La téléprésence 6.1 Le téléphone
6.2 La radio
6.3 L’image électronique et la télévision
La combinatoire 7.1 Langage et combinatoire
7.2 Situations dramatiques, notation chorégraphique et combinatoire
7.3 L’arbre à théâtre
7.4 Représentation et combinatoire
Le symbole Ö avant ou après un mot indique un lien vers une autre fiche des " Les Basiques : Arts de la scène et technologies numériques : les digital performances ".
1. INTRODUCTION
Rien de plus difficile que de retracer l’histoire des relations entre arts de la scène et technologies. Celle-ci reste encore à faire : de nombreuses archives ne sont pas accessibles, et les quelques tentatives en la matière, pour la plupart centrées sur le monde anglo-saxon, comportent de nombreuses lacunes. Les difficultés de la préservation à l’heure du numérique expliquent en grande partie pourquoi il est si difficile aujourd'hui de retracer l'histoire, de sauvegarder la mémoire des arts de la scène à composante technologique. Ö C’est pourquoi je ne proposerai ici qu’une vision fragmentée, autour de quelques jalons et fils historiques, en les replaçant dans la perspective de l’histoire de l’informatisation des théâtres et de l’évolution des technologies. Ö
La parenté entre art numérique au sens large et art total a été mise en avant par de nombreux auteurs. [1]
L’une des références les plus importantes à cet égard est l’ouvrage suivant : Packer Randall et Jordan Ken (textes réunis et présentés par), Multimedia. From Wagner to Virtual Reality, Londres : W.W. Norton & Company Ltd, 2001.
La référence à Wagner est en général appelée à la rescousse comme antécédent historique de l’interdisciplinarité et du « multimédia ». L’hybridation, consubstantielle au numérique (puisque chaque medium peut être « traduit » en un autre medium), trouverait donc sa source dans la synthèse des arts wagnérienne. Si cette référence est parfois devenue un cliché, il n’en demeure pas moins que de nombreux artistes des digital performances revendiquent plus ou moins explicitement cet héritage. Chris Salter commence son livre consacré à la « technologie et à la transformation de la représentation » [2]
Salter Chris, Entangled. Technology and the Transformation of Performance, Cambridge (MA) : MIT Press, 2010.
par un chapitre consacré à Wagner dont il estime qu’il est le point de départ de ce mouvement. Steve Dixon fait de même dans son ouvrage intitulé Digital Performance en précisant que
« La pensée de Wagner est centrale pour l’histoire des digital performances à la fois pour la défense du grand spectacle épique et pour le paradigme de la « convergence », lequel permet de relier le Gesamtkunstwerk à l’ordinateur moderne compris comme un « méta-médium » unifiant tous les médias (texte, image, son vidéo, etc.) au sein d’une interface unique. » [3]
Dixon Steve et Smith Barry, Digital Performance: A History of New Media in Theater, Dance, Performance Art, and Installation, Cambridge (MA) : MIT Press, 2007, p. 41. Traduction de l’auteur.
Tout un cheminement de la pensée peut être retracé, depuis l’art total aux digital performances, via les avant-gardes des années 1920, chaque époque interprétant avec les technologies du jour la théorie wagnérienne.
À propos des avant-gardes des années 1920, celles-ci sont d’une importance fondamentale pour l’histoire des digital performances, comme le rappellent Steve Dixon et Chris Salter dans leurs ouvrages respectifs. Cependant, au lieu de privilégier une approche linéaire de l’histoire de l’art, et se limiter au début du XXe siècle, comme le font principalement ces deux auteurs, j’adopte ici une approche transversale afin de dégager les concepts fondateurs qui ont permis l’éclosion des digital performances. Tous les aspects des arts de la scène sont concernés : le corps de l’interprète et le jeu, la scénographie, l’écriture et la dramaturgie. Ces concepts sont certes à rechercher dans les avant-gardes des années 1920 mais aussi dans des expérimentations artistiques plus anciennes qui n’ont pas ou peu été prises en compte jusqu’ici :
l’automate
l’espace mouvement
les écrans sur la scène
l’immersion
la téléprésence
la combinatoire
Ce parcours nous permettra de constater que les digital performances s’inscrivent dans une histoire du théâtre âgée de plusieurs siècles.
2. L’AUTOMATE
Le théâtre est avant tout une machine – une machine à jouer. Depuis Héron d’Alexandrie (1er siècle après J.-C.) jusqu’aux acteurs virtuels, en passant par les « pièces à machine » du théâtre baroque, l’automate est la tentation du théâtre. Du reste, le mot robot a été inventé par un écrivain tchèque, Karel Capek, en 1920, pour la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum’s Universal Robots). Le terme robot vient de robota, qui signifie « travail forcé ». Cette pièce qui connaît un succès international dès sa publication met en scène des êtres artificiels – les robots – qui provoquent la perte de l’humanité.
|||||||||| Jean-Claude Beaune définit ainsi l’automate : « L’automate est une machine porteuse du principe interne de son mouvement qui, en conséquence, garde inscrits en ses composants matériels ou ses actions, l’illusion, le rêve ou la feinte de la vie. [...] L’automate cache la cause première de son mouvement et fait croire à son organicité. »[4]
Beaune Jean-Claude, L’automate et ses mobiles, Paris : Flammarion, 1980, p. 7.
Au XVIIIe siècle, grand siècle de l’automate, le mouvement est alors entendu comme la manifestation du vivant. C’est ainsi que les dispositifs d’horlogerie des automates visent à appréhender le mécanisme de la vie comprise comme mouvement.
Pour obtenir cette illusion, l’automate est doté de quatre caractéristiques principales : le mouvement, l’autonomie, la mémoire et la programmation. Pour que l’illusion fonctionne, il faut que l’automate soit autonome, c’est-à-dire que le principe qui le meut n’apparaisse pas. Le mécanisme doit donc être caché. L’automate est une machine mnémonique qui repose sur la programmation, afin que ses séquences de mouvements puissent être répétées : le canard de Vaucanson - célèbre créateur d’automate au XVIIIè siècle - simulera invariablement le même processus de digestion, son joueur de flûte sifflera toujours les mêmes notes. Quelques siècles plus tard, ces mêmes caractéristiques seront à l’origine des deux principes fondamentaux de l’informatique telle que décrite par Von Neumann dans un texte intitulé Théorie générale et logique des automates[5]
Von Neumann John, Théorie générale et logique des automates, traduit par Jean-Paul Auffrand, Seyssel : Champ Vallon (coll. Milieux), 1996.
: la régulation et la programmation.
L’automate comprend aujourd’hui dans le vaste cortège qui l’accompagne (marionnettes, masques, effigies, robots…) l’ordinateur, dont il peut s’arroger en partie la paternité. Autrement dit, c’est dans la figure de l’automate que l’acteur et la machine, le théâtre et l’ordinateur, se rejoignent.
À la fin du XIXe et au début du XXe siècles, on peut distinguer deux manières de convoquer la figure de l’automate au théâtre :
Les automates inspirent certaines des théories les plus importantes sur le jeu de l’acteur. Cette histoire suggère qu’acteur et machine, loin de s’opposer, offrent au contraire des figures riches et complexes, depuis l’automate jusqu’à l’acteur interfacé Ö.
Les automates évoquent notre monde mécanisé, la place de l’individu dans nos sociétés industrialisées, comme dans les spectacles des avant-gardes du début du XXe siècle.
2.1 L’automate, modèle de l’acteur
La convocation de la figure de l’automate comme modèle pour l’acteur trouve sa source la plus immédiate dans le romantisme allemand. En effet, on oppose au jeu des comédiens celui des marionnettes et autres pantins articulés, voire de l’automate, comme dans le célèbre texte de Kleist sur Le Théâtre de marionnettes, publié en 1810. [6]
Didier Plassard souligne que le vocabulaire du mécanique indique qu’il est question d’un automate et non d’une marionnette. Plassard Didier, L'Acteur en effigie : figures de l'homme artificiel dans le théâtre des avant-gardes historiques. Allemagne, France, Italie, Lausanne : L'Âge d'Homme (coll. Th 20, série études), 1992, pp. 26-27.
L’ambiguïté de l’automate, être à la fois animé et inanimé, fascine. L’auteur symboliste Maurice Maeterlinck et le metteur en scène et théoricien Edward Gordon Craig s’en réfèrent à lui, certes pour privilégier l’artificiel aux dépens du réalisme, mais surtout pour rendre à la vie son caractère énigmatique, pour évoquer un au-delà invisible du théâtre, pour renouer avec le sacré.
Pour Maeterlinck, « il faudrait peut-être écarter entièrement l'être vivant de la scène. Il n’est pas dit qu’on ne retournerait pas ainsi vers un art de siècles très anciens, dont les masques des tragiques grecs portent peut-être les dernières traces. Sera-ce un jour l'emploi de la sculpture, au sujet de laquelle on commence à se poser d'assez étranges questions ? L'être humain sera-t-il remplacé par une ombre, un reflet, une projection de formes symboliques ou un être qui aurait les allures de la vie sans avoir la vie ? Je ne sais ; mais l'absence de l'homme me semble indispensable. » [7]
Maeterlinck Maurice, « Menus Propos, le théâtre », 1890, in Œuvres 1, Le Réveil de l'âme. Poésie et essais, choix de textes établi et commenté par Paul Gorceix, Paris : Complexe, 1999, p. 462. Ce texte est également connu sous le titre Un théâtre d’androïdes.
Pour Craig, « l’acteur disparaîtra ; à sa place nous verrons un personnage inanimé – qui portera si vous voulez le nom de « Sur-Marionnette », - jusqu’à ce qu’il ait conquis un nom plus glorieux. […] Celle-ci ne rivalisera pas avec la vie, mais ira au-delà ; elle ne figurera pas le corps de chair et d’os, mais le corps en état d’extase, et tandis qu’émanera d’elle un esprit vivant, elle se revêtira d’une beauté de mort. » [8]
Craig Edward Gordon, De L’Art du théâtre, 1908, Belval : Circé, 2004, pp. 92-94.
Craig propose à l’acteur le modèle de l’automate pour qu’il apprenne à contrôler son corps soumis aux aléas de ses passions, sources d’accident et de hasard incontrôlé : « si vous pouviez transformer votre corps en automate absolument obéissant » [9]
Craig Edward Gordon, De L’Art du théâtre, 1908, Belval : Circé, 2004, p. 85.
, demande-t-il aux comédiens. Ce que Craig recherche, ce n’est pas tant l’aliénation de l’acteur que la disparition de l’organique, de la chair vulnérable, pour que la sur-marionnette puisse advenir : si le corps du comédien dans ses imperfections se manifeste, alors on ne peut voir qu’un individu sur scène et non une sur-marionnette.
Après la première guerre mondiale et avec l’industrialisation croissante, l’homme-machine devient une figure centrale des pièces des futuristes, des dadaïstes et des constructivistes. Les figures de l’homme artificiel des années 1920 ont pour antécédents les discours de Descartes et de La Mettrie sur l’animal et l’homme-machine, les automates du XVIIIe siècle et les récits fantastiques des romantiques sur les androïdes. Au début du XXe siècle, les avant-gardes, futurisme et Bauhaus en tête, s’emparent de la figure de l’automate pour explorer le rapport de l’homme et de la machine, et interroger ainsi la place de l’individu dans nos sociétés industrialisées.
L’acteur et le danseur des avant-gardes des années 1920 sont soumis à un processus de « machinisation » que reflète la prolifération des ballets dits « mécaniques », pour reprendre le titre du film de Fernand Léger (1924) :
Les Ballets Russes, Parade (1917) ; costumes de Pablo Picasso
Oskar Schlemmer, Les ballets triadiques (1922)
Fortunato Depero, Anihccam del 3000 (1923)
Kurt Schmidt, Ballet Mécanique (1923)
Les costumes rigides de Depero, de Schlemmer ou de Picasso entravent tout mouvement naturel, contraignent le corps et imposent une gestuelle précise comme s’il y était inscrit un programme que l’interprète devait exécuter.
2.2 Vers un théâtre automate
Lorsque le théâtre convoque la figure de l’automate, celle-ci dépasse bien souvent le cadre de la théorie de l’acteur pour s’appliquer au théâtre dans son ensemble. Conséquence ultime du rêve de l’acteur artificiel : la création d’un théâtre délivré de la présence humaine, d’un théâtre abstrait qui ne serait plus que jeu de couleur, de lumière et de musique, d’un « théâtre automate », d’un théâtre de machines.
Pour les avant-gardes des années 1920, la référence à l’automate devient un modèle d’organisation plastique et scénographique. Oskar Schlemmer, dans une conférence de 1927, fait le constat suivant :
« Il faut donc imaginer des spectacles dont l’action consiste essentiellement en mouvements de formes, de couleurs et de lumières. Si les mouvements sont réalisés mécaniquement, excluant l’homme (sauf au tableau de commande), cela nécessite une installation extrêmement précise (comme les automates). La technique moderne dispose de cet appareillage, ce n’est qu’une question d’argent, et finalement le problème est de savoir dans quelle mesure le déploiement technique correspond à l’effet désiré, c’est-à-dire combien de temps ce jeu tournant, balançant et sifflant, et les variations de formes, de couleurs et de lumières peuvent garder l’intérêt éveillé. Finalement il faut se demander si la scène purement mécanique est concevable en tant que genre autonome, et si à la longue elle pourra se passer de l’homme qui ne joue ici que le rôle d’un « machiniste parfait » et d’un inventeur. […] Etant donné que nous ne possédons pas encore la scène mécanique parfaite (l’installation technique de notre scène expérimentale reste pour le moment loin derrière les installations techniques des scènes officielles), l’homme reste pour nous un élément de première importance, et il le restera aussi longtemps que la scène vivra. » [10]
Extrait d’une conférence d’Oskar Schlemmer (16 mars 1927) publiée dans Le journal du Bauhaus, n°3, 1927. Cit. in Polieri Jacques, Scénographie nouvelle, Architecture d'Aujourd’hui, 1963 ; réédition revue, corrigée et augmentée sous le titre Scénographie. Théâtre, cinéma, télévision, Paris : Jean-Michel Place, 1990, p. 137.
Dans plusieurs spectacles des futuristes ou du Bauhaus, parfois demeurés à l’état de projets, le comédien disparaît de la scène : [11]
Sur ces projets, et sur le théâtre abstrait, cf. Michaud Éric « "Des Hommes sans égoïsme", marionnettes au Bauhaus », in Puck, n°1, 1988, pp. 60-67 et Bablet Denis, Les Révolutions scéniques du XXème siècle, Paris : Société internationale d’art, 1975.
L’un des exemples les plus célèbres de théâtre automate de cette période est Feu d’artifice de Giacomo Balla, présenté en 1917 dans le cadre des Ballets Russes à Rome : la représentation consiste en projections de lumières sur des formes, avec des changements toutes les 5 secondes, en correspondance avec la musique, grâce à l’utilisation d’un clavier de commandes conçu pour l’occasion.
Giacomo Balla, Feu d’artifice (1917)
Vilmos Huszár élabore un projet de Spectacle plastique entre 1920 et 1921 qui se présente comme un théâtre mécanique entièrement automatisé. Le spectacle devait s’achever avec l’épuisement de toutes ses possibilités combinatoires.
Pourtant, dans les projets de théâtre automate des années 1920, la disparition de l’acteur ne signifie pas toujours disparition de l’homme. La présence de ce dernier sur scène n’a alors qu’une seule raison : activer le mécanisme, montrer les rouages, la cause première. El Lissitzky prévoyait de placer au centre de l’appareil qu’il imagine pour Victoire sur le soleil (1923) un artiste – qui n’est pas considéré comme un comédien – chargé de manipuler les différents éléments du dispositif.
Dans ces pièces pour machines, l’un des éléments essentiels est l’affirmation du mouvement. En ce sens, les artistes qui cherchent à élaborer un théâtre automate, souvent proche d’un théâtre abstrait, ne cherchent pas à évacuer l’interprète pour en finir avec le vivant. Au contraire, ils sont les héritiers de cette pensée selon laquelle le mouvement signifie la vie. C’est pourquoi les périodes historiques qui se sont intéressées à l’automate au théâtre (époque baroque et années 1920 en tête) sont aussi celles qui ont fait du mouvement de la scène un principe esthétique.
Aujourd’hui, le mouvement demeure une question cruciale pour les acteurs virtuels, version contemporaine de l’automate, dans une sorte de renversement du dispositif : l’acteur ne s’approche plus de l’automate en fuyant sa propre organicité, mais insuffle sa chair aux personnages de synthèse, grâce aux procédés de capture du mouvement, pour les « animer », pour semer le trouble sur leur nature, entre artifice et réalisme. Ö
3. L’ESPACE MOUVEMENT
Toute une série de réflexions spatiales propres aux digital performancesÖ prend sa source dans les pièces à machine baroques, avec leurs décors mobiles, leurs apparitions et leurs nuées. Le lien entre le théâtre baroque, les projets des avant-gardes des années 1920 et les théâtres virtuels d’aujourd’hui est dû à une même conception de l’espace : un « espace mouvement » fondé sur des géométries non-euclidiennes.
Au début du XXe siècle, ces nouvelles géométries qui cherchent à comprendre l’évolution des formes dans le temps ouvrent sur des conceptions inédites de l’espace et de la perception. Mouvement et temps sont liés. Ces réflexions vont peu à peu imprégner tous les domaines de la société, en particulier le symbolisme et les avant-gardes des années 1920, telles que le Bauhaus, le futurisme et De Stijl. Déjà, les théoriciens et metteurs en scène Craig et Appia lui accordent une importance sans précédent dans leurs écrits. Pour Craig, le mouvement est à l’origine du théâtre. Il en appliquera les principes en utilisant les « screens », paravents mobiles qui reconfigurent l’espace du drame tout au long de la représentation. Comme le note Barbara Lesak dans le catalogue d’une exposition consacrée à Frederick Kiesler, scénographe, théoricien et architecte qui a notamment appartenu au mouvement De Stijl : « trop de transformations sont intervenues dans les domaines social, technique et scientifique pour qu’on puisse évoquer les problèmes contemporains dans le monde d’une scène traditionnelle à l’italienne. La découverte de l’espace non-euclidien, la nouvelle philosophie non linéaire, la mécanisation de la vie et la mathématisation du monde ont ouvert au début du XXe siècle un immense champ d’abstraction. Ce principe d’abstraction imprègne tous les arts qui veulent rendre compte de leur temps. » [12]
Lesák Barbara, « Kiesler et le théâtre », in Frederick Kiesler, artiste-architecte, Paris : Centre Pompidou (coll. Monographie), 1996, p. 28.
La géométrie non-euclidienne agit surtout comme un dispositif conceptuel pour les avant-gardes des années 1920. Le mouvement de la scène devient une préoccupation majeure :
Alors que l’on célèbre le dynamisme et la vitesse, plusieurs tentatives, parfois restées à l’état de théories, cherchent à impulser ces nouvelles valeurs dans le fonctionnement de la scène elle-même. C’est par exemple le cas dans les manifestes futuristes, en particulier ceux de Prampolini.
Au Bauhaus, Moholy Nagy, parallèlement à ses recherches sur le modulateur espace-lumière (lequel va servir de base de réflexion pour la création de ses scénographies ; cf. Les Contes d’Hoffmann, 1929), conçoit un théâtre basé sur la synthèse des éléments suivants : « espace, forme, mouvement, son et lumière ». Il formalise cette réflexion dans Théâtre, cirque, variété[13]
Texte publié pour la première fois en 1925. Traduit par Eric Michaud in Théâtre au Bauhaus (1919-1929), Lausanne : La cité - L'Âge d'Homme (coll. Théâtre Années 20, Série Études), 1978.
. Par la suite, Moholy Nagy continue à développer une théorie sur le mouvement dont la synthèse est présentée dans son dernier livre, Vision in Motion[14]
Moholy-Nagy Laslo, Vision in Motion, Chicago : Institute of Design, 1947.
.
L’architecte Frederick Kiesler souhaite créer une « scène spatiale » [15]
Le projet « Space Stage » est présenté lors de l’exposition internationale sur les nouvelles techniques théâtrales organisée par Kiesler à Vienne en 1924, et dont il a réalisé le catalogue : Kiesler Frederick, Internationale Ausstellung neuer Theatertechnik, Catalogue d’exposition, Vienne : 1924.
dont le seul élément serait le mouvement. L’espace doit réagir, se modifier en fonction des déplacements de l’acteur : « La dynamique qui résulterait d’un tel jeu ne nécessiterait qu’une transposition rythmique sur l’environnement de l’acteur, les délimitations spatiales des plans scéniques devant préparer, accueillir, contraster ces mouvements, entrer en résonance comme les parois d’un instrument de musique. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que nous pourrions envisager la possibilité d’une unité théâtrale absolue. Mais cette unité théâtrale reste impossible sur une “scène-tableau”. Et tous nos théâtres actuels sont des scènes-tableaux. D’une manière générale, cette absurdité n’a pas encore été perçue. La scène en effet est un espace, le tableau une surface. » [16]
Cit. in Frederick Kiesler, artiste-architecte, Paris : Centre Pompidou (coll. Monographie), 1996, pp. 35-36.
Plusieurs projets de scènes mobiles et des scénographies dynamiques voient le jour, en particulier dans le contexte du constructivisme et du Bauhaus :
théâtres sphériques de Andreas Weininger en 1924 et de Xanti Schawinsky en 1926
scènes mécaniques de Heinz Loew en 1926-27
Frederick Kiesler, Théâtre sans fin (1924)
On trouve les prolongements de ces scènes mobiles dans plusieurs projets des années 1950 :
« théâtre du mouvement total » de Jacques Polieri. Initié dès 1958, ce projet prévoyait, au sein d’une sphère, la mobilité des spectateurs ET de l’espace scénique.
La conception de l’espace du chorégraphe Merce Cunningham est directement inspirée de sa lecture de la théorie de la relativité, qu’il cite volontiers. Reprenant à son compte le concept selon lequel il n’ya pas de point fixe dans l’espace, il remet en question la vision frontale imposée par la scène à l’italienne : tous les danseurs peuvent être le centre, si bien que les notions de soliste et d’ensemble hérités de la danse classique disparaissent ; la danse n’est plus frontale, les danseurs pouvant apparaître sous n’importe quel angle (de dos, de profil, etc.).
4. LES ECRANS SUR LA SCENE
L’un des antécédents majeurs des digital performances est l’intégration d’images projetées sur scène. Cette pratique débute avec les théâtres optiques de Kircher au XVIIe siècle, se poursuit avec les stratagèmes de Robertson au XIXe avant de devenir une vague de fond qui traverse tout le XXe siècle, de Meyerhold à Lepage, en passant par Loïe Fuller, Piscator, Svoboda, Alwin Nikolais, Peter Sellars, The Builders Association, Dumb Type, The Wooster Group, The Big Art Group, Théâtre de Complicité, Wayne McGregor, Romeo Castelucci, Michèle Noiret, Wim Vandekeybus, Pina Bausch, José Montalvo, Ivo Van Hove… jusqu’à devenir depuis la fin du XXe siècle un phénomène de mode.
Comment faire apparaître un spectre sur scène ? C’est notamment pour répondre à cette question que les premières projections d’images ont eu lieu au théâtre, dès le XVIIe siècle. Mais c’est au XXe siècle, avec les progrès des techniques de production et de projection d’images, que ce mouvement va connaître son plus fort développement.
Béatrice Picon-Vallin identifie « trois “pointes” dans l’histoire des relations de la scène et des écrans. Elles correspondent à des moments de crise aiguë, sociale, politique, idéologique où les frontières entre les arts du spectacle, comme entre les autres arts et ceux de la scène, se font, à chaque stade, de plus en plus poreuses : les années vingt et trente, en Russie et en Allemagne ; les années soixante aux USA, avec le déferlement des spectacles “intermedias”, comme les désigne alors Jonas Mekas, véritable “ouverture de la boîte de Pandore”, et à Prague avec Josef Svoboda ; enfin les vingt dernières années du siècle, avec le développement de technologies de plus en plus pointues et les progrès de la vidéo. » [17]
Picon-Vallin Béatrice, « Hybridation spatiale, registres de présence », in Les Écrans sur la scène, Lausanne : L'Âge d'Homme (coll. Th XX), 1998, pp. 14-15.
Tout au long du XXe siècle, la nature des images projetées se diversifie :
image peinte (lanternes magiques)
photographie
image cinématographique
image vidéo
image numérique
Ces différents procédés sont utilisés dans les mises en scène contemporaines et un créateur comme Robert Lepage convoque tous les stades de l’histoire de l’image projetée dans ses spectacles. Parfois, les projections constituent l’élément de décor principal de la pièce – voire le seul – comme dans les productions de la Laterna Magika , dans les spectacles de Dumb Type ou les scénographies de Jerome Sirlin.
L’irruption des images sur le plateau modifie le jeu de l’interprète, qui doit prendre en compte ses doubles scopiques, composer avec le direct des gros plans, avec les manipulations d’images, avec l’invitation sur scène de l’actualité, etc. La présence des écrans, par la multiplicité et la simultanéité des points de vue qu’ils introduisent, prend en compte les nouveaux modes de perception du spectateur, qui est avant tout un spectateur de cinéma, puis de télévision (et aujourd’hui de jeux vidéo) avant d’être un spectateur de théâtre.
Lorsque l’espace mouvement et l’image projetée sont combinés, le spectateur a le sentiment de basculer au propre comme au figuré dans l’espace scénique : il est immergé dans le spectacle.
5. L’IMMERSION
Les digital performances sont liées à l’histoire de l’immersion. Tout un éventail de stratagèmes est mis en œuvre pour faire en sorte que le support de projection de l’image – l’écran – disparaisse, au profit d’une immersion dans l’image. Ö On peut retracer, comme l’a fait Olivier Grau dans Virtual Art, From Illusion To Immersion, l’histoire de ce parcours, depuis la grotte de Platon jusqu’aux dispositifs actuels d’immersion dans l’image, en passant pas les fresques antiques et les panoramas du XIXe siècle :
« Avant le panorama, il y a eu des essais couronnés de succès pour créer des espaces provoquant une illusion visuelle à partir d’images traditionnelles. Après la mort du panorama – avec celle de nombreuses visions artistiques qui n’ont jamais dépassé le stade de la planche à dessin – la technologie a été appliquée pour tenter d’unir l’image et l’observateur : stéréoscope, Cinérama, télévision stéréoscopique, Sensorama, Expanded Cinema, 3-D, Omnimax et cinéma IMAX, tout comme le HMD avec ses origines militaires. » [18]
Grau Oliver, Virtual Art. From Illusion to Immersion, Cambridge (MA) : MIT Press, 2003, p. 5. Traduction de l’auteur.
La recherche de l’immersion conduit à la fusion de l’image et de l’observateur, créant ainsi les conditions de la disparition de l’écran. Comme le Head-Mounted Display, le CAVE immerge le spectateur dans un environnement simulé en images de synthèse. Qu’il s’agisse d’un casque de vision équipé de deux écrans recomposant une vision stéréoscopique, ou bien d’une pièce dont les murs sont des écrans supports d’images projetées, l’objectif est identique :
« L’intention est de créer un monde artificiel de telle sorte que tout l’espace ne soit qu’une image ou au moins que l’image remplisse complètement le champ de vision de l’observateur. » [19]
Grau Oliver, Virtual Art. From Illusion to Immersion, Cambridge (MA) : MIT Press, 2003, p. 13. Traduction de l’auteur.
L’immersion au théâtre s’accompagne souvent d’une remise en cause de la frontalité, de l’espace bidimensionnel imposé en partie par la scène à l’italienne. Pour reprendre les termes d’Etienne Souriau, [20]
Souriau Etienne, « Le Cube et la sphère », in Architecture et dramaturgie (communications présentées par André Villiers), 1948, Paris : Éditions d'Aujourd'hui (coll. Les Introuvables), 1980, pp. 63-83.
il s’agit de passer du cube à la sphère et ce faisant d’engager une autre relation avec le spectateur. Le premier, c’est l’espace frontal, dont la forme la plus représentative est la scène à l’italienne. Le second, c’est l’espace ouvert, « pas de scène, pas de salle, pas de limites », [21]
Souriau Etienne, « Le Cube et la sphère » (1948), in Architecture et dramaturgie, Paris : Éditions d'Aujourd'hui (coll. Les Introuvables), 1980, p. 66.
avec des spectateurs qui « sont là comme participants. » [22]
Souriau Etienne, « Le Cube et la sphère » (1948), in Architecture et dramaturgie, Paris : Éditions d'Aujourd'hui (coll. Les Introuvables), 1980, p. 68.
Le cube, c’est l’homme face au monde, tandis que la sphère, c’est l’homme dans le monde. Les théâtres immersifs ressortent de la sphère : le spectateur n’est plus tenu à distance de la représentation, mais en est partie prenante. Les recherches sur le théâtre sphérique mentionnées plus haut (Kiesler, Weininger, Schawinsky, Polieri) s’inscrivent dans cette lignée. Les théâtres sphériques et leurs variations (scènes annulaires, théâtres en rond voire théâtre de rue), sont avant tout une remise en cause du cube scénique, sortie de la boîte noire, affranchissement du quatrième mur.
D’après Marcel Freydefont, le « théâtre immersif »
« conduit à la quête d’une utopie. […] La rupture avec une scénographie frontale - que celle-ci soit une scène fermée (cadrée) ou une scène ouverte (sans cadre de scène) - s’effectue par la recherche d’autres rapports entre la scène et la salle (scène annulaire, centrale, bifrontale, trifrontale, éclatée) jugés plus riches et moins formatés. Cependant ces recherches peuvent aussi s’accommoder de la scène frontale en modifiant son usage. » [23]
Freydefont Marcel, « Les contours d’un théâtre immersif (1990-2010) », Agôn [En ligne], Déborder les frontières, n°3 : Utopies de la scène, scènes de l'utopie, Dossiers, mis à jour le : 10/01/2011, URL : http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=1559.
Plus loin, il cite René Allio et son « théâtre de vertige » :
«Tout est fait pour que le spectateur partage le monde de la représentation, stéréophonie, projections d’images, translation, ascension, rotation des sièges, de la représentation elle-même (pourquoi pas diffusion d’odeurs ?). Rien ne doit laisser ses sens indifférents, il est plongé dans un sentiment de réalité bouleversant, mieux, il est agi totalement et si ce théâtre a atteint son but, le spectateur doit le quitter en titubant » [24]
René Allio, « Le théâtre comme instrument », in Le lieu théâtral dans la société moderne, Paris : CNRS, 1961 ; cit. in Freydefont Marcel, « Les contours d’un théâtre immersif (1990-2010) », Agôn [En ligne], Déborder les frontières, n°3 : Utopies de la scène, scènes de l'utopie, Dossiers, mis à jour le : 10/01/2011, URL : http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=1559.
.
Scènes en mouvement, images projetées, immersion – toutes ces recherches convergent aujourd’hui dans les digital performances vers un même objectif : replacer le spectateur au cœur de l’action.
6. LA TELEPRESENCE
La téléprésence regroupe toutes les techniques qui permettent la présence à distance, comme le téléphone ou Internet. Si la téléprésence semble un phénomène récent au théâtre ou en danse, lié à l’explosion d’Internet, on peut en trouver les prémices dans les trois grands procédés de présence à distance qui se développent au XXe siècle : téléphone, radio et image électronique.
6.1 Le téléphone
En 1876, Graham Bell invente le téléphone, premier procédé de communication à distance en direct. Dès ses débuts, on imagine deux types de réception : individuelle mais aussi collective, comme le montre un dessin intitulé Terrors of The Telephone paru dans le magazine new-yorkais Daily Graphic du 15 mars 1877 dans lequel un orateur, les cheveux dressés sur la tête, semble hurler dans un émetteur prolongé par un réseau international de câbles qui lui permettent de s’adresser aux publics de Pékin, San Francisco, Saint-Petersbourg, Dublin et Londres, mais aussi à une tribu primitive. Cette vision anticipe ce qui sera bientôt le rôle de la radio, le téléphone demeurant un système de réception essentiellement individuel. Surtout, elle préfigure de quelques années le théâtrophone, l’une des premières applications du téléphone, mis au point par Clément Ader pour l’Exposition Internationale d’électricité à Paris en 1881. Grâce à des microphones disposés sur la scène de l’Opéra, le public de l'Exposition (distante de plus de deux kilomètres) pouvait entendre en direct, et individuellement, grâce à deux écouteurs, les spectacles alors représentés. Victor Hugo décrit ainsi sa première expérience de théâtrophone :
« Nous sommes allés avec Alice et les deux enfants à l'hôtel du Ministre des Postes. À la porte, nous avons rencontré Berthelot qui venait. Nous sommes entrés. C'est très curieux. On se met aux oreilles deux couvre-oreilles qui correspondent avec le mur, et l'on entend la représentation de l'Opéra, on change de couvre-oreilles et l'on entend le Théâtre-Français, Coquelin, etc. On change encore et l'on entend l'Opéra-Comique. Les enfants étaient charmés et moi aussi. » [25]
Victor HUGO, Choses vues. Souvenirs, journaux, cahiers. 1849-1885, édition présentée, établie et annotée par Hubert Juin, Paris : Gallimard, 1974.
Lors de l’Exposition Universelle de 1889, le système est étendu à un réseau important de salles de spectacles. Le théâtrophone permet ainsi de changer de lieu tout en restant physiquement au même endroit. À la fin du XIXe et au début du XXe siècles, le théâtrophone connaît un succès retentissant (Marcel Proust comptait parmi les abonnés). La « Compagnie du théâtrophone » propose un système de diffusion à domicile ou dans des lieux publics (cafés, hôtels) de pièces de théâtre, d’opéras, ou de concerts. Elle cesse ses activités en 1932 pour laisser la place à la radio et au phonographe.
Le théâtrophone transforme l’expérience publique du théâtre en expérience privée. L’emplacement des « transmetteurs », disposés entre les chanteurs et l’orchestre, permet de transporter le spectateur connecté à distance au centre de la scène, et non devant la scène, à un lieu d’écoute inédit et privilégié. Cependant, le théâtrophone n’est jamais qu’une transmission à distance d’une représentation théâtrale ou musicale dont la forme n’est pas modifiée ni adaptée à ce nouveau média. Il ne s’agit que de captation, et non d’une forme théâtrale spécifique pour ce média. L’effet de la présence à distance et le sentiment d’ubiquité, bien plus que le contenu, suffisent à « charmer » ceux qui font l’expérience de ce dispositif.
Aujourd’hui, le théâtrophone apparaît comme le précurseur des retransmissions en direct puis en différé sur Internet : le succès d’Arte Live Web, ouvert le 28 mai 2009 et dédié à la captation du spectacle vivant (concerts, opéra, danse, théâtre…) témoigne du même engouement.
Dans la lignée des Tableaux téléphoniques de László Moholy-Nagy (1922), le Musée d’art contemporain de Chicago organise en 1969 une exposition intitulée Art by Telephone. Le principe est le suivant : les artistes invités doivent communiquer au commissaire de l’exposition (Jan van der Marck), par téléphone, leurs instructions pour réaliser une œuvre in situ. Parmi les propositions, Bruce Nauman demande à un danseur d’effectuer une série d’actions.
6.2 La radio
« La radia sera […] luttes des bruits et des distances différentes, c’est-à-dire le drame spatial ajouté au drame temporel ». Marinetti et Masnata, La Radia, 1933 [26]
Nous utilisons la traduction publiée in Annick Bureaud et Nathalie Magnan (textes réunis et présentés par), Connexions. Art, réseaux, médias, Paris : École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2002, pp. 270-273.
En octobre 1933, les artistes futuristes italiens Marinetti et Masnata publient un manifeste intitulé La Radia dans la Gazzetta del Popolo. La Radia est le nom donné « aux grandes manifestations de la radio ». Considéré comme annonciateur de la réflexion contemporaine sur les réseaux et des propositions artistiques liées aux technologies de l'information et de la communication, ce manifeste est très souvent mentionné dans les études sur l’histoire des nouveaux médias, de la téléprésence ou encore au sujet du net art.
Au moment où l’usage du téléphone et de la radio se répand, les futuristes prennent la pleine mesure du bouleversement induit par la téléprésence. Marinetti expérimente le don d’ubiquité du téléphone dans la soirée futuriste du 17 mai 1914, à Rome. Alors à Londres, il intervient dans cette soirée par téléphone interposé, réalisant ainsi ce qui est sans doute la première performance à distance de l’histoire du théâtre. [27]
Giovanni Lista, « Art et technologie », in Ligeia, n° 45-48, juillet-décembre 2003, p. 6.
Quelque temps avant la publication de La Radia, plusieurs textes et manifestes appellent à l’intégration de la radio et de la télévision au théâtre (les premiers tests en Italie sur la télévision ont lieu au début des années 1930) : en avril 1931, Marinetti publie Manifesto del Teatro Aereo radiotelevisivo; dans Teatro totale per le masse (Théâtre total pour les masses), en janvier 1933, il appelle de ses vœux un théâtre total qui réunirait « le cinéma – la radio – le téléphone – la lumière électrique – le néon – l’aéropeinture – l’aéropoésie – le tactilisme – l’humour et le parfum », et aurait recours à des écrans de télévision [28]
Giovanni Lista, Futurisme. Manifestes, documents, proclamations, Lausanne : L’Âge d’Homme, 1973, p. 285.
; dans le Manifeste sur le théâtre futuriste(avril 1933), Fernando Raimondi souhaite que « cinématographe, radio et télévision [soient] au service du théâtre futuriste » [29]
Giovanni Lista, Théâtre futuriste, T. II, Lausanne : L’Âge d’Homme, 1976, p. 212.
.
La Radia marque une rupture avec les textes antérieurs : si les futuristes voyaient dans les nouvelles technologies de leur époque (radio, télévision, cinéma) un moyen efficace de renouveler le théâtre, cet optimisme semble définitivement mis au rebus. La radia signe la mort du théâtre :
« La radia ne doit pas être Théâtre, par ce que la radio a tué le théâtre, déjà vaincu par le cinéma sonore. »
Marinetti et Masnata insistent, s’en prenant radicalement à toutes les caractéristiques du théâtre classique, dans une mise en pièces sans concession :
« La radia abolit
L’espace nécessaire dans le théâtre, y compris le théâtre synthétique futuriste (action sur une scène fixe et constante) et dans le cinéma (actions très rapides et très variables, simultanées et toujours réalistes).
Le temps
L’unité d’action
Le personnage théâtral
Le public, en tant que juge autoélu, hostile et toujours rétrograde ».
La Radia se veut une entreprise de destruction non seulement des trois unités de temps, de lieu et d’action, mais aussi du personnage et du public. Si le théâtre est ainsi déclaré art périmé, c’est notamment parce que la scène « non plus visible, ni encadrable » devient « universelle et cosmique ». La radio permet à l’auditeur immobile de franchir continents et fuseaux horaires, dans un télé-scopage de lieux et de temps hétérogènes. L’unité d’action est alors remplacée par des « actions simultanées ». Du personnage théâtral, il ne reste plus que la voix et la parole, thème qui sera développé dans des manifestes futuristes ultérieurs. Enfin le public, éclaté en multiples individus éparpillés sur la planète, ne saurait être considéré comme tel.
Dès les années 1920, le radio-théâtre ou théâtre radiophonique connaît un véritable succès et des auteurs de théâtre écrivent des pièces spécifiquement pour ce média. Ainsi le jeune Brecht conçoit pour la radio Vol au-dessus de l’océan en 1927. Dans la même période, il propose les modalités d’un théâtre qui préfigure certaines expériences actuelles de téléscènes Ö :
« Il faut la transformer d’appareil de distribution en appareil de communication. La radio pourrait être le plus formidable appareil de communication qu’on puisse imaginer pour la vie publique, un énorme système de canalisation, où plutôt elle pourrait l’être si elle savait non seulement émettre, mais recevoir, non seulement faire écouter l’auditeur, mais le faire parler, ne pas l’isoler, mais le mettre en relation avec les autres. Il faudrait alors que la radio, abandonnant son activité de fournisseur, organise cet approvisionnement par les auditeurs eux-mêmes. » [30]
Brecht Bertolt, « Théorie de la radio » (1927-1932), in Ecrits sur la littérature et l’art 1, Paris : L’Arche, 1970, p. 137.
En danse, la radio n’entraîne ni exploration ni remise en cause majeure. À une exception près : Carriage Discreteness de Yvonne Rainer en 1966, dans le cadre de la manifestation 9 Evenings, Theatre & Engineering. Munie d’un talkie walkie, la chorégraphe dirige les danseurs vocalement afin qu’ils exécutent des « tâches » : marcher, transporter un objet d’un point à un autre. Les consignes sont communiquées sur le champ, dans une forme d’improvisation dirigée transmise par onde radiophonique.
6.3 L’image électronique et la télévision
L’image électronique, mise au point en 1923, réalise le vieux rêve de la vision à distance et donne naissance à la télévision, exploitée commercialement à partir de la fin des années 1940. Outre les applications commerciales, la télévision rend possible pour les scientifiques et les industriels l’observation à distance dans des lieux inaccessibles ou dangereux, en substituant une caméra à l’œil humain. Aujourd’hui, les webcams dispersées dans les lieux les plus insolites en sont les héritières les plus directes.
L’expansion de la télévision a suscité la diffusion, en direct ou en différé, de représentations théâtrales et la création de « dramatiques ». En France, dans les années cinquante et soixante, ces dramatiques étaient des pièces de théâtre, issues souvent du répertoire classique, spécifiquement répétées en vue d’une diffusion en direct sur la seule chaîne en noir et blanc de l’époque.
Au-delà des diverses expériences théâtrales pour la télévision, l’image électronique suscite des traitements inédits de l’image au théâtre. L’une des premières expériences remarquable dans ce domaine est la scénographie réalisée par Svoboda pour un opéra de Luigi Nono, Intolleranza, dans la version présentée à Boston en 1965. Pour la première fois, Svoboda a recours à un réseau de télévision en circuit fermé. Denis Bablet décrit ainsi le dispositif, auquel ont collaboré le MIT et une chaîne de télévision locale :
« Les caméras de prise de vue sont réparties en quatre lieux : deux ateliers, la salle et la scène. Dans le premier atelier une caméra capte des documents (photos, textes, slogans, etc.), dans le second deux autres saisissent des masses de figurants. Les deux caméras placées dans la salle prennent des portions du spectacle. Sur le plateau une caméra enregistre des détails de la représentation tandis qu’une seconde est dirigée vers le public. Les personnes qui travaillent dans les ateliers isolés (techniciens ou figurants) suivent le chef d’orchestre sur l’écran de télévision. » [31]
Bablet Denis, Josef Svoboda, Paris : La Cité, 1970 ; réédition revue et complétée : L’Âge d’Homme, coll. th XX, Lausanne : 2004, p. 135.
Ce dispositif permet à Svoboda de capter et de diffuser l’image en direct, notamment une manifestation contre le spectacle qui a lieu en même temps à l’extérieur du théâtre, ou encore le public, dont l’image est manipulée. Ici, l’utilisation de l’image électronique en direct sert un propos politique en même temps qu’elle dénonce le fonctionnement de la télévision.
Le scénographe et metteur en scène qui a pris toute la mesure de l’image électronique est sans aucun doute Jacques Polieri. À la recherche de nouveaux moyens d’expression, celui-ci a mené à partir des années 1950 une réflexion sur l’usage des technologies de pointes au théâtre. Pour lui, la caractéristique majeure de l’image électronique est qu’elle est transportable instantanément à distance :
L’image électronique « couvre en effet un domaine beaucoup plus vaste [que la télévision], c’est une nouvelle façon d’envisager le concept d’une action vue par un ou plusieurs observateurs, elle réalise le vieux rêve de l’homme : « Voir à distance » ; elle ne serait donc qu’une nouvelle technique de Télécommunication comme l’ont été avant elle le téléphone, puis la radio. Non, elle est plus : il s’agit là d’un nouveau type de relais entre la scène et l’œil du spectateur ; en ce sens elle va peut-être conduire à une nouvelle forme de scénographie, à un nouveau genre de spectacle, tout en étant capable de diffuser à distance les formes traditionnelles du spectacle, de manière plus ou moins parfaite. » [32]
Polieri Jacques, Scénographie Sémiographie, Paris : Denoël, 1971, p. 109.
Poursuivant cette réflexion, au-delà de la simple retransmission de représentations à distance, Polieri définit en 1963 une « scénographie de l’image électronique » [33]
Polieri Jacques et Oudin Michel, « Scénographie de l’image électronique », in Polieri Jacques, Scénographie nouvelle, Architecture d'Aujourd’hui, 1963 ; réédition revue, corrigée et augmentée sous le titre Scénographie. Théâtre, cinéma, télévision, Paris : Jean-Michel Place, 1990, p. 129.
dont les principes sont : projections électroniques sur des écrans géants, instantanéité, possibilité de voir à distance, placement du spectateur à la place du réalisateur en régie en lui donnant plusieurs vues simultanées, modification de la forme des écrans.
Polieri applique ces réflexions dans ses spectacles (Gamme de 7, 1964, où il utilise pour la première fois des caméras vidéo en direct et un eidophore qui permet de projeter une image électronique de grande taille) ainsi que dans différents « jeux de communication », dont le premier est celui réalisé en 1972 pour la Rue des loisirs des Jeux Olympiques de Munich. Cette série se poursuivra avec les réalisations pour des salons professionnels, le Cisco à Paris en 1977 et pour le Vidcom en 1983. D’après Polieri, ces jeux comprennent quatre grands principes :
« la transmission simultanée à distance d’images vidéos sur des écrans géants ; la mise en communication réciproque immédiate et en temps réel des différents point desservis (lieux scéniques spécialement aménagés) ; l’exploitation de banques de données d’images (information télé-textes ou graphiques) et de programmes vidéo spécifiques (jeux, graphiques, images synthétiques générées par ordinateurs) ; la promotion et la manipulation de ces images vidéo télévisée en direct ou en différé. » [34]
Polieri Jacques, Jeu(x) de communication, Paris : Denoël-Gonthier, 1981, p. 145.
Pour la Rue des loisirs, « dont la devise était jeu, jeux, jouer, participer » [35]
Polieri Jacques, Jeu(x) de communication, Paris : Denoël-Gonthier, 1981, p. 129.
, Polieri dispose des écrans géants au début, au milieu et à la fin d’une rue. Entre ces trois pôles principaux sont répartis une soixantaine de moniteurs couleurs. Les images électroniques projetées sur ces écrans permettent au public de dialoguer ou de participer à divers jeux, animés par Polieri en personne. Le public situé au début de la rue voit son image, captée et diffusée en direct, projetée sur un écran, ainsi que celle des publics situés au milieu ou à la fin de la rue. La mise en réseau des différentes sources, ainsi que le recours au direct, permet aux spectateurs de communiquer avec d’autres spectateurs à distance, via des images et du son. Ce système détruit le mode de communication pyramidale de la télévision et fait apparaître une nouvelle figure, celle d’un meneur du jeu, à la fois modérateur et initiateur des actions à distance.
L’image électronique permet à la danse d’explorer la téléprésence. En effet, les techniques antérieures de présence à distance (le téléphone et la radio) favorisant la voix, c’est le théâtre qui s’est essentiellement emparé du phénomène et a cherché à en explorer les potentialités dramaturgiques et scénographiques.
Dans les projets de Kit Galloway et Sherrie Rabinowitz, artistes américains précurseurs de l’esthétique de la communication, l’image électronique devient le lieu de la rencontre. Soulignant leur volonté de s’écarter des espaces de représentation traditionnels [36]
Kit Galloway à Clarisse Bardiot, mail du 27 juin 2003.
, leur propos est d’utiliser les arts du spectacle pour explorer les possibilités et les limites des technologies de télécommunication. Il ne s’agit plus tant de relier des spectateurs que de faire partager un même espace de jeu à des acteurs ou des danseurs présents dans différents lieux, de créer un « espace image distribué » [37]
Kit Galloway à Clarisse Bardiot, mail du 27 juin 2003.
. En 1977, dans Satellite Arts Project , deux danseurs séparés par quatre mille kilomètres sont réunis en « temps réel » dans une image électronique, grâce à une liaison satellite et le concours de la NASA (il y avait en fait des délais entre émission et réception, ce qui posait des problèmes de synchronisation pour les danseurs, mais la communication par satellite était le seul moyen technologique disponible à l’époque). Chaque danseur est filmé, et les deux sources sont mélangées afin de créer une seule image, véritable lieu du spectacle.
7. LA COMBINATOIRE
En 1959, les premiers vers libres sont produits par un ordinateur, programmé par les allemands Max Bense, linguiste, et Théo Lutz, ingénieur. De 1959 au début des années 1980, la combinatoire domine l’informatique. Elle donnera par la suite naissance aux bases de données, à la générativité et à l’hypertexte. Pourtant, « l’art combinatoire », titre d’un ouvrage de Leibniz paru en 1666 [38]
Leibniz, Dissertatio De Arte Combinatoria, 1666.
, ne date pas de l’ère informatique. Il faut au contraire renverser la perspective : d’après François Rastier,
« la naissance de l’informatique elle-même semble liée à des réflexions sur les théories combinatoires du langage qui se développent à partir du XVIIe siècle. En d’autres termes, ce n’est pas l’informatique qui a permis la littérature combinatoire, mais les recherches en littérature combinatoire qui ont accompagné les premières réflexions sur la puissance générative des langages formels. » [39]
Rastier François, « Ecritures démiurgiques », in Ec/ARTS, n°3, 4è semestre 2002, p. 83.
7.1 Langage et combinatoire
Au XVIIe siècle, à la même époque que l’ouvrage de Leibniz, Molière, dans Le Bourgeois Gentilhomme, tourne en dérision les procédés de la littérature combinatoire qui font rage dans la poésie baroque :
« Monsieur Jourdain. – Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais tournées à la mode, bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.
Maître de cérémonie. – On les peut mettre premièrement comme vous avez dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour.
Monsieur Jourdain. – Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ? »[40]
Molière, Le Bourgeois gentilhomme, 1670, in Œuvres complètes, T. 4, Paris : Garnier-Flammarion, 1979, Acte II, scène 4, pp. 88-89.
Cette scène entre Monsieur Jourdain et le Maître de Cérémonie est la trace la plus ancienne que nous ayons trouvée de l’usage de la combinatoire dans un texte de théâtre. Ce procédé littéraire a surtout été exploré en poésie puis dans le roman, que ce soit avant ou après l’invention de l’ordinateur, et l’on trouve en proportion peu d’exemples dramatiques. Au delà de l’anecdote, Molière pose néanmoins une question fondamentale : de toutes les combinaisons, laquelle retenir ? Ce qui revient à dire : quels sont la place et le rôle de l’auteur ? En effet, l’opération machinique consiste à explorer toutes les combinaisons à partir d’un groupe de mots. D’une part, le Maître de Cérémonie ne garde que les combinaisons qui ont un sens, c’est-à-dire les combinaisons dans lesquelles la syntaxe est sauvegardée peu ou prou. Il ne propose pas de phrase telle que « d’yeux belle vos mourir marquise font me beaux amour » qui est pourtant une combinaison possible. D’autre part, Monsieur Jourdain demande au Maître de Cérémonie d’opérer un second choix : celui de la meilleure solution. Ici le rôle de l’auteur n’est plus d’écrire le texte, mais de faire un choix parmi un éventail de solutions produites « machiniquement ».
La pratique du collage qui apparaît d’abord dans les arts plastiques vers 1910 pour ensuite s’étendre à toutes les pratiques artistiques, et notamment à la littérature, opère un déplacement vers l’aléatoire et la combinaison d’éléments hétérogènes. Tout se passe comme si le réel était une immense base de données dans laquelle les peintres, les écrivains, les sculpteurs, etc. venaient puiser. Bien qu’il ne soit pas encore question d’informatique, le collage en littérature ouvre sur des pratiques combinatoires favorisant des jeux de langage. En danse, une esthétique du fragment ainsi qu’un travail de décomposition/recomposition de la figure humaine s’impose dans les pièces chorégraphiques du Bauhaus et des futuristes. Par ailleurs, une esthétique de la variation et de la métamorphose qui structure/déstructure le langage en en faisant jouer les rouages jusqu’à la dislocation peut être considérée comme une pratique combinatoire implicite. Jeux et variations sont les ressorts dramatiques des pièces de nombreux auteurs de théâtre tels que Marinetti, Tzara, Gertrud Stein, Beckett, Tardieu… Pour Abraham Moles, Tardieu, auteur notamment de la pièce Un Mot pour un autre, est « le premier tenant d’une poésie permutationnelle qui n’ose pas encore dire son nom. » [41]
Moles Abraham, Art et ordinateur, Paris : Casterman, 1971, p. 114.
Ces stratégies sont explorées systématiquement, et cette fois-ci explicitement, en référence aux procédures combinatoires de l’informatique, par les membres de l’Oulipo. Ce groupe est créé en 1960 en France par un ingénieur, François le Lyonnais, et un écrivain, Raymond Queneau. Le théâtre et la danse sont le parent pauvre des discussions, et seules quelques rares propositions sont évoquées.
Dans l’entourage de l’Oulipo et sous l’impulsion des réflexions naissantes autour de littérature et informatique, Primo Lévi publie en 1966 une pièce en un acte intitulée Le Versificateur. Cette pièce a pour sujet l’achat par un poète d’une machine, le « versificateur » (joué par un comédien), qui permet de composer des poèmes automatiquement en fonction du sujet, du style, de l’époque et de la forme métrique. Si cette pièce n’a pas été écrite par un ordinateur, elle se présente comme telle :
« Le poète, au public : Je suis en possession du Versificateur depuis maintenant deux ans. Je ne peux pas dire que je l’ai déjà amorti, mais il m’est devenu indispensable. Il a fait montre d’aptitudes multiples : non seulement il me soulage d’une bonne partie de mon travail, mais il tient aussi la comptabilité et règle les paiements, m’avise des échéances et fait même mon courrier : je lui ai appris en effet à composer en prose, et il s’en tire tout à fait bien. Le texte que vous venez d’écouter, par exemple, est son œuvre. » [42]
Lévi Pierre, Le Versificateur, in Histoires naturelles, Paris : Gallimard, 1994 (publication originale en italien : 1966), p.51.
En 1967, au Canada, un metteur en scène, Pierre Moretti, et le créateur d’un générateur de phrase, Jean Baudot, alors directeur du Centre de Calcul de l’Université de Montréal, sont à l’origine de la première pièce de théâtre écrite par un ordinateur. Jean Baudot, avec son logiciel PHRASE, avait créé l’un des tous premiers recueils de vers libres rédigés par ordinateur : La Machine à écrire[43]
Baudot, Jean, La Machine à écrire, Montréal : Les Éditions du jour, 1964.
. À la demande de Pierre Moretti, Jean Baudot Ö crée une nouvelle version de son logiciel, appelé REPHRASE, afin de générer le texte d’une pièce de théâtre, Équation pour un homme actuel. La première a lieu dans le cadre du Festival des Jeunes Compagnies du Québec lors de l’Exposition Universelle de Montréal en 1967 (exposition à laquelle participent également Jacques Polieri et Josef Svoboda). Cette pièce est reprise en 1968 pour le Festival Mondial de Théâtre de Nancy.
Pierre Moretti décrit ainsi le procédé d’écriture de la pièce :
« Ce texte a été réalisé à l’aide de matériaux fournis par l’ordinateur électronique CDC-34000, programmé par monsieur Jean A. Baudot du Centre de Calcul de l’Université de Montréal. Il s’agit d’un montage de phrases composées par l’ordinateur à partir d’un vocabulaire d’environ 8000 mots compilés en fonction des sujets que je désirais aborder. Les meilleurs phrases produites par la machine ont été choisies, remaniées et ordonnées pour aboutir à un texte cohérent et structuré, qui tire son efficacité d’une accumulation de suggestions d’images inattendues. » [44]
Moretti Pierre, « Notes sur Équation pour un homme actuel », in Théâtre et Université, revue trimestrielle du centre universitaire international de formation et de recherche dramatiques de Nancy et du festival mondial du théâtre universitaire, n°13, mars-avril 1968, p. 61.
7.2 Situations dramatiques, notation chorégraphique et combinatoire
Dès le début du XXe siècle, la combinatoire est sollicitée pour l’analyse et la création de situations dramatiques. L’objectif est le suivant : rechercher des modèles qui seraient communs à plusieurs pièces de théâtre, voire un modèle global qui prendrait en compte toutes leurs composantes, et offrir ainsi aux auteurs de nouveaux matériaux d’écriture. Autrement dit, trouver la règle du jeu unique des pièces de théâtre passées, présentes et futures.
L’un des premiers à se lancer dans cette aventure ambitieuse est Georges Polti, auteur en 1912 de 36 Situations dramatiques. Réduisant la multiplicité des rapports entre les personnages à des situations fondamentales, l’auteur en dénombre 36. Son ambition n’est pourtant pas de proposer une classification des œuvres existantes mais d’offrir aux auteurs une typologie qui, en en combinant les différents éléments, permette de créer des actions théâtrales inédites. En se référant explicitement à l’art combinatoire, Polti part du principe que seule une infime partie de la combinaison des 36 éléments a été exploitée, les mêmes schémas étant sans cesse réutilisés, jusqu’à l’usure :
« Aussi, dès la première édition de ce petit livre, ai-je pu offrir (sans ironie aucune, très sérieusement) aux auteurs dramatiques ainsi qu’à MM. les directeurs de théâtre Dix Mille scénarios – totalement différents de ceux qui avaient été mis à la rampe, plus ou moins de fois, dans les cinquante dernières années. » [45]
Polti Georges, Les 36 Situations dramatiques, Paris : Mercure de France, 1912-1924 (réédition révisée et augmentée en 1980 aux Éditions d’Aujourd’hui), p. 206.
En 1950, dans son ouvrage Les Deux Cent Mille Situations Dramatiques, Etienne Souriau emboîte le pas à Georges Polti, tout en changeant d’approche. Il ne s’agit plus d’identifier un catalogue de situations dramatiques, mais d’en trouver les composantes principales, à savoir six fonctions dramaturgiques et six partis pris artistiques. La combinatoire de ces douze éléments permet d’obtenir un peu plus de deux cent mille situations dramatiques, très exactement 210 141. Car il s’agit bien de combinatoire, terme auquel Etienne Souriau consacre un article dans son Vocabulaire d’esthétique[46]
Souriau Etienne, Vocabulaire d’esthétique, Paris : PUF, 1990, 1990.
. Dans cet article, il précise que « dans l’art dramatique, l’art combinatoire intervient pour établir les différentes situations dramatiques qui peuvent résulter des rencontres de différents personnages posés dans l’univers de l’œuvre, et de la répartition des fonctions dramaturgiques entre ces personnages. » [47]
Souriau Etienne, Vocabulaire d’esthétique, Paris : PUF, 1990, 1990.
Ces recherches ne s’arrêtent pas là : elles se poursuivent dans les années 1960 avec les analyses de Greimas, qui simplifie les fonctions de Souriau dans son schéma actanciel, puis dans celles d’Anne Ubersfeld, héritière de tout ce courant ou encore de Solomon Marcus en Roumanie. Malgré tout, force est de constater que ces propositions ont davantage servi à l’analyse de textes existants qu’à la création de nouvelles pièces de théâtre.
Un équivalent des « situations dramatiques » en danse est la recherche autour de la notation chorégraphique. Plusieurs systèmes de notation reposant sur des signes permettant de décrire le mouvement dansé ont été mis au point. Ainsi, à la fin du XVIIe siècle, le maître à danser Raoul Auger Feuillet élabore son système de notation du mouvement dansé qui donnera naissance à l’ouvrage de référence Chorégraphie ou l'art de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs, publié à Paris en 1700. Aujourd’hui, les deux systèmes de notation les plus répandus sont les notations Laban et Benesh, inventés respectivement en 1928 et 1955. Ces différents systèmes de notation chorégraphique ont pour point commun la constitution d’une grammaire, d’un système de signes décrivant le mouvement dansé. Les signes sont ensuite combinés entre eux afin de décrire des phrases chorégraphiques. La notation a essentiellement servi à la conservation et à la transmission de chorégraphies. Elles a rarement été utilisée en amont du processus de création comme un système d’écriture permettant d’imaginer la chorégraphie avant même que les répétitions avec les danseurs n’aient débuté ; de ce point de vue, la démarche de Myriam Gourfink aujourd’hui est tout à fait remarquable. Ö
7.3 L’arbre à théâtre
Au début des années 1970, les membres de l’Oulipo, qui connaissent les ouvrages de Georges Polti et d’Etienne Souriau, proposent un mode concret d’écriture de pièces de théâtre en référence à des principes informatiques combinatoires : « l’arbre à théâtre ». Ce dernier, présenté comme une « comédie combinatoire » [48]
Fournel Paul (avec la collaboration de Jean-Pierre Enard), « L’Arbre à théâtre », in Oulipo, La Littérature potentielle, Paris : Gallimard, 1973, pp. 281-285.
, préfigure les stratégies hypertextuelles des années 1990. Le principe est d’élaborer une arborescence avec un nombre limité de scènes, pour simplifier un travail conséquent de mémorisation de la part des comédiens. À la fin de chaque scène, les spectateurs doivent choisir la suite, entre deux possibilités. Ce principe est illustré par le résumé d’une pièce en 15 scènes présentant 16 récits possibles et deux fins.
Ces prémices de l’écriture hypertextuelle sont placées sous le signe de la participation du public, participation vécue comme un geste politique dans le contexte des années 1970. Ils vont donner lieu à plusieurs spectacles de théâtre et de danse. Josef Svoboda, Nicolas Schöffer, Alan Ayckbourn ou encore Georges Perec reprennent dans certains de leurs spectacles le principe de « l’arbre à théâtre », sans qu’une filiation directe entre l’Oulipo et ces artistes soit nécessairement établie :
Pour un spectacle de Raduz Cincera présenté à l’Exposition Universelle de 1967 à Montréal, Svoboda met au point le Kinoautomat : les spectateurs, grâce à un appareil à voter oui-non intégré dans les sièges, interviennent sur le déroulement du récit. Les commentaires d’un acteur/présentateur pendant la projection cinématographique et entre les séquences leur permettent de choisir la suite du film.
En 1973, la même idée est explorée par Nicolas Schöffer dans un « opéra luminodynamique cybernétique » : KYLDEX 1 (pour Kybernetische Luminodynamische Experiment 1), programmé à l’Opéra de Hambourg. Les sculptures autonomes, les projections lumineuses et les images sont de Nicolas Schöffer, la chorégraphie de Alwin Nikolaïs et la musique électroacoustique de Pierre Henry. Chaque spectateur, à l’aide de cartons de couleurs et de formes diverses, peut influer sur le déroulement du spectacle. Après chaque séquence, il peut demander à ce qu’elle soit répétée exactement, répétée au ralenti ou en accéléré, obtenir des explications ou encore arrêter le spectacle. Sur scène, cinq personnes évaluent le nombre de voix, la majorité emportant la décision finale. Pour Schöffer, initiateur de ce spectacle au succès retentissant, « le message artistique agira directement à tous les niveaux de perception du public puisque celui-ci, au lieu de subir passivement un déroulement audiovisuel figé dans une programmation immuable, participera activement à son élaboration. Ce faisant, il se sentira concerné, […], le pouvoir de décision étant conféré à ceux qui sont le plus directement intéressés, c’est-à-dire aux spectateurs. Ainsi ce spectacle marquera une nouvelle étape vers la communication et la socialisation de l’art. »[49]
Cit. in Nicolas Schöffer, Catalogue d’exposition, Paris : Les Presses du réel, 2004, p. 213.
Nicolas Schöffer, Kyldex 1 (1973)
En 1984, l’auteur anglais Alan Ayckbourn, dans Intimate Exchanges, A Play (A Related Series of Plays), présente « une série de huit pièces pour deux acteurs seulement “ imbriquées ” (“ related ”), écrites à l'origine par paire, et susceptibles d'être jouées en imbriquant et en alternant les scènes de chacune. Les deux volumes de l'édition originale, imprimée en 1985, de ces pièces aux éditions Samuel French à Londres, comportent deux “ graphes ” qui en décrivent l'“ arbre ” ou encore l'“ arborescence ”. […] On arrive à un total de 16 versions différentes en 31 scènes » [50]
. Le film d’Alain Resnais, Smoking/ No Smoking, présente deux versions possibles de cette pièce.
7.4 Représentation et combinatoire
Pendant longtemps, la combinatoire s’applique au texte et non à la mise en scène ou à la scénographie. Si depuis le début du XXè siècle la mise en scène et la chorégraphie peuvent se définir comme composition, comme combinaison simultanée ou successive de divers éléments (texte, acteurs, danseurs, mouvements, costumes, accessoires, lumières, sons, espace, temps…), l’exploration combinatoire de ces derniers ne fait l’objet que de rares expériences explicites. Pourtant, dès le début du XXe siècle, Kandinsky se réfère explicitement à la combinatoire pour l’avènement du « ballet nouveau » qu’il appelle de ses vœux :
« Jamais apparemment on n’a encore pris comme élément le mouvement de l’homme en tant que tel, avec toute la force qui est celée en lui d’action intérieure sur l’âme. La signification abstraite du mouvement, l’exclusion de sa conformité matérielle au but, l’utilisation de sa conformité spirituelle au but dans les combinaisons infinies de toutes les parties du corps de celui qui danse, séparément de la musique et ensemble avec la musique, dans la série infinie des événements parallèles, des oppositions et des combinaisons qui se trouvent entre eux, tout cela attend toujours le créateur d’un ballet nouveau. » [51]
Kandinsky Vassili, « De la composition scénique » (vers 1911-1918) », in Du théâtre, Paris : Adam Biro / société Kandisky, 1998, p. 176.
À un niveau implicite, l’exploration de la combinatoire repose avant tout sur une esthétique de la variation :
Il s’agit par exemple d’explorer toutes les possibilités de disposition des éléments scénographiques au cours d’un spectacle. Josef Svoboda en fait un principe, réalisant de véritables partitions scéniques qui reposent sur la combinaison d’éléments restreints. La recherche d’un espace en mouvement le conduit à concevoir des scénographies mobiles. C’est dans l’exploration des combinaisons des différents éléments mobiles de la scénographie, et dans l’enchaînement de ces combinaisons, qui sont autant de variations sur un même thème, qu’il crée cette scène fluide qui caractérise ses projets. Cette dimension de l’œuvre de Svoboda apparaît de façon flagrante dans les dessins qui présentent l’évolution de la scénographie au cours du spectacle.
En 1965, la chorégraphe américaine Anna Halprin crée en collaboration avec le compositeur Morton Subotnick Parades and Changes qui repose sur une composition modulaire. Dans cette chorégraphie qui a défrayé la chronique car les danseurs étaient nus, chaque intervenant (qu’il soit musicien, danseur, éclairagiste ou sculpteur) avait une série de « blocs », c’est-à-dire une série d’instructions plus ou moins précises à accomplir. À chaque séquence chorégraphique, chacun peut choisir son propre « bloc », si bien que chaque représentation consiste en la présentation de solutions combinatoires qui peuvent varier le jour suivant.
D’après Morton Subotnick, « il n’y a jamais eu de son/partition pour la danse, cela évoluait de représentation en représentation. C’était généralement vrai aussi à propos de la danse. Mais on ne travaillait ni au hasard ni avec une forme établie. On explorait des choix, dans les limites d’un environnement esthétique. Pour Parades and Changes, j’ai élaboré une technique de création musicale qui consistait en une série de morceaux pouvant s’imbriquer que je nommais ‘cellules’ ou ‘blocs’. Chaque section de danse contenait un ensemble d’instructions de tempo qui disait au danseur, au créateur lumière, au créateur son [moi dans ce cas] non seulement ce qu’il fallait faire, mais, d’une manière limitée, quelle approche adopter. Le déroulement de la représentation pouvait être choisi pour chaque salle, et même pour chaque soirée dans chaque salle. Et, si je me souviens bien, il y avait des choix possibles pour chaque cellule ou des multiples de cellules pour chaque danse. Ceci signifiait que l’on devait inventer de nouvelles manières de passer d’un segment de danse à un autre pour chaque représentation. » [52]
Subotnick Morton, « Je me souviens de Parades & Changes », in Anna Halprin, Parades & Changes / intensive care, programme de salle, Festival d’Automne et Centre Pompidou, Paris, 2004.
Anna Halprin, Parades and Changes
L’un des créateurs les plus importants pour l’exploration de la combinatoire dans les arts de la scène est le chorégraphe américain Merce Cunningham. Dès 1951, il jette des pièces de monnaie pour tirer au sort l’ordre des séquences de Sixteen Dances for Soloist and Company of Three. Lorsqu’il rencontre John Cage en 1938, un dialogue fécond se noue jusqu’à la mort de ce dernier en 1992. Le compositeur découvre au début des années 1950 le YiJing, le Livre des mutations chinois, qui permet de prédire l’avenir à partir de combinaisons de diagrammes tirés aléatoirement. Cunningham en applique immédiatement les principes à la danse : les différents éléments et l’organisation de la chorégraphie (parties du corps en mouvement, durée, espace, nombre de danseurs, ordre d’apparition…) sont tirés au sort et assemblés, parfois au dernier moment, juste avant la représentation, comme c’est le cas dans les Events (1964). Danse et musique sont composés à part, et juxtaposés lors de la première. Seule une durée commune est définie. L’intervention du hasard permet de se détacher des habitudes motrices pour inventer d’autres mouvements, de se libérer de toute intention narrative, de se dépouiller de tout affect. La pensée de Cunningham, et en particulier ses expérimentations sur l’aléatoire et la combinatoire, lesquelles vont trouver par la suite des prolongements avec l’utilisation des ordinateurs Ö, sont essentielles pour la danse contemporaine.
Au théâtre, outre Polieri Ö, l’Oulipo s’est intéressé à l’exploration de la combinatoire dans le cadre de la représentation théâtrale. Dans le « théâtre booléen » [53]
Le Lionnais François, « Le Théâtre booléen », in Oulipo, La Littérature potentielle (Créations Re-créations Récréations), Paris : Gallimard, 1973, pp. 267-268.
, François Le Lionnais propose de jouer deux pièces simultanément sur une même scène, ou bien de jouer deux pièces simultanément sur deux plateaux, A et C, un troisième plateau, B, au milieu de A et C, permettant à certains moments aux personnages des deux pièces de se rencontrer. Tout repose donc sur le choix des textes, leur combinaison engendrant une nouvelle pièce de théâtre. Ce type de projet trouve des prolongements dans la création en 1991 de l’Outrapo, OUvroir de TRAgecomédie Potentielle (sic). Ses membres sont Stanley Chapman, Milie von Bariter, Cosima Schmetterling, Jean-Pierre Poisson, Anne Feillet, Mysta L. Chenapan, Nita Le Nelfe, Félix Pruvost et Tom Stoppard. Leur projet est de rechercher « les potentialités passées, présentes ou futures, les contraintes nouvelles ou préexistantes, de la représentation théâtrale. » [54]
Les membres de l’Outrapo, en particulier Milie von Bariter, s’intéressent surtout au jeu de l’acteur et à la « mathématisation d’un procédé scénique » [55]
Milie von Bariter, « Tentatives de mise en fonction d’un procédé scénique », in À La Trappe (Cymbalum Pataphysicum), 1996, pp. 14-16.
, par exemple le comique de répétition. Certains procédés sont directement empruntés aux expériences précédentes de l’Oulipo et adaptés au contexte théâtral : par exemple, la « contrainte lipocinétique » [56]
Milie von Bariter, « La Lipocinésie », in À La Trappe, (Cymbalum Pataphysicum), 1996, pp. 17-18.
est une adaptation du lipogramme sur lequel repose La Disparition de Perec : au lieu de supprimer une lettre (la lettre E dans le roman de Perec), il s’agit ici de supprimer une posture (la station debout), un mouvement (regarder un partenaire), un déplacement (marcher normalement), etc. Autre exemple : la « méthode S+7 » [57]
Milie von Bariter, « P+7 », in À La Trappe, (Cymbalum Pataphysicum), 1996, pp. 36-38.
, dont le principe est de remplacer le mot d’un texte par le septième mot qui le suit dans un dictionnaire, devient chez les outrapistes le remplacement d’un personnage par le septième suivant dans la distribution, ce qui permet de réécrire – et réinterpréter – tous les classiques : Bougrelas devient le Père Ubu, Ruy Blas le Comte d’Albe, etc.
Contrairement à la danse, ces premières expériences de combinatoire au théâtre ne renouvellent pas toujours ce dernier en profondeur. Cependant, peu à peu, elles imposent une vision du théâtre considéré comme expérimentation de règles du jeu. Que ces expériences soient implicites ou explicites, elles suscitent des spectacles qui reposent avant tout sur des variations, phénomène qu’Abraham Moles avait déjà signalé dans son Manifeste de l’art permutationnel :
« L’art permutationnel se pose pour but d’épuiser systématiquement tous les possibles sous-jacents à une œuvre, il développe de ce fait chez l’artiste sa conscience des possibles.
L’œuvre est désormais, avant tout, une idée traduite abstraitement dans un groupe de règles et une multitude de réalisations, toutes conformes à ces règles, toutes différentes dans leur matérialité, et toutes participant au même système de pensée.
C’est dans la richesse des variations que l’artiste place désormais son imagination créatrice, plus que dans une adéquation à une quelconque réalité dont la sensibilité moderne s’affranchit de mieux en mieux. » [58]
Moles Abraham, « Manifeste de l’art permutationnel », in Ring des Arts, n°4, 1965, p.10.
Références :
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Salter Chris, Entangled. Technology and the Transformation of Performance, Cambridge (MA) : MIT Press, 2010.
En français, le site Internet Pionniers et précurseurs regroupe de nombreuses informations sur des artistes et mouvements qui ont initiés les digital performances.
1 L’une des références les plus importantes à cet égard est l’ouvrage suivant : Packer Randall et Jordan Ken (textes réunis et présentés par), Multimedia. From Wagner to Virtual Reality, Londres : W.W. Norton & Company Ltd, 2001.
2 Salter Chris, Entangled. Technology and the Transformation of Performance, Cambridge (MA) : MIT Press, 2010.
3 Dixon Steve et Smith Barry, Digital Performance: A History of New Media in Theater, Dance, Performance Art, and Installation, Cambridge (MA) : MIT Press, 2007, p. 41. Traduction de l’auteur.
4 Beaune Jean-Claude, L’automate et ses mobiles, Paris : Flammarion, 1980, p. 7.
5 Von Neumann John, Théorie générale et logique des automates, traduit par Jean-Paul Auffrand, Seyssel : Champ Vallon (coll. Milieux), 1996.
6 Didier Plassard souligne que le vocabulaire du mécanique indique qu’il est question d’un automate et non d’une marionnette. Plassard Didier, L'Acteur en effigie : figures de l'homme artificiel dans le théâtre des avant-gardes historiques. Allemagne, France, Italie, Lausanne : L'Âge d'Homme (coll. Th 20, série études), 1992, pp. 26-27.
7 Maeterlinck Maurice, « Menus Propos, le théâtre », 1890, in Œuvres 1, Le Réveil de l'âme. Poésie et essais, choix de textes établi et commenté par Paul Gorceix, Paris : Complexe, 1999, p. 462. Ce texte est également connu sous le titre Un théâtre d’androïdes.
8 Craig Edward Gordon, De L’Art du théâtre, 1908, Belval : Circé, 2004, pp. 92-94.
9 Craig Edward Gordon, De L’Art du théâtre, 1908, Belval : Circé, 2004, p. 85.
10 Extrait d’une conférence d’Oskar Schlemmer (16 mars 1927) publiée dans Le journal du Bauhaus, n°3, 1927. Cit. in Polieri Jacques, Scénographie nouvelle, Architecture d'Aujourd’hui, 1963 ; réédition revue, corrigée et augmentée sous le titre Scénographie. Théâtre, cinéma, télévision, Paris : Jean-Michel Place, 1990, p. 137.
11 Sur ces projets, et sur le théâtre abstrait, cf. Michaud Éric « "Des Hommes sans égoïsme", marionnettes au Bauhaus », in Puck, n°1, 1988, pp. 60-67 et Bablet Denis, Les Révolutions scéniques du XXème siècle, Paris : Société internationale d’art, 1975.
12 Lesák Barbara, « Kiesler et le théâtre », in Frederick Kiesler, artiste-architecte, Paris : Centre Pompidou (coll. Monographie), 1996, p. 28.
13 Texte publié pour la première fois en 1925. Traduit par Eric Michaud in Théâtre au Bauhaus (1919-1929), Lausanne : La cité - L'Âge d'Homme (coll. Théâtre Années 20, Série Études), 1978.
14 Moholy-Nagy Laslo, Vision in Motion, Chicago : Institute of Design, 1947.
15 Le projet « Space Stage » est présenté lors de l’exposition internationale sur les nouvelles techniques théâtrales organisée par Kiesler à Vienne en 1924, et dont il a réalisé le catalogue : Kiesler Frederick, Internationale Ausstellung neuer Theatertechnik, Catalogue d’exposition, Vienne : 1924.
16 Cit. in Frederick Kiesler, artiste-architecte, Paris : Centre Pompidou (coll. Monographie), 1996, pp. 35-36.
17 Picon-Vallin Béatrice, « Hybridation spatiale, registres de présence », in Les Écrans sur la scène, Lausanne : L'Âge d'Homme (coll. Th XX), 1998, pp. 14-15.
18 Grau Oliver, Virtual Art. From Illusion to Immersion, Cambridge (MA) : MIT Press, 2003, p. 5. Traduction de l’auteur.
19 Grau Oliver, Virtual Art. From Illusion to Immersion, Cambridge (MA) : MIT Press, 2003, p. 13. Traduction de l’auteur.
20 Souriau Etienne, « Le Cube et la sphère », in Architecture et dramaturgie (communications présentées par André Villiers), 1948, Paris : Éditions d'Aujourd'hui (coll. Les Introuvables), 1980, pp. 63-83.
21 Souriau Etienne, « Le Cube et la sphère » (1948), in Architecture et dramaturgie, Paris : Éditions d'Aujourd'hui (coll. Les Introuvables), 1980, p. 66.
22 Souriau Etienne, « Le Cube et la sphère » (1948), in Architecture et dramaturgie, Paris : Éditions d'Aujourd'hui (coll. Les Introuvables), 1980, p. 68.
23 Freydefont Marcel, « Les contours d’un théâtre immersif (1990-2010) », Agôn [En ligne], Déborder les frontières, n°3 : Utopies de la scène, scènes de l'utopie, Dossiers, mis à jour le : 10/01/2011, URL : http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=1559.
24 René Allio, « Le théâtre comme instrument », in Le lieu théâtral dans la société moderne, Paris : CNRS, 1961 ; cit. in Freydefont Marcel, « Les contours d’un théâtre immersif (1990-2010) », Agôn [En ligne], Déborder les frontières, n°3 : Utopies de la scène, scènes de l'utopie, Dossiers, mis à jour le : 10/01/2011, URL : http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=1559.
25 Victor HUGO, Choses vues. Souvenirs, journaux, cahiers. 1849-1885, édition présentée, établie et annotée par Hubert Juin, Paris : Gallimard, 1974.
26 Nous utilisons la traduction publiée in Annick Bureaud et Nathalie Magnan (textes réunis et présentés par), Connexions. Art, réseaux, médias, Paris : École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2002, pp. 270-273.
27 Giovanni Lista, « Art et technologie », in Ligeia, n° 45-48, juillet-décembre 2003, p. 6.
28 Giovanni Lista, Futurisme. Manifestes, documents, proclamations, Lausanne : L’Âge d’Homme, 1973, p. 285.
29 Giovanni Lista, Théâtre futuriste, T. II, Lausanne : L’Âge d’Homme, 1976, p. 212.
30 Brecht Bertolt, « Théorie de la radio » (1927-1932), in Ecrits sur la littérature et l’art 1, Paris : L’Arche, 1970, p. 137.
31 Bablet Denis, Josef Svoboda, Paris : La Cité, 1970 ; réédition revue et complétée : L’Âge d’Homme, coll. th XX, Lausanne : 2004, p. 135.
32 Polieri Jacques, Scénographie Sémiographie, Paris : Denoël, 1971, p. 109.
33 Polieri Jacques et Oudin Michel, « Scénographie de l’image électronique », in Polieri Jacques, Scénographie nouvelle, Architecture d'Aujourd’hui, 1963 ; réédition revue, corrigée et augmentée sous le titre Scénographie. Théâtre, cinéma, télévision, Paris : Jean-Michel Place, 1990, p. 129.
34 Polieri Jacques, Jeu(x) de communication, Paris : Denoël-Gonthier, 1981, p. 145.
35 Polieri Jacques, Jeu(x) de communication, Paris : Denoël-Gonthier, 1981, p. 129.
36 Kit Galloway à Clarisse Bardiot, mail du 27 juin 2003.
37 Kit Galloway à Clarisse Bardiot, mail du 27 juin 2003.
38 Leibniz, Dissertatio De Arte Combinatoria, 1666.
39 Rastier François, « Ecritures démiurgiques », in Ec/ARTS, n°3, 4è semestre 2002, p. 83.
40 Molière, Le Bourgeois gentilhomme, 1670, in Œuvres complètes, T. 4, Paris : Garnier-Flammarion, 1979, Acte II, scène 4, pp. 88-89.
41 Moles Abraham, Art et ordinateur, Paris : Casterman, 1971, p. 114.
42 Lévi Pierre, Le Versificateur, in Histoires naturelles, Paris : Gallimard, 1994 (publication originale en italien : 1966), p.51.
43 Baudot, Jean, La Machine à écrire, Montréal : Les Éditions du jour, 1964.
44 Moretti Pierre, « Notes sur Équation pour un homme actuel », in Théâtre et Université, revue trimestrielle du centre universitaire international de formation et de recherche dramatiques de Nancy et du festival mondial du théâtre universitaire, n°13, mars-avril 1968, p. 61.
45 Polti Georges, Les 36 Situations dramatiques, Paris : Mercure de France, 1912-1924 (réédition révisée et augmentée en 1980 aux Éditions d’Aujourd’hui), p. 206.
46 Souriau Etienne, Vocabulaire d’esthétique, Paris : PUF, 1990, 1990.
47 Souriau Etienne, Vocabulaire d’esthétique, Paris : PUF, 1990, 1990.
48 Fournel Paul (avec la collaboration de Jean-Pierre Enard), « L’Arbre à théâtre », in Oulipo, La Littérature potentielle, Paris : Gallimard, 1973, pp. 281-285.
49 Cit. in Nicolas Schöffer, Catalogue d’exposition, Paris : Les Presses du réel, 2004, p. 213.
51 Kandinsky Vassili, « De la composition scénique » (vers 1911-1918) », in Du théâtre, Paris : Adam Biro / société Kandisky, 1998, p. 176.
52 Subotnick Morton, « Je me souviens de Parades & Changes », in Anna Halprin, Parades & Changes / intensive care, programme de salle, Festival d’Automne et Centre Pompidou, Paris, 2004.
53 Le Lionnais François, « Le Théâtre booléen », in Oulipo, La Littérature potentielle (Créations Re-créations Récréations), Paris : Gallimard, 1973, pp. 267-268.