuer la lumière sur scène et dans la salle, dont l’origine remonte à l’éclairage au gaz. Un seul exemplaire du jeu d’orgue conçu par George Izenour est vendu au Vivian Beaumont Theater du Lincoln Center à New York, qui ouvre ses portes en 1965 [5] . Il s’agit de l’un des premiers jeux d’orgue informatique commercialisé.

En 1965, Theatre, Design & Technology consacre dans son premier numéro un long article aux pupitres d’éclairage. S’interrogeant sur le système idéal de contrôle des lumières, l’auteur propose l’utilisation de l’ordinateur. De fait, la machine qu’il appelle de ses vœux va bientôt s’implanter dans les théâtres, même si à la fin des années 1970, la grande majorité des jeux d’orgue demeure à commande manuelle et date parfois des années 1930. En France, Jacques Polieri considère que l’usage des cartes perforées est une solution d’avenir pour les commandes des jeux d’orgue dès le début des années 1960. [6]

Les théâtres s’équipent peu à peu – les opéras étant conquis les premiers par les nouvelles possibilités d’éclairage offerts par ces dispositifs. En Europe, les premiers jeux d’orgue à mémoire sont installés en 1967 à l’Opéra de Budapest et au Coliseum de Londres, en 1968 au théâtre Schweinfurt (Allemagne), en 1970 à l’Opéra Garnier [7] . Cependant, ces nouveaux outils spécifiquement conçus pour le théâtre n’équipent qu’une minorité de salles, la démarche des régisseurs consistant souvent, dans les années 1970 et 1980, à détourner des consoles son et des jeux d’orgues conçus dans un premier temps pour le cinéma, les studios d’enregistrement ou encore la télévision et la radio.

Aux alentours de 1985, outre la société Strand (rachetée par Philips en 2008), des entreprises françaises (Société Fougerolles, Société Concept A6) s’intéressent à la création de matériels répondants aux contraintes particulières du théâtre. Le premier salon du SIEL (Salon professionnel des Univers du Spectacle et de l’Événement), en 1986, consacre un colloque sur « les nouvelles technologies appliquées au théâtre. » La MC93 et l’Opéra Bastille jouent un rôle moteur, testant et participant à l’élaboration des régies, en concertation directe avec les entreprises. Ce travail commun entre industriels et équipes techniques des théâtres permet de créer des outils dédiés spécifiquement à la création théâtrale. Les immenses tableaux de bord, qui nécessitaient parfois plusieurs personnes pour gérer l’ensemble des commandes, voient leur taille diminuer drastiquement, grâce à la miniaturisation du matériel induite par l’informatique. L’évolution est similaire en ce qui concerne les consoles son, bien qu’elles demeurent souvent le parent pauvre des régies de théâtre et qu’elles soient développées d’abord pour le concert avant d’être adaptées pour les arts de la scène.

La recherche sur les régies se poursuit aujourd’hui, par exemple en France :

  • Virage est « une plate-forme de recherche pour l’étude et le développement des nouvelles interfaces de contrôle et d’écriture pour la création artistique et les industries culturelles. Financée par l’Agence Nationale de la Recherche, elle a démarré en janvier 2008. » Son objectif est d’aboutir à une plate-forme autour de l’écriture du temps et de l’interaction dans la régie numérique du spectacle vivant. Un logiciel prototype a été réalisé à partir d’une synthèse conséquente de l’état de l’art des régies utilisées dans le domaine du spectacle vivant.



    Présentation du projet Virage par Pascal Baltasar, 2009

  • L’éclairagiste Annie Leuridan et l’ingénieur Cyrille Henri concentrent leurs recherches sur un jeu d’orgue tactile appelé Jotac, qui vise à remplacer le jeu d’orgue traditionnel utilisé dans le spectacle vivant afin d’avoir un contrôle rapide et intuitif des lumières sur le plateau. Ce logiciel va également dans le sens de l’évolution de l’éclairage, avec l’apparition d’éclairages à LED pouvant être pilotés par ordinateur.

Comme le souligne le compositeur Kasper Toeplitz, dans un article consacré aux évolutions actuelles de l’éclairage :

« À la fin du siècle dernier, deux nouvelles technologies apparaissent dans le domaine de l’éclairage de scène : d'une part les projecteurs à leds (de l'anglais LED, Light-Emitting Diode ou diodes électroluminescentes), et d'autre part des petits boîtiers DMX (DMX étant le nom du protocole de communication qui sert essentiellement au contrôle des lumières). Ces derniers permettent de se passer du jeu d'orgue traditionnel et de contrôler directement les lumières depuis un ordinateur, voire avec une simple télécommande. Dans les deux cas, il ne s’agit pas d’une déclinaison de technologies préexistantes, sous une forme légèrement différente, mais d’un changement radical. Les leds proposent une qualité de lumière différente des projecteurs et des lampes traditionnels, tandis que les boîtiers DMX ouvrent la voie à une autre organisation de l’éclairage, notamment d’un point de vue temporel. Ces technologies offrent de nouvelles possibilités, de nouvelles potentialités, tant techniques qu'artistiques. Elles sont utilisées par les éclairagistes mais aussi par les artistes pour des installations et par les musiciens pour des concerts ». [8]



2.3 Scénographie assistée par ordinateur

Le plateau, cette machine à jouer que l’on croît archaïque et immuable, s’est transformé en un environnement numérique complexe avec lequel tous les professionnels de la scène, des interprètes aux scénographes en passant par les techniciens, doivent composer. L’informatisation de la machinerie et des régies implique une évolution des métiers techniques du théâtre, avec l’acquisition de compétences spécifiques, notamment en ce qui concerne la maîtrise des logiciels servant à piloter tout ce matériel nouveau. Il faut se tenir informé des évolutions des programmes et se maintenir en permanence à niveau. Certains logiciels sont propres aux métiers du spectacle : pour la lumière, les concepteurs ont recours à Wysiwyg, Softstage, Microlux, etc., afin de simuler les éclairages scéniques, parfois en 3D, puis de créer les conduites lumières. On retrouve dans ces différents produits des fonctions similaires : visualisation de l’éclairage en 3D et en temps réel, connexion et pilotage du jeu d’orgue, bibliothèque personnalisable de projecteurs, importation des plans du théâtre, édition des plans d’éclairage. C’est ainsi que l’on voit apparaître des ingénieurs à des postes de régisseur général ou encore de régisseur son ou lumière. Un mastère « direction technique du spectacle vivant », créé à Lyon en 2003 conjointement par l’ENSATT (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre), école de théâtre, et l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées), école d’ingénieurs, confirme cette tendance.

Ce changement n’affecte pas seulement les régisseurs. Les scénographes sont l’autre corps de métiers le plus directement touché par l’informatisation, sous l’impulsion de deux mouvements : l’informatisation du plateau, comme on vient de le voir, et l’intrusion des outils informatiques dans une discipline qui leur est proche, et dont ils sont parfois issus : l’architecture. Dès les années 1980, ils utilisent des logiciels pour concevoir et réaliser les décors.

En 1988, la première édition par l’USITT du Directory of Software for Technical Theatre recense 45 logiciels utilisés pour les différents aspects de la création théâtrale, de la production à la conception des décors. Et pourtant, en 1995, en France, Daniela Grigore note que « l’emploi de l’informatique pour la création de décor est largement ignoré par la profession ». [9]

Pour concevoir les décors ou les dispositifs, puis pour en obtenir des plans détaillés et précis à l’usage des constructeurs et des différents services techniques, la traditionnelle maquette en volume est remplacée ou complétée peu à peu par le recours à des logiciels de DAO (Dessin Assisté par Ordinateur), de CAO (Conception Assistée par Ordinateur) et de PAO (Publication Assistée par Ordinateur) [10] , destinés à l’origine aux graphistes ou aux architectes, dont le plus célèbre est AutoCAD. Créé en 1982 par la société Autodesk, ce logiciel remplace peu à peu les tables à dessin des bureaux des architectes puis des scénographes. Il permet de réaliser des plans techniques fiables et d’éditer des modèles en 3D pouvant servir à la conception de l’éclairage [11] , ou encore à la gestion des salles. Dès 1988, Scène, l’agence de scénographie créée à Paris par Guy-Claude François et Jean-Hugues Manoury fait figure de précurseur en s’équipant du logiciel AutoCAD [12] .

Depuis quelques années, l’utilisation des logiciels est entrée dans l’enseignement de la scénographie : par exemple, à l’ENSATT, les étudiants en scénographie/décoration reçoivent des cours en infographie 2D et 3D, les rudiments d’AutoCAD, et doivent réaliser des maquettes virtuelles. En 1994, le Centre de Formation professionnelle des Techniciens du spectacle (CFPTS) met en place à Paris – c’est une première européenne – un stage de formation informatique pour la réalisation de décors. Dès lors, le CFPTS aura toujours à cœur de proposer des formations à l’informatique pour les professionnels des différents corps de métier du spectacle vivant.





3. CONDITIONS D’APPARITION DU NUMÉRIQUE SUR LE PLATEAU

Les conditions d’apparition du numérique sur le plateau sont liées à deux phénomènes :

  • l’apparition de la norme MIDI ;
  • les recherches sur les interfaces.

Instaurée en 1982 à l’initiative de la firme américaine Sequential Circuits et de son fondateur, Dave Smith, la norme MIDI (Musical Instrument Digital Interface), est issue de la musique électronique. Devenue le standard de l'industrie musicale, elle définit une interface matérielle ainsi qu'un protocole de communication. Ce protocole créé initialement pour les instruments de musique électriques permet la transmission numérique d’informations entre plusieurs machines, afin qu’elles puissent communiquer entre elles. Un environnement MIDI permet des échanges d’informations en temps réel entre les appareils les plus divers : synthétiseurs, ordinateurs, séquenceurs, boîtes à rythmes, magnétophones mais aussi jeux d’orgue, magnétoscope VHS ou DVD, caméras, capteurs … Grâce à des convertisseurs, il est possible de transformer des signaux divers, notamment analogiques, en signal MIDI. S’il existe d’autres protocoles (USB, OpenSoundControl, M-Lan…), celui-ci est le plus répandu dans le spectacle vivant, en particulier parce qu’il permet de tirer de longs câbles, ce qui n’est pas toujours possible avec les autres protocoles. Il tend aujourd’hui à être remplacé par le protocole OSC, plus rapide et plus flexible que le protocole MIDI.

Parallèlement (et souvent conjointement) au développement de la norme MIDI, une partie des recherches sur les relations humain-machine est consacrée au remplacement de la souris et du clavier par des interfaces qui permettent de prendre en compte tout le répertoire possible des actions physiques du corps humain comme le geste, le toucher, le mouvement, la voix, le regard… et non plus seulement les mouvements de la main. La danse et la musique ont été promptes à se saisir de ces nouveaux outils, favorisant par là même un nouveau champ d’expérimentations artistiques et technologiques. En France, tout un secteur des recherches de l’IRCAM, ainsi que de l’ACROE à Grenoble, est consacré au contrôle gestuel de la synthèse sonore.

L’usage – et l’invention – des capteurs, qu’ils soient embarqués ou absolus Ö, s’est développé. Un capteur est un dispositif qui permet d’acquérir des données et de transformer un processus physique en une information manipulable. Il permet de connaître la position d’un interprète sur un plateau, de reconnaître certains gestes, de détecter la présence, des variations de température, de mouvement, de volume sonore, d’intensité lumineuses… Pour un panorama des capteurs, je renvoie au site Internet d’Interface Z ainsi qu’à l’article de Sandrine Chiri publié dans Nouvelles de danse n°52, 2004.

Il faut également signaler le rôle joué par certaines institutions et sociétés, qui ont permis de rendre accessibles aux artistes ces outils et interfaces. L’un des pionniers en la matière est le studio STEIM (STudio for Electro-Instrumental Music), toujours en activité, créé en 1969 à Amsterdam. Il s’agit d’un lieu dans un premier temps dédié à la musique qui a ensuite évolué vers le développement d’interfaces pour les arts de la scène, en particulier la danse. En France, on peut citer Interface Z, l’association Art Sensitif et son centre de ressources, ainsi que La kitchen, « plateforme technologique » fondée par Thierry Coduys. Celle-ci a joué un rôle considérable dans le développement des arts de la scène et des technologies de sa création en 1999 à sa fermeture en 2007. Largement investie dans le monde artistique, La kitchen a proposé un savoir-faire en informatique, en électronique ainsi qu'en ingénierie sonore et visuelle, et l’a mis à disposition des artistes. L’approche y était résolument multidisciplinaire : la musique, la vidéo, les arts de la scène, les arts plastiques, les technologies et la recherche étaient pensés et intégrés comme un unique paradigme.

Lieu de rencontres, d'échanges et de discussions, La kitchen a été avant tout un lieu de recherche et de création artistique. De renommée internationale, cette structure a été à la pointe dans le domaine de la captation temps réel et de l’électronique embarquée. La kitchen a notamment commercialisé le Kroonde et le Toaster, deux interfaces qui permettent l’acquisition en temps réel de données et qui ont connu un large succès dans les arts de la scène. L’un de ses derniers projets a consisté à la mise au point de prototypes sur des systèmes multi-agents de captation sans fil (qui permettent à seize personnes d’évoluer sur scène en simultané).





4. PRINCIPAUX LOGICIELS

Je ne mentionne ici que les logiciels les plus employés depuis 2005 dans le domaine des Digital Performances. Ils ont pour point commun d’offrir une grande souplesse d’utilisation et de s’adapter à des esthétiques très différentes les unes des autres.

Arduino
http://arduino.cc
Lancé en 2005, Arduino est à la fois un système de hardware et de software. La plateforme open-source d'électronique programmée et le logiciel permettent de fabriquer des petits ordinateurs qui n’exécuteront que la tâche souhaitée, ce qui évite d’employer des machines surdimensionnées et permet de gagner en efficacité.

Pour reprendre la description du site Internet :

« Arduino peut être utilisé pour développer des objets interactifs, pouvant recevoir des entrées d'une grande variété d'interrupteurs ou de capteurs, et pouvant contrôler une grande variété de lumières, moteurs ou toutes autres sorties matérielles. Les projets Arduino peuvent être autonomes, ou bien ils peuvent communiquer avec des logiciels tournant sur votre ordinateur (tels que Flash, Processing ou MaxMSP). Les cartes électroniques peuvent être fabriquées manuellement ou bien être achetées pré-assemblées ; le logiciel de développement open-source peut être téléchargé gratuitement. »

EyesWeb
http://www.infomus.org/EywMain.html
EyesWeb est un logiciel développé depuis 1997 par Antonio Camurri à l’Université de Gênes en Italie. Dans la lignée des logiciels conçus pour reconnaître les gestes des musiciens, et créer ainsi des instruments virtuels dont les sons sont déclenchés en fonction de la position des mains ou du corps dans un plan, EyesWeb permet de reconnaître des gestes précis. Il fait par exemple la différence entre une main ouverte et un poing fermé. Aujourd’hui, l’équipe d’Antonio Camurri cherche à identifier l’expressivité d’un geste. Autrement dit, le logiciel devrait être capable de distinguer deux gestes identiques effectués par deux personnes différentes.

IanniX
http://www.iannix.org/
IanniX, logiciel inspiré de l’UPIC créé par le compositeur Iannis Xenakis, est développé par Thierry Coduys. L’une des caractéristiques majeures de ce séquenceur graphique temps réel est d’exploiter un espace graphique à plusieurs dimensions et plusieurs temporalités.

Isadora
http://www.troikatronix.com/isadora.html
Créé en 2003 par Mark Coniglio (co-directeur de la compagnie américaine Troika Ranch), le logiciel Isadora est un environnement de programmation visuelle dédié au spectacle vivant. Comparable à Max ou Pure Data, mais moins complexe, il intègre notamment la contrainte de la programmation dans le temps de répétition. L’une des problématiques récurrentes est en effet le temps consacré au développement des applications alors qu’interprètes et équipes artistiques sont sur le plateau. Ce logiciel est conçu pour répondre à cette contrainte spécifique, contrairement à Max ou Pure Data. Isadora utilise EyesWeb pour la capture du mouvement. Ce logiciel a remporté un large succès, notamment auprès de compagnies débutantes dans les technologies numériques ou dans l’enseignement de l’interactivité temps réel. Il est de plus en plus utilisé dans les Digital Performances et une vraie communauté s’est constituée autour de lui, tant en Europe qu’aux États-Unis.

Life Forms
http://www.charactermotion.com/
Créé en 1991, Life Forms est un logiciel de chorégraphie assistée par ordinateur. Sollicité pour créer une œuvre avec ce logiciel, Cunningham devient son utilisateur le plus célèbre (lien vers fiche 07-écriture 2.3 ). La première version de Life Forms a ensuite donné lieu à deux logiciels :

  • Life Forms, qui permet de créer des personnages virtuels animés en 3D ;
  • Dance Forms, dédié à la chorégraphie.
Max/MSP
http://cycling74.com/products/maxmspjitter/
http://www.IRCAM.fr
Le MIDI est au cœur d’un logiciel créé à l’IRCAM par le chercheur Miller Puckette : Max/MSP. Ce dernier est un environnement visuel pour la programmation d’applications interactives en temps réel. Il provient de la combinaison du logiciel Max (nommé ainsi en hommage à Max Mathews, premier directeur scientifique de l’IRCAM), qui permet le contrôle en temps réel d’applications musicales et multimédia interactives par MIDI, et de MSP, une bibliothèque d’objets pour l’analyse, la synthèse et le traitement du signal audio en temps réel. Conçu à l’origine, en 1988, pour les musiciens qui souhaitent développer des programmes interactifs en temps réel, il a rapidement connu un large succès dans le spectacle vivant, notamment parce que sa grande souplesse a permis d’apporter des solutions à certains problèmes de régie. C’est en partie grâce à ce logiciel que se développent diverses expériences théâtrales à partir du milieu des années 1980.

Pour donner un seul exemple, régisseur lumière et musicien de formation, Philippe Montémont prend conscience lors des tournées qu’il accompagne de la difficulté d’adapter la configuration technique des spectacles aux différents lieux d’accueil. Découvrant dans les années 1990 le logiciel Max/MSP, il décide de créer une application à l’usage des régisseurs en tournée qui puisse piloter n’importe quel jeu d’orgue sans changer d’interface : LightRegie.

Processing
http://www.processing.org/
Processing est un logiciel libre, gratuit et multi-plateformes qui offre un environnement de programmation ainsi qu’un langage simple et complet. Initié en 2001 par deux artistes et anciens étudiants de John Maeda au MIT, Casey Reas et Benjamin Fry, il avait à l’origine pour objectif la création d’un environnement d’apprentissage pour des personnes souhaitant rapidement apprendre à générer des images sur ordinateur. La communauté artistique s’en est très vite emparé.

Pure Data
http://www-crca.ucsd.edu/~msp/software.html
Pure Data (PD) est un logiciel libre de programmation graphique en temps réel. Développé dans les années 1990 par le chercheur américain Miller Puckette, il est conçu de façon modulaire de sorte que chaque utilisateur puisse adapter le logiciel en fonction de ses besoins. La logique est très proche de celle de Max/MSP, également créé par Miller Puckette.




Références :

Pour chaque logiciel, je renvoie au site internet dédié. Il existe parfois des forums et des tutoriaux en français.

De très nombreuses informations techniques sont disponibles sur le site internet d’Interface Z, ainsi que des cours et des exemples gratuits : http://www.interface-z.com/

Pour des cours sur Processing en français : http://www.ecole-art-aix.fr/rubrique.php?id_rubrique=81

Dossier spécial Lumières in Patch, n° 11, mars 2010.

Chiri Sandrine, « Panorama des capteurs », in Nouvelles de danse, n° 52, 2004.

Chollet Jean et Freydefont Marcel, Les Lieux scéniques en France 1980-1995, Paris : Éditions AS (coll. Scéno +), 1996.

Izenour George C., Theater Technology, USA : McGraw-Hill, 1988.





Sommaire

  • Que sont les « digital performances » ?

  • Quels sont les antécédents historiques des digital performances ?

  • Quelles sont les premières digital performances ? (années 1960)

  • Quels sont les espaces scéniques des digital performances ?

  • Qu’implique l’interactivité pour l’interprète et pour le spectateur ?

  • Les digital performances vont-elle entraîner la disparition de l’acteur et du danseur ?

  • Quels sont les types d’écriture (scénique et textuelle) à l’œuvre dans les digital performances ?

  • Quels modes de collaboration entre artistes et ingénieurs ?

  • Comment documenter les digital performances ?

  • Quelles sont les technologies mises en œuvre ?

  • Festivals, lieux de création et de diffusion

  • Bibliographie




    Notes :


    1 Trésor de la langue française, consultable sur Internet, http://atilf.atilf.fr.

    2 Cf. les statistiques présentées dans les deux articles suivants : File William D. et Reinecke Robert, « Computers », in Theatre, Design & Technology, printemps 1988, pp. 17 et 45 ; Gill Patrick, « Personal Computer Used in The Performing Arts », in Theatre, Design & Technology, automne 1990, pp. 33-39.

    3 USITT : United States Institute for Theatre Technology. Association créée en 1960 qui regroupe les professions techniques du spectacle vivant. Site Internet : http://www.usitt.org/ On trouve dans leur revue, Theatre, Design & Technology, des articles consacrés à l’utilisation des logiciels. En 1989, elle s’adjoint l’aide d’un éditeur associé pour les questions relatives à l’informatique : Patrick M. Finelli.

    4 Engele Burghard M., « Technology: What's New? », in Theatre, Design & Technology, n° 10, Proceedings USITT Conference, oct. 1967, p. 47.

    5 Izenour George C., Theater Technology, USA : McGraw-Hill, 1988, p. 209.

    6 Polieri Jacques, Scénographie Sémiographie, Paris : Denoël, 1971, p. 41.

    7 Cocteau Philippe, « De quoi demain sera-t-il fait ? », in Actualité de la scénographie, n° 5, juin 1978, pp. 13-14.

    8 Toeplitz Kasper T., « Leds et contrôleurs DMX : à la croisée de la lumière et de la musique », in Patch n° 11, mars 2010.

    9 Grigore Daniela, « L’informatique au service du décor. Le logiciel 3D Turbo. Le pouvoir à l’imagination », in Actualité de la scénographie, n° 74, juin 1995, pp. 24-28.

    10 Cf. Reaney Mark, « Computer Graphics : New Techniques in Design Presentation », in Theatre Design and Technology, n° 25, 1988, pp. 23-27.

    11 Cf. Harman Leonard, « Computer-Assisted Lighting Design », in Theatre, Design & Technology, printemps 1985, pp. 18-23.

    12 Fait mentionné in Grigore Daniela, « L’Informatique au service de l’architecture. AutoCAD », in Actualité de la scénographie, n° 75, oct. 1995, pp. 14 -18.



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